Joanne Regan

Casier judiciaire : oui

  Si oui, pour quels faits : consommation de stupéfiants (cannabis) et conduite en état d’ivresse. Atteinte à la pudeur.

  Recensement par le SPN : non

  Contact avec un chasseur de surnaturel (hors SPN) : non

- Mademoiselle Regan ?

La voix était insistante. Ca ne devait pas être la première fois qu’on m’appelait. Je me réveillais en sursaut. Quoique je n’étais pas sûre d’avoir dormi jusque là. C’était plutôt étrange comme sensation, bien que ça ressemblait un peu à ces fois où on se réveille avec la gueule de bois et plus aucun souvenir de la veille.
J’avais fait quoi la veille au fait ? Trop bu ?

- C’est votre tour ! dit la femme habillée tout de blanc.
- Mon tour ?

Mon regard suivit le sien, sur un écran qui affichait une série de numéro. La vache ! j’avais jamais vu de numéro aussi long ! Je me rendis alors compte que je portais le même numéro écrit sur un bout de papier dans la main.

C’était quoi cet endroit ? Un hôpital ? Tout était si blanc. Je passais une main dans mes cheveux, me redressant alors qu’un instant plutôt j’étais allongée sur une banquette dans une sorte de salle d’attente. Les lendemains de cuite en principe, j’avais mal à la racine des cheveux. Ca n’était pas le cas cette fois.

Bon en attendant de me souvenir de comment j’avais atterri dans cet endroit et de comprendre ce que je foutais ici, je me levais un peu péniblement pour suivre la femme qui me précéda à travers des couloirs immaculés, toujours blancs, lumineux. Sérieux, je n’avais jamais vu d’endroit aussi …. Propre ! Même les bureaux de Canal NY n’étaient pas aussi immaculés !

Je portais du reste une de mes tenues de travail, mini-jupe noire droite, chemisier à la profonde échancrure, blanc… En fait j’étais assortie au décor ! La réflexion me fit sourire, avant de me retrouver dans un vaste bureau. La femme ressortit derrière moi en refermant la porte. Je l’avais suivie du regard avant de me tourner vers le type face à moi, installé derrière son bureau, en train de lire de la paperasse.

Il n’était pas seul. Il y avait un autre type beaucoup plus jeune qui se tenait debout derrière lui, droit comme un i, ses bras derrière son dos et qui me regardait avec un sourire. Je le lui rendis, un peu hésitant, parce que je ne savais toujours pas ce que je faisais ici et que je n’aimais pas ce que je voyais : encore deux types habillés tout de blanc ! Le blanc était à la mode cette année ou quoi ? Ou alors c’était des médecins ? Je n’aimais pas les médecins tout comme je n’aimais pas les hôpitaux.

Le plus jeune des deux finit par s’éclaircir la voix et celui qui était assis au bureau redressa alors la tête pour me dévisager. Il ajusta les lunettes sur son nez et fronça les sourcils, avant de retourner le dossier qu’il consultait devant lui.

- Est-ce que tu es bien sûr Paul que c’est le bon dossier ?
- Oui maître.

Le vieil homme me lança un nouveau regard dubitatif avant de me demander :

- Vous êtes bien Joanne ? Joanne Regan ?
- Oui c’est moi, mais tout le monde m’appelle Joone.
- Joone ?
- Oui J. o. o. n, épelais-je.
- Ça ne s’écrit pas plutôt J.U.N.E. Joune ? demanda le vieil homme en insistant sur la prononciation.
J’haussais les épaules.
- Non sinon ça n’aurait plus rien à voir avec mon prénom.

Les deux hommes échangèrent un regard perplexe, tandis que le plus vieux reprenait son interrogatoire.

- Née le 8 septembre dans le Colorado à Denver, de George Michel Regan et d’Amélia Regan.

J’hochais la tête, un peu surprise. A quoi rimait tout ça ? Et le vieux de continuer, sans que je sois sûre s’il attendait vraiment une réponse ou pas.

- Dernière d’une fratrie de cinq enfants. Aimée et choyée par George et Amélia malgré un caractère difficile….hmm…
- Quoi ?

C’était quoi ces conneries ?

- J’étais une enfant adorable ! tout le monde vous le dira !
- Justement votre dossier dit le contraire. Capricieuse, et déjà vous exigiez toute l’attention de vos parents alors que vous aviez quatre autres frères et sœurs.
- Oh mais ils ont en eu aussi de l'attention. Et puis ce n’est pas de ma faute si je suis née la dernière.

