Watch the clouds, seize the day

ft. David

Les jours défilaient à une vitesse folle depuis que j'étais venue m'installer à Staten Park, en octobre dernier. J'aidais au mieux, dans la mesure de mes possibilités, afin de mériter mon hébergement ici et de rendre service. Tantôt faisant des rondes dans le parc plusieurs soirs par semaine avec Woody, tantôt chaque fois qu'il y avait un coup de feu à un stand.

Je logeais avec Jane, et j'essayais de m'entraîner à communiquer avec mon collier sous forme de chien, aidée par Larco. Le bijou finirait, je l’espérais, par devenir bientôt opérationnel, non ? Ainsi, je n'aurais plus de soucis de communication quand je serais sous ma forme canine.

Tout cela en essayant de suivre des tutoriels pour apprendre à jouer la comédie, à défaut de pouvoir me payer des cours pour le moment. Qu'il s'agisse d'un point de vue financier comme d'un point de vue « temps à consacrer » à la discipline.

Aujourd'hui, en fin de matinée, je profitais d'un vent frais du printemps pour m'installer dans un coin d'herbe et m'y installer, sur une couverture et réviser un peu un texte lambda,ce qui ne me prendrais pas beaucoup de temps pour la mémorisation grâce à ma mémoire qui enregistrait rapidement le moindre texte que je lisais, comme un scanner recracherais la copie d'une page de façon très fidèle. Cette compétence avait néanmoins ses limites pour le moment. Je me demandais si je pouvais m’entraîner à l'étendre à d'autres domaines.

Je ne me posais pas bien longtemps la question. Bien vite je me sentis somnoler et quand mes yeux se rouvrirent, je ne savais pas combien de temps était passé. Je me laissais encore quelques secondes de répit, prenant le temps d'observer les nuages haut dans le ciel, une main par dessus mes yeux pour me protéger de ce petit soleil... Pour une fois, je ne stressais pas ou ne paniquais pas à l'idée d'être en retard. Un avantage de vivre dans un tel cadre et entourée de tous ces gens formidables, sans doute.

Ma main tâtonnait à droite à gauche. Je caressais du bout des doigts une fleur, en me disant que cela faisait du bien de prendre le temps de vivre. Je me redressais tout lentement, l'esprit encore embrumé de sommeil. L'espace de quelques secondes, la paix que je ressentais et le cadre environnant me parurent irréels parce que cela me paraissait inconcevable d'être devenue ainsi aussi zen. Si bien qu'une fois juchée de profil sur un coude, je me demandais si j'étais encore en train de rêver ou si j'étais bel et bien dans la réalité. D'autant plus en remarquant la proche présence de David.

Je me frottais un œil de l'autre main libre, puis baillait en posant ma main devant ma bouche. Puis je pensais à David et ses twizzlers. Peut-être que ça pourrait être sympa de partager un sachet de bonbons ensemble ? Je n'avais pas beaucoup le droit d'en manger étant petite. Et puis maintenant que j'avais sacrément changé physiquement, je faisais davantage attention à mon apparence physique, alors je faisais attention que pas trop de glucides me tombent sur les hanches.

-David ?!!! Coucou !!!

Oui, cela faisait un moment que je n'avais pas pris le temps de lui demander ne serait-ce que comment il allait...

Je lui offris mon plus grand sourire en lui faisant signe de venir s'asseoir à côté de moi s'il le désirait.

Watch the clouds, seize the day

Paige McTavish

J’avais fini

De m’entraîner avec Syragane.

Elle m’avait donné mon congé.

Même si elle disait

Qu’il fallait s’entraîner fort !

Pour vaincre Metatron.

Qui tenait Garmir,

Le gardien de la forêt de Cyprès

L’antre des dieux de Syragane.

Sous son emprise.

Il fallait tuer Metatron

Pour libérer Garmir.

Et le remettre à sa place.

Mais j’avais

Une capacité de concentration

Bien limitée.

Alors Syragane

Continuait à s’entraîner

Pendant que moi,

Je pouvais aller me promener.

J’avais un air rêveur.

Parce que je parlais dans ma tête.

Pas à moi-même

Pas aux voix des monstres

Mais à la voix que même

Les médicaments ne savaient faire taire.

Dis-moi, David ?

Mouais, Manakel ?

Est-ce que c’est obligé

Qu’à la fin de votre spectacle

Vous soyez obligés

De vous embrasser devant tout le monde ?

Ouais.

Pourquoi ?

Tu as regardé la télé, Manakel ?

Entre

La guerre

Les familles déchirées

Les fusillades dans les écoles

Les inondations

La sécheresse…

La famine…

J’en passe et des meilleures…

Tu ne crois pas que ça fait du bien

Au gens de pouvoir

En plus de rire des pitreries de

Fili et Kili…

De voir un peu d’amour ?

Ce n’est pas de l’amour ça

David…

C’est de la fornication.

Ose dire que je n’aime pas

Syragane de tout mon cœur !

Non

Ça je n’oserais pas.

Et bien voilà.

David ?!!! Coucou !!!

Je sursautai…

Puis mon regard se posa

Sur un coin d’herbe

Où était assise une amie.

-Madi… Merde… Paige ! Comment… Comment tu vas ?

Je souris.

Tiens, elle te fait confiance

À toi…

Etonnant de la part d’une créature

Aussi farouche.

Elle est mon amie.

Elle n’a pas à être farouche avec moi.

Je m’approchai et lui donnai

Un baiser sur la joue.

Avant de m’asseoir à côté d’elle.

Et sortis les Twizzlers de ma poche.

-Dé… désolé, j’ai lu dans tes pensées sans demander la permission… Mais… mais vas-y, prends en un…

Je vis le script à côté d’elle.

-Toi aussi tu vas faire partie du spectacle bientôt ?

Watch the clouds, seize the day

ft. David

Cette façon qu'il eut de sursauter quand je l'avais interpellé, c'était du David tout craché. Je trouvais cela adorable la façon dont son esprit voguait toujours dans les nuages. Quand il réalisa ma présence, il me salua, me rendant mon sourire, non sans se tromper au passage sur mon nouveau prénom. Mais comment j'aurais pu lui en vouloir à lui aussi, de ne pas retenir ma nouvelle identité. Ce n'était pas simple pour tout le monde. Peut-être aurais-je dû ne prévenir personne et simplement disparaître, car je les entraînais dans mes propres mensonges.

Tout cela fut surpassé par la joie que j'éprouvais de pouvoir passer un peu de temps en sa compagnie. Je n'aurais pas supporté qu'il meurt dans l'incendie. Déjà parce que je l'aimais très fort, sans doute comme un petit frère qu'on voudrait protéger, et puis parce que David était la gentillesse et la douceur incarnée. Si bien que parfois j'oubliais que je parlais à un adulte et non pas à un enfant. Comme lorsqu'il m'embrassa sur la joue.

