A Day At The Office

E-SAK

Mon voyage en Enfer avait été très bref. Abrahel avait été me récupérer dans la foulée non sans me montrer son entière satisfaction par rapport à ma défaite.

Une défaite que j’avais vraiment du mal à encaisser.

Ma maitresse m’avait ramené dans mon appartement où Lamashtu m’avait fait part de sa mauvaise humeur alors que j’étais revenu sans son petit-ami qui n’avait pas daigné répondre à mon appel quand j’avais essayé de rentrer en contact avec lui. Elle ne pouvait que s’en prendre à lui. Il n’avait pas été foutu de m’aider. Il était censé être puissant aussi, le Nergal, non ? Alors il aurait pu faire une partie du travail !

C’est ce que j’avais dit à Lamashtu alors qu’Abrahel, elle, m’avait dit que la prochaine fois, j’avais intérêt à réussir. Que si on m’envoyait encore une fois en Enfer, elle ne viendrait pas me chercher la prochaine fois. Je savais qu’elle bluffait. Je savais que j’étais son favori. Je savais qu’elle aimait bien trop me voir perdre que pour m’abandonner en Enfer à ma prochaine défaite… Non. Elle ira me chercher rien que pour me voir échouer encore.

Sauf que la prochaine fois, j’allais les démolir, ces foutus forains…

Après ça, ma maitresse s’en été allé et j’avais dû me débrouiller pour soigner mes blessures seules. Lamashtu ne voulait pas me donner la moindre aide disant qu’Edward lui prenait tout son temps. Alors, j’avais fait les bandages moi-même… Avant de me barrer de l’appartement le matin même parce qu’Edward ne cessait de pleurer. Il avait pleuré tout le reste de la nuit et ça continuait le matin encore. Je n’en pouvais plus. Il fallait que je me barre.

C’est ce que j’avais fait et le seul endroit où je pouvais aller c’était chez Waters Robotics. J’y étais allé comme si de rien n’était… Même si les cerne sous les yeux et l’ecchymose que j’avais en pleine figure faisait un peu moins « comme si de rien n’étais ».

J’avais vaguement salué E-SAK avant de me mettre directement au travail. Je l’aider, à partir de ses plans, à produire les nano-repaire, le dernier produit de son entreprise. Je mémorisai chaque idée d’E-SAK, chaque plan pour quand je lancerais la mienne, d’entreprise. C’est comme ça que les grands scientifiques réussissent après tout.

Je travaillais minutieusement mais les minutes avançant, je commençais à sérieusement piquer du nez… Surtout que je travaillais en buvant du whisky ce qui n’aidait pas. Tout ce que ça aidait c’était à anesthésier la douleur des blessures les plus profondes que j’avais et qui étaient cachés par mes vêtements.

Mes yeux se fermaient tous seule jusqu’à ce que je pique carrément du nez tombant la tête la première sur le bureau juste à côté du travail en cour. Le choc me réveilla tout de suite et je grimaçai. Alors que dans le mouvement la bouteille de whisky s’était brisée au sol en même temps que quelques nano-robots très certainement (mais ils étaient trop petits pour que j’en sois vraiment sûr). C’est invisible à l’œil nu ces trucs-là. Il fallait un foutu microscope high-tech pour bosser là-dessus (heureusement, celui-ci, n’était pas tombé.

-Putain !

J’avais juré me frottant le front. Dépité, je regardai la bouteille de whisky en soupirant.

-E-SAK, vas un peu me chercher une nouvelle bouteille… Celle-ci est morte, dis-je sur un ton endormi.

C’était mon assistant après tout…

A Day At The Office

Edwin Stark

Boum…

C’était ce que j’avais entendu quand le front d’Edwin était tombé contre le bureau. Un « boum » étouffé. Et non plus le petit son que faisait la bouteille de whisky à chaque fois qu’il en buvait une gorgée. Je ne m’étais même pas tourné vers lui. Même pas quand la bouteille de whisky se brisa sur le sol, mettant Nono en branle directement avec des bips qui pouvaient être interprétés à s’y méprendre à des reproches.

Je ne savais pas ce que l’homme faisait de son temps libre mais il revenait souvent égratigné, voire carrément blessé, et fatigué en prime. Mais je me foutais de ce qu’il faisait tant qu’il m’aidait à produire. Et ce même si jamais encore il ne m’avait vraiment reconnu mon talent particulier pour inventer des choses.

J’étais résigné à m’attirer sa reconnaissance, je me consolerais quand tous les gens dehors ne jureraient plus que par Waters Robotics.

Mais quand il me demanda mollement d’aller lui chercher une autre bouteille de whisky, je me tournai vers lui, perplexe.

-Nono ne sait pas se dédoubler… Et je ne suis pas programmé pour te servir. Débrouille-toi.

Et puis, il était mon employé, pas l’inverse.

Je fis tout de même rouler mon siège pour me rapprocher de lui et le regarder de plus près. Pour le reste, il n’avait qu’à apprendre la patience, c’était bien ce que j’étais en train de faire, moi. Être patient.

Une fois près de lui, je le dévisageai. Les égratignures sur son visage étaient une chose, mais sa difficulté à effectuer certains mouvements cachait d’autres blessures plus profondes.

-Dans quoi as-tu été te fourrer, Edwin ? Qu’est-ce que tu fais quand tu n’es pas ici ?

M’était avis que ce n’était rien de bien catholique. Mais je savais déjà que ce n’était pas dû à Thunder, ils ne s’étaient pas encore croisés ici. Une chose qui n’allait certainement pas tarder à arriver et je me réjouissais de voir ce que ça allait donner.

A Day At The Office

E-SAK

Je crois qu’il n’y avait rien de plus navrant que de voir une bouteille de whisky se briser au sol... Surtout quand il y avait encore du whisky dedans, ce qui était le cas de celle-ci.

J’avais encore le regard bien dans le gaz. Je ne savais même plus trop où j’en étais dans mes nano-robots. Enfin, ceux d’E-SAK… Enfin, bref, j’avais complètement perdu le fil de mon travail du jour. Pourtant, il n’y avait rien de bien compliqué. Ce qui était compliqué, c’était de garder les yeux ouverts.

Au lieu de venir ici, j’aurais dû prendre une chambre d’hôtel… J’aurais pu me reposer à l’aise mais à la place, j’étais venu bosser. Mauvais idée…

Nono, le petit robot qui était complètement à la botte d’E-SAK s’excitait autour de la bouteille brisée comme si il venait de se passer un drame alors que tout ce qu’il avait à faire c’était de nettoyer pendant qu’E-SAK allait m’en chercher une autre pour que je puisse reprendre le travail là où je l’avais laisser ou, mieux, prendre une pause dans un coin en buvant tout en me reposant les yeux. Après tout, je faisais un peu mes horaires comme je le voulais.

E-SAK déclara que Nono ne pouvait pas se dédoubler et qu’il n’était pas programmé pour me servir.

Il faudrait peut-être…

Je fis une moue à la fois fatiguée et ennuyée.

