Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Assez.

J'en avais assez.

Mon regard caressa lentement l'horizon de l'océan. Il faisait si noir sans l'astre nocturne. Seul le bruit des vagues venait perturber le silence de cette plage déserte. Personne. J'étais seule devant cet abysse qui m'attirait de plus en plus.

J'étais vide. Une coquille vide sans lui.

Comment s'appelait-il déjà ? Presque trois ans que je n'osais plus prononcer son prénom. Je fis un pas et mon pied s'enfonça tendrement dans le sable.

- Aaron.

Un murmure vite englouti par le ressac. Mon cœur se serra. Une larme vint dessiner la courbe de ma joue pour s'écraser au creux de mon cou. Bientôt, d'autres suivirent, imprégnant mes lèvres d'un goût de tristesse. N'avais-je jamais connu autre chose ? Les souvenirs heureux se dérobaient à moi, comme si mon esprit refusait de se rappeler cette époque. Comme si elle n'avait jamais existé.

Cela faisait mal.

Je retirai mes chaussures puis m'avançai jusqu'à ce que l'océan vienne lécher mes pieds. Le contact était froid, mais je m'en moquais. Je ne voyais que cet abîme qui m'invitait à me perdre dans ses ténèbres. À ne plus rien ressentir. Je ne voulais pas de cette réalité. Celle où il n'était plus là.

Je m'enfonçai alors un peu plus dans ces eaux sombres. N'était-ce pas le juste retour des choses ? Mourir là, ne le méritais-je pas au fond ? Bien sûr que oui. Les notes dans ma tête ne faisaient qu'approuver mon amertume.

Il aurait dû avoir vingt-huit ans aujourd'hui.

Peut-être pouvais-je lui offrir un dernier cadeau d'adieu ? Peut-être pouvait-il m'entendre d'ici ? Un sourire sans joie se dessina sur mon visage. Pourquoi pas après tout ? Il n'y avait personne, non ? Tâche obscure dans la pénombre, qui ferait attention à moi ? Je n'étais pas grand-chose. Plus grand-chose.

Et la douleur si intense.

L'eau m'arrivait maintenant au-dessus du bassin. Mon corps était comme anesthésié tandis que mon cœur à vif pleurait. Je pris une longue inspiration. Cela faisait longtemps que je n'avais plus vraiment chanté. Qu'importe si ma voix n'était plus aussi claire, j'y mettrais toute mon âme. Tout ce qui m'en restait.

Fermant les yeux, je me laissais envahir par la symphonie de l'océan. Je pouvais entendre la tempête au loin.  J'ouvris la bouche. Le son de ma voix s'éleva enfin, jusqu'à se marier parfaitement à la brise et aux vagues.


L'écho du chant se répercuta autour de moi, reflet d'une tendresse perdue depuis une éternité. Les étoiles restèrent silencieuses, indifférentes à la détresse. Pourtant, ma douleur avait l'éclat de leurs étincelles. Comme elles, j'étais morte, avec pour seuls témoins, la terre et le ciel. N'entends-tu pas le cri des flots voulant m'engloutir ? Comment y résister ? Comment ne pas désobéir ? J'aurais tant préféré t'embrasser encore une dernière fois, oublier, un instant, l'absence que tu creuses au fond de moi.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Mike était assis dans le fauteuil au salon, lisant un vieux livre d’histoire sur l’Amérique, avec en fond sonore, une télévision qui tournait on se demandait bien pour qui. Depuis un moment, Cassidan sur lequel son regard déviait à chaque fois qu’il ricanait, semblait avoir une mystérieuse conversation avec, on vous le donne en mille : Thunder.

Pourquoi mystérieuse ? Et bien étant donné qu’il ne savait ni lire, ni écrire, on pouvait se demander ce qui l’amusait tellement dans ces messages qu’il échangeait avec sa belle, au-delà de ce qui semblait le passionner à fixer ainsi, son écran avec à chaque fois ce petit rire qui commençait à agacer Mike. Ok son ami était amoureux, c’était une évidence, mais là Mike n’arrivait même plus à se concentrer sur son livre !

Sans parler du don du vampire pour se vautrer dans le canapé dans une position très loin de celles standards d’assis ou couché. Mike soupira, reprenant la lecture pour la cinquième fois du même paragraphe de son livre qui traitait des diverses populations amérindiennes avant la colonisation du continent par….

Il entendit soudain une musique qui semblait venir d’ailleurs que du post de télévision. Mike n’y prêta pas vraiment attention, mais quand la chanson se fit plus insistante et qu’elle s’accompagna de la vision d’une jeune femme dont il avait fait la rencontre « accidentelle » on va dire, il y avait tout juste une semaine de ça, il abandonna définitivement la lecture du livre.

- Tu as entendu ça ?

Il éteignit la télévision pour être sûr que ça ne venait pas d’elle, mais cette fois ça se confirma, elle était liée à Tony. Ignorant les protestations de Cass qui demandait pourquoi il avait éteint la télévision, Mike se redressa brusquement.

- Il faut que je sorte ! Je crois que… tu te souviens de cette fille dont je t’ai parlé ? Tony… je crois qu’elle a des problèmes.

Il ne perdit pas de temps en explications, pas plus qu’il ne prêta attention aux paroles de Cass. Déjà il avait saisi son blouson, son arme, et les clefs de la voiture, désormais hanté par cette chanson. Il aurait pu lui écrire, puisqu’il avait son mail mais non, la vision qu’il avait eue, avait quelque chose….de profondément triste et inquiétante, comme si…..comme si Tony s’apprêtait à faire une bêtise !

Mike n’écoutant que son instinct et se laissant guider par cette sorte de lien musical et celui que lui seul savait entretenir avec l’esprit de quelqu’un, il mena la voiture un peu plus vite que de raison, devinant que la situation était urgente. Il espérait que c’était prémonitoire, plus que quelque chose qui lui était transmis en temps réel, comme ça arrivait parfois, parce qu’il avait encore quelques kilomètres à avaler.

Il finit par se garer sur un parking public non loin d’une plage, et se mit à courir, aussi vite qu’il le put pour parvenir bientôt au bord de l’océan. Il ne s’arrêta que quelques secondes, repérant très vite la silhouette malgré l’obscurité. Alors il se débarrassa de sa veste et de ses baskets, et se jeta à l’eau sans l’ombre d’une hésitation. En quelque brasses, il atteignit le point où il avait vu la silhouette qui avait désormais disparue sous l’eau.

Il plongea sous les vagues pourtant puissantes, et sondant du regard l’obscurité de l’océan, finit par repérer une ombre mouvante. Il nagea aussitôt sur elle, la saisit à bras le corps et la remonta à la surface, avant de l’entraîner dans une position de sécurité, bras maintenant sa nuque, jusqu’à la rive, où il la souleva hors de l’eau pour la déposer quelques mètres plus loin dans le sable sec.

- Tony ? Tony bon sang qu’est-ce qui vous a pris ?

Il se pencha pour écouter son cœur. Il battait encore, heureusement, puis il écouta son souffle faible, et entreprit de lui faire du bouche à bouche, insufflant de l’air dans ses poumons jusqu’à ce qu’enfin, elle crachât tout l’eau qui s’y était infiltré. Il la soutint, l’aidant à se positionner sur le flanc pour bien expulser l’eau, puis attendit, dégoulinant d’eau et le regard vrillé d’inquiétude.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Emportée par le courant, mon corps n'était plus qu'une poupée de chiffon, s'abîmant enfin dans l'obscurité.  Il n'y avait plus ni haut ni bas. Cela n'avait plus d'importance. Tout comme le manque d'oxygène qui vrilla mon esprit. Bientôt, l'eau s'engouffra violemment dans mes poumons et étouffa mes dernières forces.

Enfin, la musique s'éteignit.


Soudain, l'air se fraya un chemin en moi et je fus prise de convulsions. Complètement étourdie par la douleur, je recrachai aussitôt l'eau qui obstruait mes bronches. Une grimace tordit mes traits tandis que je clignais plusieurs fois des yeux.

Petit à petit, je repris conscience. Ma vision était encore floue, mais je pouvais reconnaître le sable sous mes doigts et l'odeur de l'océan. Je me trouvais sur la plage. À ce constat, une vague de désespoir m'envahit. J'étais toujours en vie.

Pourquoi ? Comment ?

J'ouvris la bouche pour hurler, mais ma respiration déjà erratique m'en empêcha, provoquant une toux incontrôlée. Je me recroquevillai alors sur moi-même, poings et mâchoire serrés. Qu'est-ce qui clochait chez moi ? Pourquoi n'étais-je pas morte ? Je n'avais même plus la force de pleurer. Tout semblait m'échapper, comme si le destin s'acharnait sur moi. Pourtant, je ne demandais qu'une seule chose : que tout cela cesse.

Et alors que je tentais maladroitement de me redresser, je sentis une présence prés de moi. Relevant la tête,  je discernai une silhouette. Carrure imposante. Puis, j'aperçus des boucles rousses, des yeux bleus. Cela me rappelait quelque chose, quelqu'un. Je fouillais dans ma mémoire, mais l'effort fut trop intense.

- Qui ?... demandai-je à bout de souffle.

L'obscurité et ma vue trouble m'empêchaient de saisir ses traits exacts.

Peu importe. Je n'avais pas envie de discuter. Mon regard se tourna vers l'étendue d'eau, mon unique destination. Je devais y retourner. Je forçai alors sur mes jambes, malheureusement mes muscles ne voulurent pas me répondre. J'étais clouée au sol comme un oiseau dont on avait arraché les ailes. L'océan était à quelques mètres et je ne pouvais pas l'atteindre. Frustrée, impuissante, je me tournai vers l'inconnu, sourcils froncés. Et, avec toute l'énergie qui me restait, je le repoussai. Mon geste n'eut aucun effet.

- Pourquoi ? finis-je par sangloter. Il n'y a plus rien pour moi ici, laissez-moi... Je veux que ça s'arrête, que ça s'arrête.

J'enfouis mon visage entre mes mains, tandis que le chagrin me rongeait de l'intérieur. Même la mort me rejetait. J'étais le monstre dont personne ne voulait.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Quand elle ouvrit les yeux, Mike en ressentit un profond soulagement. Elle était vivante ! Il n’était pas arrivé trop tard. Seigneur ! il s’était manqué de peu. La laissant recracher toute l’eau de mer, Mike l’aida ensuite à se tourner, la tenant désormais contre lui. Elle était si pâle ! Il la dévisageait l’air inquiet quand elle posa une question. Ho oui bien sûr, elle ne devait pas trop se souvenir de lui, et vu ce qui venait de se passer, elle était sans doute désorientée.

- Je suis Mike Doughan, je vous ai ramenée chez vous il y a quelques jours, après cet incident avec ces types qui vous ont agressée, lui dit-il doucement.

Et alors qu’il allait ajouter quelques mots pour la rassurer, à sa surprise, elle tenta après avoir fourni quelques efforts pour se redresser de le repousser. Mais Mike résista.

- Doucement Tony, ça va aller, lui dit-il tout bas, avant de l’entendre protester et se mettre à pleurer à son plus grand désarroi.

Les larmes des femmes avaient toujours désarmé l’Highlander, même s’il pouvait alors se montrer très maladroit pour essayer de les consoler. Ce n’était pas faute d’empathie, mais juste parce que voilà, depuis très longtemps, il avait perdu toute confiance en lui à ce niveau, à cause d’une très mauvaise expérience. Et depuis il se montrait d’une timidité excessive ou pouvait se tenir particulièrement sur la défensive.