Si des inconnus auraient pu essuyer un geste de recul ou de surprise de ma part, cette démonstration de sympathie ne fit qu'accentuer mon sourire :

-Je vais bien David, merci. Je me sens bien. Et toi ? Comment-vas tu ?

Une fois assis, il me tendit son paquet de bonbons et avouait avoir lu dans mes pensées. Si j'affichais une petite moue contrariée l'espace de quelques secondes puis je passais au-dessus de cela, pour une fois :

-On dit que faute avouée et à moitié pardonnée... Mais merci, c'est très gentil. Même si j'aurais voulu être celle qui te les propose...

Ce serait pour une prochaine fois. J'attrapais un bonbon avec quasi religiosité, pour être sûre de ne pas les faire tomber dans l'herbe, les yeux pétillants de satisfaction.

Je ne portais pas tout de suite la douceur à mes lèvres :

-Non, pas du tout. Je préfère aider un peu partout comme je le peux... J'ai juste fait imprimer un scénario d'un film pour m'entraîner à jouer la comédie... J'ai des projets pour plus tard. J'aimerais adapter mon livre en film et pouvoir jouer mon propre rôle. Enfin, l'ancienne moi, murmurais-je...

Je croquais un morceau du twizzler, songeuse :

-J'ai beaucoup à apprendre pour jouer la comédie, mais j'ai besoin de cela pour mieux gérer mes émotions et aussi mentir sur qui j'étais avant. Et puis qui sait, si j'y arrive un jour, peut-être que je pourrais voyager plus souvent dans le monde, tu sais rencontrer des gens différents, m'enrichir de leur façon de vivre...

Je penchais légèrement la tête sur le côté, l'air interrogateur, soutenant celui de mon ami avec douceur :

-Et toi, tu es heureux de faire partie du spectacle ? Qu'est-ce que tu ressens quand tu es sur la piste ? Je t'ai vu la dernière fois, pendant une de mes pauses. Tu te débrouilles très bien.

Watch the clouds, seize the day

Paige McTavish

J’avais trottiné

Jusqu’à Paige

Avant de me laisser tomber,

Sur mon cul

Dans l’herbe à côté d’elle.

Et de lui demander

De ses nouvelles.

Je vais bien David, merci. Je me sens bien. Et toi ? Comment-vas tu ?

Je lui souris.

-Je me sens très bien… Pour l’instant… Et quand je vais mal, j’ai Syragane… Et vous tous. Alors ça va.

Je lui avouai

Avoir lu dans ses pensées

Pour les Twizzlers.

Je ne le faisais pas tout le temps

Tout le temps exprès.

Mais elle accepta le bonbon quand même

On dit que faute avouée et à moitié pardonnée... Mais merci, c'est très gentil. Même si j'aurais voulu être celle qui te les propose...

Je rougis.

Pinçai les lèvres.

-D’accord, les prochain Twizzlers, c’est toi qui les offre !

Paige était gentille.

Très timide au début.

C’est pour ça que je m’étonnai

Tout en mâchonnant

Mon Twizzlers

Qu’elle s’entraîne

Pour jouer la comédie.

Je pensais que c’était pour le spectacle.

Mais non en fait.

Non, pas du tout. Je préfère aider un peu partout comme je le peux... J'ai juste fait imprimer un scénario d'un film pour m'entraîner à jouer la comédie... J'ai des projets pour plus tard. J'aimerais adapter mon livre en film et pouvoir jouer mon propre rôle. Enfin, l'ancienne moi

J’ouvris de grands yeux.

-Waw ! Genre on pourra aller te voir au… au cinéma ? J’aime bien… j’aime beaucoup le cinéma.

Mais on y allait pas souvent.

Les places étaient chères.

Mais j’avais vraiment aimé

Y aller avec Syragane.

J'ai beaucoup à apprendre pour jouer la comédie, mais j'ai besoin de cela pour mieux gérer mes émotions et aussi mentir sur qui j'étais avant. Et puis qui sait, si j'y arrive un jour, peut-être que je pourrais voyager plus souvent dans le monde, tu sais rencontrer des gens différents, m'enrichir de leur façon de vivre...

Je hochai la tête.

-Tout demande beaucoup… beaucoup d’apprentissage…

Je soupirai.

-Moi il faut que j’apprenne beaucoup de choses.

Puis je la regardai en fronçant les sourcils.

-Pourquoi tu devrais mentir sur qui tu étais avant ?... Tu … Tu es recherchée aussi par le SPN ? Tu as fait quelque chose de mal.

Oh mon petit David.

Si cette petite chose a fait

Quelque chose de mal

Moi je suis Satan en personne.

Tu es Satan ?

Non c’était une comparaison.

Et tu l’as très bien compris !

Imbécile !

Je pinçai les lèvres.

Pour ne pas rire.

Et toi, tu es heureux de faire partie du spectacle ? Qu'est-ce que tu ressens quand tu es sur la piste ? Je t'ai vu la dernière fois, pendant une de mes pauses. Tu te débrouilles très bien.

Je hochai vigoureusement la tête.

-Ouais je suis heureux. Je ne sais pas faire grand-chose. Mais chanter je sais faire. Ma maman disait toujours que je chantais très bien. Quand… quand je suis sur la piste, je me sent libre.

Et plus puissant que jamais.

-Tu devrais… tu devrais essayer… Faire un peu de théâtre sur la piste, pour les enfants. Ça t’entraînerais pour le cinéma.

Watch the clouds, seize the day

ft. David

David à mes côtés, s'était enquis de ma santé et réciproquement. Il déclarait aller bien, du moins, « pour l'instant », notais-je mentalement. Est-ce qu'il minimisait pour ne pas m'inquiéter ? Si je ne faisais pas d'erreur d'interprétation, c'était comme s'il s'attendait à flancher d'un moment à l'autre. Comme une bombe à retardement. Il était normal qu'il soit instable dans ses humeurs et ses émotions, ce qu'il avait vécu n'était pas rien. D'ailleurs, je louais leur force à tous ici, d'avoir su rebondir, reconstruire et reprendre leur vie, et cela même s'ils n'avaient pas d'autres choix que de se montrer brave .

Je fus ravie d'entendre cependant que quand cela n'allait pas, l'amour de Syragane l'aidait à surmonter tout cela. Et qu'il savait pouvoir compter sur nous. Je me sentis touchée d'être englobée dans le lot. J'aurais bien été tentée de prendre mon ami dans mes bras et le réconforter d'un câlin mais j'hésitais.

Encore plus quand il fit cette petite moue quand je lui avais dit que je le pardonnais d'avoir lu dans mes pensées sans le vouloir. Je faisais des efforts pour exprimer ce que je ressentais et pour communiquer avec les gens, mais probablement que je devrais encore revoir mes formulations. Le but n'était sûrement pas de blesser mon ami. Je me sentais mal de l'avoir embarrassé au point de le faire rougir mais il accepta que la prochaine tournée de bonbons soit pour moi.