-Mouais… Dommage… Comment ça se fait qu’il n’y a pas plus de robots pour nous servir, hein ? Tu n’as pas le temps de nous faire ça ?

Je disais ça d’un ton sans aucune motivation. Je pourrais très bien programme un robot pour me servir. Ainsi, il aura Nono et moi j’aurais le mien. Mais… Pas aujourd’hui…

Le gosse fit alors bouger son siège jusqu’à moi alors que j’étais en train de me préparer psychologiquement à me lever pour aller chercher une bouteille. Je savais d’avance que rien que me lever allait me faire mal. Mes blessures dataient de hier soir… Ce n’était pas assez que pour régénérer même si un démon récupérait bien plus vite qu’un humain.

Le gamin me dévisagea de son regard fronça alors que je le regardais d’un regard à la fois fatigué et nonchalant. Et il me questionna alors me demandant dans quoi je m’étais fourré. C’était difficile de lui faire croire que je ne m’étais fourré nulle part avec les égratignures que j’avais sur le visage. J’haussai les épaules.

-Quand je ne suis pas ici, je bosse pour mon autre employeur : Lucifer…

Je ne voyais pas l’intérêt de cacher ça à E-SAK. Il pourrait très bien le déduire lui-même de toute façon. Et le gamin n’avait aucun allié en dehors de moi. Aucune attache. Aucun intérêt dans les diverses guerres hormis celle de vendre sa technologie aux deux camps… Des intérêts purement économiques que je comprenais.

Donc, aucun réel danger de lui parler ouvertement de Lucifer.

-Et ce n’est pas toujours de tout repos comme tu le vois, dis-je en montrant mon visage du doigt.

Je soupirai regardant vers l’endroit où se trouvait le whisky avant de me lever en grimaçant. Je trainais presque des pieds en marchant vers le whisky.

-La dernière mission était particulièrement compliquée…

Je pris le whisky avant de revenir m’installer à ma place initiale buvant un coup avant de regarder E-SAK.

-Tu connais un certain David Edwards ? Il s’appelle aussi Légion… Ça te dit quelque chose ? Ou une certaine Syragane ? Parce que si tu connais leurs points faibles, je suis preneur. Histoire de ne pas me prendre une branlée la prochaine fois.

E-SAK n’était-il pas une base de données vivante ? S’il pouvait utiliser ses atouts de robots pour avoir des infos, j’étais preneur.

A Day At The Office

Edwin Stark

Après avoir brisé et renversé une bouteille de whisky, voilà qu’Edwin se plaignait qu’il n’y avait pas assez de robots pour nous servir. Je ne me retournai même pas vers lui pour lui répondre :

-Nono suffit largement à nos besoins, je ne vois pas pourquoi j’en construirais d’autres. Si tu étais moins ivre, ça nous éviterait déjà ce genre de dégâts. Tu veux un robot rien que pour toi ? Tu n’as qu’à le faire toi-même.

C’était à peine si Edwin prenait le temps ou faisait l’effort d’articuler tant son sang était imbibé d’alcool. Mais quand je me tournai enfin vers lui pour le dévisager et poser des questions, il y répondit sans broncher.

Sa réponse me fit tiquer de l’œil gauche, un simple clignement d’œil… Mais apparemment, ma programmation n’avait définitivement pas identifié Edwin comme un surnaturel. Alors c’était bon à savoir : les surnaturels non repérés dès le premier regard ne l’étaient donc jamais.

Ce qui voulait dire que chaque fois que je me retrouverais devant la Morrigane, si celle-ci me faisait encore une visite surprise, la programmation s’enclencherait et je devrais la hacker… Si je n’y arrive pas, tant pis pour elle.

Elle m’avait déjà bien assez importuné pour m’accuser de tous les maux alors que je n’avais encore rien fait. Et je n’étais réellement pas décidé à lui donner raison. Donc, je n’irais pas au park de Staten Island. Je ne me dresserais pas gratuitement contre des surnaturels. J’avais bien mieux à faire !

Même si pour l’instant, j’étais distrait par le larbin de Lucifer qui me montrait ses égratignures en pleine figure.

Je grimaçai.

-MMmm… Tu devrais démissionner. Ça a l’air douloureux comme job.

J’eus un sourire mauvais.

-Qu’est-ce que ça fait de ne pas être son propre patron… Deux fois… ?

Oui parce qu’hormis Lucifer, il avait moi-même comme patron, ici, à Waters Robotics. Mais quand il me parla de David Edwards, mon sourire disparut instantanément. C’était un nom que j’avais justement entendu de la bouche de Scarlet Morrigan.

Il était l’un des crimes que je n’avais pas encore commis mais pour lesquels j’avais déjà été jugé par la sorcière.

-Oui… David Edwards est un surnaturel dont je dois éviter de tuer l’entourage dans un avenir indéfini, selon une pseudo-voyante…

Edwin voulait connaître leurs points faibles. Je rigolai et écartai les bras.

-Je n’en sais rien, je ne les ai pas encore rencontré et je vais faire en sorte de ne jamais les rencontrer.

Parce que la Morrigan avait aussi dit que cette rencontre signifierait mon arrêt de mort.

-Par contre…

Mes yeux devinrent rouges et sur les écrans s’afficha la photo et les caractéristiques du dénommé David Edwards, ainsi que le dossier entier du SPN le concernant. Je ne réussis qu’à obtenir le dossier de niveau 8, ce qui me fit grommeler dans ma barbe… [Hacking 11 VS 10]…

-Voilà ce que le SPN sait là-dessus. Pourquoi Lucifer lui en veut, à ce David ? Et pourquoi est-ce toi qui es chargé de ce travail ?

A Day At The Office

E-SAK

Je ne suis pas ivre ! C’est ce que j’aurais pu dire à E-SAK si j’avais la moindre motivation pour commencer à m’abaisser au niveau d’un gamin de 15 ans. Quant au fait que je pouvais très bien faire un robot nettoyeur moi-même, je grommelai toujours sans la moindre motivation.

-C’est pas aux employés de fournir le matériel pour l’entreprise... C’est le patron qui doit fournir le matériel.

Ouais… Ça non plus, E-SAK ne semblait pas savoir. A voir dire, il n’y connaissait rien en gestion d’une entreprise… Il n’y connaissait rien non plus en marketing et en com’. Suffisait de voir comment il gérer sa page H pour s’en rendre compte.

Puis, il suffisait de voir autour de nous… E-SAK voulait construire une entreprise qui rivaliserait avec Stark Tech… Il n’y arrivera jamais s’il n’engageait pas du personnel. Stark Tech. énormément de personnel et pas que des ingénieur. Il y avait des gens chargé de la gestion, de la com’, de l’entretient, de l’administration et j’en passe.

On en était loin chez Waters Robotics… Il lui faudra trois vies pour atteindre ce que j’ai fait avec Stark Tech. en quelques années à peine.

-Et je ne suis pas ivre.