Mais il se reprit très vite, parce que voilà, Tony avait besoin de soutien. Ce n’était guère le moment de se dérober, sous prétexte qu’il avait peur de faire ou de dire quelque chose de travers. Il commença donc par dégager délicatement les mèches de cheveux collées au visage de Tony, et lui sourit.

- Non…. Il n’est pas question que je vous laisse. Je ne me suis pas complètement trempé, pour vous abandonner maintenant dans le sable.

Il essuya quelques gouttes de son visage, larmes ou eau de mer qui s’étaient mélangées, et la souleva, un bras glissé sous ses genoux, et l’autre derrière son dos.

- Venez, vous allez attraper un refroidissement. Il y a ma voiture pas très loin. On pourra s’y réchauffer tous les deux.

C’est sans effort qu’il la transporta donc jusqu’à la dodge, la déposant très délicatement sur le siège passager.

- Je.. ..je euh je reviens, il faut que je récupère mes affaires.

Il repartit au pas de course, indifférent au vent glacé sur son corps complètement trempé, et revint très vite à la voiture, tendant le blouson à la fille.

- il est sec, tenez.

Puis lui-même se dépêcha de retirer la chemise qu’il portait sous le blouson, ainsi que le tee-shirt et le jean pour se retrouver finalement en boxer. Il sécherait beaucoup plus vite ainsi. Il balança le tout à l’arrière, et s’installa sur le siège, mettant le contact de la voiture en route, et réglant le chauffage à fond.  

Il aurait dû suggérer à Tony d’en faire pareil, mais il n’osa pas. Il ne restait plus qu’à espérer que le blouson de cuir suffirait à la réchauffer un peu en plus du chauffage de la voiture. Les cheveux encore dégoulinant d’eau, il attendit un instant avant de lui demander.

- Est-ce que…. vous voulez m’en parler ?  vous savez, aucun problème n’est insoluble, et si je peux vous aider, je le ferai volontiers, conclut-il doucement.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

L'esprit embrouillé, il me fallut un petit temps avant de reconnaître l'Écossais et son accent. Mais déjà, mes pensées se tournèrent vers l'océan qui m'attendait à quelques mètres. Quelques petits mètres, rien de plus. Et pourtant, impuissante, je ne trouvais pas la force de parcourir cette si courte distance.

Était-ce pour me punir ?

Je me tournai alors vers le vampire et, dans un geste futile, tentai de l'écarter. Telle une statue de marbre, il ne bougea pas d'un pouce. Ne pouvait-il pas me laisser ? J'avais le droit d'abandonner, non ? De ne plus vouloir de cette vie ? Les larmes revinrent inonder mes joues, car plus rien n'allait. Mike avait beau affirmer le contraire, il ne savait pas. S'il avait su, il aurait renoncé à me sortir de l'eau. Je ne méritais rien d'autre que de mourir.

Bientôt, des doigts vinrent doucement écarter les mèches de cheveux plaquées sur mon visage. Je me tendis. Le contact était bien trop tendre. Une brûlure sur ma peau. Je n'en avais pas le droit.

Je plongeai alors mon regard dans le sien comme pour le convaincre qu'il n'y avait rien à sauver. Qu'il pouvait passer son chemin, personne ne le blâmerait. Surtout pas moi. Cependant, il ne sembla pas comprendre, car il me souleva pour m'éloigner un peu plus de l'océan. Mon poing se crispa sur sa chemise.

- Reposez-moi, protestai-je tout bas.

L'Écossais m'ignora jusqu'à me déposer dans sa voiture. Il me délaissa ensuite pour récupérer ses affaires sur la plage. Pendant ce temps, je dégoulinais sur le siège passager, la tête adossée contre la vitre. Je remontai alors mes genoux contre ma poitrine, élevant un mur entre moi et le reste du monde.

Lorsque le vampire revint, il me tendit sa veste qui avait réchappé au bain salé. Après un instant d'hésitation, je m'en emparai pour me couvrir. À rester immobile avec des vêtements trempés, mon corps sembla retrouver la sensation du froid. Je me recroquevillai un peu plus sous le manteau afin de conserver le peu de chaleur qui me restait.

J'entendis alors des bruissements de vêtement qu'on retirait, tandis qu'on allumait le chauffage. Peut-être devais-je retirer mon pull, cela aurait été plus facile pour me réchauffer. Mais je n'en avais pas envie. Que pouvait-il m'arriver ? Mourir de froid ? Ce n'était vraiment pas très grave.

Le silence dans l'habitacle fut brusquement brisé par une question. Mike ne savait pas. Il ne pouvait pas savoir qu'il n'y avait aucune autre solution que celle de me noyer, là, tout près d'une plage où Lui-même était mort.

Je me mordis les lèvres, le regard rivé vers l'océan. J'avais bien conscience que rester muette n'allait pas le convaincre de me laisser. Après tout, mon voisin m'avait dévoilé, dans cette même voiture, faire des rondes dans le quartier du Bronx pour assurer la sécurité des habitants. Cela devait être dans sa nature d'aider. J'hésitai à lui confier ce qui me tourmentait. Ma famille n'avait pas réussi à me faire avouer, comment un presque inconnu aurait pu y parvenir ? Il ne me connaissait pas.

- Vous n'auriez pas dû, je...

Je baissai le visage, à la recherche des bons mots.

- Vous ne pouvez plus rien faire, il est mort sur cette plage, marmonnai-je.

Je ne précisai pas que je faisais référence au rivage qu'il avait pu apercevoir dans mes souvenirs. À cette falaise, où Il s'était écrasé. Le sable avait alors pris une teinte écarlate alors que l'odeur en devenait insupportable.

- Je... Je...

Tremblante, ma bouche n'arrivait pas à confesser mon crime. Les joues humides de larmes, il m'était impossible de le dire.

Je l'avais tué.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Il essayait d’être le plus délicat possible, même si la fille n’était pas en verre, c’était juste parce qu’il était ainsi, incapable de faire le moindre mal à une femme. Toutefois il ne répondit rien à sa requête, refusant de l’abandonner là. Elle avait besoin d’aide, et même si elle refusait de lui dire quoi et pourquoi, il ne la laisserait pas seule.

Il la déposa tout aussi précautionneusement sur le siège passager, avant de se dévêtir pour ne pas rester dans des vêtements trempés, puis s’installa à son tour derrière le volant, lui laissant un temps pour « digérer » ? Pour retrouver un peu ses repères, et s’habituer à sa présence, avant de rompre le silence.

Mike lui proposa de parler, si elle en avait envie, peu importe de quoi. Et il lui offrit bien sûr son aide, à défaut d’être simplement une oreille attentive. Il souhaitait surtout pouvoir lui dire qu’elle n’était pas seule et peu importaient ses problèmes qu’il pourrait peut-être l’aider à trouver une solution, à envisager surtout les choses différemment, et en fin de compte, à retrouver un peu d’espoir. Bien qu’il était certain, Mike n’était pas le plus doué pour ce faire, parler aux femmes, trouver les mots justes et réconfortants, sans commettre de gaffe ou sans paraître trop distant.

De toute façon la situation ne prêtait pas à faire une crise de timidité. Il allait devoir dépasser ses appréhensions en espérant que finalement tout cela pourrait être utile à Tony. Alors il attendit, sans la brusquer et elle finit par parler.

Elle commença par lui reprocher son geste. Mike soupira sans rien répondre. Nul ne l’aurait laissé se noyer sans tenter quelque chose de toute façon. N’est-ce pas ? Avant de déclarer que Mike ne pouvait rien faire,  « qu’il » était mort sur cette plage. Elle essaya encore d’ajouter quelque chose mais sans y parvenir. Mike attendit un peu avant de demander doucement :

- Il….c’était votre fiancé ? Racontez-moi votre histoire, ça vous fera peut-être du bien d’en parler.

Il l’espérait en tout cas.

- Et si vous voulez, en échange, je vous raconterai la mienne. Celle d’une femme que j’ai aimée il y a longtemps, la seule que j’aie jamais aimée…. Il soupira, s’interrompant pour lui laisser le temps d’enregistrer et de décider.

Devant eux, la mer continuait son éternelle danse du ressac, laissant paraître son écume à la lumière pâle de la lune. La plage était heureusement complètement déserte et ils pouvaient toujours l’admirer depuis là où ils se trouvaient. Peut-être devait-il l’emmener ailleurs, pour éviter justement de réveiller ces souvenirs mais, peut-être que c’était mieux qu’elle puisse en parler pour évacuer définitivement tout ça.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Les mots ne voulaient pas sortir. Mes mains se mirent à tortiller les manches humides de mon pull comme si, par ce simple geste, je pouvais dénouer ma gorge. Malheureusement, seules les larmes continuèrent à perler en silence.

Avec précaution, Mike me demanda si la personne dont je parlais, avait été mon fiancé. Je souris tristement. Il n'avait jamais été question de mariage entre Aaron et moi. Nous étions ensemble et cela nous suffisait. Une alliance n'aurait fait aucune différence. Nous n'en avions tout simplement pas besoin.

Mon voisin me proposa alors de me raconter une partie de son histoire, si cela pouvait m'aider à partager la mienne. En particulier, d'une femme qu'il avait connue. Un unique amour. À sa voix, je compris que cette dernière était morte. Cette perte avait dû le ravager. Et pourtant, il se tenait là, à côté de moi, prêt à se remémorer ce passé douloureux afin de soulager ma conscience. En cela, Mike était bien plus fort que moi.

- Je suis désolée, marmonnai-je finalement, je ne voulais pas vous évoquer de mauvais souvenir.

Je pris une longue inspiration. Peut-être avait-il raison, mais c'était tellement difficile de s'ouvrir à quelqu'un. J'en avais perdu l'habitude depuis longtemps. Pourtant, cela paraissait si facile pour les autres de sourire, de se confier, de ne pas avoir peur. Et puis, d'avoir confiance. Toutes ces choses m'étaient aussi insaisissables que l'eau.

Je m’efforçai alors d'essuyer mes larmes à coups de poignée afin d'y voir un peu mieux.

- Il s'appelait Aaron, déclarai-je à voix basse après une longue minute. Nous n'étions pas fiancées, cela n'avait pas d'importance en vérité.

Ça, c'était facile à dire. La suite beaucoup moins. Je pris alors une autre inspiration, refoulant les larmes qui ne demandaient qu'à se déverser de nouveau. Pourquoi était-ce si compliqué de parler avec quelqu'un ?

- Je...

Sourcils froncés, je fus de nouveau à court de mots. C'était tellement frustrant. De plus, Mike semblait digne de confiance, de bien. Contrairement à moi. Je relevai enfin les yeux vers lui dans l'espoir de trouver une solution à ce bâillon qui me privait de parole. J'avais alors oublié qu'il s'était débarrassé d'une bonne partie de ses habits quelques minutes plus tôt, et le rouge me monta aux joues. Cependant, je fis abstraction de ma timidité pour fixer ses iris aussi bleus que le ciel en plein jour.

- Je suis assez pitoyable, n'est ce pas ? Je n'arrive même pas à m'exprimer, surtout devant les autres, avouai-je faiblement. Je n'étais pas comme ça avant...

Ça aussi, c'était facile à reconnaître. En vérité, ce n'était pas une question d'avoir confiance dans les autres. Mais plutôt, d'avoir confiance en moi. Et ça, ça m'était impossible. Pas après ce que j'avais fait.

- J'ai aménagé à New-York en pensant faire peau neuve, mais je suppose qu'on ne se débarrasse pas du passé aussi facilement. Ni de ce qu'on est réellement.