Ce qu'il y avait de bien dans les fameux bonbons, c'était qu'il n'y avait aucune gélatine animale. Voilà pourquoi je n'avais pas hésité une seconde à accepter la proposition de mon ami. Nous en venions finalement à la question du script qui gisait dans l'herbe à mes côtés. Ce n'était pas pour le spectacle et concernant le parc je préférais aider d'une autre façon.

Quand j'expliquais que je voulais jouer un rôle, dans un film, David exprima son étonnement, ou son admiration, peut-être. Je rigolais cette fois-ci. C'était vrai que le cinéma avait ce petit côté extraordinaire.

-Oui, tout à fait, comme au cinéma. Moi aussi j'aime bien le cinéma...

*Enfin, les vieux films ou les comédies musicales... surtout.*

Ceci dit, je me rendais bien compte que j'étais encore loin d'y être, comme le souligna involontairement David. Et pour cause, lui aussi avait beaucoup à apprendre. En un sens, on se comprenait. Alors je posais brièvement une main sur son épaule cette fois-ci, faisant enfin taire mon hésitation :

-C'est vrai, ça fait beaucoup, mais ça vaut la peine... Ne te décourage pas. Moi je trouve que tu t'en sors magnifiquement bien et puis tout ne se fait pas en un jour...
, moui, ça serait bien que je suive au moins une fois les préceptes que je dispensais.

Je secouais la tête, m'empressant de rassurer David à mon sujet :

-Non, je n'ai rien fait de mal, je ne suis pas une criminelle, et il ne s'agit pas du SPN. J'ai juste, changé d'enveloppe charnelle. Comme mes papiers d'identité ne correspondent pas au physique de la personne, je pourrais avoir de gros ennuis avec la police... Même si il y a un moment un groupe de religieux qui n'aiment pas les surnaturels était à ma recherche... De ceux qui s'imaginent que parce qu'on est différents on ne mérite pas de vivre...

Je passais sous silence les détails, David avait vécu un traumatisme, il n'avait pas besoin que je l'encombre de mon passé.

*Étrangement, de tout cela est né un mal pour un bien, j'ai pu m'affranchir de celle que j'étais avant, du moins, en partie. Comme l'a si justement dit David, certaines choses nécessitent beaucoup d'apprentissage. Et surtout du temps.*

Si ce que je faisais intéressais mon ami, ce qu'il faisait m’intéressais tout autant, alors je lui avais naturellement demandé comment il se sentait dans ce qu'il faisait, lui ouvrant une porte pour lui s'exprimer, s'il éprouvait le besoin.

Il se sentait bien sur la piste, libre. Le chant comme d'autres arts permettaient de gagner en confiance en soi mais surtout de s'affranchir des sentiments enfouis, par la catharsis.

-Je suis contente pour toi... C'est vrai que tu chantes très bien. Si tu es heureux dans ce que tu fais et que tu aimes ce que tu fais, talentueux ou pas, c'est tout ce qui compte. Mon sourire chaleureux se joignit à ma parole sans doute plus mièvre que je l'aurais voulu. Ainsi qu'une petite poussière dans l'oeil...C'est bien d'avoir la possibilité de montrer ce qu'on est sans avoir à se refréner ou à se cacher... Je te soutien à cent pour cent. Oui, se sentir libre fais du bien!

*Devoir se cacher... Surveiller ses arrière, voilà qui est le lot de bien des surnaturels.* J'avais noté l'utilisation du passé. Soit il n'avait plus de contact avec sa mère de son vivant... Soit elle avait « disparu »...

Je fixais un instant les nuages en relevant la tête comme pour y chercher une réponse, cette petite confidence toujours en tête. Je clignais des yeux avant de me reconcentrer sur mon ami :

-Excuse-moi, j'étais ailleurs... Du théâtre, sur la piste ? Cela pourrait être une idée...  En fait, c'est une bonne idée... De chercher à m'entraîner... Mais pour les enfants... Je ne sais pas... Je crois qu'il faudrait que je réfléchisse... Comme je te l'ai dis, pour l'instant, je préfère aider ici et là... En fait, cela me fait du bien de faire quelque chose de mes "mains"...

Je ramenais mes jambes en tailleur, puis posais mes mains sur les genoux :

-David, si ta maman était une maman au top, alors je pense qu'elle serait fière de toi... En fait, je réalise que je ne connais pas grand chose de toi.... Ta couleur préféré, ce qu'étais ta vie avant notre rencontre, ce que tu aurais aimé devenir.... Tes passions ou ta musique préférée, tiens, par exemple !

Bien-sûr, il pouvait tout à fait esquiver le sujet comme m'en parler, cela ne me dérangerait pas dans tous les cas.

Watch the clouds, seize the day

Paige McTavish

Oui, tout à fait, comme au cinéma. Moi aussi j'aime bien le cinéma...

Je souris

A Paige.

Elle aimait le cinéma.

Comme moi.

-Ma mère m’y emmenait parfois.

C’étaient

De bons souvenirs…

Avant mon adolescence.

Avant que je ne commence

A comprendre

Que j’étais différent.

Avant

Que je ne devienne

Ingérable pour elle.

Je sentais que Paige pensait.

Mais je faisais mon possible

Pour respecter

L’intimité de ses pensées.

On parla des progrès

Qu’on faisait

Tout doucement.

Et elle posa sa main

Sur mon épaule.

Je la regardais.

Mais pas dans les yeux.

J’avais appris à regarder la bouche

Ou le front des gens

Pour ne pas les regarder

Dans les yeux.

C'est vrai, ça fait beaucoup, mais ça vaut la peine... Ne te décourage pas. Moi je trouve que tu t'en sors magnifiquement bien et puis tout ne se fait pas en un jour...

Je hochai la tête

Et souris.

-Et moi je te trouve… Beaucoup… Beaucoup plus épanouie.. Depuis que tu vis ici.

Mais Paige…

M’inquiéta un peu

Quand elle me dit

Etre recherchée

Par une organisation.

Non, je n'ai rien fait de mal, je ne suis pas une criminelle, et il ne s'agit pas du SPN. J'ai juste, changé d'enveloppe charnelle. Comme mes papiers d'identité ne correspondent pas au physique de la personne, je pourrais avoir de gros ennuis avec la police... Même si il y a un moment un groupe de religieux qui n'aiment pas les surnaturels était à ma recherche... De ceux qui s'imaginent que parce qu'on est différents on ne mérite pas de vivre...

Je fis la moue.

-C’est dommage qu’on est pas… pas accepté quand on est différent… Moi je trouve que… Que c’est une richesse…

Je baissai les yeux.

-Enfin… Quand on ne fait pas trop de dégâts… J’ai beaucoup… beaucoup de dégâts, avant d’arriver ici.

Puis on parla

Du spectacle

De ce que je faisais

Sur la piste.

Et Paige

Trouvait ça très bien.