Je suis juste fatigué à cause de ce foutus forains. C’est tout… D’ailleurs, mon état attira rapidement les questions du gamin et j’y répondis en allant me chercher une nouvelle bouteille de whisky. Il déclara que je devrais démissionner, je fis la moue avant de lever un sourcil à sa remarque sur le fait que je n’étais pas mon propre patron… Deux fois.

De qui il tenait ce sens de la provocation gratuite ? De ma mère ?

-Ça à plus d’avantages qu’on ne le croit. Mais il faut savoir voir à long terme pour les voir. Toujours penser à long terme, E-SAK. Sans compter que je ne peux pas démissionner de mon travail pour Lucifer. Si je démissionne, je ne pourrais plus m’amuser. Ça serait très con.

Et puis, si j’avais envie de démissionner ici, je pouvais. J’esquissai d’ailleurs un sourire en coin.

-Par contre, pour tous mes autres jobs, j’ai le choix de démissionner ou non. Et pour garder ses employés, il faut les choyer, petit.

Donc, fournis-moi mon robot nettoyeur à moi. C’était ça le message caché.

Je finis par lui demander s’il connaissait David Edwards ou même Syragane. C’était eux qui m’avaient mis dans cet état lamentable et Abrahel avait bien envie que je mène ma mission à bout autant que j’avais envie de me venger. Mais je devais mieux me préparer cette fois et E-SAK était une base de données sur patte alors autant l’utiliser.

Je bus un coup de whisky les yeux toujours à moitié ouvert alors qu’E-SAK déclara qu’il devait éviter de tuer l’entourage de David Edwards d’après une pseudo-voyante. Je pris un air perplexe le laissant continuer en disant qu’il ne les avait encore jamais rencontrés et qu’il n’en avait aucune envie.

-Tu me déçois un peu là…

Sérieusement ? Une voyante lui avait dit de ne pas toucher alors il ne touchait pas ? Je savais qu’E-SAK était un gamin en manque de reconnaissance, un type extrêmement capricieux. Mais je ne savais pas qu’il était lâche à ce point.

Mais il continua encore et sur les écran s’affichèrent alors le dossier SPN de David Edwards. J’esquissai un sourire en coin. Alors il était passé au SPIN ? Intéressant ! Mais je me permis quand même de montrer toute ma nonchalante à E-SAK en lui balançant :

-Le dossier de niveau 8 ? Seulement ? Tu n’as pas mieux ?

Je poussai un soupire visant plus à faire tiquer E-SAK qu’autre chose.

-Bon, je ferais avec… Tu peux me l’imprimer ?

Et rapidement, E-SAK balança à son tour, non pas ses remarques désobligeantes, mais ses questions. J’haussai les épaules avant de boire un coup de whisky.

-Il ne lui en veut pas vraiment. Disons que David est un genre de poubelle à Anges déchus et qu'un démon haut gradé veut que l’un d’entre eux prenne possession du corps de David pour avoir un allié en plus dans nos rangs et un en moins dans le rang adverse. Et si c’est moi qui suis chargé de ça c’est parce que je ne suis pas mon propre patron et que, de ce fait, je ne choisis pas toutes mes missions.

Parce qu’Abrahel aime me faire souffrir, voilà tout. Mais un jour, elle le regrettera. D’où ma pensée à long terme.

Je souffre maintenant. Mais bientôt, ça sera moi qui rigolerais. Je regardais E-SAK toujours avec les yeux à moitié ouvert.

-Mais dis-moi… Qui c’est cette pseudo-voyante ? Et pourquoi est-ce que tu écoutes ce qu’elle dit ? Je croyais que personne ne te dictais ta conduite.

J’affichai un petit sourire en coin.

A Day At The Office

Edwin Stark

Edwin était peut-être un génie, mais c’était aussi une diva. Il me réclamait des serviteurs robotisés pour palier sa maladresse liée à son état d’ébriété. Selon lui, c’était mon devoir de patron de veiller à ce genre de chose. En plus, il assurait ne pas être ivre alors même que tout l’entrepôt puait l’alcool.

-Tu abuses… Et tu es ivre.

Il était hors de question que je fabrique plus de robots comme Nono quand il nous suffisait. Edwin n’avait qu’à apprendre, comme moi, la patience. Ouais parce que j’étais, avec Waters Robotics, en train d’apprendre la patience. Lancer une entreprise n’était pas simple, même si j’avais beaucoup de demandes pour le réacteur WR et les Nano-Repair. Mais ce n’était pas encore assez. Il me fallait d’autres inventions qui aient la cote comme ces deux-là et les mettre au point.

Et améliorer le Nano-repair pour qu’ils puissent, comme je l’avais fait avec Thunder, aider la médecine. Imaginez… Des gens ayant réglé un handicap via une puce WR intégrer dans leur cerveau… Autant de cerveau dont je pourrais, via la même puce, prendre le contrôle si jamais on me poussait à bout.

Edwin, lui, en attendant, souffrait et buvait comme s’il cherchait à anesthésier sa douleur. Et il en profita pour me faire la leçon, une nouvelle fois. Il ne pouvait pas démissionner de son boulot pour Lucifer. Oui, j’imaginais bien qu’il n’avait pas le choix. Et je n’avais aucune compassion pour lui. Il était ravi, non, après tout, d’être revenu sur terre et ce, dans son propre corps.

Un long préambule pour me signaler qu’il pouvait, par contre, démissionner de Waters Robotics.

-Si tu voulais vraiment le faire, tu l’aurais déjà fait : je n’ai pas besoin de toi et tu n’as pas besoin de moi. Tu as juste besoin de ce labo…

Quant à moi… Que m’apportait Edwin Stark ? Bien plus que ce que l’on pouvait imaginer. Car ses remarques sarcastiques ne tombaient pas dans l’oreille d’un sourd. Il fallait choyer ses employés. Très bien, alors, moins j’en aurais, moins j’aurais besoin d’en choyer. Autre chose que m’apprenait Edwin était que je n’arrivais pas à avoir des contacts humains. La plupart du temps qu’il passait au labo, nous ne nous adressions même pas la parole, nous ne faisions que coexister.

La conversation dévia sur David Edwards, un surnaturel que je ne devais pas approcher, selon la Morrigane, parce que cela signerait la mort de toute une communauté. Je me foutais de la mort de cette communauté en question, par contre, j’accordais un peu d’importance au fait que leur mort entraînerait la mienne. Ça, c’était important.

Et Edwin de dire que je le décevais…

-En quoi ça change de d’habitude ?

Je ne me démontai pas et lui servis ce que j’arrivai à hacker dans les dossiers du SPN, une nouvelle déception pour Edwin qui ricanait.

-Tu n’es pas content ? La prochaine fois, tu n’auras qu’à essayer de hacker toi-même.

Et il ajouta qu’il voulait l’imprimer. J’eus un sourire de requin.

-Imprimer ?

Le smartphone d’Edwin vibra quand je transférai tout le dossier dessus, le tout sans bouger de mon siège, mes yeux changeant juste brièvement de couleur.

-Imprimer, c’est has-been.

