A Complicated Night

Alvin Clive

J’étais dans mon bureau de l’Arena encaissait les premiers désagréments d’une nuit de pleine lune. J’aurais dû rester chez moi… De toute façon, je n’arriverais jamais à résister aux effets de la pleine lune sur mon corps. Je savais que, d’une minute à l’autre, j’allais me transformer. Je m’étais dit que j’étais enfin prêt à arriver à résister. Tu parles ! Je sentais d’avance que je n’allais pas y arriver. La douleur que ça provoquait à chaque fois était insupportable et c’était encore pire quand j’essayai de résister.

Je me levai de ma chaise et j’ouvris un tiroir où se trouvaient mes anti-douleurs. J’en pris trois d’un seul coup et fit tout passer avec une gorgée d’alcool. Ça avait été toujours mon seul moyen pour réprimer un peu la douleur que me provoquait chaque transformation. Je fermai fort les yeux mes muscles se contractant pour continuer à résister.

-Je tiendrais pas…

C’est ce que je dis pour moi-même. Je n’allais pas tenir. J’allais bientôt me transformer. Je me déplaçai vers la porte et l’ouvris. Dans le couloir passait justement Cindy. Je l’interpellai alors que mon front dégoulinait de sueur.

-Cindy, tu peux…

Je fermai les yeux alors qu’une vague de douleur me pris à nouveau m’empêchant d’achever ma phrase. Cindy prit un air inquiet avant de venir près de moi.

-Dino… Tu n’aurais pas dû venir. Tu sais bien que tu n’arrives pas à résister.

Elle, elle y arrivait. La preuve, elle n’avait aucune mal à résister. Il n’y avait pas une trace de douleur sur son visage à elle.

-Je sais… Tu peux faire en sorte que personne ne vienne dans mon bureau. Je n’aurais pas le temps de rentrer… Il faut que je reste ici…

Elle approuva de la tête compatissante et je lui souris faiblement avant de rentrer à nouveau dans mon bureau.

Avant qu’il ne soit trop tard, j’enlevai mes vêtements pour éviter de les ruiner. Pas que j’étais forcément économe mais j’aimais bien ces fringues. Je sentais que les anti-douleurs faisaient effets mais pas encore assez que pour empêcher toute douleur.

Et quand j’allais arrêter de résister en fermant les yeux, je ne sentis plus aucune douleur. Plus aucune du tout. Je ne me sentis pas me transformer non plus. Je rouvris les yeux surpris croyant que j’avais enfin réussi à passer le cap et à résister.

Mais quand mes yeux furent ouverts se fut pour remarquer que je n’étais plus dans mon bureau. J’écarquillai les yeux. J’étais bien à l’Arena mais pas dans mon bureau.

-Mais… Qu’est-ce qu’il se passe ?!

J’avais toujours forme humaine mais j’avais changé d’endroit. J’avais un pouvoir de téléportation et je ne le savais pas ? Non, impossible ! Je me retournai dans tous les sens passant ma main dans mes cheveux remarquant que... Ça ne ressemblait pas à mes cheveux. Ils n’avaient plus la même texture, ni la même forma.

-C’est quoi ce bordel ?!

Je n’arrivais pas à comprendre… Je me prenais un trip ou quoi ?! Je regardai alors mes vêtements, mes mains et tout…

-Putain !

Je n’étais plus moi ! J’avais changé de forme mais je n’étais pas non plus devenu loup ! C’était pas possible ! J’étais bouche bée cherchant à comprendre sans arriver à comprendre…

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

La description que m'avait faite Jacob de l'Arena était on ne peut plus exacte. Les lieux étaient des plus misérables, et la vermine semblait y avoir établi ses quartiers. Tout cela manquait cruellement de propreté et d'élégance. Quoiqu'au vu des activités qui s'y fomentaient, quelques grillages rouillés et des spots clignotant suffisaient pour satisfaire cette populace de basse extraction.

Pourtant, en dépit de ce portrait peu ragoûtant, l'Arena avait piqué ma curiosité. Certes, un homme de mon standing n'avait rien à voir avec ces bas-fonds, en revanche, les informations qui y foisonnaient avaient de quoi m'intriguer.

Alors, j'avais décidé de m'y rendre en personne. Mes hommes, eux, s'étaient fondus dans la masse afin de ne pas attirer l'attention. Seul Gillian demeura à mes côtés.

Remontant le col de ma veste pour faire barrière aux odeurs désagréables, je me dirigeai vers ce qui paraissait être un bar. Plusieurs clients, déjà, trinquaient, ragotaient ou encore s'esclaffaient d'un rire gras. Un instant, mon regard les analysa. Trois hommes et une femme. Seule cette dernière releva la tête pour remarquer ma présence. Bientôt, un sourire vint orner ses fines lèvres à mon attention.

D'un geste de la tête, je la saluai, puis m’installai sur un tabouret. Quelque chose me disait que la brune ne tarderait guère à me rejoindre. C'était parfait. Un moyen aisé pour engager une conversation et récolter des informations. Quant à Gillian, il prit place à ma gauche.

J'interpellai alors le barman. Mais avant même de prononcer quoi que ce soit, je fus pris d'un tournis. Un instant, je cillai. Par réflexe, mes mains vinrent tâter l'intérieur de ma veste, à la recherche de médicaments. Il y eut une douleur plus vive.

Mon corps vacilla.

La seconde suivante, je me retrouvai à terre, la respiration haletante. La douleur brouillait ma vue tant elle s'était intensifiée. Mes muscles tiraillaient chaque parcelle de mon corps. Quelque chose n'allait pas. Pourquoi Gillian ne faisait-il rien, bon sang ?!

À ma frustration, un grognement retentit.

Je n'eus même pas la force de sursauter que déjà une vague de souffrance vint de nouveau me submerger. Mes os craquèrent, bruit effroyable. Le sang pulsa dans mes oreilles. Le temps éternisa cette torture. Insoutenable.

La réalité m'échappa.

Lorsque je revins à moi, j'étais toujours par terre, reprenant petit à petit mes esprits.

Le monde autour de moi semblait comme... Différent. Les couleurs étaient plus vives. Mes yeux captaient des détails qui m'auraient été indiscernables normalement. Les sons, les odeurs, tout me paraissait exacerbé.

Trop vivant.

Même mon corps me donnait la sensation d'être plus massif. Je n'avais pas encore la force de me relever. En revanche, lors de mon inconscience, quelqu'un m'avait déplacé. Je n'étais plus à l'Arena, ou du moins, au bar où je m'étais assis. En fait, j'étais dans ce qui paraissait être un bureau.

Mon regard vint alors m'inspecter. Un instant, je me figeai totalement.

Où était passé mon corps ?!

Ces poils, ces griffes, ce museau. Qu'est-ce que c'était que ça ?!

À mon incompréhension, je m'entendis grogner. J'avais l'impression de perdre le contrôle. Et je détestai cette impression.

Il me fallut une bonne minute pour réussir à complètement me redresser sans trébucher.

J'étais un foutu loup et je voulais des explications.

A Complicated Night

Alvin Clive

J’étais toujours stupéfait par le fait que je ne ressentais plus aucune douleur si bien que le type à côté de moi me demanda si j’allais bien. Je me tournais vers lui. Je ne connaissais absolument pas ce type… Mais il semblait me connaitre. Je ne répondis rien regardant mes mains… Ce n’était pas mes mains. Et en plus, comment ça se faisait que je n’étais pas transformé.

-Vous voulez quoi, Monsieur ?

C’était la voix du barman. Mon barman. Mais il ne m’appelait pas Dino ou patron comme tous mes employés mais « Monsieur ». Qu’est-ce que c’était que ce bordel ?

-Hein ? Heu…

Je regardais autour de moi cherchant à comprendre ce qu’il m’arrivait.

-Rien. Je ne veux rien du tout… Je…

Le type me demanda encore si ça allait. Je secouai la tête.

-Oui… Oui, extrêmement bien… Heu… Attends ici une minute, tu veux ? J’arrive tout de suite. Surtout, ne bouge pas !

Il leva un sourcil et je me levai d’un bond du tabouret où j’étais assis et me faufilai rapidement dans la foule pour rejoindre un miroir qui faisait office de décoration un peu plus loin. Et ce que je découvris c’était que… Je n’étais plus du tout moi !

J’entrouvris la bouche écarquillant des yeux. J’avais toujours plus ou moins la même taille mais pour le reste… Ce n’était plus du tout moi !

-Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!

J’étais en train de me prendre un trip ? Non, pas possible ! Tout ce que j’avais pris dernièrement c’était une poignée d’anti-douleurs ! Je tournai sur moi-même me demandant bien ce qu’il y avait pu se passer. Je devais théoriquement être dans mon bureau transformé en loup ! Pas ici dans le corps de quelqu’un qui n’était pas moi !

Je repris mes esprits essayant de comprendre avant d’avoir en visuel la porte qui menait à mon bureau. Je courus jusqu’à elle où se trouvait, devant, l’un des Black Wolves qui montait la garde…

Je n’étais pas stupide… Je savais que s’il me voyait arriver, il n’allait pas me laisser passer… Et si je lui disais que c’était moi, il n’allait pas me croire ! Je me mordis la lèvre… Il fallait que j’accède à mon bureau pour essayer de comprendre ce qu’il se passe !

Je sais !

Je sortis en courant de l’arène faisant le tour du bâtiment jusqu’à trouver la fenêtre qui menait à mon bureau. Elle était entrouverte parce que j’avais toujours chaud un peu avant chaque transformation. Je l’ouvris entièrement m’y faufilant découvrant au milieu de la pièce… Moi. Enfin, moi le loup.

-Putain, c’est pas possible !

C’est ce que je dis tout haut en me retrouvant face à moi-même.

-Comment ça se fait que je suis là?, dis-je en montrant le loup du doigt.

Et si je suis là… Qui est à l’intérieur ? Je crois que j’avais ma petite idée là-dessus.

-Putain mais qu’est-ce que tu as fait ?!

Je parlais à l’autre type qui… Dans cette position ne pourra pas me répondre évidemment… Parce que j’étais persuadé que s’il s’était passé un truc, ça devait venir de lui.

-Ok, écoute… Ça ne va pas être simple de retrouver mon apparence normale… Enfin, te retransformer… Enfin, tu vois ? Moi, je n’y arrive pas… Enfin, j’y arrivais mais plus maintenant… Oh et merde ! On est dans la merde !

J’étais affolé… Putain, qu’est-ce qu’on allait faire ?

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Je détestais cette sensation. Celle de n'avoir aucun contrôle sur la situation. Oui, et ce n'était certainement pas sous cette forme lupine que les choses allaient s'améliorer. Je ne pouvais m'exprimer que par grognement. Sans compter sur cette douleur, certes moins intense, mais toujours présente.

Bien.

En premier lieu, je devais déterminer où je me trouvais exactement. Mes nouveaux yeux inspectèrent l'ensemble de la pièce. Je remarquai alors que des vêtements avaient été déposés non loin de moi. Des habits de marque, suggérant sans aucune doute que le propriétaire devait être une personne aisée.

Quant au bureau en lui-même, il était composé de meubles de qualités. Italien, peut-être ? Encore une preuve allant dans le sens de ma réflexion.

En revanche, je fus pris d'une drôle de sensation lorsque j'aperçus une plaquette de cachets tranquillement abandonnée sur une des commodes. C'était comme si tous mes sens se focalisaient dans une synchronisation parfaite vers ces gélules, oblitérant tout le reste. Comme la réponse à tous mes maux.

Je fis un pas maladroit.

Soudain, un fracas retentit. Mes oreilles se dressèrent et je sus qu'il y avait quelqu'un. Près de la fenêtre. Par réflexe, je reculai pour avoir toute l'amplitude de voir venir l'inconnu.

Sauf que ce n'était pas le cas. La silhouette qui se faufila à travers l'ouverture pour, finalement, se tenir debout devant moi, n'était autre que... Moi. Mon front se plissa. Je sentis mes poils se hérisser comme agité par cette vision.

Et à son air stupéfait, il était clair qu'il n'était pas plus avancé que moi. Quoique, je n'aimais pas son langage, ni sa façon de me montrer du doigt.

Était-il vraiment en train de m'accuser ?

Je grognai en réponse. Moi non plus la situation ne me plaisait guère. Cette fois, je m'approchai de cet étranger qui n'en était pas un, comme pour mieux le fixer du regard.

Oui, il était clair que c'était lui qui aurait dû être dans ce corps de loup, et non moi ! Et savoir que quelqu'un usurpait mon identité, cela m'était fortement intolérable. De plus, cet homme était totalement dénué de manières.

Il ne savait même pas contrôlé ses transformations ! J'étais dans le corps d'un incapable ! Le summum ! J'en soupirai de frustration. Que m'avait-il pris de venir à l'Arena ? D'ailleurs, étais-je encore à l'Arena ?

Probable. Sinon, cet homme, arborant mon apparence, n'aurait pu me retrouver aussi facilement.