Je suis contente pour toi... C'est vrai que tu chantes très bien. Si tu es heureux dans ce que tu fais et que tu aimes ce que tu fais, talentueux ou pas, c'est tout ce qui compte. C'est bien d'avoir la possibilité de montrer ce qu'on est sans avoir à se refréner ou à se cacher... Je te soutien à cent pour cent. Oui, se sentir libre fais du bien!

Je hochai la tête.

-Ouais… Même si… avant chaque spectacle… je « scanne » les spectateurs, pour être sûr qu’il n’y a pas d’agent du SPN dans le public.

Je sentis à nouveau

Paige partir dans ses pensées.

Puis elle s’excusa pour ça.

Je lui avais proposé.

De faire du théâtre lors du spectacle.

Excuse-moi, j'étais ailleurs... Du théâtre, sur la piste ? Cela pourrait être une idée...  En fait, c'est une bonne idée... De chercher à m'entraîner... Mais pour les enfants... Je ne sais pas... Je crois qu'il faudrait que je réfléchisse... Comme je te l'ai dis, pour l'instant, je préfère aider ici et là... En fait, cela me fait du bien de faire quelque chose de mes "mains"...

Je rigolai…

Puis je lui dis gentiment.

-Je crois que tu réfléchis trop.

Paige était une femme hésitante

Toujours à réfléchir

100 000 fois

Avant de prendre une décision.

Et comme je lui avais

Parlé de ma maman

Qui disait que je chantais bien

Elle enchaîna

David, si ta maman était une maman au top, alors je pense qu'elle serait fière de toi... En fait, je réalise que je ne connais pas grand chose de toi.... Ta couleur préféré, ce qu'étais ta vie avant notre rencontre, ce que tu aurais aimé devenir.... Tes passions ou ta musique préférée, tiens, par exemple !

Je commençai par

La remercier

D’avoir dit que ma mère

Serait fière de moi.

-Merci.

Puis réfléchis un peu

A toutes ses questions.

-Ben… J’aime bien toutes les couleurs… Comme tu vois je porte des vêtements colorés très souvent… Parfois, ça fait rire Syragane parce que ça ne va pas ensemble. Mais moi j’aime bien. Et avant notre rencontre ben… J’étais… au SP… SPIN… Mais Syragane était déjà dans mes rêves alors je l’ai rejoint… Puis j’ai fait comme toi, j’ai travaillé ici avec Woody…

Je souris.

-Et maintenant, je suis exactement ce que je voudrais être, un chanteur… Je suis aussi Légion et c’est un lourd fardeau mais ça fait partie de moi. Ma passion, c’est Syragane… Et mon groupe préféré est Pink Floyd.

Je la regardai en milieu du front.

-Et toi alors ? Moi non plus je ne sais pas grand-chose sur toi.

Spoiler:

Watch the clouds, seize the day

ft. David

J’accueillais les bribes de confidence de David comme un cadeau. Jamais je n'aurais forcé une personne à parler de ce dont elle ne désirait pas parler alors quand la personne se livrait, c'était encore plus beau à mes yeux, une forme de preuve d'amitié.

Je nous découvrais un point commun, le cinéma. C'était quelque chose que j'avais connu sur le tard. Un divertissement sur lequel je m'étais penchée plus encore après avoir vaincu l'esprit de la déesse déchue qui m'avait possédée. Enfant, le moindre film que nous visionnions à la maison devait répondre à des critères de sélection bien précis, fidèles à ce qu'il était convenable de laisser regarder aux enfants, d'après mes parents et soumis à un pré-visionnage au préalable. Il relevait du miracle que je connaisse des classiques tels qu'Indiana Jones ou retour vers le futur. J'avais encore de graves lacunes. Particulièrement dans les comédies musicales bien connues.

Au moins la mère de David semblait avoir joué son rôle contrairement à mes parents. David ne parlant pas d'un père, je ne cherchais pas à savoir même si je m'interrogeais.

Tout en pudeur, David évoqua mes propres progrès. Je lui souris chaleureusement en retour quand il affirma qu'il trouvait que j'étais plus épanouie depuis que je vivais parmi eux.

-Merci... Je suis bien entourée... Et habituée à voir plus de monde, à plus de bruit... cela me dérange moins, maintenant

Je me sentais surtout bien plus libre ici qu'ailleurs, protégée et plus utile, quelque part. Justement grâce aux menus tâches que j'effectuais pour aider tout un chacun. Il était vrai que je me sentais dans mon élément, sereine et en sécurité. Même si certaines personnes me manquaient.

Je tentais te rassurer David à ma façon mais comme j'étais encore maladroite dans ma communication, lui parler des fanatiques qui en avait après moi n'était pas la meilleure des solutions pour faire taire ses appréhensions. Mais au moins pouvais je lui faire comprendre que je n'avais pas de sang sur les mains.

-Je suis d'accord avec toi, on gagne toujours plus à apprendre de nos différences... Pour ce qui est des dégâts, ce n'est pas de ta faute... Tu n'avais pas de contrôle sur ce qui t'arrivait, personne pour te guider...

Je me souvenais à quel point j'avais été désorientée à mes débuts. J'avais félicité ensuite David sur ses aptitudes sur la piste, en tant que chanteur. Que de chemin parcouru pour lui aussi, n'est-ce pas ? Il avouait scanner les gens avant chaque spectacle afin de nous préserver d'un quelconque danger.

-Merci..., répondis-je pleine de gratitude.

Mes pensées avaient fini par vagabonder, oui, avant que je lui réponde par rapport au théâtre, et aux enfants. Et je riais à mon tour avec lui :

-Tu as raison, je réfléchis trop... Tu n'es pas le premier à me le dire... Mais cela compense avec ceux qui ne réfléchissent jamais, cela permet de faire une bonne moyenne, fis-je en haussant les épaules, prenant cela avec philosophie, bien consciente que ce que je voyais comme une qualité pouvait être un défaut pour certains. Ceci dit j'étais d'accord que certaines fois il n'y avait pas besoin que je me triture autant l'esprit, comme on avait déjà essayé de me le faire comprendre.

Mais j'en étais revenue à la maman de David, m’intéressant à ce qu'il avait à dire, cherchant à le connaître bien que parfois, il ne suffisait pas de se connaître beaucoup pour reconnaître la force d'une amitié, non ? Ce lien qui nous soudait n'était pas à propos des fleurs qu'on aimait sentir ou des petits plats qu'on aimait manger, mais résidait surtout dans les échanges, les moments partagés, non ?  

Après un petit compliment sincère, vis à vis de ce que sa maman aurait pensé de lui – peut-être que le mieux aurait été simplement de lui dire que pour ma part j'étais fière de lui?- , je l'interrogeais tout de même sur ses goûts, sur ce qui l'animait dans cette vie.

David n'avait pas de préférence en matière de couleurs. Qu'il souligne d'ailleurs que ses vêtements colorés n'étaient pas toujours bien coordonnés entre eux me fit brièvement porter la main à la bouche en pouffant de rire.