J'aurais aimé trouver la formule magique pour tout recommencer à zéro.

- Et là, je suis entrain d'abîmer votre voiture, dis-je en grimaçant.

Encore quelque chose que je faisais de travers. A croire que j'étais vouée à ne rien faire correctement. Je me dégageai alors légèrement de la veste et me défis de mon pull bien trop imbibé. Je le laissai par terre. Ainsi, le vêtement ferait beaucoup moins de dégâts. Le reste, je le gardais sur moi. De toute façon, mon jean me collait comme une seconde peau, impossible à enlever dans une espace aussi restreint. Et puis, même dans le cas contraire, je crois que je n'aurais pas osé.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Même s’il n’aimait pas parler de cette période de sa vie, de cette femme qui avait transformé la sienne, il le lui avait proposé en espérant que ça l’aiderait à s’épancher et à soulager sa peine. Il espérait que ça l’aiderait au moins un peu. Il était en tout cas prêt à lui servir d’oreille attentive, si seulement ça pouvait lui faire oublier ses idées suicidaires, à lui montrer qu’elle n’était pas la seule à avoir vécu un chagrin d’amour ? Si c’était de cela dont il s’agissait, à avoir souffert tout simplement. Et que désormais elle devait se tourner vers l’avenir.  

Le résultat fut qu’elle s’excusa. Mike lui sourit.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je m’en remettrai. Le plus dur est derrière moi. c’est pareil pour vous, Tony….

Alors elle commença à évoquer un certain Aaron, le nom de son amoureux de toute évidence. Mais à peine avait-elle entamé son récit qu’il mourut sur ses lèvres, incapable d’aller plus loin. Mike posa une main sur la sienne.

- Ce n’est rien ! prenez le temps…moi-même malgré tout le temps qui s’est écoulé, j’ai encore beaucoup de mal avec certaines ….hum certaines relations. Alors ce n’est pas moi qui vais vous blâmer, je vous l’assure ! Et tout comme vous, je n’étais pas du tout comme ça avant, avant que tout cela n’arrive. Mais ce qui nous change, peut aussi nous rendre plus fort….

Tony finit par reprendre son récit, expliquant qu’elle était venue à New York pour laisser son passé derrière elle. Mais qu’on ne s’en débarrassait pas si facilement. Quand à ce qu’elle était réellement, difficile de se prononcer pour Mike qui venait tout juste de faire sa connaissance. Enfin connaissance était un grand mot, il ne savait pas grand-chose d’elle, si ce n’était qu’elle était une sorte de sirène. Et que visiblement elle avait vécu un drame dans son passé.

Quand pour conclure, elle s’inquiéta pour les sièges de la voiture. Mike rit un peu en la rassurant.

- Ce n’est que de l’eau, ils sècheront !

Mais il se détourna très vite quand il vit qu’elle retirait son haut, veillant à regardait partout ailleurs sauf elle. Il essaya de relancer la conversation.

- Vous avez raison, on ne se débarrasse pas du passé, mais on peut le surmonter et évoluer. Assurément on ne sera plus jamais les mêmes mais on peut tirer parti de ce que nous sommes devenus. Même si ….si ça peut être un gros handicap dans les relations chaque jour, ça nous force… à dépasser tout ça,… et si ce n’est pas toujours facile. Rien n’est jamais facile.

Il s’interrompit, regardant toujours droit devant lui, avant de reprendre doucement :

- Cette femme, elle était tout pour moi, j’étais prêt à tout pour elle, à tout, et j’ai fait tout ce qu’elle voulait, j’ai tué pour elle, j’ai assassiné sans pitié les gens qui se mettaient en travers de sa route, je l’ai aidée à échafauder des plans pour permettre aux Jacobites de prendre le pouvoir et je me suis battu si souvent pour cette cause, mais c’était pour elle avant tout…..elle qui a fait de moi ce que je suis devenu, un vampire. Elle qui m’a guidé et tout appris ……

Il soupira.

- Jusqu’au jour où elle a compris que notre cause était perdue que l’Ecosse jamais n’obtiendrait son indépendance. Quand elle l’a compris, elle m’a abandonné sans plus de considération, se moquant de tout ce que nous avions construit. Elle est partie, me laissant aux anglais qui m’ont ensuite déporté vers la nouvelle Amérique. J’ai compris alors qu’elle ne m’avait jamais vraiment aimé mais qu’elle m’avait utilisé comme un pion, si facilement manipulable qu’elle avait fait de moi ce que je suis, parce que ça lui était utile. Quand j’ai réalisé tout ça, ça m’a détruit, et ….ça a détruit la confiance que j’avais en moi.. et depuis je suis incapable d’avoir une relation normale et ….et même une simple discussion peut m’être … très difficile……

Il se tourna enfin vers elle.

- Pourtant parfois, on est obligé de dépasser tout ça ! de surmonter ce passé pour continuer à avancer.

Et il lui sourit. C’était la première fois qu’il parlait de tout ça à quelqu’un, à une autre femme à plus forte raison.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Je sursautai légèrement lorsque la main de Mike se posa sur la mienne. Surprise par le geste, je le fus encore plus lorsqu'il m'avoua que lui-même avait des difficultés. Je haussai un sourcil, me demandant ce qu'il voulait dire par « certaines relations ». Il était vrai que je connaissais peu le vampire, mais il ne m'avait jamais paru insociable. Il semblait même être quelqu'un de sûr de lui. La preuve en était cette façon qu'il avait eue de faire fuir les personnes qui avaient tenté de m'agresser une semaine plus tôt. Pas de violence, juste des mots.

Mon regard se posa sur mon voisin. Cela paraissait si simple pour lui. Mais comment la mort d'Aaron pouvait me rendre plus forte alors que j'en étais la cause ? Presque trois ans maintenant, et rien n'avait vraiment changé. Toujours ce même nœud coulant qui m'empêchait de parler. La seule chose différente, aujourd'hui, était mon éloignement avec le reste de mes proches. J'avais aménagé dans l'espoir de mettre de la distance avec le passé. On pouvait dire que c'était raté.

J'étais juste incapable de faire les choses correctement. Encore une fois, je le prouvais en ruinant le siège avant de sa voiture avec mes habits trempés. Mike s'amusa de ma remarque, m'assurant que cela n'avait pas d'importance. Je m'entêtai tout de même et me débarrassai de mon pull pour le laisser tomber par terre.

Lorsque mes yeux revinrent vers lui, je le sentis légèrement gêné. Il n'était pas compliqué d'en comprendre les raisons. Alors je m'emmitouflai un peu plus dans la large veste jusqu'à me recouvrir suffisamment afin qu'il soit moins incommodé.

Après un petit temps de silence, Mike admit que le passé n'était pas quelque chose dont on pouvait se défaire. Mais il ajouta aussi que, même si ce n'était pas simple, on pouvait toujours en tirer parti pour surmonter certaines épreuves.

Je ne répondis rien. Les mots de Mike faisaient sens dans mon esprit, mais mon cœur, lui, refusait de l'entendre. J'étais tiraillée. Cependant, la culpabilité et la douleur pesaient de plus en plus lourds sur ma conscience. C'était elles qui m'avaient guidée ici, sur cette plage déserte.

Le vampire commença alors à me raconter sa propre histoire. L'histoire de quelqu'un qui s'était battue pour ses terres, au nom d'une femme. Les faits historiques étaient assez vagues dans ma mémoire, mais je me rappelais que l'Écosse avait subi de vives confrontations contre l'Angleterre afin d'obtenir son indépendance. Il m'expliqua alors la façon dont cette femme l'avait transformé, utilisé puis abandonné alors que lui l'aimait jusqu'à tout lui donner.

Je m'étais trompée. Elle n'était pas morte comme je l'avais supposé. Non, elle avait délaissé cet amour non-réciproque qui n'avait plus d'intérêt à ses yeux. Je me mordis les lèvres alors que mon cœur se serra. L'amour était cruel. Et même si ma vie n'était pas similaire à cet homme qui avait vécu plus de trois siècles, j'en comprenais la souffrance endurée. Cette destruction qui réduisait en miettes le peu de confiance qu'on pouvait avoir. On l'avait trahi au plus profond de son être.

Et pourtant, il termina son récit par une note bien moins triste. Certes, la vie l'avait marqué au fer rouge, mais il continuait de vivre malgré tout.

Le sourire qu'il me lança me fit douter de mon propre objectif en venant ici. Pourtant, je n'étais pas sûr de mériter autant de compassion de sa part. Car si lui avait été trahi, dans mon histoire, c'était moi la traîtresse.

Peut-être que...

- Je...

J'allai m'excuser de nouveau, mais me ravisai. S'il m'avait raconté tout ça, ce n'était pas pour que je piétine ces efforts avec mes « désolée ». En vérité, je ne savais pas quoi dire.

La musique dans mon esprit se modifia pour laisser le son du violon et du piano résonner tristement dans mes pensées. Les paroles de cette chanson écossaise me revinrent.



J'en distinguai chacune des notes.  

Voilà, ce que j'aurais pu chanter à défaut de parler. Mais j'en connaissais les conséquences. Je baissai alors la tête.

Peut-être que...

- Aaron ne connaissait pas ma nature, murmurai-je finalement, et ma famille m'avait toujours formellement interdite de la dévoiler, même à lui...

Peut-être qu'il comprendrait...

- À cette époque, chanter m'était aussi vital que de respirer...

… Il avait connu ce que le mot « trahison » signifiait...

- Lors de vacances, nous avions décidé, lui et moi, de partir en voyage sur une île en Europe. Une pause avant notre dernière année d'études...

… Parce que dans cette histoire, c'était moi la traîtresse...

- Et puis, il y eut ce jour. J'étais sur la plage, seule, près d'une falaise. Pendant ce temps, Aaron était parti je ne sais plus trop pour quelle raison et moi, voulant profiter du soleil et de l'odeur de la mer, je m'étais mise à chanter. Seulement, je ne me rendis pas compte tout de suite qu'une partie de mes dons avaient échappé à mon contrôle...Jusqu'à ce bruit... Celui d'un corps qui s'écrase sur le sable...

… C'était moi la traîtresse dans l'histoire...

- C'était Aaron qui était revenu me voir...

Je déglutis difficilement, les images défilant à toute allure dans ma tête.

- La police a conclu à un suicide, mais je connaissais trop bien celui que j'aimais pour savoir que ce n'était pas le cas. Moi, je savais ce qui l'avait attiré au bord de la falaise pour aller se jeter dans le vide. Le chant d'une sirène peut avoir de multiples effets...

… Traîtresse... Sale monstre...

- Il est mort parce qu'il m'a entendue. Hypnotisé, il n'a rien pu faire... La police a rapidement classé l'affaire, alors que je n'arrivais pas encore à réaliser ce qui s'était passé...Ma famille m'a interrogée plusieurs fois, mais jamais je n'ai réussi à avouer...

Jusqu'à cette nuit.

Cette nuit, les mots s'étaient enfin libérés.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Les souvenirs évoqués, même s’ils dataient désormais de plusieurs centaines d’années, ne manquèrent pas de réveiller les vieilles blessures. Mais le temps avait déjà bien fait son office, aidant à cicatriser ce qui à l’époque avait été si douloureux. Aujourd’hui, il avait pu en reparler sans ressentir cette bouffée de haine et de désespoir mélangé. Et depuis oui, il en avait fait du chemin. C’est pour ça qu’il lui en parla, parce qu’il espérait ainsi l’aider à mettre tout ça derrière elle, même s’il ne connaissait pas exactement les circonstances de son histoire….