Il nous fallait à tout prix dénicher une solution. Une inversion de corps donc. Ça, ce n'était pas compliqué de le deviner. Du reste, c'était comme si tout mon savoir, c'était volatilisé. Pourtant, j'étais sûr d'avoir lu quelques livres sur le sujet.

Merde.

Non seulement on me privait de ma parole, mais on me privait aussi de ma mémoire.

Ou alors sa mémoire ? Après tout, c'était le surnaturel devant moi qui possédait « mon esprit ». La logique n'était pas rocambolesque. Mais comment le lui faire comprendre ?

Je me mis à tourner en rond comme un lion en cage, lorsque soudain, je sentis une odeur. Mon museau renifla l'air. Quelqu'un se rapprochait. Des pas lourds. Impossible de savoir si j'avais affaire à un allié ou un ennemi. Mon unique certitude était qu'il prenait le même chemin que mon interlocuteur.

Ne voulant prendre aucun risque, je me dressai devant l'imbécile afin de protéger ce qui m'appartenait. Hors de question de prendre le moindre risque.

Pour la peine, je grondai, les crocs presque dévoilés. Un avertissement pour le nouvel arrivant.

Malheureusement, cela ne parut nullement faire hésiter l'étranger. Bien au contraire.

Ce ne fut que quand une silhouette massive s'engouffra par la fenêtre à son tour que j'arrêtai de me montrer menaçant.

Gillian. Bien sûr. Pourquoi cela ne m'était pas venu à l'esprit? C'était évident!

- Monsieur, peut-être devriez-vous reculer... J'ai prévenu le reste de vos hommes, même si je ne comprends pas votre... Précipitation.

Le garde du corps braqua alors ses iris sur moi. Ce dernier se tenait les bras en avant, prêt à m'affronter à main nue. S'il avait eu une arme, il ne faisait aucun doute qu'il m'aurait mis en joue. Il fallait croire que le règlement de l'Arena n'était pas aussi inutile que je l'avais imaginé. Je tournai mon museau vers moi-même.

Mon geste sembla alarmer mon employé.

- Si tu bouges encore une fois, tu peux être sûre que tu ne sortiras pas d'ici vivant, loup, maugréa-t-il.

Mes muscles se crispèrent. J'avais une soudaine envie de le déchiqueter.

Tout allait se jouer sur ce qu'allait raconter mon usurpateur.

A Complicated Night

Alvin Clive

J’essayais de garder mes moyens devant la vision de… Moi-même. J’étais quelqu’un d’autre et je faisais fasse à moi, en loup. Et qui que ce soit qui était dedans, j’avais la vague impression que ce n’était autre que le type dans lequel j’étais actuellement.

Je m’exclamai. Ça n’allait pas être simple de pouvoir communiquer avec lui étant donné sa forme actuelle. Surtout que je ne pouvais pas faire grand-chose pour le guider pour qu’il redevienne humain parce que je ne savais pas comment le fait. Je savais qu’il fallait beaucoup d’énergie et que j’avais pris bien trop d’anti-douleurs que pour en avoir assez pour me retransformer.

Je pris mes mains dans mes cheveux jurant tout haut et me mordant la lèvre en me disant que cette magie ne pouvait venir que de l’autre homme. Il avait peut-être le pouvoir de changer de corps et, ne sachant pas se contrôler, il avait échangé de corps. Mais pourquoi avec moi ? J’étais seul dans mon bureau juste avant ! Comment c’est possible ?

J’avais du mal à réfléchir surtout que j’avais de drôle de sensation. Déjà, j’entendais moins bien… Mes sens étaient comme bridés. Certainement parce que ce type n’avait pas les sens accrus des loups garous.

Et l’autre, il grognait… Comme s’il cherchait un moyen de causer… Il s’approcha de moi et je le laissais faire. Si c’était vraiment son corps, je doutais sincèrement qu’il allait m’attaquer… Sauf si… Sauf s’il n’en a rien n’à faire de son corps et que son but est de garder le mien… A cette pensée, mes lèvres se pincèrent et je reculai d’un pas.

-Ecoute… On va trouver un moyen, ok ? Il doit il y avoir une raison de pourquoi je suis dans ton corps et toi dans le mien. C’est bien ton corps, hein ?

Bordel, je n’en étais même pas sûr !

Soudain, le loup (enfin, le type dans mon corps de loup) se mis devant moi et fit face à la fenêtre sur laquelle il grogna.

-Il n’y a rien là.

Rien que je n’entendais, en fait. Mais j’avais limite l’impression d’être sourd tellement j’étais habitué à entendre bien mieux que ça. Ce qui fit que je fus surpris quand je vis une silhouette s’engouffrer par la fenêtre. Je sursautai reculant encore d’un pas avant de reconnaitre le type avec qui j’étais tout à l’heure.

Il s’adressa à moi me disant de reculer. Merde ! Il croyait sûrement que j’étais bien l’autre type qui était dans ce corps-ci. Putain mais de qui est-ce que j’avais pris la place ? De quelqu’un d’assez friqué et puissant que pour avoir un garde du corps, en tout cas.

Et il avait prévenu le reste de mes hommes ? Des hommes du type ? Mais, c’était qui ce type ?

-Je… Heu… Je…

Je lui dis ? Je lui dis que je ne suis pas son patron et que son patron est sûrement dans mon propre corps juste devant nous ? Oui… Je crois que c’est une bonne idée. Je n’ai pas vraiment d’autre choix surtout que ce type m’avait dans sa ligne de mire. Enfin, moi en loup. Enfin, je me comprends.

Le loup se tourna vers moi ce qui sembla échauffer l’esprit du garde du corps. Non ! Ne me fait pas de mal !

-Non ! Ne le tue pas !

C’est ce que je dis en me mettant entre le garde du corps et le loup.

-Je… Je veux dire… Ce loup… C’est moi. Et ton patron, il est sûrement là-dedans, dis-je en montrant le loup et en parlant d’une façon un peu affolée. Il y a eu comme une échange de corps. Je ne sais pas comment ça c’est produit mais je ne suis pas qui tu crois que je suis. Je suis Dino Lucchese. Je dirige cet endroit et je ne sais pas du tout qui tu es ni dans le corps de qui je suis. Je ne sais pas du tout ce qu’il s’est passé !

Il fallait qu’il me croit… Bordel, pourvu qu’il me croit.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

J'avançai. Il recula. À croire que je l'effrayai. Cependant, je n'aimais pas la peur qui froissait les traits de mon visage. Ça me faisait paraître faible.

Cet homme, qui qu'il soit, était un incapable. Et ce dernier de me dire que nous allions trouver une solution. En attendant, c'était moi qui avais dû supporter sa transformation. La douleur résonnait encore dans mes muscles.

Mais je n'avais pas vraiment le choix, n'est-ce pas ? Alors je hochai la tête afin de confirmer que le corps dans lequel il se trouvait était bien le mien.

Soudain, nous fûmes interrompus par un bruit. Un bruit que je semblai être le seul à capter puisque l'autre s'étonna de ma réaction. Pourtant, cela ne faisait aucun doute. Il y avait bien quelqu'un qui s'approchait. Et bientôt, mes soupçons se virent confirmés lorsque Gillian s'introduisit à travers la fenêtre.

Mon garde du corps.

Son regard se braqua immédiatement sur moi. L'homme se crispa avant d'avertir l'usurpateur derrière moi de s'éloigner du loup que j'étais. Comment l'en blâmer ? Pourtant, l'irritation vint me titiller.

Il y eut quelques balbutiements.

L'irritation glissa dangereusement vers la colère. Ce ne fut que lorsque des menaces furent proférées que le surnaturel réagit enfin. Cette fois, il se mit devant moi. Pendant ce temps, je m'assis, le buste en avant.

Le garde du corps resta un instant perplexe. Ses yeux firent la navette entre nous deux comme pour mieux nous évaluer. Gillian me connaissait. En tout cas, suffisamment pour savoir que jamais je n'aurais fait une telle plaisanterie. Tout comme je ne l'aurais jamais tutoyé, ni n'aurais trébuché sur mes mots.

L'homme n'avait tout simplement pas ma prestance.

- Dino Lucchese ?

Bien sûr que ce nom lui disait quelque chose. Je m'étais renseigné au-préalable sur celui qui dirigeait l'Arena. Mais ce n'était que maintenant que cela prenait sens dans mon esprit. C'était comme-ci au profit de ce nouveau corps tout en muscles, mon cerveau, lui, tournait au ralenti.

Mon employé baissa lentement les bras.

- Si ce que vous dites est vrai, cela est problématique. Mon nom importe peu, vous pouvez m'appeler Bob, quant à celui de mon patron, ce n'est pas à moi de vous le révéler.

Si j'avais pu sourire, je l'aurais fait. Au lieu de quoi je me relevai pour rejoindre le moins idiot des deux.

- Pouvons-nous sortir par là ?

Sur ce, il désigna la porte.

- Car, à moins que vous ayez la moindre idée sur ce qui vous arrive, nous ne pouvons pas rester ici. Et lorsque je dis nous, je parle bien de mon patron et de vous, ajouta-t-il fermement. Nous arriverons peut à trouver une solution autre part...

Voilà qui était bien plus judicieux. Et ma foi, ce Dino Lucchese n'avait pas le choix. Et puis, ce n'était pas comme s'il pouvait demander de l'aide à ses alliés ici. Personne ne le reconnaîtrait.

Alors je grognai légèrement en signe d'assentiment, mes iris plantés dans ceux de mon usurpateur.

A Complicated Night

Alvin Clive

La situation était à ce point inédite que je ne savais pas du tout comment réagir. J’étais en face de moi-même dans le corps d’un homme que je ne connaissais même pas et cet homme en question avait à sa botte un garde du corps ce qui n’était pas courant à l’Arena. Pourtant, cet homme était bien à l’Arena vu que, quand je m’étais retrouvé dans son corps, j’étais au bar de ma propre arène.

Evidemment, le garde du corps n’avait aucune idée que celui qu’il protégeait, c’était moi et pas son… Patron ? Je n’avais aucune idée de qui étaient ces personnes alors c’était difficile de savoir quel était réellement la nature de leur relation.

Et alors que le garde du corps se mis à menacer son boss dans le corps de loup, je finis par trouver les mots pour expliquer la situation. Je n’avais pas d’autres choix que de faire ça si je voulais éviter à mon corps initial de subir des dommages et, aussi, pour peut-être trouver une explication à ce qu’il se passait. Parce que je n’avais vraiment aucune idée de ce qu’il s’était passé pour que je finisse dans le corps d’un type que je ne connaissais même pas.

Le garde du corps sembla perplexe avec de se questionner sur mon nom.

-Oui, Dino Lucchese. Je suis un loup-garou ce qui explique pourquoi votre… Patron ? A maintenant la forme d’un loup…

On était à l’Arena. Chacun qui rentrait ici savait pour les surnaturels, ça me semblait logique. Et s’ils ne l’étaient pas, ils l’apprennent très vite en voyant la nature des combats. Donc, révéler que j’étais un loup-garou, c’était comme révéler un secret de polichinelles.

Lui se présenta comme Bob mais je comprenais bien qu’il n’était pas très enclin à m’en dire plus ni sur lui, ni sur les activités et l’identité de l’homme à qui je squattais le corps.

-Oui très problématique… Mais… Vous êtes membre d’une mafia ou quoi ? Si c’est le cas, je vous promets que rien ne sortira d’ici. Je ne suis pas du genre à balancer la nature des activités des autres.

Beaucoup croyait que les Lucchese étaient une mafia aussi. Alors qu’on ne faisait que tenir des pompes funèbres. Ça doit être le nom italien qui induit les gens en erreurs. Alors peut-être que je jugeais trop vite, aussi, ce type et son garde du corps.

Mais bon… Savoir nos identités respectives n’allait pas aider à résoudre le problème actuel. Le type me demande alors si on pouvait sortir d’ici. Je fis une moue en regardant la porte tout en écoutant le garde du corps.

-On ne pourra pas sortir par la porte sans alerter tout mon personnel. Ils verront vite qu’il y a un problème et ça risque de mal tourner… On ne sait jamais ce qu’ils pourront penser.

J’avisai la fenêtre.

-On n’a qu’à sortir par la fenêtre et rejoindre ma Ferrari… Personne ne remarquera mon absence, j’ai demandé à ma cousine de faire en sorte que personne n’entre ici.

Je me dirigeai vers la fenêtre pour passer de l’autre côté laisser mes deux compagnon d’infortune faire de même. Heureusement pour nous que mon bureau était au rez-de-chaussée.

Je montrai ma Ferrari du doigt.

-Elle est là-bas. La voie est libre.

Alors qu’on marchait, je ne pus m’empêcher de continuer à essayer de comprendre ce qu’il se passait.