J’avais mon lot de question concernant ce qui l’intéressait à propos de ce surnaturel que je devais éviter… Edwin m’en fit un bref résumé. Voilà au moins quelqu’un qui avait l’esprit de synthèse. Je souris.

-Et tu as déjà essayé une fois… Et tu n’en es pas sorti indemne, je me trompe ?

Aux questions d’Edwin, je répondis :

-Je l’écoute car c’est de ma propre mort qu’elle a parlé. Même si elle est venue me prévenir, non pas pour ça, mais du carnage que je ferai potentiellement. Ma mort lui importe peu. Si je meurs, pour elle, c’est tant mieux. Mais je compte bien rester dans le paysage aussi longtemps qu’elle.

Je regardai Edwin dans les yeux.

-Si quelqu’un t’annonçais ta propre mort, tu n’essayerais pas de l’éviter ? Si tu avais su pour ta mort en 89, serais-tu parti courir après Bobby Sands ?

A Day At The Office

E-SAK

Je roulai des yeux quand E-SAK restait sur ses positions quant au fait que j’étais ivre. Non… Je ne l’étais pas… Il me faut bien plus d’alcool dans le sang pour être ivre, surtout depuis que je suis démon. Mais je laissai couler haussant les épaules. Qu’il pense ce qu’il veut, le petit gamin. Son avis ne m’intéresse pas, de toute façon.

Mais comme j’aimais bien faire la leçon à E-SAK, je la fis. Ça m’amusait de lui montrer à quel point il avait encore énormément de choses à apprendre avant d’arriver à ma cheville. Il n’était encore qu’un gamin qui ne connaissait que très peu du monde des affaires. Il savait construire de bonnes inventions, certes, mais ça s’arrêtait là. Pour le reste, il avait encore énormément de travail. Mais il est fort probable que quand il aura trouvé comment faire pour faire émerger son entreprise, William sera déjà mort et enterré depuis des lustres.

Mais E-SAK aimait me provoquer alors la conversation tourna rapidement sur mes différents employeurs dont Lucifer faisait partie. Un boulot dont je ne pouvais définitivement pas démissionner contrairement à celui que j’avais ici. Mais E-SAK était sûr de lui et aimait avoir le dernier mot alors il répliqua disant que si je voulais vraiment démissionner, je l’aurais déjà fait. Il prétendait que tout ce que j’avais besoin ce n’était pas de lui mais du labo. C’est là qu’il faisait fausse route. Un labo, j’en avais un. Par contre, infiltré ici, j’avais un œil sur la concurrence dont E-SAK faisait partie. J’avais un œil sur sa façon de procédé et sur ses plans. Je pourrais facilement l’écraser une fois ma propre affaire mise sur pied. Ce que j’avais besoin ce n’était pas du labo, c’était des informations. Et j’en emmagasinais chaque fois que je venais ici.

J’haussai donc les épaules nonchalamment.

-Vrai… Sauf sur une chose… Je n’ai pas besoin du labo, ce dont j’ai besoin c’est du whisky gratuit.

J’esquissai un faible sourire en coin avant de boire encore une nouvelle gorgée de whisky.

Puis, je finis par parler de Légion et de sa petite-amie. Je disais à E-SAK que s’il avait des informations, c’était le moment de me les donner. Et, certainement pour me montrer ses grandes capacités de hacking, me fournis le dossier de niveau 8 sur Edwards du SPN. Et moi, en retour, je pris un air déçu parce que j’aurais voulu au moins le dossier de niveau 10. Au moins, oui. Mais ma déception rendait E-SAK plus blasé qu’autre chose et ça me fit un peu sourire de le voir encore une fois jouer à l’adolescent dépressif. J’haussai les épaules.

-C’est vrai. Ça ne change rien de d’habitude en fait.

Et comme à chaque fois que je le critiquais, E-SAK répliqua en disant : « bah si tu n’es pas content, tu n’as qu’à le faire toi-même ». Je roulai des yeux.

-Tu as raison. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

J’étais totalement capable de hacker le SPN. E-SAK n’avait pas le monopole de la connaissance en hacking. C’est limite si je n’étais pas le précurseur du hacking.

Et c’est toujours nonchalamment que je demandai à E-SAK de m’imprimer le dosser. Son sourire et sa question me fit lever un sourcil avant que mon smartphone ne vibre. Je sortis mon smartphone doucement de ma poche non sans grimacer de douleur. E-SAK venait de m’envoyer le dossier tout droit sur mon smartphone et ajouta qu’imprimer c’était has-been. Non… Ça n’était pas has-been. Si c’était has-been, plus personne n’achèterait des imprimantes… Je levai un sourcil.

-Ce n’est pas has-been… C’est plus agréable de lire un foutu dossier sur papier que sur le petit écran d’un smartphone, Waters. Ce qui est has-been c’est ce qui est devenu totalement inutile.

Et pour lire, les smartphone ce n’était pas ce qu’il y avait de plus pratique. C’est en partie pour ça que les tablettes existent. Mais je n’étais pas ici pour faire un cours sur l’utilité de chaque chose à cet adolescent en crise.

J’en revins à Edwards et à ma mission. E-SAK conclu que j’avais dû déjà essayer une fois et que je n’en étais pas sorti indemne.

-Waw ! Quelle perspicacité !

J’avais dit ça sur un ton ironique. Bien sûr que je n’en étais pas sorti indemne. Les marques dans ma figure et la façon dont je bougeai en témoignaient assez, je pense.

Mais je finis par revenir sur ce qu’avait dit E-SAK sur cette pseudo-voyante. Je me demandais bien pourquoi E-SAK écoutait une pseudo-voyante alors qu’il aimait calmer haut et fort ne faire confiance qu’à lui et mener sa vie comme il le souhaitait. Je le titillai un peu pour qu’il me répondre et il ne tarda pas à le faire. Et le récit d’E-SAK me fit lever un sourcil. Elle lui avait parlé de sa propre mort ? Il allait potentiellement faire un carnage ? Et il avait cru à tout ça ? C’est tout ça que j’allais dire avant qu’E-SAK me posa des questions qui me firent le regarder droit dans les yeux en affichant un petit sourire :

-Si j’avais su pour ma mort en 89, ouais, plutôt deux fois qu’une, je serais allé courir après Sands. Sauf que j’y serais allé bien plus préparé et que je ne l’aurais pas raté, cette fois.

Ça, c’était évident. Je serais quand même allé en Irlandais mais Bobby Sands ne m’aurait pas eu. Ça aurait été l’inverse.

-Et cette voyante… Tu la crois réellement ? Elle sait vraiment voir l’avenir ou bien tu l’as rencontré dans une fête foraine où elle t’a arnaqué en te sucrant tes thunes contre des conneries ?

Quoi que dans les fêtes foraines, il y en avait un tas de surnaturels… J’en avais fait l’expérience récemment. Je fis d’ailleurs la moue à cette pensée avant de sourire à nouveau.

-Et qui va te tuer, E-SAK ? Cette voyante ? Elle en est capable ? Tu as attisé ma curiosité alors te gênes, pas. Raconte.