Ce n’est que quand il eut terminé, qu’au bout de quelques minutes il entendit cette vieille chanson de son pays qui lui arracha un soupir et un sourire mélancolique. Plongé dans la mélodie dont il réalisa au bout d’un instant qu’elle venait de Tony, il lui fallut quelques secondes pour revenir au présent et entendre ce qu’elle lui disait.

Et ce fut elle qui cette fois lui raconta sa propre histoire, et celle d’Aaron. Un drame dont elle semblait porter le poids depuis très longtemps. Il la dévisagea, lui laissant un instant pour se remettre de ces souvenirs, sachant déjà qu’il lui faudrait beaucoup de temps pour accepter. A plus forte raison qu’elle en portait la culpabilité. Pourtant Mike finit par rompre le silence en lui parlant doucement :

- C’était un accident… Vous n’étiez pas responsable, Tony. Ces pouvoirs, les vôtres et même tous ceux dont nous héritons, nous autres, il faut du temps pour apprendre à les contrôler et …..même quand on les contrôle, parfois ils nous échappent encore…. Et puis vous ne pouviez pas savoir qu’il allait revenir.  Mais je sais…

Il serra sa main un peu plus.

- Je comprends combien cela a dû être difficile à vivre. Mais ne vous donnez pas tous les tords. Vous n’êtes pas responsable de ce que vous êtes. Tony ? Vous pouvez seulement apprendre à mieux maîtriser votre nature, comme tout vampire doit apprendre à contrôler sa faim. Apprendre à ne pas se laisser déborder par cette nature qui fait de nous des prédateurs, même si nous n’avons jamais demandé à personne de le devenir. Alors… vous ne pouvez pas vous blâmer pour ça. Cessez de porter toute cette culpabilité, c’est un fardeau bien trop lourd à porter. Sinon vous pouvez tout autant en vouloir à ceux qui vous ont mise au monde…

Il soupira en libérant sa main :

- c’est un cercle vicieux dont il faut savoir sortir. Oh je ne dis pas que c’est facile, mais…la vie vaut la peine qu’on se batte pour elle.

Il se tut un instant, regardant la plage qui s’étirait en un bandeau clair de découpant sur le miroir brillant de la mer.

- Certaines choses appartiennent au passé et doivent rester dans le passé.

Puis justement pour essayer de mettre une note positive dans tout ça et surtout pour se tourner vers le présent, il lui demanda sur un ton plus léger.

- Vous vous êtes donc installée depuis peu ici, finalement cet travail, l’avez -vous trouvé ? Dans le cas contraire je pourrai toujours vous aider. Je connais quelques personnes ici à New York.

Oui enfin c’était Louis surtout qui connaissait du monde, et il s’agissait de contacts pour l’Ordre, mais s’il pouvait lui être utile, il n’hésiterait pas à les contacter. Ou alors Cass lui aussi connaissait bien la ville. Il pourrait toujours lui poser la question.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Le nœud coulant disparu, quelques larmes s'échappèrent à nouveau, mais cette fois, la tristesse n'en fut pas l'unique origine. Il y avait aussi du... soulagement. Un poids léger, certes, mais qui allégea quelque peu ma conscience. La culpabilité avait beau continuer à me susurrer ses mots cruels au creux de mon oreille, j'avais enfin réussi à partager ce secret.

Deux ans et sept mois. C'était le temps que j'avais mis pour dire tout haut ce qui me rongeait tout bas. Ce meurtre qui avait réduit mon âme en charpie.

Après un autre silence, Mike reprit la parole. Un accident ? Pas responsable ? Mon cœur avait du mal à accepter ces mots. La culpabilité les désapprouvait totalement. La main de mon voisin enserra alors un peu plus la mienne, comme pour me convaincre de mon innocence dans tout ça.

Qu'aurait pensé Aaron ? Lui n'avait pas eu le choix. C'était lui le véritable innocent. Malheureusement, je ne connaîtrais jamais la réponse à cette question. Alors, j'écoutais Mike. Sa dernière phrase me fit sourire tristement. Le passé, oui, j'avais essayé de le laisser derrière moi sans vraiment y parvenir. Comment aurais-je pu, quand tout semblait me rappeler qu'Aaron n'était plus là ? Ce trou béant dans la poitrine me suivait même jusque dans mon sommeil, mes cauchemars. Et le répit se faisait si rare. Seul le violon arrivait encore à éloigner cette douleur.

La vie en valait-elle vraiment la peine ? Qu'est-ce qui pouvait bien me rester ?

Cependant, malgré ces questionnements, je n'en oubliais pas moins que la culpabilité avait légèrement cédé ce soir. Ce n'était peut-être pas grand-chose, mais au moins, c'était quelque chose. Et de ça, j'en étais reconnaissante envers l'Écossais.

– Merci, marmonnai-je en détournant le regard vers la plage.

Dehors, les vagues grondaient, mais l'océan n'était plus aussi attirant. Ce soir, je n'avais plus envie de plonger dans ses profondeurs.

Changeant de sujet, Mike me demanda alors si j'avais finalement trouvé du travail. Je grimaçai. Avec ma cheville en compote et mes idées noires, je n'avais pas réellement eu le temps de faire de recherches.

- Non, pas encore...

Je passais ma main sur ma nuque, gênée. À force de vouloir m'aider, j'allais finir par soupçonner Mike d'être un ange tombé du ciel plutôt qu'un vampire.

- Je ne voudrais pas vous déranger plus que ce que je n'ai déjà fait. Et puis, je vous dois déjà beaucoup, soufflai-je doucement.

Je penchai la tête alors qu'une question émergea dans mon esprit.

- Comment avez-vous fait pour me trouver ? demandai-je, curieuse. Parce que je suis sûre qu'il n'y avait personne ce soir.

Oui, même si je savais que le vampire avait des dons psychiques, j'avais du mal à concevoir qu'il m'ait trouvée aussi facilement. Nous étions à Staten Island et non pas dans le Bronx où il avait l'habitude de faire ses rondes. Il y avait quand même une sacrée distance. À moins que cela fût le hasard, mais j'y croyais moyennement.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

A la fin de son laïus, Tony le remercia, ce qui arracha un soupir à Mike.

- Pas de quoi, dit-il doucement.

Parce qu’à ses yeux, il n’avait rien fait d’extraordinaire et surtout, il n’était pas sûr d’avoir réussi à la convaincre de ne plus recommencer. Il savait que des personnes qui tentaient de se suicider, pouvaient très bien réessayer une autre fois. Il avait donc essayé de la convaincre que la vie valait la peine de s’accrocher mais il doutait que ça soit si facile.

Mais en même temps, il n’allait pas non plus pouvoir la surveiller vingt quatre heures sur vingt quatre. Au final, elle était la seule capable de décider de survivre, aussi difficile que cela paraisse et aussi difficile que c’était pour Mike de ne pas pouvoir faire davantage.

Alors après avoir réveillé tous ces souvenirs difficiles autant pour elle que pour lui, Mike ramena la conversation à quelque chose de plus léger, quelque chose qui la pousserait à regarder vers l’avenir, un sujet simple et facile à aborder, un travail.
Mais à cause de sa cheville, Tony n’avait pas vraiment eu le temps de s’y intéresser et le remercia de l’aide qu’il venait de lui proposer.

- Vous ne me dérangez pas. Si je peux rendre service, je ne demande pas mieux. En tout cas, à l’avenir, si vous avez besoin de quoique ce soit, ou simplement de parler à quelqu’un et bien …. Il hésita un peu, gêné de lui proposer ça. Je serai toujours là si besoin. N’hésitez pas.

Il esquiva son regard avant d’y revenir un instant quand elle lui demanda comment il avait su pour elle.

- Oh euh c’est à cause de…. Il pointa sa tempe. De ce que j’ai vu… j’ai des visions régulièrement, surtout quand ce sont des gens que je connais enfin ….parfois je ne les connais même pas, tout dépend des circonstances. Si quelqu’un est en danger, c’est comme s’il émettait soudain des ondes plus fortes que je peux percevoir, parfois même avant que ça se produise. Et parfois je reste ….comment dire..  comme connecté. Ce soir je vous ai vue et …je vous ai entendu chanter. J’ai compris ce que vous aviez décidé de faire et j’ai foncé ici où je savais vous trouver.

Il la dévisagea.

- Je suis content d’être arrivé à temps. Mais ne recommencez plus je vous en prie, c’est… ce serait une terrible erreur. Qui sait ce que l’avenir vous réserve encore ?

Mike soupira et regarda à nouveau devant lui.

- Je devrais vous ramener chez vous, vous pourriez vous changer ainsi. Je ne veux pas que vous tombiez malade.

Il mit en route le moteur et afficha un instant un sourire amusé.

- Espérons qu’on ne croise personne en chemin, sinon ils vont se demander ce que je fais dans cette tenue au volant de ma voiture.

Quand à son adresse, il la connaissait déjà. Il n’eut plus qu’à filer jusqu’à cette dernière, mais cette fois, en respectant scrupuleusement les limitations.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

S'il y avait bien une émotion que je savais reconnaître, c'était celle de la gêne. Et lorsque Mike me déclara qu'il serait toujours disponible si j'avais besoin d'une oreille attentive, je sentis son malaise. Il hésitait, esquivait mon regard. Quelque chose semblait le déranger. Je sourcillai, tentant d'appréhender la raison qui le poussait à proposer ce qu'il n'avait pas envie de faire. Car moi, je ne voulais en aucun cas le forcer à quoi que ce soit.

Je baissai les yeux sur mes mains calmement posées sur mes cuisses. Peut-être n'avait-il pas vraiment envie d'écouter une pauvre fille comme moi se lamenter ? Ça, c'était compréhensible. Et moi, je n'avais pas envie d'être un poids pour quelqu'un.

- Si vous continuez à m'écouter, vous allez finir aussi dépressif que moi, répondis-je avec une pointe d'humour, mais peut-être que pour donner le change, je pourrais, une nuit, vous jouer un morceau de violon... Cela fait longtemps que je n'ai pas eu un public... Et un avis n'est jamais de trop...

Je me mordillai les lèvres.

- … Enfin, si vous aimez le violon bien sûr...

Il pouvait toujours refuser. Mais au moins, je trouvais mon offre plus équitable, et pour une fois, cela ne me dérangeait pas de partager cette musique. Sans compter que je m'exprimais bien mieux avec l'instrument.

Mes yeux se posèrent alors de nouveau sur cette plage déserte. Il n'y avait que nous.

Il était tout de même étonnant que Mike intervienne au bon moment, au bon endroit, non ? Alors comment ?

Mon voisin me désigna sa tempe pour m'expliquer qu'il pouvait avoir des visions, des liens envers certaines personnes, mais qui ne se déclenchaient qu'en cas de danger. Je fronçai des sourcils. L'idée qu'il y ait un lien entre nous m'était étrange. Je n'arrivais pas à déterminer si cela me déplaisait ou non. Et lorsqu'il me confia que c'était ainsi qu'il avait réussi à m'entendre chanter, je sus que ce lien, ce n'était pas bon du tout.

Malheureusement, je compris aussi que c'était un don que le vampire ne contrôlait pas totalement.

- Je... Je vais essayer, chuchotai-je après la demande de Mike de ne pas recommencer mon geste désespéré de ce soir.

C'était tout ce que je pouvais promettre lorsque son regard croisa le mien. Parce que je savais que la douleur n'avait pas encore dit son dernier mot, ni la culpabilité. C'étaient des compagnes dont on se débarrassait difficilement.