-Ce changement de corps… Ça ne vient pas de vous, n’est-ce pas ? Un sort qui aurait mal tourné ou un pouvoir pas maitrisé ? Parce que ça ne peut pas venir de moi. Je n’ai pas ce genre de pouvoir et je ne suis pas sorcier…

Si ça venait d’un événement extérieur, ça n’allait pas être simple de trouver la source et de résoudre le problème.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Dino Lucchese.

Italien sans aucun doute. Loup-garou, certes. Propre-à-rien, pour sûr. Ce surnaturel, qui, pourtant, possédait une certaine richesse et menait des combats illégaux, semblait être dépourvu d'une once d'intelligence. Dans ses yeux, je ne voyais qu'affolement, peur et interrogations. Aucune réflexion.

Cet échange de corps était une plaie.

Heureusement, Gillian nous trouva vite et laissa le temps à mon usurpateur de s'expliquer. Peut-être l'une des seules choses qu'il ait fait avec un temps soit peu de jugeote. Quoique. Déclarer qu'on ne comprenait rien ne prouvait nullement sa sagacité.

Quant à moi, j'étais coincé dans la peau d'un loup, sans aucun moyen que de grogner ou de dresser les oreilles pour communiquer. Et la colère était toujours à la lisière, prête à éclater au moindre désagrément.

Alors, j'écoutai.

Gillian, lui, resta succinct dans ses propos. En tant que membre de l'organisation PhéniX, il savait l'importance de la discrétion. De plus, c'était un homme qui avait toute ma confiance.

Mon regard obliqua vers l'italien. Ce dernier de s'interroger si nous étions une forme de mafia. La réaction n'était pas vraiment surprenante. Cependant, nous étions bien plus qu'une vulgaire mafia. Mais de ça, le surnaturel n'avait pas besoin de le savoir.

- Parfait, alors pas un mot.

La réponse était laconique.

Ainsi, je me redressai sur ces quatre pattes qui n'étaient pas les miennes, lorsque Gillian désigna la porte de sortie. Seulement, cette dernière était gardée. Et notre présence serait alors perçue comme malvenues. Ce qui ne nous laissait qu'une option.

– N'oubliez pas vos clés.

Le Lucchese ne tarda pas à escalader pour se faufiler une nouvelle fois par la fenêtre. Gillian obtempéra. J'en fis de même. Et j’eus l'agréable surprise de découvrir mon agilité. En trois mouvements, j'étais déjà hors du bureau et cela ne m'avait coûté aucun effort. La douleur de la transformation s'était apaisée, me laissant bien plus à l'aise dans ce corps étranger.

- J'espère pour vous que votre véhicule ne se trouve pas loin, monsieur Lucchese. Je n'aimerais pas croiser de mauvaise surprises.

Nous nous laissâmes guidés. Mes sens affûtés en alerte, je ne perçus aucune présence. Pas d'odeur omniprésente. Du bruit, certes, mais rien d'alarmant pour une arène de combat.

En revanche, je devais avouer que la Ferrari n'était pas déplaisante à regarder lorsqu'on arriva à son niveau.

Mais il fallait croire que l'italien ne s'arrêtait jamais avec ses questions intempestives. Par réflexe, je grognai.

Était-il idiot à de point ?

Pour ma part, j'avais bien compris qu'il n'était pas un sorcier. J'en étais on ne peut plus conscient. En revanche, ce phénomène d'inversion n'était pas de mon fait. J'en avais peut-être les connaissances, mais cela ne faisait pas de moi un sorcier.

- Je suis sûr que mon patron aurait eu des réponses à nous apporter, mais il se trouve que sous cette forme, il nous est impossible de les connaître. En revanche, soyez certain d'une chose, nous ne sommes en aucune façon responsable de ce changement, ajouta-t-il.

Cette fois, son visage se tourna vers moi comme pour avoir ma confirmation. J'opinai du chef. Au moins, étais-je capable de cela.

- Bien, maintenant monter dans la voiture, déclara Gillian à l'intention de l'italien. Je vais vous donner une adresse et vous y guider. Là-bas, nous verrons des personnes susceptibles de comprendre ce qui vous arrive et de trouver une solution.

Dans le même temps, le garde du corps pianota sur son téléphone. Très certainement pour mettre au courant le reste de l'équipe.

- Allons-y. Mes hommes nous suivrons, ils ont la marque et la plaque d'immatriculation de votre voiture, ils ne devraient avoir aucun souci à nous suivre.

L'adresse qu'il donna par la suite n'était autre qu'une maison à vendre dans Staten Island. Un lieu qui ne compromettrait pas l'organisation et où nous ne serions pas dérangés par des inconnus.

Après tout, j'étais propriétaire immobilier.

A Complicated Night

Alvin Clive

L’homme ne confirma pas, ni n’infirma d’ailleurs faire partie d’une mafia. Apparemment, c’était quand même quelque chose dans ce genre-là vu la discrétion dont il faisait preuve. Je ne jugeais pas… Je savais qu’il y avait peu de gens fréquentables qui venaient à l’Arena… Et je préférais largement les mafieux aux terroristes.

Je n’en rajoutai donc pas optant pour l’idée du garde du corps de nous en aller d’ici pour trouver les raisons qui avaient fait que je m’étais retrouvé dans le corps de son patron et lui dans le mien. Je proposai de sortir par la fenêtre et de rejoindre ma Ferrari garée dehors. L’homme accepta me disant de ne pas oublier mes clés. Ah ouais, c’était mieux ! Je pris mes clés dans la poche de mon pantalon qui trainait à terre avant de sortir par la fenêtre suivi de Bob et de son patron qui sortit avec toute l’agilité dont je pouvais faire preuve. C’était probablement ma plus grande faculté ce qui était un grand avantage dans bien des situations.

Bob n’avait pas envie de se faire repérer. Ça s’entendait dans ses paroles. Je le regardais en souriant.

-Non, elle n’est pas loin. En théorie, on ne devrait croiser personne. Mes hommes surveillent surtout l’entrée principale et l’intérieur.

Sur le chemin alors que ma Ferrari était en vue, je posai quelques questions cherchant à trouver de quelle manière tout ça a pu arriver. Bob disait que son patron aurait peut-être pu répondre à mes questions même s’il était sûr que cet incident ne venait pas d’eux. Le loup sembla approuver.

-Si ce n’est ni vous, ni moi, ça doit venir d’un événement extérieur. On est la nuit d’Halloween… C’est sûrement pas une coïncidence.

Une fois devant ma Ferrari, je fis monter le loup à l’arrière. Bon, il n’y avait vraiment pas beaucoup de place pour lui mais ça sera suffisant, je pense. C’était une Ferrari, pas une familiale et je n’avais rien d’autre.

Bob disait qu’il avait une adresse où on pouvait aller. Un endroit où des gens seront susceptibles de nous aider… J’hochai de la tête en grimpant à l’avant de ma Ferrari.

-Ok, allons là-bas alors si vous êtes sûr qu’on pourra avoir des réponses là-bas.

N’empêcher que tant de secret, ça me rendait d’autant plus curieux. Surtout que le gars ne tarda pas à sortir son téléphone. Ce type dont j’avais le corps ne devait pas être n’importe qui… Mais difficile de savoir la nature même de son business. Ça pouvait clairement être n’importe quoi mais si ce Bob disait pouvoir trouver une solution à notre problème, c’est qu’ils devaient s’y connaitre en surnaturel d’une façon ou d’une autre. Pourtant, je corps que j’habitais ne semblait pas avoir une once de pouvoir.

Ou bien c’était moi qui n’arrivais pas à les déclencher.

Bob me donna le signal de départ disant que ses hommes allaient nous suivre. Il fallait qu’on soit autant pour ça ? Je fis une petite moue avant de démarrer.

-D’accord…

Je me dirigeai vers l’adresse indiquée par Bob. Ce n’était pas très loin et je n’avais même pas besoin de GPS parce que je connaissais Staten Island comme ma poche. Je me tus sur le chemin… Pourtant, les questions se bousculaient dans ma tête. J’en saurais sans doute plus une fois arrivé à l’adresse.

Et comme je conduisais très vite, on ne tarda pas à y arriver. Je me stationnai devant la maison à vendre… Une maison à vendre ? Le mystère ne faisait que devenir plus grand encore.

Je laissai sortir le loup et Bob avisant la maison avant de verrouiller ma voiture.

-Vous hommes ne vont pas tarder, je suppose… Ce sont des experts en échange de corps, ou quoi ? Et cette maison, elle est à votre patron ? Il est dans l’immobilier ou bien c’est l’ancien propriétaire ? Parce qu’il va falloir que vous m’en disiez plus… Je vous ais suivis jusqu’ici… Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas un piège ?

Si ça tombe, Ciro avait engagé cette mafia pour m’éliminer. Et mon, comme un con, je ne pensais qu’à ça maintenant.

-Je ne rentrerai là-dedans que quand je serais sûr que vous n’êtes pas envoyé par un de mes ennemis.

Je croisai les bras attendant des réponses.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Oui, la Ferrari n'était pas si mal. Un peu trop voyante à mon goût, mais ses courbes avaient une élégance indéniable. Quoique, le raffinement de celle-ci fut vite terni par l'idiotie du surnaturel. Et Gillian de le rassurer. Nous n'étions, en aucun cas, responsable de ce maudit sort qui m'irritait de plus en plus.

Le Lucchese supposa alors que cela devait être lié à la nuit du Samain. Pour une fois, je ne pouvais qu'approuver. Cette date n'était, en effet, pas anodine. Certaines frontières s'affinaient, et la magie en était d'autant plus sensible.

- Peut-être, nous verrons bien, commenta Gillian.

Ce dernier fit alors signe à l'italien de monter dans le véhicule. Il avait raison. Rester ainsi, au milieu d'un parking, à s'interroger, était le meilleur moyen pour qu'on nous repère. Sans tarder, nous entrâmes donc dans l'engin. L'étroitesse des sièges arrière me tirèrent tout de même une grimace. Le voyage n'allait pas être des plus confortables pour moi.

Enfin, l'adresse que donna mon garde du corps n'était pas très loin.

Quant à la dernière réflexion du conducteur, mon employé ne lui offrit qu'un silence en réponse.

Bientôt, le moteur ronronna et la Ferrari nous extirpa de l'Arena pour, en quelques minutes, s'arrêter devant une maison à vendre. Cette dernière était tout ce qu'il y avait d'ordinaire, si ce n'était ce panneau informant sa mise en vente. Un endroit calme, en somme.

Mais à peine sortis de l'habitacle que l'usurpateur commença à douter. Cette fois, mes babines se retroussèrent avant de m'avancer vers celui qui arborait mes traits. Il ne voulait rien à voir avec la mafia, soit. Il ne dirait rien, tant mieux. En revanche, je détestais toutes ces questions dégoulinantes de sa bouche.

S'il avait été un minimum intelligent, ces interrogations auraient été posées avant de venir ici. Mais j'en avais assez de sa bêtise. Alors je le forçai à reculer vers la porte d'entrée, la fourrure hérissée et les crocs en évidences. La patiente n'était pas une de mes qualités, et je trouvais que j'avais bien suffisamment écouté sa fanfaronnade.

- Monsieur Lucchese, je vous conseille de rentrer dans cette maison, répliqua l'homme derrière moi. Comme vous pouvez le voir, mon patron n'est pas d'humeur à patienter plus longtemps . De plus, je n'ai aucun moyen de vous prouver que ce n'est pas un piège. La seule chose que je peux vous dire, c'est que si nous voulions vous éliminer, cela serait déjà fait.

Au même instant, une deuxième voiture se gara non loin de la Ferrari. Cinq autres de mes hommes en sortirent. Les portières claquèrent. Cependant, je ne quittais pas des yeux l'idiot en face de moi. Mon regard était limpide quant à ce qu'il ordonnait : rentre.

Derrière moi, je sentis mes hommes se positionner en arc de cercle.

Mais avant que l'un d'eux prenne la parole ou n'agisse, la porte de la maison s'ouvrit.

- Bonsoir Monsieur le Collectionneur, susurra une voix de velours. J'espère que je ne suis pas trop en retard, on nous a dits que c'était pour une urgence.

Une longue mèche rousse vint bientôt caresser l'épaule de mon usurpateur. Un parfum capiteux s'éleva pour titiller mes sens. De l'ombre émergea alors la silhouette d'une femme tout en courbe. Robe du soir en mousseline, bijoux étincelants ornant une peau diaphane.

Miss June.

- Oh, je vois en effet que vous êtes toujours accompagné de votre armée.

Un sourire malicieux étira ses lèvres tandis que son regard vagabonda sur les nouveaux arrivants jusqu'à tomber sur moi.

- Un loup ? Un soir de pleine lune ? Cela semble amusant.

Gillian s'avança pour attirer l'attention de la sorcière.

- Miss, en effet, nous avons un problème, l'homme à vos côtés n'est point celui que vous croyez, mais Dino Lucchese. Il semblerait qu'il y ait eu un échange de corps avec le loup. Mais avant d'en dire plus, nous devrions rentrer pour ne pas attirer l'attention. Quoique, Monsieur Lucchese a encore quelques doutes envers nous...