Je bus un coup de whisky attendant la suite.

A Day At The Office

Edwin Stark

Edwin avait réponse à tout. Un peu comme moi. Mais si on commençait à jouer à ce jeu-là, nous n’en sortirions jamais. Il fallait donc que je le laisse dire. Et il était vrai qu’ici, il avait le whisky gratuitement. Je devrais peut-être le lui faire payer. Mais ce serait risquer qu’Edwin aille voir ailleurs. Or, je préférais garder un œil sur le démon.

Oui, un démon. C’était donc ça qu’il était. Il avait vendu la mèche en affirmant que Lucifer était son employeur dont il ne pouvait démissionner. Il avait d’ailleurs une mission qui concernait apparemment David Edwards, le surnaturel que la Morrigane voulait absolument protéger, celui qui serait à l’origine de mon élimination après que j’ai décimé une bande de forain…

Je n’avais rien contre Edwards pour le moment, je ne le connaissais même pas et, encaissant encore quelques piques de mon employé, je lui donnai des informations sur Edwards. Après tout, si c’était lui qui y allait, peut-être serait-ce lui qui se ferait tuer.

Et l’idée ne me faisait ni chaud, ni froid.

Edwin n’était content ni du résultat de mon hacking, ni du fait que je n’imprimais rien, usant d’autres support informatiques. Mais je fis abstraction de ses petits commentaires de diva mécontente.

-Imprime-le toi-même alors.

Vu que nous n’étions jamais mieux servis que par nous-même, n’est-ce pas ? Si. C’était une chose que je savais depuis longtemps.

La situation, cependant, entraîna d’autres questions. De ma part, d’abord… Puisque nous en étions à parler de croire ou ne pas croire aux prédictions de la Morrigane. Edwin affirma que s’il avait su pour sa mort en 89, il aurait quand même couru après Sands pour l’éliminer, mais il y serait allé mieux préparé.

Je fis un tour sur moi-même, avec ma chaise, réfléchissant.

-Alors c’est que tu avais une raison de chercher à tuer Sands. Non ?

Puis, ce fut à Edwin de me poser questions sur questions.

-Non, je ne la crois pas vraiment ou, tout du moins, je ne crois pas que le futur qu’elle a vu à un instant T correspond à la timeline dans laquelle nous nous trouvons. Elle est partie d’un point précis dans le temps et a vu les conséquences découlant de ce point-là. La donne a probablement changé, désormais. Ne fusse que parce qu’elle est venue me trouver.

Je haussai les épaules.

-Mais ce n’est pas parce que je la crois que je cherche à éviter David Edwards. C’est tout simplement que je ne vois aucun intérêt à aller décimer une bande de monstres de foire…

Quant à ses dernières questions, je souris.

-Non, ce n’est pas la Morrigane qui me tue, d’après elle.

Je désignai d’un signe de tête l’écran sur lequel était affichée la photo de David Edwards, celle qu’avait le SPN. Un homme malade ou maltraité avec des électrodes sur la tête.

-C’est David Edwards qui me tue, dans sa version du futur.

J’eus un sourire mauvais.

-Mais peut-être que ce sera toi qu’il tuera, en fin de compte.

A Day At The Office

E-SAK

Voilà ! « Imprime-le toi-même ». C’est ce que répondit E-SAK à mes piques et ça me fit ricaner. Chaque fois que je le titillais un peu, il finissait par se renfrogner comme un petit garçon pas content. C’était à en mourir de rire.

Bref, je l’imprimerais juste pour pouvoir lire tranquillement et trouver une faille chez David Edwards. Je savais que mon meilleur pouvoir contre lui restait ma manipulation mentale. C’était un bon moyen pour atteindre Nergal et le faire sortir de son trou. Après, ça sera un combat bien plus égal.

Après ça, la conversation se centra sur E-SAK et ce que lui avait dit une psuedo-voyante. Elle avait vu l’avenir et lui avait dit qu’il allait mourir. Ok, pour le moment ça ressemblait autant à un grand pouvoir surnaturel qu’à une très bonne arnaque dans laquelle était tombé l’adolescent attardé que j’avais devant moi…

Et quand E-SAK parla de ma propre mort, je lui retoquais que si j’avais su, je me serais simplement mieux préparé à assassiner Sands. Evidemment, ça poussa la curiosité du robot mais loin de moi l’idée de lui révéler toute mes cartes dont mon plus cuisant échec : Sands lui-même. Même si « échec » n’était peut-être pas le bon mot… Parce qu’après tout, j’avais bien réussi à faire de Bobby Sands un vampire.

Je fixai E-SAK haussant les épaules.

-Bien sûr. C’est un vampire. C’était une raison largement suffisante pour un agent du SPN.

Mais ce n’était pas de moi que je voulais parler, pour une fois. Alors je recentrai la conversation sur la voyante et E-SAK ce qui dénoua la langue de l’androïde. Il m’expliqua qu’il ne la croyait pas vraiment parce que le futur avait déjà changé à l’heure qu’il était. Sa théorie tenait la route même s’il était toujours difficile de faire une théorie sur quelque chose qu’il était difficilement observable. Or, les conséquences en directe des voyages dans le temps et le concept même de « futur » étaient des choses sur laquelle il était difficile de faire des lois. E-SAK, lui, pensait que le simple fait que sa voyante ait vu le futur et ait prévenu E-SAK ait provoqué un changement dans le futur. Ça se tenait… Mais j’avais une autre théorie qui pouvait tenir aussi. J’haussai les épaules.

-Oui… Ça se tient… Sauf si le fait qu’elle ait vu le futur et t’ai prévenu faisait aussi partie du passé du futur qu’elle a vu.

Comme je le dis, c’était difficile à savoir. En réalité, je n’étais pas sûr que le futur existe. Parce qu’on ne pouvait jamais « être » dans le futur. Parce que si on est dans le futur c’est que c’est notre présent.

Bref, je pourrais disserter des heures.

Donc tout ça pour dire que ce n’était pas pour ça qu’E-SAK évitait Edwards mais parce qu’il ne voyait pas l’intérêt à démolir des forains. J’esquissai un sourire en coin.

-Je n’en voyais pas l’intérêt non plus… Avant que ces forains me cassent la figure.

Maintenant, j’en voyais l’intérêt : la vengeance. C’était assez pour que je les démolisse.

Quant à savoir qui tuait E-SAK dans le futur, ce n’était pas la voyante dont le nom était « la Morrigane ». Ce n’était pas la première fois qu’E-SAK me sortait ce nom même s’il n’est jamais réellement entré dans les détails. E-SAK ajouta que c’était Edwards lui-même qui le tuait avant de dire que ça sera peut-être moi la victime de Légion, en fin de compte.

Je le regardai alors qu’il affichait un sourire mauvais. J’affichai un sourire mauvais à mon tour.

-Ça n’est pas prêt d’arriver. J’ai de la ressource… La prochaine fois que j’irais les attaquer, je serais bien mieux préparer. Et je ne raterais ni Edward, ni sa petite-amie, ni tous ces autres forains stupides.