J'acquiesçai simplement quand il proposa de me ramener. Cependant, lorsqu'il fit la remarque sur sa tenue, je m'empourprai et baissai aussitôt les yeux vers le sol. Il avait raison, si on nous voyait ainsi, on se poserait forcément des questions.

Tournant le dos à Mike, j'entrepris rapidement de me défaire de la veste, de récupérer mon pull encore humide pour l'enfiler de nouveau. Une fois cela fait, je tendis la veste à son propriétaire.

- Tenez, comme ça personne ne s'interrogera.

Oui, parce qu'une fois aux Queens, il y avait de forte chance pour qu'on nous aperçoive.

- Le chauffage est déjà suffisant pour moi et je ne me collerais pas au siège pour ne pas le ruiner, ajoutai-je pour le convaincre.

Car maintenant qu'il avait fait cette remarque, j'avais l'impression de ne voir que ça : son manque de vêtements. Et tant pis si je prenais froid. Je n'oubliai pas que c'était un homme, bien fait de sa personne en plus, et moi une femme. Alors autant éviter d'ébranler mon cœur qui avait déjà eu son content d'épreuve pour la nuit.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Mike sourit et secoua la tête.

- Je ne pense pas et à vrai dire, je suis sûr que vous vous en remettrez.

Oui, il voulait croire que ça n’était qu’une mauvaise passe. Et que s’il lui montrait assez de soutien, elle saurait voir qu’il pouvait y avoir des lendemains meilleurs. Alors quand elle lui proposa de jouer du violon pour lui, il accepta aussitôt.

- Du violon ? Ce serait avec plaisir ! Et il confirma. Oui j’aime beaucoup cet instrument, enfin pas autant que la cornemuse, dit-il avec humour, mais je suis sûr que vous êtes une très bonne musicienne.

Quant à comment il avait fait pour la retrouver aussi rapidement et surtout pour savoir qu’elle avait des problèmes, il lui expliqua pour son pouvoir, très particulier assurément. Et il était encore restreint par la magie de l’anneau. Heureusement peu à peu Mike s’en libérait et il avait su retrouver Tony à temps.

Aussi conclut-il par une requête qu’il lui adressa, la regardant cette fois bien en face. Il ne voulait pas qu’elle recommence et elle promit,… d’essayer. Il sourit, parce que c’était mieux que rien, c’était mieux que de n’avoir pas réussi à lui faire raconter son histoire, à sortir tout ce qui l’empoisonnait depuis trop longtemps.  Désormais, il espérait lui avoir donné une chance d’enterrer définitivement tout ça, tout en restant parfaitement conscient que ça ne se ferait pas en un jour. Même si elle devait déjà avoir perdu beaucoup de temps à ressasser ce drame. Elle avait peut-être juste besoin d’un coup de pouce pour tourner la page.

Puis il lui proposa de la ramener chez elle, histoire qu’elle puisse se changer, voir prendre un bain, n’importe quoi qui puisse vous réconforter, chose que lui n’était pas doué pour faire. Mais…. il faisait de son mieux assurément malgré tout.
Et la voir retirer sa veste pour la lui rendre, le fit sourire, oubliant pour une fois sa gêne. Elle s’obligeait à remettre ce pull qui devait être tout mouillé pour sauver son honneur, oui il y avait de quoi retrouver le sourire.

- Merci, je vous sais gré de vouloir sauvegarder mon honneur et euh ….le votre aussi .

Bon des fois, c’était mieux de se taire. Mike se concentra sur sa conduite, non sans la gronder.

- Mettez vous à votre aise et cesser de penser que vous abîmez la voiture. Elle n’est de toute façon pas vraiment à moi. C’est mon employeur qui ….. enfin ça n’est pas très intéressant.

Une fois devant chez elle, il sortit oubliant qu’en bas il était toujours en boxer. Et voyant la tête d’une vieille dame, il s’en rappela brutalement. Aussitôt il renfila son pantalon encore trempé en faisant une grimace, parce qu’enfiler un jean humide, ça c’était pas de la tarte. Il se débattit un instant avec, avant de proposer sur une impulsion.

- Est-ce que vous voulez que je vous tienne encore un peu compagnie ?

Puis dans une nouvelle moue vers la vieille dame qui avait failli ramasser un arbre parce qu’elle ne regardait pas où elle marchait, trop occupée à le regarder lui.

- ça évitera que je me fasse arrêter pour exhibitionnisme conclut-il en plaisantant.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

« Merci, je vous sais gré de vouloir sauvegarder mon honneur et euh ….le votre aussi . »

Je haussai un sourcil.

Comment ? Pourquoi parlait-il d'honneur ?

Oh ! Il me fallut quelques secondes supplémentaires pour comprendre. Le rouge de mes joues s’exacerba. Je n'étais clairement pas habituée à cette façon si désuète de s'exprimer. Mais lorsqu'on était un vampire de plus de trois siècles, était-ce vraiment étonnant ? Enfin, au moins, Mike avait remis sa veste et c'était bien mieux ainsi.

Cependant, ma dernière remarque ne sembla pas le satisfaire, car il insista encore une fois pour que je prenne mes aises sans me préoccuper de la voiture. Qui apparemment n'était pas la sienne. Un léger sourire étira mes lèvres au souvenir de notre première rencontre. Je me disais bien qu'un simple agent de sécurité ne pouvait s'offrir un bolide pareil.

- Même si elle n'est pas à vous, je préfère ne pas prendre le risque de l'abîmer. Question de principe et de respect.

J'entendais déjà mon père approuver mes paroles. Lui qui était un véritable passionné de voitures, il aurait d'autant moins accepté que j'amoche un tel véhicule, même si ce n'était qu'un pull imbibé d'eau de mer.

- J'imagine que vous n'êtes pas vraiment un agent de sécurité...

Enfin, comme je l'entendais en tout cas. Après tout, il m'avait bien dit qu'il était dans une sorte d'Ordre. Peut-être que cela avait un lien ? Je n'osai pas poser plus de questions de peur d'être trop indiscrète.

Arrivée à destination, je défis ma ceinture. J'écarquillai alors les yeux lorsque je vis l'Écossais sortir dehors. Sans pantalon.

- Mike...

Je n’eus pas le temps de l'avertir que déjà, il se précipita pour enfiler son jean, comprenant son erreur. De l'autre côté du trottoir, j'aperçus une vieille dame choquée, qui avait du profiter du spectacle. Et alors que j'entendais le vampire se débattre avec son vêtement, je ne pus m'empêcher de sourire face à la situation. C'était quand même cocasse. Je mis alors ma main devant la bouche afin de cacher mon amusement. Je n'aurais pas voulu fâcher l'Écossais.

Je finis par sortir, captant au loin un « les jeunes de nos jours... » de la femme âgée, secouant la tête d'un air réprobateur. Si elle avait su que l'homme qu'elle avait vu était son aîné depuis bien longtemps, elle aurait eu une tout autre réflexion. À cette pensée, je sentis mes épaules prises de soubresauts. Je me contins, il était mal venu de se moquer. Surtout que j'en étais fautive.

Lorsque enfin Mike gagna la bataille contre son pantalon, il me proposa alors sa compagnie. Cette fois, je souris franchement.

- Vous avez raison, venez, je ne voudrais pas avoir préservé votre honneur pour rien.

Je me dirigeai vers une lourde porte à double battant. Sortant les clés de ma poche, qui par chance ne s'était pas échappée dans l'océan, je déverrouillai la porte et fis un geste à Mike de me suivre. L'immeuble possédait trois étages et j'habitais tout en haut. Ma main glissa mécaniquement vers l'interrupteur, mais ce dernier cliqua dans le vide, nous laissant dans le noir. Je grimaçai. Le concierge avait dû oublier de changer l'ampoule.

– Désolée, enfin, je suppose que le noir ne vous pose pas de problème ?

Il me semblait que les vampires avaient une bonne vision dans l'obscurité. Mais peut-être que je me trompais. Je n'avais pas rencontré beaucoup de surnaturels dans ma vie, alors je ne me basais que sur les enseignements de mes parents.

- Si ce n'est pas le cas, vous pouvez toujours suivre la rambarde. J'habite tout en haut.

De mon côté, monter les marches de l'escalier dans le noir ne me posait aucun souci. À force de les parcourir, je pouvais maintenant traverser l'escalier les yeux fermés. Chaque marche avait sa propre sonorité, comme un piano dont les touches étaient faites de bois.

Je me laissais alors guider par mes souvenirs jusqu'à arriver au troisième étage devant ma porte. J'eus un instant d'appréhension avant d'ouvrir. Je n'avais pas eu beaucoup de visiteurs depuis mon déménagement. Il y avait bien eu le fameux concierge pour me souhaiter la bienvenue, mais personne d'autre.

Finalement, j'entrai. De toute façon, avec tout ce qui s'était passé cette nuit, je n'avais plus vraiment de raison d'être intimidée.

Je pénétrai donc dans le salon qui était le cœur de l'appartement. La pièce était restée telle que je l'avais délaissé. Rangée, seul un coin résistait encore à l'ordre des lieux. Autour d'un fauteuil où était délicatement posé mon violon, un amas de papiers de musique jonchait le sol. Cependant, si on voulait s'asseoir, il y avait toujours le canapé qui faisait face à une table basse. Quelques meubles décorés les lieux, mais je n'avais jamais pris le temps de vraiment personnaliser l'appartement. Seuls les tons bleu nuit qui en ressortaient et le fauteuil en hêtre sculpté étaient de mon fait.

- Attendez une minute, marmonnai-je à l'encontre de mon invité.

Je me dirigeai vers ma chambre et fouillai dans mon armoire. Je revins au salon avec un large tee-shirt, une serviette et une couverture pour les tendres à l'Écossais.

- Si vous voulez prendre une douche, la salle de bain et par là, malheureusement, j'ai bien peur de ne pas avoir de pantalon à votre taille.

Je lui désignai alors l'une des grandes portes coulissantes qui menait vers la salle de bain.

Spoiler:

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Ok, il n’insista plus, affichant à son tour un sourire un brin amusé. Il n’était plus très courant de nous jours de rencontrer ce genre de fille qui avait encore des principes et du respect pour des biens appartenant à autrui. Mais il appréciait.
Quant à sa question, il sourit encore.

- Pas vraiment, enfin pas dans le sens où on l’entend d’habitude. Je travaille pour l’ordre des abstèmes. C’est un ordre qui se charge aussi de la sécurité, mais des humains pour les protéger contre d’autres vampires, de ceux qui ne pratiquent pas l’abstinence comme nous autres.

Oui après tout à présent qu’il connaissait son secret et elle le sien, il n’avait plus de raison de faire de mystère. En espérant que ça la rassurerait sur sa personne après tout, ils ne se connaissaient toujours pas très bien, enfin un peu plus désormais. C’est pour ça qu’il songea à lui proposer de l’accompagner chez elle pour un moment, chose qu’il n’aurait jamais faite quelques semaines plus tôt. Mais Tony avait besoin de soutien et Mike n’allait pas se dégonfler parce qu’il était trop… timide.

Et c’est pour ça qu’il allait devoir remettre ses affaires. Aussi sortit-il de la voiture parce que se rhabiller avec un jean mouillé déjà c’était pas simple mais s’il devait le faire dans l’habitacle de la voiture, il n’allait pas y arriver.

Il n’avait juste pas pensé aux passants et quand il aperçut la vieille dame, le mal était fait. Mike fit la grimace en l’entendant pester contre les jeunes et en soupirant, proposa donc à Tony de lui tenir un peu compagnie. Proposition qu’elle accepta, non sans se moquer un peu. Mais il ne pouvait guère lui en vouloir, même qu’il sourit à son tour.