- L'important est de te vêtir comme il te plaît. Mais dis-moi, tu n'as pas toujours vécu au SPIN ?, déclarais-je spontanément. Rien que l'idée qu'il ait pu être enfermé m'indignait, et cela devait certainement se lire sur mon visage aux airs contrariés. Alors qu'il ait pu être enfermé toute sa vie me paraissait inconcevable... Mais cela n'était pas le cas puisque sa mère l'avait emmené au cinéma étant enfant alors...  

Je décidais d'abandonner tout cela, de ne pas trop réfléchir et aller gratter ce qui pourrait s'avérer douloureux pour David ne m’intéressait pas.

-Je trouve ça merveilleux que tu aies rencontré Syragane, elle est formidable..., fis-je me réjouissant pour eux deux. Et que tu aies travaillé ici. Woody est un chic type ! J'aime beaucoup l'accompagner pour les rondes. Il est très gentil et doux comme toi.

David aussi avait l'air de savoir ce vers quoi il aspirait, ce n'était pas donné à tout le monde. Oui, il était également plus épanoui, pour reprendre ses propos.

Je portais une nouvelle fois un morceau de twizzler et je me mordis la langue quand il évoqua Légion...

Parce que je savais bien que David avait des grands pouvoirs exceptionnels, je les avais déjà vu à l’œuvre pendant ses spectacles et aussi une fois quand sous forme de chien je lui avais fichu la trouille sans le vouloir en lui sautant dans les bras. Mais là... Il venait de m'annoncer cela avec une telle candeur et modestie, peut-être que pour lui ce n'était pas grand chose en fin de compte. Mais de mon côté, cette information glissée de manière si anodine parmi toutes les autres me fit un drôle d'effet.

J'eus mal, mais ce n'était rien à côté du frisson que je tentais tant bien que mal de réprimer. Il faut dire que j'avais eu une enfance plongée dans une éducation stricte et le catéchisme, et pour ce que je connaissais de la bible catholique, c'était que Légion était une armée de démons entrés en un seul homme pour résumer. Alors même si je ne voyais rien de cela en David, mon corps y réagit.

Le fait de m'être mordu la langue était un gros mal pour un bien. Déjà parce que cela m'avait empêché de parler et de surréagir, et aussi parce qu'au moins, je ne m'étais pas transformée de façon inopinée, sous la trouille, si courte soit-elle. J'évitais de blesser et de faire peur à mon ami en même temps. Je me ressaisis prétextant me passer la main sur les yeux pour essuyer les larmes de douleurs qui avaient jailli pour les fermer quelques micros secondes puis les rouvrir :

-Euh... David... Je crois qu'on va laisser de côtés les questions sur ma personne quelques instants... Je te connais, donc je sais que tu ne ferais pas de mal à une mouche...

Oui, il n'y avait même pas à tergiverser à ce sujet. D'autant plus qu'en temps que surnaturelle – et en en connaissant une partie- j'étais bien placée pour savoir que les certitudes sur les surnaturels pouvaient souvent être ébranlées, voir démontrées comme fausses.

-Mais je suis désolée d'être obligée de te demander ce que c'est que Légion... Parce qu'enfant j'ai appris que Légion était une chose et je suis certaine que c'est totalement à l'opposé de ce que tu es. Alors... Si cela ne te dérange pas, j'aimerais bien savoir... Pour comprendre ce que tu traverses. Si je te demande trop ou si tu ne veux pas, je respecterai ton silence... Mais tu as parlé d'un fardeau... Et euh....Il paraît que les fardeaux se partagent entre amis, ça le rend moins lourd de le porter à plusieurs... S'il je peux faire quoi que ce soit pour te soulager..., je tapotais doucement sa main, comme une amie. Si d'ordinaire j'évitais ce genre de gestes par déférence envers Syragane, même si elle ne le prendrait pas forcément mal, pour une fois, je le faisais, pour montrer silencieusement ma compassion.

Mouais, m'est avis que si c'était le cas, nous ne serions pas là à en parler et assis à attendre quoi que ce soit, Syragane serait déjà par monts et par vents à chercher une solution pour son amour, j'en étais sûre. Mais je me disais qu'il avait peut-être besoin de parler, même si j'imagine qu'il en a déjà parlé à sa belle... Enfin parfois, on ne veut pas charger la personne qu'on aime avec nos vieux démons.

Peu importe, je le laissais d'abord s'exprimer s'il le souhaitait pour reprendre le cours de notre conversation ensuite, de celle où on se parlait de nos goûts. Cela me paraissait secondaire à côté de cette histoire de Légion. Il avait beau dire que cela faisait partie de lui, il avait aussi souligné que c'était lourd à porter.

Watch the clouds, seize the day

Paige McTavish

Merci... Je suis bien entourée... Et habituée à voir plus de monde, à plus de bruit... cela me dérange moins, maintenant

Je souris

Comprenant totalement

Ce que Paige voulait dire !

Moui en effet David.

Tu n’aimes pas ça, hein ?

Le monde et le bruit.

Ouais.

Mais j’ai appris.

Comme Paige.

Ça me fait moins peur maintenant.

-Le parc… C’est comme un snoezelen, maintenant… Toutes les lumières et la musique… Surtout le soir. Avant ça me faisait peur… trop… trop de stimuli mais maintenant j’aime bien.

Puis je parlai

Des dégâts que j’avais faits

Au tout début.

Je suis d'accord avec toi, on gagne toujours plus à apprendre de nos différences... Pour ce qui est des dégâts, ce n'est pas de ta faute... Tu n'avais pas de contrôle sur ce qui t'arrivait, personne pour te guider...

Je hochai la tête.

Pinçai les lèvres.

Un peu honteux.

-j’ai tué 11 personnes sans le vouloir.

Mais tout ça est loin, David.

Regarde

La vie que tu as maintenant ?

Qui a cru que quelqu’un

Comme toi

Pourrait être autant aimé

Non seulement par Syragane

Mais par Paige

Woody

Et tous les autres.

J’ai une famille maintenant.

Je regardai Paige

Mais pas dans les yeux.

-Toi aussi tu fais partie de ma famille maintenant.

J’avouai quand même

Que je vérifiais qu’il n’y avait pas

D’agent du SPN

Avant les spectacles

Dans le public.

Et Paige me remercia.

-Mais tu sais, tous les agents ne sont pas mauvais… Il y a Frank Barnes… Il est marié à un ange. Ils ont un petit. C’est pour ça que je regrette les 11 agents que j’ai tué. Combien de Frank Barnes, j’ai tués ?

J’étais triste de ça.

Moui, David.

Mais ce n’est rien.

Par rapport à ce qu’ils t’ont fait ensuite

Ils ont voulu t’euthanasier, merde !

Oh Seigneur, pardon pour ce juron.

Quant à Paige

Elle réfléchissait trop

Et je n’avais pas de filtre

Donc je le lui dis.

Tu as raison, je réfléchis trop... Tu n'es pas le premier à me le dire... Mais cela compense avec ceux qui ne réfléchissent jamais, cela permet de faire une bonne moyenne.

Je rigolai…

-Belle réplique !