Je ne comptais pas y rester. Je comptais bien réussir ma mission avec brio.

Je penchai légèrement la tête sur le côté souriant toujours.

-Mais dis-moi. Cette Morrigane. C’est une surnaturelle alors ? Elle fait partie des forains ? Comment est-ce que tu l’as connue ? Ce n’est pas la première fois que tu m’en parles… Elle t’a traumatisé plus d’une fois, apparemment…

Je crois que c’est à notre première rencontre qu’il en avait parlé sans m’en dire plus cette fois-là.

A Day At The Office

Edwin Stark

Selon Edwin, le fait que Sands était un vampire était une raison suffisante pour lui courir après… Je souris en coin.

-Jusqu’à risquer la mort ? Je pensais que tu t’aimais plus que ça.

Je voyais en effet bien mal Edwin se sacrifier pour une mission, quelle qu’elle soit. A moins que cela n’ait directement quelque chose à voir avec lui.

Mais Edwin dévia habilement la conversation sur moi et j’aimais parler de moi à peu près autant que lui. On parla donc de moi et des pouvoirs de voyage dans le temps de la Morrigane. Et si j’avais ma théorie, Edwin avait sa propre théorie lui aussi…

-Je suis d’accord avec ta théorie. C’est la plus logique. Mais j’aimerais voir, dans tout ça, quel est le poids du libre-arbitre. Si je décide que je ne tuerai pas les forains. Si je décide d’éviter Staten Island et son parc d’attraction, personne ne peut me forcer à y aller, pas vrai ?

Je souris. J’avais déjà changé une chose grâce à mon libre-arbitre, en m’encastrant volontairement dans un camion, mais pas au moment prédit par la Morrigane. Le futur était donc bel et bien malléable.

Et comme je l’expliquai à Edwin, je n’avais de toute façon, jusqu’ici, aucune raison de m’en prendre à Edwards et aux forains de Staten Island… Contrairement à Edwin, apparemment. Il l’avait mauvaise, très mauvaise, d’être revenu bredouille de sa mission pour Lucifer.

Et donc… Peut-être qu’à force d’acharnement, c’était lui qui allait décimer les forains et se faire avoir par Edwards. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’Edwin mourrait en essayant de tuer des surnaturels.

Mais Edwin n’était pas d’accord, il était sûr de sa victoire. Je souris.

-Tant mieux. Fais ça. Ça validera ma théorie du libre-arbitre.

Ce fut sur la Morrigane que m’interrogea Edwin, cette fois-ci. Selon lui, elle m’aurait traumatisé plus d’une fois.

-J’ai rencontré plusieurs fois la Morrigane… Elle m’est apparue à plusieurs moments toujours pour m’accuser des pires maux. Des maux que je n’avais pas encore commis. Elle est arrogante et snob. Elle cherche à protéger ses amis de moi, n’hésitant pas à me prendre pour un monstre. Selon elle, il n’y a rien de bon en moi, rien à récupérer… Alors je l’ai remballée à chaque fois, en lui disant que quoi qu’elle dise, je ferais ce que je veux, quand je veux.

Je souris à Edwin.

-Et ce que je veux, c’est annuler chacune de ses prédictions. Lui donner tort. Parce qu’à l’entendre, elle préfèrerait avoir raison et qu’il arrive malheur à ses amis, plutôt que d’être traitée de voyante de pacotille puisque rien de tout ce qu’elle prédit ne se produit…

Je rigolai et écartai les bras.

-Alors même que si rien de ce qu’elle ne prédit se produit, cela signifie que sa mission est accomplie. Sauf que personne ne pourra jamais être sûr que c’est parce qu’elle a agi que rien ne se produit ou si c’est parce qu’elle raconte effectivement que des conneries…

Mes yeux rougeoyèrent et sur les écrans apparut le dossier de niveau 10 de la Morrigane. [Hacking 16 VS 12]

-Ah… Et c’est une alliée de Sands… A eux deux, ils ont déjà fait évadé tout un tas de prisonnier du SPIN.

A Day At The Office

E-SAK

La remarque d’E-SAK sur Sands et ma propre mort me fit hausser les épaules. Risquer ma mort ? Il n’y a pas de risque, si je ne meurs pas, n’est-ce pas ? Et quand je veux accomplir une tâche, je ne pense jamais au fait que je pourrais échouer. Sauf hier… Hier, je savais que mes chances de réussite étaient minimes. Mais j’y étais quand même aller parce que, même si les probabilités n’étaient pas en ma faveur, il me restait tout de même une chance de gagner.

Ça n’avait pas porté ses fruits avec Sands… Ça n’avait pas porté ses fruits hier… Mais ça n’était que deux fois dans deux vies. Mon ratio était donc très bon.

-Je m’aime beaucoup. Mais quand je fais quelque chose, je ne pars pas avec l’idée que j’y laisserais ma peau. Donc il n’y a jamais de « risque » de mort parce que je n’envisage jamais ce scénario.

Même si pour Sands, si j’y étais allé ce n’était pas tant parce qu’il était vampire que parce qu’il s’était rebellé mettant un terme, dans le même temps, à mon projet.

S’en suivit notre conversation sur les voyages dans le temps qui pourrait durer des heures si on avait tous les deux des heures à accorder à l’autre, ce qui n’était pas le cas. Je n’avais pas du tout envie de parler des heures avec E-SAK. Ainsi, il me donna sa théorie et je donnai le mienne. Il sembla aimer la mienne mais demanda quelle était la place du libre-arbitre là-dedans. Il s’en posait des questions philosophiques, le gamin. Certainement parce que c’était un gamin… J’haussai nonchalamment des épaules.

-Le libre-arbitre ne fait pas tout. Parfois on arrive à des moments où on se retrouve quelque part alors qu’on ne l’a pas voulu. Tout ça par la force des choses ou par une suite d’évènements. Tout ça pour dire que le libre-arbitre ne fait pas tout.

E-SAK pourrait éviter Staten Park… Ça ne voudra pas dire qu’un jour, par exemple, il ne touchera pas un artefact qui le téléportera au milieu desdits forains. Il aura beau ne pas l’avoir voulu, un évènement aura fait qu’il sera quand même tombé là. Tout comme rien ne dit qu’il ne sera pas un jour contrôlé par quelqu’un et que ce quelqu’un le forcerait à tuer des forains.

Tous les scénarios étaient possibles pour que le libre-arbitre n’entre plus en compte.

-Donc tu pourrais très bien décider quelque chose, tu ne pourras rien contre des actions extérieure à toi.

Et ça, ce n’était pas une simple théorie. C’était un fait mainte fois vérifiable dans la vie de tous les jours.