Il la suivit donc en silence, avant de la rassurer pour la lumière.

- Ça n’est pas nécessaire en effet. Mais merci de vous en inquiéter, ajouta-t-il amusé.

Elle par contre, n’avait pas l’air d’avoir besoin d’y voir clair pour se diriger. A ses gestes et à son attitude, il comprit qu’elle connaissait l’endroit par cœur. Et c’est ainsi qu’ils parvinrent à l’appartement de Tony qu’elle lui laissa découvrir, s’absentant pour revenir quelques secondes plus tard, lui tendant une couverture, un tee-shirt et une serviette.

Après avoir brièvement étudié l’endroit, Mike se tourna surpris vers elle. Une douche ? ….ouais ça serait pas mal mais il ne savait s’il pouvait abuser de… moui sinon elle ne le lui aurait pas proposer. Il hésita et finit par prendre les affaires.

- Honneur aux dames, finit-il par dire. Je peux attendre mon tour, proposa-t-il avec un sourire. Euh… sauf si vous craignez que je trempe votre canapé, ajouta-t-il amusé.

Et puis sa bonne éducation dépassait tout le reste. En attendant il pouvait toujours s’asseoir sur une chaise.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je ne risque pas de mourir de froid, plaisanta-t-il.

Sur ce, il retira son blouson un peu humide pour la peine et le déposa sur le dossier d'une chaise pour lui permettre de sécher, ainsi que le tee-shirt qu'il avait embarqué avec lui et la chemise. Quand il vit les gouttes tomber sur le sol, il eut l'air aussi gêné qu'elle avait dû l'être dans la voiture.

- euh peut-être auriez-vous un endroit pour faire sécher tout ça ?

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Nous arrivâmes chez moi sans encombre. Je me dépêchai alors d'aller chercher un tee-shirt, une serviette et une couverture pour Mike. Ce dernier parut surpris lorsque je revins pour lui désigner la porte de la salle de bain. Pourtant, je ne voyais pas ce qui aurait pu le faire hésiter. Je n'avais peut-être pas l'habitude de faire l'hôte, mais je n'allais quand même pas laisser le vampire trempé comme il était. C'était normal, non ?

Finalement, Mike céda à la condition que j'y aille en premier. Je haussai un sourcil.

- Vous êtes sûr ? Demandai-je.

Il m'assura tout en plaisantant que, de toute façon, il ne tomberait pas malade. En y repensant, les vampires devaient avoir une bien meilleure constitution que les humains. Je finis donc par acquiescer, légèrement gênée. Cette situation était plus qu'étrange pour moi. Ma mère, elle, se serait très certainement arraché les cheveux en me voyant laisser entrer un vampire chez moi. Mes parents avaient toujours été très méfiants envers les autres surnaturels. Pourtant, l'Écossais était bien la preuve que les surnaturels n'étaient pas tous mauvais.

Mike se défit alors de sa veste, pour la déposer avec son tee-shirt et sa chemise tout aussi mouillés, sur une chaise. Mon regard suivit alors le sien lorsque je remarquai les affaires dégouliner tristement sur le sol. Je souris face à l'air embarrassé de Mike. Il me demanda tout de même s'il n'y avait pas un lieu plus approprié pour les étendre.

- Euh... Il y a bien la terrasse, mais vu la température, je ne pense pas que ce soit une très bonne idée pour les faire sécher. En revanche, j'ai bien un étendoir.

Sur ces mots, je filai vers la salle de bain pour en ressortir avec l'objet. Je le posai de l'autre côté de la pièce, là où le plancher n'était pas envahi par des feuilles de partition.

- Désolée pour le désordre.

Je passai une main sur ma nuque.

- Si vous voulez, vous pouvez mettre de la musique, ajoutai-je tout en lui désignant les étagères à Cds et ma chaîne hifi. J'écoute un peu de tout, vous devriez trouver quelque chose qui vous plaise.

J'aurais pu lui proposer à boire, mais étant donné sa nature, je m'en abstins. Cela aurait été encore plus gênant.

Je le laissai donc seul pour m'enfermer dans la salle d'eau. Mes yeux se rivèrent sur le miroir qui me renvoya mon propre reflet. Je ne ressemblais pas à grand-chose avec mes yeux rougis et mes cheveux en bataille. Je ne m'y attardai pas, ne voulant pas me questionner plus profondément sur mon état. J'entrepris donc de me défaire de mes habits. Le jean fut le plus compliqué à retirer et je dus sautiller comme l'avait fait Mike quelques minutes plus tôt, non sans pester à voix basse.

Une fois cela fait, j'entrai dans la baignoire et enclenchai le jet d'eau chaude.

Dix minutes plus tard, j'en ressortis bien plus détendue. J'enfilai alors un jogging et un autre large pull. Mes vêtements mouillés, eux, allèrent directement dans le lave-linge.
Et après avoir attaché les cheveux, je coulissai la porte pour laisser la place à Mike.

– Vous pouvez y aller, lançai-je à mon invité.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Euh oui il en était sûr, c’était une règle de savoir-vivre non ? Ou peut-être plus vraiment dans cette société, sauf si on tenait à passer pour un homme qui refusait le droit d’égalité aux femmes, alors qu’il s’agissait avant tout de galanterie. Mais lui il se moquait de ce qu’on pouvait penser de nos jours. Et il insista.

Le hic, c’était que ses vêtements étaient encore bien trempés et qu’ils allaient goutter sur le sol de son appartement et ça, c’était un peu embarrassant. Il demanda donc où il pouvait mettre ses affaires à sécher et la première réponse de Tony lui fit hausser un sourcil surpris. La terrasse ??

- Ah euh oui…effectivement avec les températures qu’il fait, je risquerai de retrouver des vêtements en carton plutôt que de pouvoir les remettre ensuite.

Il rit un peu avant de voir soulagé, qu’elle avait une autre solution à lui proposer. Alors il s’appliqua à étendre ses vêtements sur le support. Après tout Mike était habitué à s’occuper lui-même de toutes ses affaires et même celles de Cass. Une véritable petite fée du logis contrairement à son collègue.

Puis il sourit à ses excuses.

- Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude du désordre, je vis avec un colocataire plutôt désordonné. Et franchement ici ce n’est rien à côté du chantier que me laisse Cass parfois.

Il s’interrompit aussi sec. Euh, ce n’était peut-être pas une bonne idée de lui parler de son partenaire de l’Ordre, parce que voilà, il ne tenait pas à ce qu’elle se fasse des idées.  Alors il fut heureux qu’elle changeât de sujet pour la musique.

- D’accord, merci.

Et il la regarda s’éloigner, avant de s’approcher des disques en question, cherchant un qu’il pourrait mettre pour combler un peu ce silence. Un sacré contraste à coté de l’appartement qu’il partageait avec Cass dans lequel régnait toujours le son de la TV ou d’une musique trop forte, quand ce n’était pas Cass qui chantait….

Mike finalement opta pour un cd dont la couverture ne disait rien, aucune mention particulière, un cd vierge peut-être ? Mu par la curiosité, Mike inséra le disque dans l’appareil et appuya sur play, avant d’entendre une très jolie chanson envahir le grand espace du salon, idéal pour amplifier naturellement la musique très douce .



S’entourant de la couverture qu’il posa sur ses épaules, Mike écouta la musique, jusqu’à ce que Tny ressorte de la salle de bain. Son regard glissa sur elle, et il sourit.

- Ça a l’air d’aller mieux ! Bon et bien à mon tour que je fasse disparaitre cet air de chien mouillé que je dois avoir.

Il rit, passa à côté d’elle, s’excusa … il n’en aurait pas pour longtemps…

Puis il passa dans la salle de bain qu’il referma soigneusement derrière lui, se débarrassant de tout ce qu’il portait encore, avant de faire couler avec délice l’eau chaude sur sa peau glacée, faisant remonter un peu sa température corporelle. Il en profita pour nettoyer ses cheveux collés par l’eau de mer, puis quelques minutes plus tard, il s’essuyait avec la serviette qu’elle lui avait prêtée, enfila le tee-shirt qui bien sûr était trop petit pour lui mais qui couvrait au moins euh…. Un peu du haut de son corps. Il garda la serviette pour l’enrouler autour de sa taille, et c’est dans cette tenue qu’il reparut dans le salon d’un air gêné.

- Merci pour les affaires. Le tee-shirt …..euh ….j’espère qu’il ne sera pas trop déformé.

Puis il regarda le violon.

- Est-ce que vous avez toujours envie de me jouer un morceau ? J’avoue que je vous écouterai volontiers.

Et désignant le canapé.

- Vous permettez ?

Et il prit bien garde en s’asseyant de bien maintenir sa serviette en place !

- C’est un bel appartement que vous avez là. Il a l’air …ancien.

Oui c’était à cause des haut-plafonds, le fait était plutôt rare dans les appartements modernes. Mais ça donnait une touche particulière à cet endroit, autant que l’ameublement très sommaire, pour ne pas dire minimaliste.

Bon il avait l’air un peu emprunté dans cette « tenue », et assis de façon à ce que tout reste bien couvert. Ou presque. Oui enfin elle l’avait déjà vu en boxer alors….

- Et sinon vous habitiez où avant de venir à New York. Vous avez encore de la famille quelque part ?

En espérant que ce sujet ne réveillerait pas d’autres mauvais souvenirs ou drames dans la vie de la jeune femme.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Sortant de la salle de bain, je fus surprise d'entendre ma voix émaner des enceintes tandis que les notes d'un piano résonnaient tristement.


Cela me revenait. C'était une chanson que j'avais écrite quelques années auparavant. Elle n'avait même pas de titre, tout comme le CD la contenant. Il était d'ailleurs étrange que Mike l'ait choisie. De tous les choix possibles, il avait pris la pochette anonyme rangée dans un coin de l'étagère. Je n'avais même plus le souvenir de l'avoir gardé lors de mon déménagement.

Enfin, ce n'était pas comme si j'avais interdit à Mike de choisir ce disque. Bien au contraire. C'était juste étrange de m'écouter chanter. Perturbant même. Cela remontait à une époque qui me paraissait bien lointaine maintenant. Un temps où je n'avais pas peur de blesser les autres avec ma voix.

Mike se redressa, et je me décalai pour le laisser passer. Je ne fis aucune remarque, trop pensive. Et lorsque la porte se referma enfin derrière moi, je m'approchai lentement du lecteur CD. Ma main glissa sur le bouton d'arrêt sans appuyer.


Mes lèvres formèrent les mots, mais restèrent muettes. Chanter me démangeait. Même mes doigts se mirent à pianoter dans le vide, poussés par cette envie. Je me mordis les lèvres. Ce n'était pas bien. Pourtant, je n'enclenchai pas le bouton pour interrompre la mélodie.

Finalement, je me détournai de la chaîne hi fi pour porter mon attention sur les feuilles qui traînaient par terre. Je m'accroupis et m'emparai d'une première partition. Un début de morceau de musique y était griffonné. Il me fallait trouver la suite. En regardant le tas de papiers, je soupirai. Cela n'allait pas se faire en cinq minutes.

Quand l'Écossais ressortit de la salle de bain, j'étais toujours au milieu des partitions, un paquet dans chaque main. Je relevai la tête pour m’apercevoir que même mon plus grand tee-shirt n'était pas vraiment à la taille du vampire. Il sembla embarrassé de son apparence. Et surtout d'abîmer mon vêtement. Je haussai les épaules.