Cette dernière prit un air faussement surpris, avant de se pencher un peu plus vers l'italien.

- Enchantée Monsieur Lucchese, je me présente Miss June. Je peux comprendre votre méfiance, ces hommes sont quelque peu... Rustres, mais rassurez-vous aucun mal ne vous sera fait.

Sur ce, ce fut d'un air mutin qu'elle recula comme pour l'inviter à rentrer.

À l'intérieur, un salon chichement éclairé nous attendait, dont deux canapés se faisant face.

A Complicated Night

Alvin Clive

Le trajet s’était plus ou moins fait dans le silence. Il faut dire que le garde du corps n’était pas forcément loquace… Quant à son patron, il était dans l’incapacité de parler vu qu’il était littéralement coincé dans mon corps de loup.

Seulement, ce silence ne me mettait pas du tout en confiance… Il semblait en savoir beaucoup sur moi alors que je ne savais rien sur eux. Ce qui, au fur et à mesure du voyage et d’autant plus quand on arriva devant une maison à vendre, était encore plus suspect et pensant. Si ça tombe, j’étais en train de foncer tout droit dans un piège. Si ça tombe, c’était bien eux à l’origine du changement de corps et ils avaient utilisé ça pour m’éloigner de l’Arena, là où se trouvaient tous mes hommes.

Et une fois sortit de ma voiture devant la maison en vente, j’avais un mauvais pressentiment. Comme si j’étais allé tout droit dans un piège. Je m’en voulais presque de ne pas avoir tout remis en question avant de partir mais j’étais tellement déstabilisé par le changement de corps que j’avais fait un peu trop vite aveuglément confiance à ce type dont j’avais maintenant le corps et son garde du corps.

Alors, je me permis de poser des questions, exigent des réponses. Et que s’ils ne répondaient pas, je n’entrerais pas dans cette maison. C’est alors que le loup se mis à grogner montrant ses dents. Je fronçai les sourcils reculant vers la porte d’entrée. Je savais de quoi je pouvais être capable en loup… Et même si j’avais le corps de ce type, rien ne me dis qu’il y tient… Si ça tombe, ils cherchaient juste à avoir mon corps pour pouvoir se mettre à la tête des Lucchese de la façon la plus efficace qui soit : en se faisant passer pour moi.

Plein de scénario de ce genre affluaient dans ma tête alors que Bob me disait de rentrer. Il ajouta qu’il ne pouvait pas me prouver que ce n’était pas un piège hormis le fait que j’étais encore en vie. Je fronçais les sourcils.

-Ou alors, vous vouliez me tuer ici parce que vous saviez bien qu’à l’Arena, ça aurait pu vous poser des problèmes vu que tous mes hommes y sont.

Je relevai la tête quand une autre voiture se gara à côté de la mienne. Cinq personnes en sortirent. J’écarquillai les yeux. Si c’était un piège, j’étais réellement en sous nombre. Jamais je n’arriverais à les battre tous surtout dans ce corps. Surtout que je fus rapidement encerclé.

Je serrai les dents.

-Si vous n’êtes vraiment pas là pour me piéger alors pourquoi amener autant d’homme ? Parce que, sincèrement, ça n’aide vraiment pas à la confiance.

Mais avant que je ne puisse dire autre chose, la porte de la maison s’ouvrit et une voix de femme se fit rapidement entendre. Je sursautai avant de me retourner vers cette voix qui me salua m’appelant « Collectionneur ». Le Collectionneur ? C’était quoi ce nom ?

-Heu…

La femme sortit de l’ombre. Elle était rousse et portait pas mal de bijou.

Elle parla des hommes et je jetai un regard furtif vers eux. Ce n’était pas mes hommes. Mais, évidemment, la femme ne savait pas que je n’étais pas le Collectionneur. D’ailleurs, elle ne tarda pas à remarquer le loup mais alors que j’allais remettre les points sur les « i », c’est Bob qui s’en chargea.

Je regardai toujours la femme qui comprenait ma méfiance ce qui me fit me détendre un peu.

-Bonsoir, Miss… En effet, rustres, nombreux et qui gardent un peu trop leurs secrets pour eux.

Mais je n’avais pas vraiment d’autres choix que d’entrer alors je le fis regardant autour de moi. Il faisait bien éclairé dans le salon qui était plutôt accueillant. Après avoir été certain qu’il n’y avait bien que nous et personne d’autre, je me tournai vers la femme ainsi que vers le groupe du Collectionneur dont Bob semblait mener les hommes pendant que son patron était dans mon corps.

-Je ne sais pas de quelle organisation vous êtes… Mais…

Je regardai plus précisément la femme.

-S’ils m’ont amené ici, j’imagine que vous pouvez certainement faire quelque chose. Ou du moins, que vous vous connaissez en magie. Parce que ce que je vis là, ça ne peut être que de la magie ou quelque chose dans le genre. Lui et moi…, dis-je en montrant le loup. On a changé de corps. Ça s’est produit tout à l’heure alors qu’on n’était même pas dans la même pièce et que je ne connaissais pas du tout ce Collectionneur. Tout ce que je sais c’est qu’il n’était pas tellement loin d’où je me situais. Et j’étais en train de me transformer en loup quand c’est arrivé.

C’était toutes les informations que j’avais.

-Dites-moi que vous avez déjà vu ce genre de chose quelque part…

Je la regardai elle mais je regardai aussi de temps en temps Bob et ses hommes, la confiance n’était pas encore de mise.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Il n'était pas compliqué d'effrayer le surnaturel. Une nuit sombre, quelques grognements et il se retrouvait déjà acculé à la porte de la maison. Pour ma part, il était clair que je n'allais pas faire l'effort d'être à sa place et de comprendre tout cet embrouillamini d'émotions qui semblait le tourmenter. Enfin, c'était une façon de parler. Parce que j'étais suffisamment à sa place pour faire, en plus, preuve d'une quelconque empathie.

- Ou alors nous aurions pu vous tuer dans votre bureau sans qu'aucun de vos hommes n'intervienne, puisqu'ils avaient pour ordre de ne pas y rentrer, rétorqua, acerbe, mon garde. Il est préférable de s'arrêter là en vaines explications.

De plus, ce n'était pas le moment d'avoir ce genre de discussion en pleine rue au milieu de la nuit. Mais de cela, le Lucchese ne paraissait pas en prendre conscience. À croire que seules ses émotions lui dictaient ses agissements.

L'envie de l'étriper me démangea. C'en était presque viscéral.

Et l'autre de continuer encore et toujours avec ses suspicions. La seule chose qui m'empêcha de l'égorger, là tout de suite, était qu'il possédait ce corps qui n'était autre que le mien. Cet idiot ne mesurait pas sa chance d'être encore en vie à l'heure actuelle.

Cependant, nous fûmes interrompus par une Miss June se matérialisant juste derrière l'italien. Ses bracelets tintèrent tandis qu'un sourire gourmand étira ses lèvres. Et si son apparition fit sursauter le surnaturel, elle allégea quelque peu la tension qui s'était cumulée. Ce n'était pas pour rien si elle était ma porte-parole en Europe de l'Est. Gérer les conflits faisait partie de sa panoplie de compétences. Quoique son attitude fût toujours teintée d'une pointe de séduction.

Bientôt, Gillian clarifia la situation. L'échange de corps qui s'était opérer sans aucune explication apparente.

Miss June rassura alors notre « invité », mais ce dernier ne put résister à l'envi d'ajouter un commentaire désobligeant.

- Il est vrai que nous aimons garder nos nombreux secrets Mr Lucchese, et cette discrétion ou méfiance n'est, en aucun cas, dirigée contre vous en particulier. Et sous cette jolie fourrure qu'est la votre, confia-t-elle d'un ton enjôleur , se cache un homme qui est peu habitué à révéler quoique ce soit s'il n'y a pas d'intérêt derrière. Mais je peux, peut-être, à ma façon, dissiper les quelques doutes à notre encontre.

Finalement, ce furent les atours de la sorcière qui convainquit le surnaturel à entrer dans cette fichue maison. Une femme comme elle n'avait jamais besoin de beaucoup plus pour se faire écouter. Et si elle pouvait faire entendre raison à l'italien, eh bien, autant la laisser faire.

Ainsi, nous nous installâmes dans le salon. La pièce n'était pas des plus meublés, toutefois, elle avait l'avantage de posséder le minimum et d'être assez vaste pour tous nous accueillir. Gillian ferma la porte derrière nous avant de prendre place à mes côtés sur le canapé. J'avais beau être un loup, je ne comptais pas m'asseoir à même le sol comme un vulgaire chien.

De fait, Le Lucchese donna de plus amples précisions quant à notre changement de corps. Bien sûr, j'aurais préféré servir ma version des faits, ce qui m'était, évidemment, impossible dans mon état. Seule la télépathie de Jacob aurait résolu le problème. Alors, je me tus et attendis.

Assise avec toute la distinction d'une femme d'un siècle passé depuis longtemps, celle-ci écouta, la tête légèrement inclinée, comme pour tendre l'oreille. Une fois le récit terminé, elle se redressa, échangea un regard entendu avec moi avant de revenir vers mon usurpateur.

- Je vois. Cela est d'autant plus curieux qu'aucun de vous n'a à y gagner dans ce phénomène. Mr le Collectionneur aime garder son anonymat, et vous, eh bien, j'imagine qu'être entouré d'inconnus ne vous est désagréable, n'est ce pas? Et pour tout vous dire, en effet, je m'y connaîs en sorcellerie puisque je suis moi-même une sorcière.

Un instant, elle épousseta une poussière invisible sur ses genoux.

- Alors pourquoi vous ? Et qui ? ajouta-t-elle pensive. Je suppose que vous avez vos ennemis Mr Lucchese au vu de votre position dans la meute, tout comme Mr le Collectionneur à les siens. Toutefois, il ne fait aucun doute que vos adversaires n'ont pu s'allier, car ils n'ont rien en commun. De plus, il faut l'avouer, ce changement n'est pas vraiment ce qu'on peut considérer comme une tentative d'agression. Et si, comme vous le dites, le phénomène a eu lieu alors que vous n’étiez même pas dans la même pièce, en plus des autres informations dont vous m'avez fait part, eh bien, il semble logique de penser que ce sort est un sort de « zone ».

L'intelligence de notre sorcière était remarquable. Et il était frustrant de ne pouvoir argumenter avec elle. Malheureusement, non seulement je me retrouvais censuré, mais en plus, il m'était impossible de faire appel à mes propres connaissances. J'avais bien essayé à plusieurs reprises, en vain.

- En d'autres termes, vous ne seriez pas les seules victimes hasardeuses du sortilège. Un sortilège difficile à exécuter et qui demande un rituel bien particulier. Mais la nuit d'Halloween à quelques avantages pour nous, sorciers. La magie n'en est que plus puissante. Donc, je vous répondrais que non, je n'ai jamais été témoin ni auteur d'un tel sort. En revanche, mes connaissances sont suffisantes pour être sûres de mes hypothèses.

- Quant à la solution, elle est plutôt simple : le temps. Aux premières lueurs du jour, la magie aura perdu de son emprise et vous retrouverez chacun vos corps, conclut-elle, le sourire toujours aux lèvres.

A Complicated Night

Alvin Clive

Ok… La théorie qui voulait que je sois allé tout droit dans un piège était un peu bancale et elle le fut complètement lorsque Bob déclara qu’ils auraient très bien pu me tuer dans mon propre bureau vu que je leur avais dit que personne ne pouvait y entrer étant donné que c’était l’ordre que j’avais donné à mes hommes. Mes lèvres se pincèrent. Ouais, il n’avait pas tort… Mais ce n’était pas une raison pour me répondre de la sorte. Je trouvais normal d’être un rien méfiant et sceptique alors même que je ne savais rien d’eux.

Mais bientôt, une femme fit son apparition sur le parvis de la maison. Une femme rousse qui semblait être alliés à ce fameux Collectionneur dont je squattais le corps. Elle crut d’abord que j’étais cet homme avant que Bob ne remette les pendules à l’heure. Je me permis de faire encore preuve de méfiance en y allant un peu rudement sur les commentaires. Mais il faut dire que ce Bob n’est pas beaucoup plus sympathique avec moi. Quant à son patron, il n’arrêtait pas de me grogner dessus. Ce n’était quand même pas ma faute si on était dans cette situation alors je méritais quand même un peu de respect !

Bref, j’étais complètement retourné vers la femme rousse qui me semblait quand même bien plus amicale que les autres. Elle me parla de la discrétion du Collectionneur… Enfin, plutôt, de son obsession pour la discrétion. C’était comme ça que je l’entendais en tout cas.

Je rougis un peu quand elle parla de ma fourrure. Ok, cette fille était une aguicheuse. Ça s’entendait. Mais je pris quand même le compliment. Bref, tout ça pour dire que ce Collectionneur ne révélait des choses que s’il y avait un intérêt derrière.