Pourquoi avais-je comme l’impression soudain de me retrouver au tribunal ? L’homme me dévisagea par-dessus ses lunettes avant de continuer sa lecture à voix haute.

- A perdu sa virginité dans la grange familiale alors qu’elle n’avait que quatorze ans ! Seigneur !

L’homme souffla plus fort, secoua la tête tandis que moi de mon côté j’en étais presque à fixer mes chaussures. Mais je protestais pour la forme parce que voilà, je ne savais jamais fermer mon bec.

- Mes amies se vantaient d’avoir perdu la leur bien plus tôt ! Je ne voulais pas être la dernière à coucher avec un garçon !
- Oui et je vois que vous n’avais jamais été en reste à ce niveau !
- M’enfin, pourquoi toutes ces questions ?? Est-ce que je vous demande moi quand c’est la dernière fois que vous avez touché une femme ?

Le vieil homme vira brusquement au cramoisi tandis que le plus jeune tentait de l’apaiser, avant de m’adresser la parole pour la première fois.

- Un peu de respect mademoiselle Regan. Vous ignorez donc à qui vous parlez ?

J’haussais les épaules.

- En effet, puisque personne n’a jugé bon de faire les présentations. Vous semblez tout savoir de moi alors que moi j’ignore tout de qui vous êtes et de ce que je fais ici !
- Vous êtes au paradis ! Enfin vous en êtes encore au niveau 2, c’est-à-dire en passe d’être jugée pour vos actes passés, et Saint-Pierre que voilà, décidera si vous méritez votre place au paradis ou si vous serez refoulée au purgatoire.
- Ou en enfer ! gronda le dénommé…. Saint-Pierre.

Je me mis à rire, comme si on me faisait une grosse plaisanterie. Ca devait être ça, une blague de mes amis, une caméra cachée ?

- Ouais c’est ça, et moi j’suis Jeanne d’Arc.
- J’en doute fort, par contre si vous continuez de vous montrer aussi insolente, vous risquez effectivement de finir brûlée. Mais pour vous ça sera dans les flammes de l’enfer !

Et le dénommé Paul me fit les gros yeux comme à un enfant pas sage. Mais moi je n’y croyais toujours pas à cette histoire de paradis, et j’avais toujours le sourire, prête à rire encore.

- Allez, arrêtez de me faire marcher. C’est qui qui vous a engagé ? Liam ? John ? Henry ?

Les deux pseudos saints échangèrent des messes-basses, tiens celle-là j’allais la noter dans mon carnet à ressortir à la première occasion mais j’oubliai cette idée quand un écran s’alluma sur un des murs du bureau, m’enlevant aussitôt mon sourire.

- Vous n’avez pas encore pris conscience de ce qui vous est arrivé, apparemment. C’est un cas courant. Nous allons donc vous rafraîchir la mémoire mademoiselle Regan, puisque vous ne vous souvenez plus de ce qui s’est passé.

Et l’écran diffusa l’image d’un accident. Je traversai la rue quand il y eut un incident à cause d’un homme qui avait surgi sur la route.  Puis soudain une voiture avait dévié de sa trajectoire pour venir me ….me percuter. Je partais travaillais et, l’instant d’après j’étais étendue sur le sol. Ma tête avait violemment heurté l’asphalte. Et je vis un homme se pencher au-dessus de moi, tandis que d’autres hurlaient :

- Appelez une ambulance ! les secours, vite !

Et l’homme penché au dessus de moi, fit une moue triste, avant de déclarer.

- C’est trop tard pour elle, elle est morte !
- Quoi ??? comment ça je suis morte ?? NON ! Il y a erreur.

Je les dévisageais tour à tour, mais ce foutu Saint-Pierre se montra sans pitié et fit défiler les images à rebours sur l’écran. Je me vis quitter mon appartement luxueux sur Manhattan, quittant un lit occupé par un bel Adonis, dont euh ouais j’avais oublié le nom, parce que la veille on avait bien arrosé le départ de Maria pour la Californie. On avait terminé au Lust et…..
Et plus tôt, et encore plus tôt, je vis défiler dans un tourbillon d’images de plus en plus rapide, le fil de ma vie, alors que Saint-Pierre reprenait sa lecture.

- Vous avez commis bien des péchés mademoiselle. Vos parents sont décédés lors d’un accident d’avion, et vous vous ne pensiez qu’à votre petite personne sans penser un seul instant à vos frères et sœurs, sans penser à aider votre grand-mère qui vous a tous recueillis. Vous avez continué de vous comporter en enfant difficile, puis vous êtes partie pour New York avec toujours une seule idée en tête, votre carrière, gagner de l’argent, toujours plus, quitte à tricher, quitte à faire renvoyer vos propres collègues sur des mensonges ou … ou à coucher avec votre patron. Même votre cv est faux !