- Oh, ne vous inquiétez pas, mes hauts ont connu bien pire que ça.

Je fronçai des sourcils, car je me rendis compte que mes propos pouvaient être mal interprétés. Je n'étais pas du genre à ramener beaucoup de monde chez moi.

- Parfois, il m'arrive de les... déchirer involontairement quand je me transforme, précisai-je non sans faire une grimace. Les ailes, c'est chouette pour voler, mais certainement pas pour les vêtements qui finissent généralement en lambeaux.

Mike me demanda alors si je voulais bien jouer. Je souris. J'étais toujours volontaire pour jouer du violon. Enfin, d'habitude, je n'avais pas de public.

- Allez-y, installez-vous, je vais éteindre la musique.

Je me levai, abandonnant mes deux tas de feuilles sur le sol pendant que Mike prit place du mieux qu'il pouvait. Bon, c'est vrai que la vision qu'il donnait était assez drôle. Le contraste avec la beauté du vampire et sa tenue inadéquate était pour le moins amusant. Je me pinçai les lèvres pour étouffer un rire.

Ce n'était pas bien de se moquer.

Je détournai le regard et allai enfin éteindre la musique.

- Ancien ? Oui, c'est vrai. J'ai tendance à trouver que la musique sonne différemment entre des vieux murs. C'est aussi en partie pour ça que j'ai choisi celui-là.

À nouveau, je revins vers l'amas de papiers, mais m'arrêtai cette fois devant le fauteuil. Mike me questionna alors sur l'endroit où j'habitais avant d'être ici, si j'avais encore de la famille.

Aïe. Ma famille. Sujet épineux.

Mes parents n'avaient toujours pas compris les raisons qui m'avaient poussée à partir. Depuis, ma mère me harcelait au téléphone pour avoir de mes nouvelles, tandis que mon père, à l'inverse, m'ignorait froidement.

- Je viens de Miami, murmurai-je. Mes parents y résident toujours, mais disons...que nous sommes en froid.

Oui, c'était peu dire. Je me mis alors à échauffer mes poignets et mes doigts.

- Et vous, ça fait longtemps que vous êtes à New-York ? Vous avez parlé d'un colocataire tout à l'heure...

J'attendis sa réponse, curieuse.

Il était étrange de m'écouter autant discuter avec quelqu'un. D'habitude, je ne me contentais que de quelques mots. Voir aucun. C'était juste étrange.

Après avoir assoupli mes mains, je me penchai pour prendre délicatement mon violon et mon archet. Je me redressai, toujours au milieu des feuilles. Le dos droit, je calai l'instrument au creux de mon cou dans un geste naturel.

Je jetai un coup d’œil à Mike.

- Une reprise...

Je n'ajoutai rien d'autre et fermai les yeux pour me concentrer. Longue inspiration. Levai le bras...

...Et pinçai les cordes de ma main droite.





J'ouvris les yeux. Mes paupières clignèrent plusieurs fois pour se réhabituer à la lumière. Comme à chaque fois, après avoir joué, je me sentis apaisée. Le violon se détacha de mon cou et je repris une position plus droite.

- Alors ?

Mes yeux se rivèrent vers Mike, voulant connaître son avis. À cet instant, j'appréhendai. Peut-être que le morceau ne lui avait pas plu. J'oscillai légèrement sur mes jambes de droite à gauche.

- Ce n'était pas si mal, non ?

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Mui, il devait avoir une drôle d’allure, mais au moins était-il propre et sec ! ou presque sec en omettant ses boucles encore luisantes d’humidité. Il retrouva Tony qui ramassait ses partitions éparpillées sur le sol, ce qui lui fit se demander comment toutes avaient atterri là.  Il lui sourit puis s’excusa pour le tee-shirt.

Et la réponse lui valut  un regard à la fois surpris et perplexe. Mais il se garda bien de commenter, écartant très vite toutes les implications de cette phrase. Tout ça ne le regardait absolument pas ! Mais comme si Tony avait perçu sa surprise, elle apporta quelques précisions qui aussitôt firent voler en éclat toute supposition du vampire. Ses transformations…ah oui, elle avait des ailes ? Il fut soudain très curieux de voir ça ! Mais bien sûr il ne lui en fit nullement part. ça aurait sans doute paru déplacé. C’état…. Idiot aussi. Euh bref.

- Je euh j’imagine….. ça doit être difficile à les…. Cacher.

Il détourna une fois de plus la conversation sur le violon. Elle lui avait proposé d’en jouer pour lui, il se dit que c’était l’occasion parfaite et prit place dans le même temps qu’il le lui demandait dans le canapé, non sans essayer d’adopter une position digne, malgré le ridicule de sa tenue.

- Ah oui la chanson, très jolie voix. J’ai beaucoup aimé, précisa-t-il au sujet de la musique qu’elle s’en alla éteindre. Il n’y avait pas de nom sur la pochette. Savez vous de qui est-ce ?

Bien que le timbre avait quelque chose de très familier, sans qu’il ne parvienne à l’associer à la jeune femme face à lui. Une voix chantée ou parlée pouvait être très différente l’une de l’autre. Aussi supposa-t-il qu’il devait déjà l’avoir entendue à la radio. Et ce qui fit qu’il ne remarqua pas le soudain amusement de Tony.

Il lui posa aussi des questions au sujet de l’appartement et la réponse ne le surprit pas de la part d’une musicienne.

- C’est vrai qu’il y a une très belle acoustique.

Quant à sa famille, Tony lui répondit non sans une certaine gêne qu’elle venait de Miami et qu’elle était en froid avec les siens. Aussitôt Mike s’excusa.

- Désolé….je …c’était maladroit de ma part de vous demander ça.

Il fut donc soulagé de répondre à sa question, pour changer de sujet puisqu’il avait réussi à mettre les pieds dans le plat.

- Oui, en effet, je partage un appartement depuis trois ans environ, avec mon partenaire, … mon collègue de l’Ordre, précisa-t-il très vite. Nous veillons tous les deux sur New York et sur les vampires qui feraient un peu trop de ….de vagues. Du reste si l’un d’eux vous crée des problèmes et bien, vous avez mon numéro, tenta-t-il sur le ton de la plaisanterie.  Ou même s’il n’est pas vampire.

Il ajouta plus sérieusement.

- Vous pourrez toujours compter sur moi, d’accord ? Pour quoique ce soit…. N’hésitez pas à m’appeler.

Puis la voyant faire de drôles de gestes avec ses poignets, il sourit comprenant qu’elle allait lui jouer un peu de violon, prêt à l’écouter et hocha la tête quand elle précisa qu’elle allait jouer une reprise. Ca lui éviterait au moins pendant cinq minutes de dire des bêtises. Ce qu’il pouvait être maladroit parfois ! Il soupira de frustration, mais très vite, oublia tout ça, pour se laisser captiver par la musique, le regard fixé sur la musicienne qui semblait s’être oui, envolée avec sa mélodie. Il l’écouta jouer magnifiquement de son instrument, complètement sous le charme, jusqu’à la dernière note.

Et quand elle cessa de jouer, il lui fallu un temps pour répondre à sa question.

- Alors ? Oh …c’était… absolument magnifique ! vous êtes très douée Tony, bien que je ne sois pas un spécialiste en la matière mais j’aime beaucoup, vraiment ! Et vous ne vous produisez jamais pour un public ? Je n’sais pas, il y doit bien y avoir des endroits à New York qui seraient ravis d’accueillir une musicienne aussi douée.

En tout cas, lui irait très volontiers la voir jouer encore.

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

- Tant que je ne néglige pas mes ailes, il n'y a pas de soucis. Mais dans le cas contraire elles peuvent ressortir involontairement. Dans ces moments-là, mieux vaut que je sois chez moi ou seule.

Sans compter que pour trouver l'endroit idéal pour voler à New-York, ce n'était pas gagné. Avec mes ailes, autant dire que j'aurais tôt fait de me faire repérer. Enfin, exceptées peut-être lors des nuits sans lune où mes plumes se seraient parfaitement fondues avec le ciel.

Je souris à Mike lorsqu'il me demanda de jouer un morceau au violon. J'acquiesçai, bien trop heureuse d'accepter, et me dirigeai vers le lecteur CD afin de couper la musique. Un instant, mon regard glissa sur la tenue du vampire. Amusée, je me contins de rire. Cependant, avant d'appuyer sur le bouton d'arrêt, mon geste fut interrompu par une autre question.

J'aurais préféré qu'il ne dise rien. Parce que je n'avais pas envie de répondre. Et puis, ce n'était pas vraiment important, ce n'était qu'une chanson anonyme, non ? Je poussai un léger soupir.

- Oui, c'est une chanson que j'ai composée, murmurai-je après quelques secondes de silence.

J'aurais pu mentir et dire que je n'avais aucune idée sur l'identité de l'artiste, mais mentir n'était pas dans ma nature. De plus, cela n'aurait pas expliqué pourquoi j'avais ce disque chez moi.

Enfin, la musique s'arrêta.

- Merci...

La question suivante fut bien moins incommodante, même si ma relation avec mes parents n'était pas des plus réjouissantes. Et quand l'Écossais s’excusa pour son ignorance, je haussai des sourcils.

- Ne vous excusez pas pour ça. Vous ne pouviez pas savoir et ça n'est pas votre faute.

Bientôt, ce fut au tour de Mike de répondre à ma question, tandis que je m'échauffais les mains pour jouer au violon.

- Seulement tous les deux ? répliquai-je surprise. La ville est grande, ça ne doit pas être facile.

Et surtout de tout repos. Cela devait demander beaucoup d'organisation, sans oublier le danger que cela impliquait. Je songeai alors à la cicatrice que j'avais entraperçu sur son torse. Peut-être était-ce une ancienne blessure due à une altercation qui ne s'était pas aussi bien déroulée ? Cependant, je n'osai pas aborder le sujet et hochai la tête lorsque ce dernier insista pour le contacter à la moindre nécessité.

Cela me fit sourire. À croire que la morosité commençait à me quitter à force de discuter avec Mike.

- C'est noté, je n'oublierai pas.

Fin prête, je m'emparai du violon. Et après quelques secondes de concentration, les premières notes retentirent enfin. J'oubliai alors le monde le temps de la mélodie. Boulevard of Broken Dreams résonna paisiblement entre les vieux murs de l'appartement.

Quand la musique mourut, je papillonnai des yeux comme pour me reconnecter à la réalité. Hésitante, je demandai finalement l'avis du vampire.

- Il n'y a pas besoin d'être un spécialiste pour apprécier la musique, le rassurai-je. Juste savoir écouter.

Je penchai la tête.

- En public ? Non, je ne pense pas... Je préfère rester, comment dire, dans l'ombre... Et j'aime nettement plus mettre en avant d'autres artistes, mais merci du compliment.

Toutefois, je n'ajoutai pas que ma vie avait toujours été régie ainsi. Ma famille n'appréciait pas d'attirer l'attention. Encore une fois, protéger le secret était bien plus important. J'avais très vite appris à m'en accommoder. À m'habituer.

Prenant place sur une des chaises, mon regard caressa tendrement l'instrument entre mes mains.

- Mais c'est toujours un plaisir de jouer pour soi ou pour les...amis.

Je relevai les yeux vers Mike. Mon affirmation était presque une question. En effet, j'avais du mal à considérer l'Écossais comme un inconnu ou une simple connaissance. Ami aurait été plus approprié, même si nous ne nous connaissions pas vraiment. Cependant, je ne pouvais pas dire que nous étions de total étranger l'un pour l'autre.