-En gros, c’est un homme d’affaire quoi… Je connais ça. J’en suis un aussi. Mais bon, là, garder le secret comme le font ses hommes, n’invite pas à la confiance.

Mais j’entrai quand même dans la maison… Certainement parce que je n’avais pas vraiment le choix si je voulais essayer de trouver une solution à ce changement de corps mais aussi parce que cette fille était quand même assez avenante.

Une fois à l’intérieur du salon, je restai debout alors que le Collectionneur, qui avait ma forme de loup, s’installa dans un fauteuil comme s’il était toujours tout à fait humain. Je crois que j’aurais ri si la situation n’était pas aussi délicate... Même si… J’avoue que j’ai un peu souri pour la cause…

Je finis par expliquer ce qu’il s’était passé. Le changement de corps, où j’étais quand ça s’est produit et tous les détails possibles pour aider la femme à résoudre notre problème. Parce que je comptais bien récupérer mon corps par tous les moyens, moi !

La femme prit alors la parole et je l’écoutais attentivement non sans marcher de long en large en me rongeant légèrement les ongles. Enfin, les ongles du Collectionneur, pour la cause, vu que ce n’était pas les miens.

La rousse commença d’abord par des questions rhétoriques sur le fait qu’on n’avait aucun des deux à gagner dans cette situation. J’hochai la tête pour confirmer. C’est vrai qu’aucun de nous deux ne semblaient réellement pouvoir tirer avantage de nos conditions.

Donc, j’avais en face de moi une sorcière. C’était un bon point. Je crois qu’il n’y avait pas mieux placer pour résoudre ce problème qu’une sorcière.

-C’est un bon point.

Je m’étais arrêté de marcher pour fixer la femme qui était, soit dit en passant, très distinguée. Elle parla de nos ennemis respectifs avant de conclure que le Collectionneur en avait aussi mais que nos ennemis n’était pas commun et que, donc, ce n’était pas une bonne piste. Ok, c’est déjà ça… Mais alors, c’était quoi ? D’après la sorcière, ce serait un sort de « zone »… En d’autre terme, moi et le Collectionneur ne serions pas personnellement visé… Je pris un air un peu bouche bée… Alors, ça ne serait que le hasard ? On serait le dégât collatéral d’un sortilège fait par un sorcier ? C’est tout ? Et tout ce qu’on avait à faire, c’était attendre le matin ?

Je gardai la même expression avant de me laisser tomber dans un fauteuil. Et ben… Voilà qui est… Ben, assez rassurant en fait.

-Donc… On n’a qu’à attendre le matin ? C’est bien ça ? Et ben… C’est… Bah, ça me convient en fait… C’est mieux que de devoir poursuivre un sorcier complètement malade ou un de nos ennemis qui aurait essayé de nous tuer ou quelque chose comme ça.

Je soufflai un peu de soulagement avec de regarder l’assemblée.

-Mais… C’est quoi l’intérêt ? Je veux dire… Le sorcier qui a fait ça, c’était quoi son intérêt ?

Je ne savais pas si la sorcière avait vraiment la réponse… Mais si ce sort avait touché des personnes au hasard alors c’était un peu… Inutile, non ? Bref, j’imagine que le savoir ne nous avancerait pas beaucoup de toute façon.

-L’affaire est réglée alors… Je pense qu’on devrait attendre tous ici… Histoire de… Ben, vérifier si on récupère bien notre corps demain matin, non ? Et… Heu…

Mes lèvres se pincèrent et je regardai le loup.

-Et… ben… Il me faudra des vêtements… Il y en a ici ? Ou quelqu’un veut bien aller en chercher ? Parce que… Ben… Je vais aussi reprendre forme humaine le matin venu… Enfin, le loup, là, va reprendre forme humain et… Ben, il faudra des vêtements.

Ouais, je ne voulais pas me retrouver tout nu devant tout le monde !

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Un homme d'affaires, vraiment ? J'étais... Sceptique. Même s'il était vrai qu'il tenait une arène de combats illégaux. Mais mes propres activités n'avaient rien d'un misérable ring mal famé, cerné de grilles. Non, c'était bien plus que cela. Et la finalité de celles-si était d'autant plus grande. En somme, il n'y avait rien de comparable avec ce que faisait ce Dino Lucchese.

Donc, non, nous n'invitions pas à la confiance. En particulier, dans ce genre de circonstance où il m'était impossible d'avoir un contrôle total.

- Je peux vous assurer que nous pouvons nous montrer très avenants malgré notre... Prudence très marquée.

Sur ces entrefaites, nous pénétrâmes enfin dans la maison. Ce ne fut qu'une fois confortablement installé, que notre sorcière entama ses réflexions. Quoique, je ne manquai point le sourire amusé de l'Italien lorsqu'il m'observa prendre place tandis que lui s'obstinait à demeurer debout. Et puis, ses va-et-vient incessants commençaient à sérieusement irriter mes nouveaux sens.

Mon attention revint bien vite vers Miss June. Ses connaissances en magie étaient admirables. Et la nature de cette dernière parut convaincre mon usurpateur sur son efficacité.

- Oh, mais je vous assure, sourit-elle, je peux être bien plus qu'un bon point.

Et sa conclusion à toute cette mascarade n'était autre que de patienter. J'allais donc devoir supporter cette forme lupine jusqu'à l'apparition des premières lueurs du soleil, ce qui n'était pas pour m'enchanter.

Du reste, je devais l'admettre, l'autre surnaturel avait raison. Au moins, cette situation n'était-elle pas immuable. Même si je me ferais un plaisir de débusquer le lanceur de sort. Ce dernier n'allait pas s'en sortir indemne. C'était une promesse.

- Mais n'y aurait-il pas un moyen d'accélérer le processus d'échange ?

Je souris. Gillian posait la bonne question.

- Je pourrais, mais cela demanderait beaucoup d'énergies, un sacrifice et le livre contenant les formules du rituel.

La jolie rousse prit un air contrit, mais bientôt, son sourire s'étira de nouveau à l'intervention de l'italien.

- L'intérêt ? Cela peut être divers. Un sort raté ? Un vilain plaisantin ? Quelqu'un qui désire être remarqué ? Ou qui veut lever le voile sur la présence des surnaturels ? Impossible de réellement savoir sans interroger l'auteur de ce phénomène.

De fait, oui, nous allions rester ici, le temps que tout redevienne en ordre. Quant aux vêtements, après un bref regard échangé avec mon garde du corps, ce dernier se mit de suite en route pour chercher ce dont on aurait besoin. Qu'importe que le Lucchese m’insupportât, je n'allais pas laisser cet homme sans le minimum requis pour la bienséance.

- Mr le Collectionneur, outre le fait que je ne puisse corriger cette inversion, je peux toutefois, vous aider à reprendre forme humaine. Après tout, les corps n'ont aucun secret pour moi. Cependant, j'ai bien peur que cela soit au prix de la douleur...

Mon front se plissa. La jolie rousse, je le savais, avait un don inné lorsqu'il s'agissait de créations, transformations, ou encore modifications de l'anatomie. Que ce soit celle des autres ou la sienne d'ailleurs. Surtout la sienne. Elle était donc parfaitement capable de me rendre une forme plus convenable.

Mais la douleur.

La transformation avait été un véritable calvaire. Malgré tout, il me serait bien plus facile, ne serait-ce, que de communiquer. De reprendre en peu de maîtrises.

Il y eut un instant de silence.

Finalement, je hochai la tête.

- Voilà qui est parfait !

Ne restait plus qu'à attendre le retour de Gillian.

A Complicated Night

Alvin Clive

Très avenant… J’attendais de voir ça. Parce que, jusqu’ici, hormis cette femme, personne n’avait été très avenant. Ni les hommes du Collectionneur, ni lui-même… Parce que, même en forme de loup, il avait sans cesse marqué une certaine hostilité envers moi.

Donc, j’attendais toujours de voir… Et on entra à l’intérieur de la maison où la femme commença à développer sa théorie. Je l’écoutai attentivement et réagit quand elle déclara être une sorcière. Elle disait qu’elle pouvait être encore mieux qu’un bon point ce qui me fit afficher un petit sourire. Elle ne manquait, en tout cas, pas de réplique… Et comme bien des sorciers que j’avais rencontré tout au long de ma vie, elle n’avait pas non plus son ego dans sa poche.

-Je n’en doute pas.

Il fallait, donc, attendre. C’était la solution à notre problème vu qu’apparemment tout ça venait d’un petit malin qui avait voulu jouer un peu en lançant un sortilège qui trouvait sa puissance dans le jour d’Halloween.

Bob semblait vouloir accélérer le processus mais ça semblait être une opération difficile mais pas impossible… Je fis la moue. Pourquoi accélérer le processus alors qu’il suffisait d’attendre jusqu’au matin ? Ce n’était pas comme s’il fallait attendre une semaine… En tout cas, je n’étais pas vraiment chaud à faire un sacrifice quel qu’il soit pour gagner quelques heures.

-Autant attendre alors… C’est pas la peine de faire des morts pour quelques heures…

Ça semblait, apparemment, être l’avis de tous… Mais moi, je me posais une autre question qui était de savoir pourquoi un sorcier avait envoyé ce sort destiné à des gens qu’il ne connaissait même pas ? La sorcière n’en savait pas plus que moi mais avait quelques suppositions qui me firent lever un sourcil.

-Il y en a qui s’emmerdent vraiment dans leur vie… Et si c’est un sort raté, il n’est pas très doué…

Ok, je n’y connaissais rien en magie mais quand on n’est pas sûr de son coup, il vaut mieux s’abstenir, non ?

Bref… Ce qui était fait était fait… Et je m’étais depuis peu affalé dans le fauteuil alors que Bob s’en était allé chercher des vêtements.

Ensuite, la sorcière proposa au Collectionneur de lui faire, au moins, retrouver forme humaine. Je levai un sourcil. Il y avait un sort pour ça ? Ouais… Mais un sort douloureux, apparemment. Ce n’était pas étonnant. La transformation, même non forcée, était douloureuse…

Je tournai le regard vers le Collectionneur qui sembla hésiter avant d’hocher du museau pour accepte, visiblement, la proposition de la sorcière.

-De toute façon, ça sera douloureux… Même s’il reprend forme humaine naturellement, c’est douloureux.

Ouais, sauf si, évidemment, le sortilège d’inversion pendant fin avant qu’il ne reprenne forme humain… Là, ouais, c’est moi qui me prendrais la douleur dans la tronche… Alors que si cette sorcière forçait la transformation maintenant, je n’aurais plus ce petit désagrément.

-Mais ça m’arrange que vous le fassiez se retransformer maintenant.

Je n’allais pas le nier quand même…

J’enfuis alors ma main dans ma poche pour en sortir un petit pot rempli de pilules. C’était des anti-douleurs assez puissantes que j’utilisais souvent lors des périodes de pleine lune... Ou pour le fun, parfois aussi… Histoire de planer un peu quoi…

Je montrai la boite au Collectionneur.

-C’est des anti-douleurs… Tu peux en prendre avant de te retransformer. Si ça peut aider…

Ça n’était pas suffisant pour faire taire toute la douleur mais c’était quand même pas mal efficace.

-Pour le reste, on n’a plus qu’à attendre alors…

Je me tournai vers la sorcière.

-Vous avez à boire ? Histoire de passer le temps… En espérant que Bob revienne avec des habits classes…

Mes lèvres se pincèrent.

-Ok… J’en demande trop… Désolé.

Je ne voulais pas non plus avoir l’air d’un type exigent… Après tout, je pourrais changer de vêtements une fois rentré chez moi.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Attendre le lever du soleil pour que le sort se dissipe était une chose assez aisée à appliquer. Certains rituels étaient bien plus compliqués à contrecarrer. Cependant, je fus reconnaissant d'entendre Gillian poser la question sur la manière d’accélérer le processus. En l'état actuel des choses, ma posture n'était pas des plus plaisantes à supporter.

Malheureusement, la conclusion de la sorcière était sans appel. Les conditions étaient trop strictes pour réussir à inverser ce maudit sort.

Quant à l'Italien, lui, préférait éviter qu'un meurtre soit commis. Pour ma part, l'idée ne m'était pas révoltante, mais plutôt excessive. Surtout pour quelques heures.

- Non, il n'y aura aucun mort cette nuit, nous ne sommes pas des meurtriers après tout...

Et la sorcière de couler un regard malicieux vers le Lucchese. Quoique sa réflexion ne fût pas tout à fait juste, sa voix ne trahit pourtant pas ce léger mensonge. Certes, nous n'étions pas une organisation d'assassins, mais parfois, ils nous arrivaient de devoir éliminer quelques importuns. Alors, autant ne pas effrayer ce jeune loup qui semblait s'emballer facilement. Enfin, je ne le croyais pas assez naïf pour songer que nous étions un groupe irrépréhensible. Il n'aurait pas tant rechigné à entrer dans la maison si cela n'avait pas été le cas.