Les images défilaient toujours remontant le temps et je me revis emportant le titre de Miss Colorado.

- Là ! je n’ai pas triché pour obtenir ce titre, il me revenait de droit !
- C’est bien la seule chose pour laquelle vous n’avez pas cherché à tricher, tellement vous êtes sûr de vos atours dont vous avez usé et abusé à volonté. Mais désormais vous allez devoir payer pour tout ça.

L’image s’arrêta un instant sur un souvenir, un vieux souvenir de ma grand-mère qui me préparait mon petit déjeuner en souriant. Elle me faisait des tartines au miel parce qu’elle savait que j’adorais ça, sur du pain grillé, juste pour me faire plaisir. Mon cœur se serra et je crus même sentir l’odeur du pain grillé.

- Même avec cette pauvre femme, vous vous êtes montrée d’une ingratitude sans borne !

Je quittais l’écran des yeux pour dévisager ce vieil homme qui se permettait de me juger. Oui bon d’accord c’était son boulot, mais tout de même il exagérait !

- Mais je l’aimais, c’était ma grand-mère !!
- Mademoiselle Regan, votre grand-mère n’est pas morte, pourquoi vous en parlez au passé ?

Je sentis mes joues chauffer de honte mais comme d’habitude je rétorquais :

- Parce que… je… ça fait longtemps que je ne l’ai plus vue. Mais je me suis occupée d’elle, j’ai fait tout ce qu’il fallait pour qu’elle se sente bien !
- Vous l’avez faite placer en maison de retraite et vous avez vendu ses biens !! Est-ce que c’est ce que vous voulez dire par, faire tout ce qu’il faut pour qu’elle se sente bien ??
- Mais c’est elle qui m’a demandé de le faire ! Elle disait qu’elle n’arrivait plus à s’occuper d’elle-même et… et j’avais besoin d’argent pour ma bourse d’étude. Et je sais qu’ils s’occupent bien d’elle dans cette maison !
- Vous en êtes sûre ? Comment pouvez-vous le savoir, puisque vous n’avez jamais daigné depuis, lui rendre une seule fois visite ??
- Mais c’est que le… la publicité disait que…… bon d’accord ! Je n’ai pas vraiment été très gentille, mais j’ai toujours fait de mon mieux !
- Concernant votre propre personne c’est certain ! Bon assez parlé, il est temps de décider de votre sort.

Là je déglutis difficilement. Bizarrement je n’avais plus envie de rire. Ma vie était entre les mains de ce vieux rabougri, enfin non plutôt ma mort. Ou plus exactement mon âme, si j’avais tout bien suivi les cours de catéchèse….. plus ou moins !
Le vieil homme soupira avant de déclarer.

- S’il n’avait tenu qu’à moi, je vous aurai envoyé au purgatoire pour expier tous vos péchés ! Mais notre seigneur en a décidé autrement. Vous êtes désormais en sursis.

Un éclat d’espoir éclaira mon regard, bien que je n’étais pas encore sûre de comprendre ce qu’il m’annonçait.

- Un sursis ? Vous allez me renvoyer en bas ?
- Quelque chose comme ça ! Nous manquons grandement d’effectif par ces temps agités, et nous allons avoir besoin de toutes les bonnes âmes disponibles. Et même si votre âme n’est pas exactement ce que je qualifierai de « bonne », il semblerait que Dieu ait choisi de vous offrir une occasion de racheter vos fautes. Vous allez donc retourner sur terre, et faire enfin preuve de bonté et d’altruisme envers les autres. Vous allez cesser de ne penser qu’à votre petite personne et devenir un ange dévoué à Dieu.

Quoi moi ?? Ils voulaient que je devienne un ange ? Ils étaient tombés sur la tête ? Quoiqu’à cet instant, j’ ignorais que le paradis était véritablement en crise et qu’ils étaient prêts à recruter même des cas désespérés comme moi pour repousser le mal qui menaçait la terre.

Et ce n’était que le début de ma surprise. J’en étais encore à me demander malgré tout s’il n’y avait pas des caméras cachées quelque part, même si peu à peu tout cela m’apparaissait un peu trop vrai. Moi qui ne m’étais jamais préoccupée de ces choses, je prenais le tout en pleine face ! Vas-y prends ça, Joon, une paire d’aile, et tu vas comprendre ta douleur ! Moi en tout cas pour le moment, j’étais loin de comprendre ce qui m’arrivait. Mais j’allais très vite le découvrir !

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