On parla de maman

Du cinéma

Du SPIN

L'important est de te vêtir comme il te plaît. Mais dis-moi, tu n'as pas toujours vécu au SPIN ?

Je hochai négativement

La tête

-Non… pas toujours au SPIN… J’ai d’abord vécu avec maman… puis quand elle est morte, on m’a interné au Brooklyn Mental Health Center… J’y ai vécu de mes 16 ans à… il y a quelques années encore… Puis j’ai été capturé par le SPIN… Puis me voilà… grâce à Manakel et Syragane.

Mais Paige était contente

Que ma vie ait bien changé

Je trouve ça merveilleux que tu aies rencontré Syragane, elle est formidable... Et que tu aies travaillé ici. Woody est un chic type ! J'aime beaucoup l'accompagner pour les rondes. Il est très gentil et doux comme toi.

Je rougis un peu.

-Syragane est super… Et tout le monde est gentil avec moi ici. J’espère qu’il en va… de même pour toi.

Mais apparemment…

Paige n’aimait pas beaucoup

Parler d’elle.

NON !

David !

On ne lit pas les pensées pour savoir.

On respecte l’intimité

Des gens.

Je secouai la tête.

-Ok ok ! J’arrête les questions sur toi… Quand tu… quand tu voudras parler… Tu me le diras.

Mais moi…

Moi je voulais bien parler de moi

J’avais l’habitude

Avec les psys et tout.

Mais ce que Paige voulait savoir.

C’était ce qu’était Légion.

Je me mordis la lèvre

Réfléchissant à comment expliquer.

Mais je suis désolée d'être obligée de te demander ce que c'est que Légion... Parce qu'enfant j'ai appris que Légion était une chose et je suis certaine que c'est totalement à l'opposé de ce que tu es. Alors... Si cela ne te dérange pas, j'aimerais bien savoir... Pour comprendre ce que tu traverses. Si je te demande trop ou si tu ne veux pas, je respecterai ton silence... Mais tu as parlé d'un fardeau... Et euh....Il paraît que les fardeaux se partagent entre amis, ça le rend moins lourd de le porter à plusieurs... S'il je peux faire quoi que ce soit pour te soulager...

Je réfléchis

Juste deux secondes.

Il te faudra plus que deux secondes

Mon petit père…

-Heu Légion c’est… C’est pas vraiment comme dans la Bible… Dans la Bible, Jésus envoie les démons de Légion, un être possédé par plusieurs démons, dans des cochons. L’homme est donc libéré.

Je marquai une pause…

Regardant la main de Paige.

Sur la mienne.

-En vrai… parce que j’ai fait un voyage en arrière avec le Dr. Johnson… Je sais que Jésus n’a jamais sauvé Légion… Il a fait semblant, m’obligeant à faire comme s’il m’avait sauvé.

Les larmes me montèrent aux yeux.

-En fait, je suis destiné… destiné à accueillir en moi les anges que Dieu considère comme avoir fauter et à les digérer jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que des petits monstres couverts de goudron ou d’une matière comme ça… informes… Et PRESQUE inoffensifs…

Une larme coula le long de

De ma joue.

-Ils hantent mes visions et mes hallucinations… mais il y a aussi Manakel, l’ange que je suis sensé digérer maintenant… Mais on dirait que plus je l’aide à être quelqu’un de meilleur, de moins arrogant, plus la digestion est lente voir s’arrête.

Je soupirai…

-Bref, c’est compliqué… mais il semblerait que j’aie été créé par Dieu… Créé schizophrène parce que c’est cette maladie que les anges ne supporte pas.

Je pinçai les lèvres.

-Enfin je crois… je ne sais pas tout sur moi-même je crois.

Watch the clouds, seize the day

ft. David

J'avais fait part de mon sentiment de bien-être à David et au fait que je m'étais habituée à tout un tas de choses et il partageait ce sentiment, même si j'ignorais ce que voulais dire le terme snoezelen. Peut-être cela voulait simplement dire que c'est une safe place, un refuge. Lui aussi avait pris l'habitude de l'environnement dans lequel nous vivions alors qu'il lui faisait peur auparavant.  

J'essayais de dédramatiser le manque de contrôle de son pouvoir. Tout surnaturel ne sachant pas ce dont il était capable ou simplement ce qu'il était, pouvait faire de gros dégâts si on ne lui venait pas en aide. Et comme le jeune homme le confirma indirectement, sans personne pour le guider, il pouvait représenter un danger pour lui-même, comme pour les autre. Dans son propre cas de figure, cela l'avait mené à la mort accidentelle de 11 personnes.

Sans le juger aucunement, j'écoutais attentivement, même si je n'aurais jamais pu savoir ce qu'il ressentait à cet instant. Tuer 11 personnes de sang froid était une chose mais pour moi, il existait une grande différence justement entre ceux qui choisissaient de le faire et ceux qui étaient victimes d'un pouvoir qu'il n'aurait pas pu contrôler à l'époque. Avant de répliquer, je pratiquais toujours l'écoute active même si au fond  de moi mon petit cœur se serrait à cause de la case par laquelle il était passé, à cause de la douleur et des remords qui devaient lui dévorer les entrailles.

-Je te considère comme mon petit frère... Je vois donc très bien ce que tu veux dire.

Heureusement qu'il n'avait pas le regard rivé droit sur le mien, parce que déjà je rougissais d'avoir dit cela à haute voix.

Je poussais un petit soupir pour ne pas laisser sortir les trémolos de ma gorge :

-Petit A, tes actions passées ne définissent plus l'homme que tu es aujourd'hui. Petit B, tu n'es pas un tueur fou psychopathe. Je ne sais pas pour les autres mais de mon côté, je fais la distinction entre une erreur commise intentionnellement dans le but de faire du mal et les actes commis sans le vouloir. Ce n'est en rien ta faute. Petit C, tout le monde fait des erreurs mais... C'est normal que cela te tracasse, c'est d'ailleurs ce qui prouve que tu es une bonne personne. Tu ne t'en fiches pas. Et pour les potentiels Barnes, cela aurait pu, comme cela aurait pu ne pas être des gens d'exception, ou bien qui ont une famille ou pas, comme ils auraient pu faire partie des tas d'autres cas de figure. Si ça se trouve, tu as tué par accident, car il s'agit bien d'un accident, les 11 pires crapules et méchantes personnes du siècle. Cela voudrait donc dire que tu auras épargné des tas d'autres monsieur Barnes mais aussi des tas d'autres surnaturels...