Enfin, outre ce contre-temps qu'était cet échange de corps, l'Italien s'interrogea sur l'objectif de tout ceci. Cependant, Miss June n'avait aucune réponse précise à apporter.

- Si c'est un sort raté, le sorcier a fait une erreur de calcul. Après tout, il y a bien eu un résultat, alors, je ne dirais pas qu'il n'est pas doué, mais plutôt que c'est un idiot ou quelqu'un de bien trop ambitieux, corrigea la sorcière. Ce dernier devait bien être au courant de la difficulté de ce qu'il entreprenait.

Oui, et qu'importait l'identité de ce sorcier, je saurais le retrouver. Je ne comptais pas en rester là. Et avec un peu de chance, je débusquerai aussi le fameux ouvrage contenant le rituel. Ce qui était bien plus intéressant.

Suite à quoi, Gillian partit pour récupérer des vêtements afin que le surnaturel ne se retrouvât pas sans rien lors de sa transformation. Ce dernier avait beau m'irriter, lui aussi, subissait les effets de ce mauvais tour. Et je n'étais pas de ces personnes à ôter toute dignité. À moins, bien sûr, qu'il l'ait mérité.

Et tandis que l'italien prit ses aises sur un fauteuil, la jolie rousse me proposa alors de me rendre plus humain. Seulement, elle m'avertit que cela ne se ferait pas sans douleur. À cela, l'autre surnaturel ajouta que même la transformation naturelle serait, de toute manière, pénible. Oui, de ça, j'en avais bien conscience. Je n'avais pas encore oublié l'épisode de mes muscles tiraillant mon corps, ou encore de ces nouveaux os grinçant désagréablement dans mes oreilles.

Cela demandait une certaine réflexion, mais mon usurpateur ne me cacha pas que cela l'accommodait. Mon regard se posa sur celui-ci. Voilà qui était plutôt franc.

Je décidai alors d'accepter malgré les effets indésirables. La sorcière se réjouit aussitôt, bien trop heureuse de faire une démonstration de ses talents. En revanche, je fus surpris lorsque le loup tendit des cachets contre la douleur.

- Oh, c'est parfait, je suis sûre que le Collectionneur vous en sera reconnaissant.

Sur ces paroles, la sorcière me lança un coup d’œil. Je soupirai. Reconnaissant était un bien grand mot. Et puis, s'il ne me les avait pas proposés, j'aurais récupéré ceux dans ma propre veste. Toutefois, cela n'empêcha nullement Miss June de récupérer les comprimés pour le remercier par la suite.

En attendant, l'Italien désirait savoir s'il y avait de quoi étancher sa soif. Le temps que mon garde revienne avec les habits. Nouveau soupir.

- Voyons, ne soyez pas désolé, sourit la jolie rousse. Malheureusement, je ne sais pas si vous trouverez votre bonheur, mais la cuisine se trouve derrière à votre gauche.

Ce faisant, elle désigna une porte. Il y avait peu de chance pour que les placards soient pleins. En revanche, peut-être qu'il s'y cachait une bouteille ou deux. Mes agents immobiliers avaient pour tradition de prendre un verre avec les clients lorsque la vente était établie. Donc, ce n'était pas impossible.

Pour ce qui était des vêtements, il fallait attendre le retour de Gillian. Ce qui ne tarda pas.

- Bien, je vous propose de monter Mr le Collectionneur.

Je descendis du canapé. La sorcière expliqua rapidement à mon garde du corps ce qu'elle comptait faire, tout en récupérant les habits.

- Alors, ne vous alarmez pas si vous entendez des cris de douleur ou des gémissements, c'est tout à fait... Normal.

Je roulai des yeux devant le double sens de ses propres mots. Quoique, je ne refuserais pas quelques massages de sa part.

Bientôt, ses bracelets tintèrent, alors que la sorcière rassemblait les pans de sa robe et montait les escaliers. Je lui emboîtai le pas, jetant un dernier regard derrière moi.

Quelques secondes plus tard, nous nous retrouvâmes dans une pièce vide. Je me préparais mentalement au calvaire que j'allais endurer. Les cachets, eux, furent vite avalés.

- Il est temps.

Et alors que les mains de la sorcière se posèrent avec délicatesse sur mes omoplates, le supplice creusa son tunnel dans mon cerveau. C'était comme si on me broyait de l'intérieur. Les dents serrées, je me concentrais sur ma respiration. Plusieurs fois, je me sentis défaillir. Chaque seconde était un petit enfer à supporter.

Je grondais. Puis, les grondements se transformèrent en une respiration plus humaine.

Avais-je crié ? Je n'en avais pas la moindre idée. En revanche, ma vision de nouveau nette, je constatai le changement qui s'était opéré. Ils n'y avaient plus ni fourrure, ni griffes, ni crocs.

Un instant, j'observai mes mains comme pour m'assurer de la tangibilité de ce corps. La sorcière, elle se retira pour me laisser le temps de reprendre mes esprits, et surtout de m'habiller. Cela me prit bien cinq minutes afin d'apaiser les tremblements.

Du reste, les vêtements que Gillian avait ramenés étaient décents. Quoique pas du niveau de ma garde-robe, mais tout de même de marque. Cela ne devrait pas déplaire à l'Italien. Après ça, il pourrait toujours les garder.

Pantalon en toile et chemise parfaitement repassés, une fois le tout enfilé, je passai une main dans des cheveux bouclés afin de me recoiffer et descendis au rez-de-chaussée. En dépit de mes jambes encore endolories, je lançai un sourire à celle qui m'avait rendu la parole.

- Je vous en remercie Miss June, voilà qui est bien plus confortable.

Puis, je me tournai vers celui qui arborait mes traits avant de tendre la main.

- Enchanter de faire votre connaissance Mr Lucchese. Bien que les circonstances de notre rencontre ne soient pas des plus engageantes. Si ce que vous avez dit en début de soirée quant à votre silence est vrai, vous ne craigniez rien de mes hommes.

Mes hommes restèrent silencieux, attentifs. Miss June, elle, avait regagné sa place sur un fauteuil, le sourire toujours accroché aux lèvres.

- Maintenant que je peux répondre à vos questions, ou du moins certaines, je vous écoute. Dans le même temps, il se peut que j'en aie aussi à votre égard. Si cela vous convient, bien sûr.

Des informations pour des informations. Ainsi, fonctionnait le monde.

A Complicated Night

Alvin Clive

J’étais quand même rassurer d’apprendre que les hommes du Collectionneur n’étaient pas des meurtriers même si je n’en avais aucun preuve, au final… Bref, tout ça pour dire que tout le monde semblait convaincu que la meilleure solution était d’attendre le matin ce qui me semblait quand même logique.

Quant au sorcier qui avait fait ça, la sorcière ici présente ne le voyait pas vraiment comme quelqu’un de pas doué mais plutôt comme un idiot ou un ambitieux. En tout cas, le résultat était tel que je m’étais retrouvé dans un corps d’un parfait inconnu qui s’avérait être quelqu’un de pas banal.

-Les sorciers sont parfois bizarres. Sans vous offenser, bien sûr.

Après quoi, Bob s’en alla chercher des vêtements pour prévoir le moment où je reprendrais forme humain. Enfin, le Collectionneur… Enfin, moi… Enfin bref…

Ensuite, après son départ, la sorcière proposa au Collectionneur de se retransformer en humain. J’écoutai attentivement l’échange qui, je devais l’avoue, me permettre de ne pas vivre, cette fois-ci, la transformation qui était on ne pouvait plus douloureuse. Si le Collectionneur acceptait, je passerais au moins à côté de ça ce qui, je ne le cachais à personne, m’arrangeait.

Le loup accepta et, pour essayer qu’il vive au mieux ce que je savais être un calvaire, je lui tendis mes anti-douleurs. C’était la moindre des choses, je pense, même si ses hommes n’avaient pas franchement été très sympathiques jusqu’ici.

La sorcière parla pour lui disant que le Collectionneur me sera très reconnaissant avant de prendre les cachets. J’hochai de la tête. C’était tout ce que je pouvais faire pour lui. Si j’avais la solution miracle, il y a bien longtemps que je l’aurais utilisée.

On devait maintenant attendre Bob et j’avais soif alors je demandai à boire avant de m’excuser après avoir, je pense, entendu comme une sorte de soupire. Mais la sorcière fut quand même sympa et me proposa d’aller voir dans les placards même si elle doute que je trouve quelque chose qui me convienne. Je lui souris.

-Merci. Je vais aller voir.

Je me dirigeai vers la cuisine et ouvrit les placards qui, malheureusement, étaient tous vide. Je revins avec un air un peu triste dans le salon avant de m’affaler à nouveau dans le fauteuil.

-Il n’y a rien…

Ce qu’ils avaient constaté eux-mêmes, j’imagine, vu que j’étais revenu les mains vides.

On attendit alors Bob dans un presque silence. Et quand il revint avec les habits, la sorcière proposa au loup de monter. Elle expliqua brièvement les choses à Bob avant de nous prévenir que si on entendait des cris de douleurs, c’était normal. J’hochai de la tête les regardant monter avant de poser mon regard sur Bob sans rien dire…

Et je ne dis rien pendant tout le processus qu’on pouvait entendre d’en bas avec les cris de douleur du Collectionneur. Je fis une grimace sachant très bien ce qu’il vivait.

Après un moment, les cris cessèrent et, quelques minutes plus tard, le Collectionneur descendit. Enfin, moi… Enfin, lui dans mon corps… Je me levai alors que je constatai que les vêtements ramenés par Bob n’étaient pas si mal.

Il remercia June avant de se tourner vers moi pour me saluer officiellement. Ça faisait super bizarre de me parler à moi-même, si bien qu’il me fallut quelques secondes avant de serrer la main qu’il me tendait.

-Enchanté aussi… Enfin aussi enchanté qu’on puisse l’être dans ce genre de circonstances. Et oui, vous n’avez pas à vous en faire. Je ne compte pas parler de vous à qui que ce soit. Ce n’est pas mon genre comme je l’ai dit. Je suis à la fois loup-garou et entrepreneur alors je connais l’importance du silence.

Il était maintenant prêt à répondre à mes questions mais déclara aussi en avoir certaines pour moi. Je n’avais pas de problème avec ça… Surtout qu’il avait l’air bien plus sympa avec ma figure qu’avec ma forme de loup.

J’esquissai un sourire avant de me rasseoir.

-Ça va faire bizarre de me parler à moi-même…

Je rigolai un peu avant de reprendre un semblant de sérieux.

-Je n’ai pas de problèmes à répondre à vos questions. Moi, j’en ais quelques-unes comme : qui est-ce que vous êtes ? Vous avez une amie sorcière et une ribambelle de garde du corps. Ce qui me dit que le surnaturel ne vous est pas étranger… Alors ? Dites m’en plus sur vous et sur le pourquoi vous étiez à l’Arena… C’était pour venir voir les combats ?

Je devais d’abord savoir à qui j’avais réellement affaire avant de poser d’autres questions.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Voilà qui était bien mieux. Plus de fourrure, de crocs ou de griffes inutiles. Et même s'il ne s'agissait toujours pas de mon corps, au moins avais-je la possibilité de m'exprimer et de me tenir avec les bonnes conventions pour un homme tel que moi.

Si l'expérience avait été déplaisante, en d'autres circonstances, peut-être l'aurais-je trouvée intéressante. Les loups-garous étaient l'une des races les plus répandues parmi les surnaturels, et j'avais eu tout mon temps pour les étudier, en revanche, jamais encore, je n'avais pu vivre dans la peau de l'un d'eux.

Mais pour l'instant, j'avais d'autres sujets de préoccupation que d'assouvir ma curiosité. Comme par exemple m'assurer que Dino Lucchese ne dévoilât rien de ce qu'il avait vu ici. Ensuite, cela serait au tour du sorcier qui avait trouvé amusant de jouer avec le feu. Et la brûlure n'allait pas tarder à se faire ressentir.

Ainsi, enfin apprêté, je rejoignis le rez-de-chaussée. Je n'oubliai pas de remercier Miss June avant de me tourner vers l'homme arborant mes traits. Je lui tendis la main. Ce dernier hésita un instant, comme si ma vision le troublait. Il y avait tant d'émotions sur ce visage qui était le mien. Trop. Je n'aimais pas cela, et s'il voulait me mettre définitivement en colère, il n'avait qu'à ignorer ma main quelques secondes supplémentaires.

Heureusement pour lui, il se reprit pour enfin me saluer comme il se devait.

Bien.

Maintenant, nous pouvions entamer une véritable conversation. Le loup m'assura alors qu'il ne révélerait rien en ce qui nous concernait. Je hochai la tête. S'il s'avérait que ce n'était pas le cas, je le saurai bien assez tôt. Du moins, parût-il sincère dans ses propos.