Et quand E-SAK me piqua au vif en disant que ça sera peut-être moi qui me ferais tuer par les forains, je déclarai que ça n’arrivera pas. Ça sembla satisfaire E-SAK qui voyait, avec ça, un moyen de valider sa théorie du libre-abrite. J’haussai les épaules buvant une longue gorgée de whisky avant d’ajouter :

-Valide ce que tu veux. Je vais en faire de la bouillie de tes forains…

Après ça, c’est sur la Morrigane que je tournai la conversation. Et E-SAK m’expliqua en long et en large quel était sa relation avec cette femme qui semblait bel et bien avoir des pouvoirs. Celui de voir l’avenir en était un. Et elle semblait voir souvent E-SAK dans l’avenir. J’esquissai un sourire en imagine cette femme venir le harceler à chaque fois qu’elle voit le futur.

Bref, E-SAK, en bon petit adolescent, avait comme grande ambition, chaque fois que cette Morrigane venait lui annoncer qu’il était le fruit de tous ses maux, de détruire chacun de ses prédictions en faisant le contraire. Je le reconnaissais bien là et tout ça m’arracha un sourire un peu moqueur.

La voyante semblait avoir un certain orgueil. Et E-SAK semblait aimé le lui blessé, son orgueil.

-Je vois… Tu sembles être le centre de ses problèmes si elle te voit dans chacune de ses prédictions… Et comme je vois, tu aimes la rendre cinglée. Je te reconnais bien là…

Les yeux d’E-SAK se mirent alors à rougeoyer et un autre dossier du SPN s’afficha sur les écrans. Je découvris alors le visage de cette Morrigane qui était… Complètement différente de ce que j’imaginais. E-SAK avait dit une voyante alors je l’avais imaginée vieille et moche… Mais là, elle était pas si mal, la petite Morrigane. Qui… Était une alliée de Sands, soit dit en passant.

-Tu t’améliore, dis-je avec un petit sourire en coin et en faisant référence au fait que le dossier était de niveau 10 cette fois.

Le niveau de menace de la Morrigane était élevé et ses méfaits avec Sands étaient nombreux. C’est dingue comme ce Sands faisait des dégâts. Limite, j’en étais presque fier même si une bonne partie visait essentiellement William.

-Ce Sands a vraiment une dent contre William… Qui a chassé qui le premier ?, demandais-je avec un sourire en coin.

Est-ce que c’était William parce que Sands nous avait tués, moi et sa mère ou bien est-ce que c’était Sands dans le but de tuer tout ce qui était lié au SPN…

Je levai un sourcil au fur et à mesure de la lecture.

-Elle se transforme sérieusement en corbeau ?

C’était donc une sorcière comme l’indiquait son dossier. Un sorcier qui semblait suivre Sands comme son ombre jusqu’à faire des génocides…

-Ils sont vraiment comme cul et chemise, elle et Sands… C’est pas étonnant que tu es, d’après elle, le responsable de tous les maux de ses amis, après tout, tu es une création de William et elle et Sands semblent vraiment nous détester, nous, les Stark.

Autre détails dans le dossier, elle était aussi alliée d’Howard Rose et ça, ça me fit faire une légère moue.

-Et je connais ce Rose, c’est un petit connard de vampire.

Je ne fis pas plus de commentaire avant de boire un coup de whisky et de remettre les pièces en place dans ma tête.

-Alors comme ça, ta sorcière est alliée à Sands… Et elle est aussi une amie d’Edwards et des forains mais aussi de Rose ? Je ne savais pas que tout ce beau monde pouvait aller si bien ensemble… T’y vois une logique, toi ?

Parce que je pouvais bien me débarrasser d’une bande de forains… Mais si en plus je devais me débarrasser de cette sorcière, de Sands, de Rose et par extension de Vivacia, je n’étais pas sauvé…

A Day At The Office

Edwin Stark

En Edwin, je trouvais un interlocuteur à ma hauteur… un interlocuteur qui, même quand il mettait mes théories à mal, ne me dérangeait pas parce qu’il appuyait ses dires sur des exemples concrets. Alors, de facto, je ne pouvais pas nier qu’une concordance d’événements pouvait me mener à me retrouver au parc d’attraction de Staten Island ou même autre part, entouré de ces forains…

-Mmmmoui surtout si en plus, la Morrigane les a prévenu eux aussi. Imaginons que je me retrouve là même par « hasard » ou plutôt, suite à un enchaînement d’évènements mais que je ne veuille pas tuer les forain. Qui croiront-ils ? Moi ou la Morrigane ? Est-ce qu’ils me laisseront même le temps de m’expliquer ? Je ne le pense pas. S’ils savent, je devrai me défendre sans même pouvoir ouvrir la bouche.

Et cela pourrait m’amener à les tuer tous, sauf peut-être Edwards… Un surnaturels de niveau de menace 5… Qui lui me tuerait ensuite.

La théorie d’Edwin me semblait donc à prendre en compte. Mais comment éviter cela ? Si ça se trouvait, c’était en essayant de l’éviter que j’allais foncer droit dedans.

Puis, la conversation se focalisa sur la Morrigane qui était, quelque part, au centre de ces événements qui ne s’étaient pas encore produits. J’eus un sourire entendu pour Edwin quand il déclara que j’aimais la rendre cinglée.

-Et c’est tellement facile… Elle affiche une carapace blindée alors que le moindre sarcasme la fait s’écrouler comme un château de carte.

Je lui affichai le dossier de niveau 10 de la Morrigane cette fois… et je ne pus retenir un sourire de… Quoi ? De gratitude pour la reconnaissance de l’effort fourni. Quelque chose dans ce genre-là.

Je le laissai examiné le dossier et les questions tombèrent. Il m’était impossible d’identifier si c’était réellement à moi qu’il les posait ou à lui-même. Dans le doute, je répondis quand même.

-Je sais qui a commencé à chasser qui : tu as commencé à chasser Sands le premier. Et William n’a fait hériter de ta… Comment dirait une surnaturelle telle que Scarlet Morrigan ?… Oh oui… De ta malédiction… En fait, Sands ne peut pas saquer les Stark probablement depuis que tu l’as poursuivi.

Il remarqua aussi que Sands et la Morrigane étaient comme « cul et chemise ».

-Laisse tomber la chemise Edwin. Leur alliance n’est sûrement qu’une histoire de cul.

J’avais dit ça avec tout le sérieux du monde.

Et il connaissait Rose, disant que c’était un petit connard de vampire. Je souris et me tournai à nouveau vers lui.

-Ah oui ? Et peut-on savoir pourquoi ?

Quant à trouver une logique dans tout cela… Je souris en coin.

-Tu es le seul surnaturel avec un esprit cartésien que j’aie rencontré à ce jour. Il n’y a pas de logique. Leurs pouvoirs à eux seuls défient toutes les lois scientifiques. Alors pourquoi n’en irait-il pas de même pour leurs alliances?

Je ponctuai par :

-Le tout est qu’ils ne prennent pas le dessus.

Et ça comptait pour Edwin aussi. Parce qu’il était lui aussi surnaturel et je ne l’oubliais pas.  