Enfin, son travail consistait à aider les gens contre les menaces surnaturelles. Peut-être ne voyait-il pas les choses ainsi.

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Mike ne cacha pas sa surprise. Ca avait l’air bien compliqué cette histoire d’ailes. Surtout si elles s’ouvraient involontairement ! Bonjour la discrétion !  De fait, il se dit qu’à devoir fuir la lumière du jour, il n’était pas si mal loti, bien que fut un temps, sa peau ne craignait pas autant la lumière que maintenant. Mais l’anneau agissait comme un reset des pouvoirs des abstèmes qui les récupéraient au fil de leur dévouement à l’ordre. Il ignorait comment ça fonctionnait, mais c’était sans doute une sorte d’envoûtement dû à un sortilège.

Bref, il n’avait donc pas à se plaindre. Et Tony s’en sortait plutôt bien parce que si elle ne lui en avait pas parlé, il l’aurait sinon jamais deviné pour ses ailes.

- Et.. il vous est déjà arrivé de ….les utiliser ici à New York ? ça ne doit pas être simple dans cette grande ville. Peut-être en dehors ?

Ou peut-être qu’elle n’était pas obligée de le faire, qu’elle pouvait se passer de voler pour une certaine période ? Mais Mike étouffa très vite sa curiosité, en s’excusant, à nouveau surtout qu’il s’était déjà montré indiscret au sujet de sa famille.

- Euh je suis sans doute trop indiscret, pardonnez-moi. Je dois dire pour ma défense que c’est la première fois que je rencontre…. Une sirène !

Il eut un sourire gêné avant de rebondir sur la question qu’elle lui avait retournée au sujet de son colocataire. Et ce fut au tour de Tony d’être surprise qu’ils ne soient que deux.

- Pour le moment oui, mais au vu du nombre de vampires qui vivent ici et des cas qu’on a déjà eu à gérer, peut-être que l’Ordre nous enverra d’autres abstèmes. Il faut dire que nous ne nous attendions pas à une telle concentration de créatures surnaturelles dans cette ville.

Moui, il en avait déjà rencontré plusieurs ces premières années passées à New York, sans parler de la confrérie qui vivait au théâtre !  Bientôt ce serait une véritable mafia de territoires à qui gèrerait tel ou tel quartier. Oui enfin ils n’en étaient pas encore là !
Mike conclut :

- Rien n’est jamais simple pour les surnaturels. Nous devons faire face à l’ignorance des gens, et pour ceux qui savent, ils ne voient que des monstres, alors que nous sommes juste des personnes comme les autres, avec un cœur et….des sentiments. Euh et oui quelques défauts aussi..

Il fit une moue, parce que ce n’était pas vraiment un sujet sur lequel il aimait s’étendre. Aussi lui proposa-t-il de l’appeler si elle avait le moindre problème. Offre qu’elle accepta avec un sourire.

Et bientôt, il ne fut plus nécessaire de parler. Mike écouta le morceau de violon que la jeune femme joua avec beaucoup de talent et de sensibilité. Il ne put donc que la complimenter à ce sujet lui demandant si elle ne se représentait jamais en public. Mais Tony et ça il l’avait déjà un peu compris, était trop timide pour ce genre de chose.

Cependant ce qu’elle ajouta, ne manqua pas de lui faire plaisir. Il sourit. Elle le considérait donc comme un ami. Ca le changeait de ceux qui le prenaient soit pour un idiot, pour un écossais trop caractériel ou un disciple de secte et bien d’autres considérations peu flatteuses encore.

- Alors ce sera un plaisir pour moi de vous entendre à nouveau, Tony, répondit-il plus serein.

Puis il regarda la montre et se redressa, retenant la serviette qui glissait dangereusement.

- Il se fait tard… il faut que je rentre avant que le jour se lève, dit-il d’un air préoccupé avant de la dévisager.  Mais je compte sur vous pour m’appeler, si jamais vous…. Si vous voulez  même simplement parler. N’hésitez pas d’accord ?  Je vous appellerai moi-même demain soir d’accord ? Et…..et, on pourrait aller boire un verre quelque part. Oui je bois aussi autre chose que du sang, je vous rassure plaisanta-t-il. Je peux même me goinfrer de nourriture pire que n’importe qui d’autre parfois mais….. je saurai me tenir avec vous.

Il prit alors sa main sur la quelle il déposa un baiser, plus dans un geste d’affection que par galanterie, conscient que tout ça était largement dépassé.

- Prenez soin de vous, d’accord ?

Let me down, down.

ft. Mike Doughan

Ce n'était pas simple, en effet. Enfin, je ne connaissais pas encore très bien la ville pour avoir déjà mes repères. Alors je haussai les épaules.

- Non, pas depuis que je suis arrivée ici. Cependant, l'autre nuit j'ai repéré un parc dans le Bronx qui pourrait convenir la nuit. Van Cortlandt il me semble. Il est assez grand, je pense, pour que je puisse profiter d'un vol.

Bon, j'étais entrée par effraction dans le parc et je n'en étais pas très fière, mais parfois, on n'avait pas vraiment le choix. Ce n'était pas comme si je pouvais me présenter au gardien, la fleur au fusil, pour lui demander de me laisser entrer en lui expliquant ce qu'il en était réellement. Et puis, mentir ce n'était pas vraiment mon genre. Donc, je m'étais contenté d'escalader la grille.

Je voulus bien croire Mike, lorsqu'il avoua qu'il n'avait encore jamais rencontré de sirène avant. Nous étions des surnaturels plutôt secrets, préférant vivre reclus. Cependant, il y existait quelques exceptions dont je faisais maintenant partie.

La conversation continua ainsi. Cela faisait longtemps que je n'avais pas discuter aussi tranquillement. C'était agréable.

Le vampire m'apprit alors que lui et son coéquipier veillaient sur New-York. Leur Ordre n'avait apparemment pas prévu une telle densité de surnaturel. Je grimaçai. Il fallait quand même être idiot pour croire que l'une des plus grandes villes du monde ne soit pas envahie par les vampires, sorciers, démons et autres créatures... Enfin, peut-être n'avait-il tout simplement pas les moyens.

Et bien sûr, leur mission devait se faire dans le secret, tout en compilant avec les diverses personnes qu'ils étaient amenés à rencontrer. J'imaginais facilement les difficultés rencontrées. Voyant l'Écossais hésiter sur ses mots, je décidai de ne pas poser plus de questions sur le sujet.

Ce ne fut qu'après avoir accepté de le contacter aux moindres soucis que je me redressai afin de jouer du violon.

À la fin du morceau, il me fallut un petit temps pour revenir à moi. Je fus heureuse de constater que mon public de la nuit apprécia ma prestation. Ce n'était peut-être pas de la cornemuse, mais le violon avait aussi ses qualités.

Bien que la nuit n'ait pas si bien commencé, je me retrouvais agréablement surprise de notre échange. Et de manière maladroite, je demandai à Mike s'il était possible de, peut-être, renouveler ce genre de conversation. Je penchai la tête, bien consciente de mon inaptitude à faire une simple demande d'amitié.

Et quand Mike me répondit avec un sourire, je fus soulagée.

Cependant, un regard vers sa montre lui apprit qu'il se faisait tard. Ou tôt. Je me levai alors en même temps que lui, déposant le violon sur la table. Si le vampire voulait rentrer chez lui, il valait mieux, en effet, que ce soit avant que le soleil ne pointe le bout de son nez.

- Oui, d'accord. Demain ? D'accord, d'accord.

J'arquai un sourcil.

- Comment ? demandai-je surprise. Ah, je ne savais pas, j'aurais pu...

Bon, maintenant, je me sentais un peu bête de ne pas lui avoir au moins proposé une boisson. Enfin, je n'avais pas grand-chose dans mon frigo, mais tout de même.

Et sans crier gare, Mike embrassa ma main. Le geste avait été délicat, mais surtout, inattendu. Mes joues s'empourprèrent et je ne sus quoi dire. De toute façon, si j'avais pris la parole, cela aurait certainement été inintelligible. Ce fut pourquoi, je ne répondis que par un timide hochement de tête à sa question.

Je m'écartai alors pour le laisser récupérer ses affaires. De mon côté, je reposai mon violon à sa place, sur le fauteuil avec l'archet. Derrière le rideau de la fenêtre, la nuit était encore calme.

- Vous devriez avoir le temps de revenir chez vous sans trop de problèmes, murmurai-je.

Je pris une inspiration.

- Prenez soin de vous aussi, hm ?

Let me down, down.

ft. Tony Mordoh

Et bien, elle avait apparemment déjà étudié la question ! Elle avait même déjà trouvé le parc pour y utiliser ses ailes, enfin… pour voler. Un spectacle qui assurément devait être… intéressant.

Dans tous les cas, il lui faisait confiance pour savoir ce qui était le mieux pour elle n’est-ce pas ? Elle devait déjà connaître tous les problèmes que même un simple hélicoptère connaissait, comme des câbles électriques et … et bref, ça ne devait pas être vraiment pareil. Le danger résidait surtout ici à New York, parce que c’était une ville très peuplée et qu’il y avait des yeux partout.  Difficile dans ce cas de rester discret, sauf peut-être dans un parc assez vaste, la nuit.

- Et bien dans tous les cas je vous recommande la prudence ! Les gens ont déjà si facilement tendance à imaginer des choses dès qu’ils voient la moindre lueur suspecte dans le ciel.

Enfin ça aussi, elle devait être au courant. En gros, ça ne devait vraiment pas être simple d’être une sirène volante dans une ville aussi grande que New York.

Et ma foi, la taille de la ville ne leur facilitait pas non plus la tâche à eux les abstèmes, mais ils s’en sortaient plutôt bien jusque là et puis ce n’est pas comme si tous les vampires s’amusaient à massacrer à tord et à travers heureusement. Beaucoup savaient que la discrétion était leur meilleure garante de survie.  Ceux qui pensaient le contraire étaient dangereux assurément, mais heureusement rares.

Finalement après la douche et un morceau de violon joué par une musicienne pleine de talent, Mike signifia qu’il était temps de prendre congé pour lui, avant d’être coincé par le jour qui ne tarderait plus à se lever. Enfin, il n’était pas en danger ici avec la jeune femme  mais euh, il n’était pas vraiment complètement à l’aise non plus. Et puis il ne voulait surtout pas devenir « envahissant ». Il s’était déjà imposé histoire de s’assurer qu’elle n’allait pas refaire de bêtise, mais à présent qu’elle avait l’air d’aller un peu mieux, il pouvait repartir et la laisser tranquille.

Mais avant il lui signifia qu’elle pouvait l’appeler n’importe quand et pour n’importe quelle raison, même si c’était seulement pour parler. Il voulait qu’elle sache qu’elle n’était pas seule et qu’elle pourrait compter sur lui quoiqu’il arrive.

Enfin mû par une soudaine inspiration, il l’invita à aller boire un verre quelque part dès le lendemain. Ce qu’elle accepta, non sans surprise. Oui il aurait peut-être du la prévenir avant qu’il n’était pas un hémoglobinien convaincu.

Il était donc temps à présent de partir, juste le temps de récupérer ses vêtements encore un peu humides qu’il enfila malgré tout histoire de ne pas affoler tout le quartier à sortir en tee-shirt trop petit et en serviette éponge nouée autour de la taille.

Et le temps de lui dire de faire attention à elle après un baiser chaste sur son poignet, souhait qu’elle lui retourna, lui arrachant un dernier sourire et Mike disparut dans les escaliers, avant de récupérer sa voiture pour prendre la direction du Bronx.