Quant aux faits qu'il soit loup-garous et entrepreneur, je ne fis aucune remarque, mais n'en pensais pas moins. Après tout, être surnaturel n'assurait pas le silence. Howard Rose était l'exemple parfait du petit opportuniste qui n'hésiterait pas à balancer des informations si cela lui donnait quelques avantages. Et les entrepreneurs étaient des menteurs. Je ne faisais pas exception à la règle.

- Bien, installons-nous, voulez-vous ?

Sur ce, je pris place dans un fauteuil, il en fit de même.

Bien sûr, les questions devaient tarauder l'esprit du Lucchese, alors je lui donnais l'occasion d'y répondre. En échange, ce dernier ferait de même pour moi. Quoi qu'il trouva étrange de se parler à lui-même.

À mon tour, mes lèvres s'étirèrent.

- Oui, cela se lit sur ce visage qu'est le mien. Mais je vous rassure, la réciproque est tout aussi vraie.

Seulement moi, je savais garder mon calme.

Les mains croisées, je l'écoutai déverser ses interrogations, notamment sur mon identité, le groupe qui m'accompagnait, et les raisons de ma présence à l'Arena.

Je penchai la tête, prenant le temps de la réflexion. Il était évident que je ne pouvais pas tout lui dévoiler. De plus, malgré les quelques renseignements sur l'italien, je n'avais aucune idée de sa relation avec Bobby Sands. Et je ne désirais pas compromettre mon enquête sur le terroriste.

- Vous pouvez m'appeler le Collectionneur. Il est superficiel de vous donner mon nom. En revanche, en tant que Collectionneur, je suis à la tête d'une organisation qui s'intéresse tout particulièrement aux artefacts surnaturels. Nos activités principales se résument à l'exploration et l'étude de ses objets.

Un instant, mon regard glissa vers la sorcière assise à côté de mon interlocuteur avant de revenir à ce dernier.

- Et je vous assure que j'ai plus d'une amie sorcière, bien que Miss June se distingue de ses paires. Nous formons une sorte d'alliance dans nos recherches. Bien que les sorciers ne soient pas les seuls surnaturels à faire partie de mon organisation. Donc, en effet, tout cela ne m'est pas étranger. Du reste, je suis quelqu'un d'important, et ces gardes du corps sont là pour garantir ma sécurité, tout simplement. Disons que mes activités ne plaisent pas à tout le monde et se faire des ennemis n'est pas rare.

Mon sourire s'élargit.

- Mais non, je ne suis pas venue chez vous pour les combats. Ce sont plutôt les personnes y venant qui m'intéressent. Certains ont des connaissances plus qu'intéressantes et ce soir, c'est un surnaturel en particulier qui m'a poussé à sortir. Malheureusement, il n'était pas présent ce soir, bien qu’apparemment, il soit habitué à passer à l'Arena.

Je ne dévoilai aucun nom. Il était préférable de le laisser faire ses propres hypothèses.

- La rencontre était importante, en revanche, je vous tairais le nom sur l'identité de ce dernier par discrétion.

Il était si aisé de mélanger vérité et mensonge.

- Avez-vous besoin de d'autres détails ? Puis-je à mon tour vous poser des questions ?

A Complicated Night

Alvin Clive

Je serrai la main du Collectionneur après un temps d’hésitation. Il faut dire que c’était déstabilisant de se serrer la main à soi-même. Mais je me repris assez vite et m’installai quand le Collectionneur jugea que c’était le moment de le faire. Après tout, c’était un peu comme si j’étais un invité vu qu’on semblait être dans une de ses planques ou je ne sais quoi.

J’expliquai que ce n’était pas simple de se parler à soi-même et il semblait ressentir la même chose même si ça ne se voyait pas sur son visage. Enfin, mon visage. Bref, j’hochai de la tête avant d’enchainer avec mes nombreuses questions. Il y avait beaucoup de mystère autour de cet homme que je venais de rencontré pour la première fois ce soir. Et je voulais résoudre ce mystère.

Et il fut un peu plus bavard que son garde du corps. Un peu plus sympa aussi, je pense. Enfin, à première vue en tout cas. Il ne me donnera pas son nom continuant de clamer s’appeler le Collectionneur. Bien, s’il insistait… De toute façon, je ne pense pas que son nom m’aurait dit quoi que ce soit.

Et tout s’éclaircit un peu plus quand il déclara être à la tête d’une organisation qui s’intéressait aux artefacts. Alors c’était donc ça ! Tout ce mystère rien que pour ça ? Le Collectionneur était un chasseur d’artéfacts de grande envergure ? C’est tout ? Je ne lâchai pas cette pensée tout haut de peur de le vexer. Je savais que beaucoup de gens surnaturels ou non étaient intéressés par les artefacts. Personnellement, je n’y avais jamais trouvé le moindre intérêt. Je préférais largement profiter de la vie plutôt que de me lancer dans une chasse au trésor sans fin.

Bref, tout était déjà un peu plus clair. Le Collectionneur expliqua qu’il avait pas mal d’alliance et pas uniquement avec la sorcière June. Apparemment, son organisation était loin d’être petite et ses gardes du corps le protègent de ses ennemis qui, apparemment, sont nombreux.  

-Oui, j’imagine que ce genre d’activité attire la convoitise. Les artefacts sont très prisés et beaucoup de gens qu’ils soient surnaturels ou non veulent s’en emparer. Certains pensent que c’est une façon d’obtenir le pouvoir absolu… Même si, moi, je pense qu’on y laisse plus souvent des plumes qu’on ne gagne vraiment en pouvoir. Mais ce n’est que mon avis. Je n’ai jamais réellement trouvé d’intérêt à chercher des artefacts.

Le Collectionneur pouvait me taguer de manque d’ambition que ça ne me ferait ni chaud, ni froid. J’avais l’habitude de ce genre de réflexion. Moi, moins je me prenais la tête, mieux je me portais.

Il expliqua, ensuite, ce qui l’avait amené dans mon Arena. D’après ce que je compris, il y venait pour les gens et non pour les combats. Ce soir, il venait pour une personne en particulier dont il ne voulait pas me révéler l’identité. J’haussai les épaules continuant de regarder mon interlocuteur droit dans les yeux.

-Vos affaires ne me regardent pas alors je ne vous poserais pas la question de savoir qui est l’homme que vous cherchiez. Moins j’en sais sur les affaires de mes clients, mieux je me porte. La seule chose que je demande c’est qu’en cas de règlement de compte que ça ne se fasse pas à l’Arena, ni aux alentours. Sinon, mes hommes à moi se chargeront de vous mettre dehors.

Mon regard s’était un peu durci en disant ça. J’avais aussi mes propres règles et mes hommes.

Le Collectionneur demanda alors si j’avais d’autres questions et s’il pouvait poser les siennes.

-Non, je ne veux pas plus de détails. Je crois avoir cerné à peu près qui vous êtes.

Une ambitieux, ça va s’en dire.

-Et j’imagine qu’en savoir trop risquerais de me porter préjudice.

Parfois, il valait mieux rester dans l’ignorance.

-Mais, oui, vous pouvez poser vos questions.

Et je souris à nouveau.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Mes explications semblèrent apaiser l'agitation de mon interlocuteur. Bien que je ne lui dévoilasse pas tout de mes intentions, il comprit rapidement les raisons de ma discrétion. Quant aux artefacts, oui, il était au courant du trafic que cela pouvait engendrer, humain ou non.

Au moins, n'était-il pas complètement aveugle à défaut d'être émotif. Quoiqu'il ne voyait pas l'intérêt dans tout cela. D'après lui, c'était bien trop de risques à encourir. Trop de risques. La réflexion m'amusa, surtout lorsque cela venait d'un organisateur de combats clandestins, en plus d'accepter Bobby Sands parmi ses habitués à l'Arena.

- On ne perd pas ses plumes lorsqu'on sait parfaitement ce que l'on fait, je vous rassure. Mais je ne vais certainement pas vous blâmer de ne pas être intéressé, vous êtes toujours un concurrent en moins...

Enfin, ce dernier aurait, de toute manière, fait un piètre adversaire. Il était peut-être à la tête d'une meute, en revanche, aucun de ses loups n'avait pris conscience de son absence. Ou du moins, nous n'avions rencontré aucun obstacle lors de notre escapade. Ce simple constat me poussait à me demander comment ce dernier avait-il fait pour être encore vivant après tout ce temps. Chose surprenante, à n'en pas douter.

Du reste, je lui servis une vérité saupoudrée de mensonge sur ma présence à l'Arena. Il était juste de dire que j'étais venu à l'origine pour une personne. En revanche, cela s'apparentait plus à de l'espionnage qu'à un quelconque arrangement avec celui dont je taisais le nom.

À cela, le chef de meute ne voulut pas en connaître davantage sur mes affaires. Bien. En effet, comme il en fit la remarque, moins il en savait, plus il était en sécurité. Et moi, eh bien, cela m'arrangeait.

Quant à ses avertissements, il n'avait rien à craindre. Alors, je lui renvoyai son regard sans ciller.

- Ne vous inquiétez pas pour ce qui est de certains troubles, je suis quelqu'un de civilisé, malheureusement, c'est une qualité qui a tendance à se perdre de nos jours. Et mes problèmes, je les résous avec discrétions.

Suite à quoi, il ne posa pas d'autres questions. Il pensait m'avoir cerné. Je n'allais pas le contredire. Qu'il nageât dans son ignorance me convenait.

- Cela ne vous portera préjudice que si vous ne tenez pas parole. Mais vous avez tout à fait raison, autant ne pas en savoir plus. À moins, bien sûr, qu'un jour vous vous retrouviez en possession d'un artefact dont vous ne saurez que faire. Je serais ravi de vous en délester.

Ce fut donc à mon tour de poser mes questions.

- Comment ce fait-il qu'en tant qu'Ulfric, vous soyez incapable de refuser l'appel de la pleine lune ? À moins, évidemment, que vous vouliez volontairement vous transformer, mais au vu de la douleur, j'en doute fort.

La sorcière à côté du loup choisit ce même moment pour toussoter une main devant la bouche. Ses jolis sourcils se froncèrent, comme si mon interrogation avait été déplacée. Je soupirai.

- Il n'y a aucun reproche dans mes propos, soyez en rassuré, je suis juste curieux sur votre état. Et il est inutile de me reprendre Miss June. Monsieur Lucchese peut parfaitement s'exprimer s'il le désire, rétorquai-je un peu plus dur à la sorcière.

Je n'appréciais pas lorsque l'on me corrigeait. Et la surnaturelle parut comprendre son erreur, car elle baissa la tête, bien moins malicieuse.

Mon regard se riva de nouveau vers le loup.

- Alors dites-moi, plus j’apprends à vous connaître, plus je constate que vous n'êtes pas du genre à vous compliquer la vie, qu'est-ce qui vous a amené à assumer votre statut actuellement ? Sans compter certains surnaturels qui traînent à votre Arena et sont plus du genre à attirer des problèmes alors que vous semblez vouloir les éviter.

Une façon subtile de faire référence au vampire irlandais.

- Quoique, j'ai parfaitement conscience que la vie de surnaturel n'est jamais vraiment simple...

A Complicated Night

Alvin Clive

Le Collectionneur semblait très sûr de lui par rapport à sa recherche d’artefacts. J’en connaissais des gens sûr d’eux… Et ça ne finissait jamais bien quand on était trop sûr de soi… Mais loin de moi l’idée de le lui dire. Je n’étais pas ici pour créer un conflit inutile. Sans compter qu’il semblait content que je ne sois pas du tout intéresser pas tous ces objets magiques. Pour moi, ils étaient plus source de problèmes qu’autre chose.

Je fis bien comprendre au Collectionneur que je n’avais pas envie de fouiner plus dans ses affaires. Moins j’en savais, mieux j’avais l’impression que je me porterais. Et je voulais, aussi, qu’il ne fasse aucun grabuge autour ou dans mon Arena. C’était une règle qui s’appliquait à tous ceux qui y entraient. Ceux qui en faisaient étaient virés dehors par mes hommes. J’avais même carrément dû dire ses quatre vérités à Bobby Sands quand il s’en était pris à Thunder, une de mes employés. Je n’hésiterais pas à faire pareil pour le Collectionneur. Parce qu’il semblait ne pas se prendre pour n’importe qui… Seulement, à l’Arena, c’était moi le chef et lui le client.

Il déclara que je n’avais pas à m’en faire. Que c’était quelque de civilisé. J’étais ravi de l’apprendre même s’il pouvait bien me dire n’importe quoi. Bref, pour le moment, je n’avais d’autre choix que de le croire sur parole.

-Tant mieux, alors.

Il ajouta que si jamais je me trouvais en possession d’un artefact dont je n’aurais pas l’utilité, il serait ravi de l’avoir. Oui, ça je n’en avais aucun doute et je souris d’un petit sourire.

-D’accord, je penserais à vous, si ça arrive… Mais, n’oubliez pas que je suis un commercial… Du coup, il me faudra une contrepartie.