Bon, même sans le dire, le message sous-jacent, même si cela ne se ferait pas en un claquement de doigts, c'est qu'il arrête de se torturer l'esprit à propos de ce qu'il n'aurait jamais pu contrôler. Enfin, ils auraient tous pu très bien mourir le lendemain d'une toute autre façon, surtout là où ils travaillaient et avec d'autres surnaturels puisqu'ils en étaient entourés constamment. Ils avaient un peu signés pour ça même si cela restait triste pour les gens bien évidemment mais pour s'engager dans une telle organisation, j'estimais qu'il fallait ne pas être un enfant de cœur ou avoir subi un drôle de lavage de cerveau ou ne pas être très au fait de leurs activités. De fait pour moi ce fameux Frank était de ces exceptions qui confirmaient la règle, de celles qui sûrement avaient changé leur fusil d'épaule en cours de route, peut-être bien parce que leurs avis sur les surnaturels avaient évolué en même temps que leur personne. J'étais tout de même ravie de savoir que tous les agents du SPIN n'étaient finalement pas tous des pourris. Et encore plus que ce fameux Barnes ait pu connaître les joies du mariage et de la parentalité même si la nouvelle m'avait momentanément scotchée. Un ange et un humain... Je n'avais rien contre les couples différents, et je croyais en la sincérité de leur amour, car il s'agissait de cela, c'était évident, c'était juste que... J'ignorais qu'un bébé pouvait naître d'une telle fusion. Dans tous les cas, c'était beau.

Nous recouvrions notre insouciance en un quart de secondes, nous moquant gentiment de ma propension à trop réfléchir.  Il me parla un peu de sa jeunesse et de ce qui suivit à son décès. Pauvre David. Non seulement il avait perdu la personne à laquelle il devait tenir le plus au monde mais en plus il se retrouvait enfermé quasiment tout le reste de sa vie d'adolescent. Heureusement, il avait été délivré par Syragane et... Un MANAKEL... Et depuis qu'il vivait à Staten Park, il avait pu goûter aux joies de la bienveillance auprès de cette magnifique troupe du cirque, le traitant avec un respect qu'il n'avait pas connu de la part de ses bourreaux.

Quand je décidais de mettre de côté les questions me concernant, il y eut une sorte de malentendu. Certes, parler de moi n'était pas ma tasse de thé mais avec certaines personnes cela me dérangeait beaucoup moins. C'était agréable, très agréable de partager une discussion et nos goûts avec David.

C'était juste que j'étais perturbée par ce pseudonyme de Légion, j'exprimais d'ailleurs mon incompréhension et mes craintes à mon ami télépathe et aussi que j'étais désireuse de mieux le comprendre, pour cela, il fallait que je sache ce qu'impliquait le fait d'incarner Légion. Quelque part, je pensais que je serais également rassurée d'apprendre que je me fourvoyais mais même cette vérité-là fut dure à avaler pour diverses raisons.

Déjà, il m'apprenait que la Bible mentait. Je m'attendais bien à ce que cela soi le cas, puisque rien n'est jamais ce qu'il semble être ou bien même tout noir ou tout rose, mais j'ignorais à quel point ce Dieu dont on m'avait rebattu les oreilles toute gamine que j'étais, avait arrangé les événements à ce point à sa sauce.

-Soren..., soufflais-je en un sourire à la fois nostalgique et plein de gratitude pour le praticien qui m'avait aidé à me délivrer de la plus sale des grognasses que la planète ait jamais porté en son sein, enfin, presque parce qu'il devait y avoir grand nombre d'autres qu'elle dans la queue d'attente pour l'Enfer.  

Ma main se serra un peu plus fort sur la sienne sans que j'en prenne conscience quand je vis les larmes s'accumuler dans ses yeux mais aussi en entendant qu'IL avait fait semblant de le sauver. .

Elles roulèrent finalement sur mes joues sans que je les retienne quand il m'apprit le genre de rôle qu'on lui avait assigné :

-Attends, si je comprends bien, demandais-je entre deux micros sanglots qui menaçaient d'éclater, il a fait de toi un centre de détention pour anges qui ont fauté d'une façon ou d'une autre et tu es comme... Condamné à les recycler soit en meilleure version d'eux-même, soit en espèces de crottes ??? C'est donc aussi ce que tu essaies de faire avec ce Manakel qui s'en sort mieux que les autres ? Soit en gros tu le digères et leurs résidus te hantes, soit... Ils continuent de vivre en toi pour évoluer vers la bonne direction... Et... Mais...C'est ignoble !!!! Sans vouloir vous offenser euh... Monsieur Manakel...


Je lui ouvris mes bras avec spontanéité. Si David acceptait ce câlin, je le lui donnerais volontiers. J'étais très triste de ce qui lui arrivait et j'éprouvais le besoin de le lui faire comme pour lui comme pour  moi mais je ne voudrais surtout pas le forcer. Déjà que je m'étais permis de poser ma main sur la sienne par compassion mais sans réfléchir à savoir si ça le gênerait ou non...

Entre deux reniflements, je demandais également :

-Tu as dit Légion, puis toi, donc si tu es Légion, tu n'es plus David ou bien ?, j'étais désolée et un peu confuse. Il faut dire que le concept n'était pas évident à assimiler.

Etait-ce à cela qu'il se référait quand il parlait de ne pas tout savoir de lui-même ?

-Oui, mais je pense... Que... Tu peux en apprendre plus sur toi, grâce à tout ça... Enfin, je veux dire, réussir à sortir un peu de positif dans cette sordide histoire. Mais... Il faut passer au-dessus cette sensation d'avoir été utilisé et souillé, n'est-ce pas ?

J'avais vécu une expérience se rapprochant, de manière très infime, car je n'avais eu à gérer qu'une personne et que je n'avais eu qu'à la faire disparaître-contrairement au travail de Titan de David- en prenant le dessus à grand coup de force de caractère, de volonté et de bravoure, alors que Soren m'avait grandement mâché le travail en réduisant les marges de manœuvre de la bonne femme et qu'il avait réduit sa puissance au maximum. Enfin, à côté de la grande mission de David, ça c'était du pipi de chat. Enfin, je ne l'évoquerai pas maintenant, je ne savais pas si Syragane le lui avait raconté cette histoire avec le fantôme de la déesse déchue qui avait pris possession de mon corps au point que mon physique en avait été changé par le sien, avec un petit mélange de reste de Madison, sans doute. Oui, c'était peut-être ça au fond :

-Tu es sans doute un peu de toi et un peu de Légion mélangé ?... Je suis désolée que tu aies à vivre avec le schizophrénie.. et à porter tout ce fardeau. Personne ne devrait avoir à porter ça... Dieu il a... il a "chié dans la colle"
, bredouillais-je timidement pour montrer mon indignation mais peu encline à utiliser ce genre de langage en temps normal.

Je sortis des mouchoirs de mon sac, en tendit un à mon ami. Il y aurait de quoi devenir complètement cinglé avec tout ça :

-Je te trouve très courageux, même si tu n'as pas le choix.

Je devais avouer que j'étais aussi très admirative du fait qu'il tienne le coup, malgré tout cela :

-Et très fort pour réussir à gérer tout ça...Et à faire faire des progrès à un ange...

J'étais bouleversée, me mouchant comme une trompette en me disant qu'heureusement je ne me changeais plus comme avant de façon incontrôlée sauf cas exceptionnel, car à mes larmes et mon émotivité, je ne voulais pas rajouter par dessus le marché la catégorie « faire peur à David en me métamorphosant en chienne » sur mon CV.