A Day At The Office

E-SAK

J’avais ma propre théorie sur le libre-arbitre et son rôle dans toutes ses histoires de prédiction du futur et E-SAK sembla y adhérer. Ça, c’est nouveau. C’était peut-être la première fois qu’E-SAK approuvait une de mes théories sans y ajouter son grain de sel. Et quand il fit une résumer de ce qui pourrait le mener à ce que les dires de la Morrigane se produise quand même j’ajoutai avec un petit sourire :

-Exactement. Tu as tout compris.

Et comment il allait faire pour se sortir de là ? Honnêtement, je n’en avais rien n’à foutre. Il pouvait très bien mourir de la main d’Edwards que ça ne me ferait ni chaud, ni froid.

On parla ensuite de la Morrigane et d’à quel point E-SAK aimait la faire enrager en détruisant ses prédictions. Je reconnaissais très bien là le robot. Il prétendait, en plus, que c’était facile de la rendre cinglée. Je ricanai un peu.

-Je vois le genre…

Le genre comme ma mère, en somme. Tellement fière qu’elle n’accepte pas la critique. Mais je n’imaginais pas que la Morrigane ressemblerait à un bombasse… Parce que c’était un bombasse comme en témoignait sa photo sortie tout droit de son dossier SPN qu’E-SAK venait de hacker. Et j’en lisais quelques passages dont ceux qui parlaient de William et de Sands. D’où ma question de qui, entre les deux, avait commencé à chasser qui. Mais là-dessus E-SAK avait sa propre théorie qui finissait par une conclusion très simple : j’avais chassé Sands en 89 et, depuis, Sands ne pouvait pas saquer les Stark et, donc, il s’en prenait à William. Logique.

-Sands n’a vraiment que ça à foutre ? Tu vas me dire, il est immortel, il faut bien qu’il passe le temps.

Et son passe-temps favori semblait être de tuer des Stark. Dommage pour lui, les Stark ça ne faisait que ressusciter et se multiplier, apparemment.

Je conclus que la Morrigane et Sands étaient comme cul et chemise et le robot, qui avait l’habitude de prendre certaines expressions au premier degré, pris celle-ci au sens littéral disant que je devais laisser tomber la chemise. Mais, pour une fois, ça ne me fit pas rouler des yeux mais ça me fit rire surtout qu’il avait l’air tellement sérieux quand il disait ça…

-Il s’emmerde pas, le Sands.

Non, il ne s’emmerdait pas… Je me demandais ce que cette sorcière lui trouvait.

Je ne tardai pas à remarquer que la Morrigane était aussi lié à Rose mais pas de la même façon qu’elle était liée à Sands, j’imagine. Je fis un commentaire sur le vampire ce qui attira la curiosité insatiable d’E-SAK. Je le regardai et hochai nonchalamment des épaules.

-Pourquoi je trouve que c’est un connard ? Pour une histoire de cul.

En réalité, ce n’était pas tout à fait ça même si je trouvais que ça restait la meilleure façon de résumer. J’aimais les courbes de Vivacia mais elle appartenait au vampire alors ça sonnait quand même comme une histoire de cul.

-Non, en fait, c’est une longue histoire avec une fille au milieu. En gros, j’ai pas pu avoir cette fille parce que c’était la petite copine de Rose. Voilà pourquoi c’est un connard.

Mais toutes ces relations me semblaient illogiques… En fait, ça n’avait aucun sens. Sands était un terroriste d’après ce que je savais et Vivacia n’avait pas vraiment l’air d’être une fan de violence. E-SAK disait qu’il n’y avait aucune logique. Mouais… C’était un peu simple comme conclusion. Il devait il y avoir un truc… Il y avait toujours un sens aux alliances. Elles ne se forgeaient pas toutes seules et sans raison.

-Mouais… Je crois que c’est un peu simple d’expliquer ça par l’illogisme… Il doit il y avoir une raison et le mieux, si je dois un jour les combattre, c’est d’en connaitre les raisons. Parce que c’est plus simple de d’abord foutre le bordel dans leurs alliances avant d’attaquer pour les achever. Mais pour ça, il faut bien connaitre son sujet.

Et mon sujet à moi, c’était Edwards et Syragane. Et des informations, je commençais à en avoir en masse… Je savais maintenant que ces deux-là étaient aussi allié à la Morrigane et donc, par extension, à Sands.

Quant à E-SAK, lui, il disait que le tout était qu’ils ne prennent pas le dessus. Il parlait des surnaturels en général.

J’étais un surnaturel…

J’esquissai un sourire en coin.

-Ah oui ? Et qu’est-ce que tu feras s’ils prennent le dessus, E-SAK ? Tu iras les tuer… Enfin, « nous » tuer, vu que je fais partie des surnaturels, maintenant. Tu feras quoi, de moi, E-SAK ?

Je le regardais, droit dans les yeux, avec un petit sourire en coin, attendant la réponse d’E-SAK.

A Day At The Office

Edwin Stark

La théorie d’Edwin était intéressante et je me voyais dans l’obligation, due à la logique, d’y adhérer. Le fait était que nul n’ayant jamais voyagé dans le temps hormis cette sorcière marginale qu’était Scarlet Morrigan, il était difficile d’établir des théories sur une chose pour laquelle nous manquions cruellement de pratique.

Je regardais donc avec amusement l’ingénieur passer en revue le dossier SPN de la Morrigane en plus de mes observations personnelles de l’intéressée. Mais plus encore que la Morrigane, c’était Sands qui intéressait Edwin. Y avait-il là quelque chose d’inachevé ? Je ne pouvais en douter, mais gardai cette réflexion pour moi.

Edwin se demandait si Sands n’avait vraiment que ça à foutre de son éternité, soit chasser du Stark.

-Il vous emmerdera comme il a, en son temps, emmerdé Thatcher. Seuls les noms des protagonistes changent, mais vous êtes son nouveau cheval de bataille.

Je ne m’englobais pas dedans, bien que je connaisse désormais parfaitement mes origines biologiques.

Et si Scarlet Morrigane et Bobby Sands me semblait être ce qu’on appelle vulgairement « une histoire de cul », Edwin avait sa propre histoire de cul à régler avec un autre vampire. Et ce vampire n’était autre qu’Howard Rose qui s’était vu affublé, pour la cause, du rang de connard. Je ris avant qu’Edwin ne passe à autre chose.

Il se demandait quel pouvait être le lien entre tous ces personnages dont nous parlions : Edwards, Morrigan, Sands, Rose… Je prônais la propension des surnaturels aux illogismes tandis que l’ingénieur, lui, n’était pas convaincu.

-Alors ce n’est peut-être qu’une histoire de cul.

Et comme je le dis à mon interlocuteur, le tout était que tout ce beau monde n’inverse pas la tendance entre eux… Et l’humanité… Ou eux… Et les gens comme moi.

Je me retournai vers Edwin qui, avec un sourire en coin plus qu’entendu, me demanda ce que je ferais, si jamais un jour, les surnaturels prenaient le dessus… Si la balance du monde s’inversait.

Je resterai dans tous les cas, une minorité puisqu’exemplaire unique de ma race.

Je souris à Edwin.

-Si tu veux connaître le futur… Va voir une voyante, Edwin.