Je parlais d’argent, bien sûr. Même si des potentiels acheteurs d’artefacts, j’en connaissais plein. Donc, je vendrais au plus offrant.

Après, ce fut au Collectionneur de poser ses questions. Et sa première question fut en rapport avec ma transformation. Je ne maitrisais pas encore ça contrairement à d’autres loups garous… J’en étais totalement conscient. Mais avant que je ne puisse répondre, la sorcière June toussota comme si la question du Collectionneur était déplacée ce qui entraina une remarque de la part de celui qui portait, actuellement, mes traits. Et ben, il ne rigolait pas avec ses employés lui… June sembla comme honteuse et je me permis de l’ouvrir en regardant June.

-Ne vous en faites pas. La question ne me dérange pas.

Parce que j’assumais ce que j’étais.

Je regardai à nouveau le Collectionneur.

-Il était un temps où j’arrivais à maitriser mes transformations comme la plupart des loups garous expérimenté. Mais, il y a presque 2 ans, une guerre entre les Lucchese et une autre meute a éclatée et j’ai été gravement blessé. La plupart des Lucchese sont morts pendant cette guerre. J’ai pris plusieurs mois à m’en remettre et quand je m’en suis remis, j’avais perdu tout ce que j’avais appris à maitriser. Je récupère petit à petit mais ça prend du temps et les transformations sont toujours difficiles à gérer…

Le Collectionneur voulait encore en savoir plus sur moi et, surtout, sur mon statut qui ne semblait pas correspondre avec l’image que je renvoyais. On me le disait souvent, ça… Ma mère essayait que je change mais je n’en avais pas envie. J’entendais bien tous les sous-entendus du Collectionneur… Ce qui me fit hausser un peu les épaules.

-En effet, je déteste me compliqué la vie… Si je suis chef de meute c’est parce qu’il fallait quelqu’un pour reprendre les rennes après les nombreux morts qu’il y a eu… Etant donné que je suis le fils du fondateur de notre meute, j’étais tout désigné pour ça. Mes frères et sœurs sont morts. Mon neveu avait décidé de prendre les rennes mais j’ai gagné le combat qui nous opposait. C’est comme ça que ça fonctionne chez nous.

Je marquai une pause avant de reprendre.

-Je ne suis pas le genre de chef à vouloir prendre part à tous les conflits ou à m’enliser dans des quêtes comme vous. Je suis un homme d’affaire et le but des Lucchese est de faire fructifier ses différentes affaires comme notre entreprise de pompes funèbres ou l’Arena. C’est ce que je m’emploie à faire. Et je suis bien conscient que certains clients de l’Arena sont des nids à problèmes mais tous connaissent le règlement et tous savent ce qui arrive s’ils ne le respectent pas.

Jusqu’ici on avait eu très peu de problème et rien d’ingérable. Alors, je pense que je gérais plutôt bien ma petite affaire.

-Vous avez d’autres questions ? Comme vous pouvez le voir, je n’ai strictement rien n’à cacher…

Rien sur moi, en tout cas. Maintenant, loin de moi l’idée de lui donner des informations sur mes clients.

A Complicated Night

ft  Dino Lucchese

Dino Lucchese n'évoluait pas dans le même milieu que le mien, ce qui n'était pas plus mal. Lui avait son Arena, et moi, eh bien, j'avais bien plus d'ambition dans la vie. En revanche, loin de moi l'idée de provoquer un quelconque esclandre. Il n'y aurait eu aucun intérêt, de plus, je tenais bien trop à ma discrétion. Si je devais résoudre un problème épineux, je le faisais hors des regards indiscrets. Je lui assurai donc qu'il n'avait rien à craindre.

De son côté, si un jour, il trouvait un artefact, il pouvait tout à fait me contacter. À cela, il rétorqua que cela ne se ferait pas sans une compensation. Je souris, tout en hochant la tête.

- Bien sûr, cela va sans dire.

Je pouvais me montrer généreux lorsque l'objet en question en valait le détour. Et même si l'Ulfric n'était pas versé dans ce genre d'affaire, il n'était pas non plus inutile de créer quelques liens.

Enfin, voilà qui avaient réglé la question de ma présence et de mes intentions en venant à l'Arena. Mes propos n'avaient pas été des plus honnêtes, mais je n'allais certainement pas révéler la vérité à un homme dont je venais à peine de faire la connaissance. La prudence était une qualité que j'affectionnais tout particulièrement.

Ainsi, à mon tour, j'abordai le sujet de la transformation du loup-garou. Cette dernière avait été difficile à ignorer étant donné le calvaire du processus. Et cela était d'autant plus étonnant que nous parlions d'un chef de meute et non d'un jeune louveteau tout fraîchement transformé. Il y avait de quoi être intrigué, et ma curiosité aimait être satisfaite.

Avais-je été abrupte ? Est-ce que cela avait de l'importance ? Non. Une opinion que ne sembla pas partager Miss June au vu de sa réaction. Quoique, je ne tardai pas à lui faire comprendre que son intervention était déplaisante. Après tout, nous avions affaire à un businessman, s'il se sentait mal à l'aise, il pouvait aisément s'exprimer. Ce changement de corps, malgré les quelques désagréments, ne l'avait pas rendu muet.

Et ce dernier de confirmer qu'il n'y avait aucune gêne dans mon interrogation.

Bien.

De fait, j'appris que deux ans de cela, une guerre entre deux meutes avait fait rage, massacrant au passage la plupart des membres de sa famille. Sans oublier, que lui-même, au cours de cette dissension, c'était vu infliger une blessure grave. Blessure qui avait laissé des séquelles, dont cette difficulté à contrôler sa forme lupine.

Les bras sur les accoudoirs, je songeai à ces nouvelles informations. Enfin, une guerre entre meutes n'était pas des plus rares. Les loups-garous avaient tendance à être très territoriaux et donc, agressifs envers d'autres loups ou meutes.

- Mes condoléances pour vos pertes, perdre sa famille aussi soudainement a dû être une véritable épreuve.

Mais, en dépit, du massacre, le Lucchese avait, de ce que je pouvais constater, surmonter son deuil. Ou bien, peut-être, il n'avait jamais été proche de sa famille. Possible aussi. Toujours est-il, que je découvrais un surnaturel, somme toute émotif, mais endurant.

- Et si je comprends bien, lorsque vous parliez, un peu plus tôt, d'ennemis avant de rentrer ici, vous faisiez référence à cette meute entre autres. Et vous n'avez jamais songé à consulter un surnaturel pour votre blessure ?

La magie offrait tant de possibilités, et soigner n'était clairement pas un acte impossible. Moi-même, j'avais réussi à guérir d'une maladie incurable grâce à celle-ci. Et mon intelligence, cela allait de soi.

Cependant, outre le handicape du Lucchese, je voulais aussi connaître les raisons qui le poussaient à assumer son rôle de chef de meute. À l'observer, il ne ressemblait pas à un homme en quête de pouvoir. Contrairement à moi, l'ambition ne le caractérisait pas.

Seulement, en tant que Lucchese, il avait été désigné. Tout comme il avait vaincu en duel un de ses concurrents. Une tradition dont j'avais parfaitement connaissance au sein des groupes de loups-garous.

- Je vois. Vous n'avez donc pas vraiment eu le choix...

Il était donc un chef à faire prospérer ses biens, tout en évitant de s'attirer des hostilités. Bien que je n'aimasse pas le terme « enliser » lorsqu'il désigna mes propres activités. Je ne m'enlisais pas. Tout était une histoire de contrôle. Et j'avais la parfaite maîtrise de mes activités.

Et si j'avais tenté de soutirer subtilement à mon interlocuteur des informations sur Bobby Sands, il n'en fit rien. Dommage.

Quant à sa dernière remarque, j’eus un rictus moqueur.

- Rien à cacher ? Voyons, tout le monde à quelque chose à dissimuler. Et vu vos occupations à l'Arena, j'en suis d'autant plus persuadé. Nul besoin de me mentir à ce sujet, moi-même, j'ai mes secrets.

Et les mensonges à mon encontre étaient des plus déplaisants. Même si le visage que j'arborais présentement pourrait faire croire à autrui que j'étais idiot. Ce que je n'étais pas. Loin de là.

- Oh, mais j'ai toujours des questions en réserve, je suis plutôt... Curieux de nature. Malheureusement, je crains que Miss June nous fasse un malaise si je continue ainsi, n'est ce pas ?

La sorcière en question se redressa, avant de nous offrir un sourire gêné.

- Mr Le Collectionneur, loin de moi l'idée de vous restreindre. En revanche, je serais ravi que nous fassions plus amples connaissances en une autre occasion avec notre invité. Et puis, on ne peut pas dire que le cadre que nous offrons soit des plus propices pour une conversation amicale, ajouta-t-elle tout en désignant discrètement mes gardes du corps.

- Ma foi, vous n'avez pas tort. Une autre fois peut-être. En attendant que la nuit s'écoule, peut-être pourrions-nous profiter d'un peu d'alcool.

J'interrogeai du regard mon usurpateur.

- Avez-vous quelques préférences ?

Quant à moi, Gillian connaissait parfaitement mes goûts. Aussitôt, ce dernier de partir pour une autre course et revenir avec ce que je désirais.

Il ne restait plus qu'à attendre.

A Complicated Night

Alvin Clive

Le Collectionneur posait des questions et je n’avais aucune gêne à lui répondre. Je lui expliquai pourquoi j’avais des difficultés à contrôler ma forme de loup. Je parlai de la guerre avec les Wild Wolves qui avait couté la vie à la plupart des membres de ma famille. On ne pouvait pas dire que je n’étais pas franc avec le Collectionneur. En tout cas, j’étais bien plus transparent que lui.

Il me fit ses condoléances et j’hochai la tête en signe de remerciement mais aussi pour confirmer que c’était, en effet, une dure épreuve. Mais je l’avais surmontée en partie grâce à ma mère qui avait veillé sur moi pendant tout le temps que ma blessure m’avait clouée au lit.

Le Collectionneur croyait que les ennemis dont j’avais parlé tantôt étaient les membres de la meute qui avait décimé les Lucchese. J’hochai négativement de la tête le regardant toujours droit dans les yeux.

-Non. Ma meute s’est déjà vengée et la meute ennemie, les Wild Wolves, ont été décimé à leur tour. Les ennemis dont je parle ce sont d’autres ennemis.

Je ne voyais pas l’intérêt d’en parler. Ça regardait les Lucchese et comme rien ne me forçait à entrer dans les détails, je ne le fis pas.

Quant à ma blessure, j’hochai à nouveau négativement de la tête.

-Non, hormis d’autres loups, bien sûr. On a nos propres techniques. Je récupère petit à petit. Tout est une question d’entrainement.

Je n’ai jamais été féru d’entrainement… Et c’était toujours le cas, ce qui faisait que je progressais bien moins vite qu’un autre loup. Ma blessure, elle, est guérie… Il me restait à avoir un peu de pratique. Je n’avais pas besoin de magie pour ça.

J’expliquai, ensuite, comment j’étais devenu chef de meute et le Collectionneur en vint à l’observation que je n’avais pas vraiment eu le choix. J’haussai des épaules.

-Non. Mais je sais quelles sont mes responsabilités et je les accepte.

Bon…Ce n’était pas vraiment un job qui me plaisait, loin de là. Mais ma mère ne m’avait pas vraiment laissé le choix. Même si, c’était clair que les Lucchese vivaient en paix et que ça n’aurait peut-être pas été le cas si Ciro avait été notre chef de meute.

Je finis par dire que je n’avais rien n’à cacher, ce que le Collectionneur ne crut pas vraiment. J’esquissai un petit sourire.

-Si vous le dites…

La seule chose que je pourrais, potentiellement, cacher au Collectionneur, c’était des renseignements sur ces clients de l’Arena. Mais ce n’était pas forcément « cacher quelque chose » mais plutôt respecter le secret professionnel. Les clients ne viendront plus s’ils savent que je donne des informations sur eux à qui veut bien les entendre.

Mais je n’étais pas contre de répondre encore aux questions du Collectionneur. S’il en avait encore en réserve, il ne comptait pas me les poser pour contenter la sorcière June. Je souris alors que celle-ci confirma, en quelque sorte, ça. Je souris à la sorcière. J’appréciais beaucoup cette femme.

Et mon sourire s’agrandit encore quand le Collectionneur me proposa de l’alcool pour que la nuit passe mieux, si je puis dire.

-Avec plaisir ! Je veux bien du Scotch !

J’aimais beaucoup d’alcools différents mais, ce soir, j’avais envie de Scotch.

Bob s’en alla chercher ce qu’il nous fallait et c’est avec de l’alcool qu’on attendit le petit matin. Quand celui-ci arriva, je retrouvai mon corps ainsi que le sourire.

La nuit avait été longue mais, finalement, tout était rentré dans l’ordre. Même si certains mystères planaient toujours autour de ce personnage qu’était le Collectionneur.