Et pour tenter de faire rire David, je plaquais mes mains sur mes joues en m'écriant :

-Mais David, si tu es... Légion, tu dois être super vieux !!!!!!

Je plissais les yeux ensuite, faisant semblant scruter son visage:

-C'est dingue ça, pas une seule ride!!! Mouais, c'est de l'arnaque!!!

Watch the clouds, seize the day

Paige McTavish

Je sentais

Même si je respectais

L’intimité mentale

De Paige…

Moui, c’est mieux, mon David !

Qu’il se passait beaucoup

De choses dans sa tête.

Après tout,

Je venais de lui raconter

Comment j’avais tué

Sans le faire exprès

Des agents

11 agents.

Et combien de Frank Barnes dedans ?

J’espérais aucun.

Je te considère comme mon petit frère... Je vois donc très bien ce que tu veux dire.

Je souris.

Alors qu’elle rougissait.

Je lui relevai doucement

La tête

Il ne fallait pas

Qu’elle ait honte.

-Merci… Je n’ai jamais eu… de grand frère ou de grande sœur. Maintenant, c’est fait.

Elle me rassura ensuite

En disant que ce n’était pas

Ma faute, en gros.

Elle disait même

Que si ça se trouvait

J’avais tué 11 crapules

Et sauvé autant d’agents Barnes.

Mais aussi,

Pleins de surnaturels.

Je soupirai

Puis souris.

-Tu as raison, je devrais voir les choses comme… comme ça.

Je lui parlai du Dr Soren

Qui m’avait fait faire un tour dans

Mes vies passées.

Et m’avait beaucoup aidé

A en savoir plus sur moi-même.

Apparemment, Paige le connaissait.

-Il est gentil. C’est un surnaturel comme nous… Il sait… Il sait faire de grandes choses.

Puis on parla

De mon rôle

Digérer de méchants anges.

Hey !

Je ne suis pas méchant !

Dieu m’a juste pris en grippe

Parce que je le trouvais incompétent !

Attends, si je comprends bien, il a fait de toi un centre de détention pour anges qui ont fauté d'une façon ou d'une autre et tu es comme... Condamné à les recycler soit en meilleure version d'eux-même, soit en espèces de crottes ??? C'est donc aussi ce que tu essaies de faire avec ce Manakel qui s'en sort mieux que les autres ? Soit en gros tu le digères et leurs résidus te hantes, soit... Ils continuent de vivre en toi pour évoluer vers la bonne direction... Et... Mais...C'est ignoble !!!! Sans vouloir vous offenser euh... Monsieur Manakel...

Je caressai la joue de Paige.

Et y écrasai une larme.

-Ouais c’est à peu près ça. Mais il ne faut pas pleurer… Je sauverai Manakel. Parce que lui n’est pas comme les autres petits monstres.

Il était vrai

Que depuis quelques temps

Le cancer noir de Légion

Semblait avoir stoppé

Sa progression

Chez Manakel.

Moui, merci David.

Peut-être qu’un jour,

Je sortirai de ta tête.

Puis il y avait Légion.

Les gens avaient toujours beaucoup

De questions,

Sur Légion.

Et je n’avais que très peu de réponses

Hormis ce que j’avais vu

Dans ma régression avec le Dr. Soren.

Tu as dit Légion, puis toi, donc si tu es Légion, tu n'es plus David ou bien ?

Je secouai la tête.

-David est Légion et Légion est David. Ce n’est pas comme… comme un dédoublement de personnalité. C’est… compliqué même pour moi.

Oui, mais je pense... Que... Tu peux en apprendre plus sur toi, grâce à tout ça... Enfin, je veux dire, réussir à sortir un peu de positif dans cette sordide histoire. Mais... Il faut passer au-dessus cette sensation d'avoir été utilisé et souillé, n'est-ce pas ?

Je réfléchis un peu.

-Je ne me sens pas souillé… Ni utilisé… C’est juste… C’est juste comme ça… C’est pour moi comme si ça faisait partie de ma maladie… C’est plus rassurant, car je connais la schizophrénie. Puis Syragane m’aide beaucoup à porter mon fardeau. Elle est ma gardienne…

Je rougis.

-Mon amante aussi.

Puis Paige résuma un peu tout ça.

Tu es sans doute un peu de toi et un peu de Légion mélangé ?... Je suis désolée que tu aies à vivre avec le schizophrénie.. et à porter tout ce fardeau. Personne ne devrait avoir à porter ça... Dieu il a... il a "chié dans la colle"

Je rigolai à sa dernière expression.

-Ouais… Mais au moins, comme peu d’humains, je suis sûr de Son existence.

Moui David.

Mais avoue qu’il fait de la merde.

Shhhh…

C’est pour ce genre de réflexion.

Que tu es coincé dans ma tête.

Oui, je sais c’est bon, je me tais.

Je te trouve très courageux, même si tu n'as pas le choix. Et très fort pour réussir à gérer tout ça...Et à faire faire des progrès à un ange...

Je la regardai

Et souris.

-Chacun à son fardeau à… à son niveau… je ne suis pas plus à plaindre qu’un autre… Et puis j’ai de la chance d’avoir trouvé Syragane et les autres… Et toi, ma grande sœur.

Puis elle se fit

En rigolant

La réflexion que si j’étais Légion

Je devais être super vieux

Et que je n’avais pas une ride !

Je rigolai avec elle et la bousculai gentiment.

-Hey ! Je suis pas vieux ! J’ai 38 ans… Je vis plusieurs vies, plusieurs morts… Mais c’est vrai que tant que l’ange en moi n’est pas presque complètement digéré, je vis, et je ne vieillis pas.

Je me levai…

-Bon… il va falloir que j’y aille sinon Syragane va s’inquiéter. Ça a été… un plaisir de parler avec toi…

Je lui fis un clin d’œil.

-Et essaye de faire ce que j’ai… ce que j’ai dit… Lance-toi sur la piste pour le spectacle. Exprime-toi à travers ton art.

Je lui fis signe.

Puis m’éloignai.

Watch the clouds, seize the day

ft. David

J'avais exprimé à haute voix ce que je ressentais pour David et comme j'étais peu habituée dans l'exercice, je l'avais faite toute pleine de pudeur. David m'avait relevé le menton, comme pour m'inviter à ne pas fuir cette émotion. Nous nous considérions l'un l'autre comme frère et sœur, lui qui avait toujours été fils unique, moi qui n'en avait plus qu'un biologiquement parlant mais avec lequel je ne pourrais plus jamais reprendre contact. De toute façon, la famille, ce n'était pas affaire de sang mais de cœur.

A ma façon très maladroite, j'avais essayé de réconforter mon ami, que j'essayais de pousser de l'avant pour ne pas se laisser gangrener par un sentiment de culpabilité pour quelque chose dont il ne pourrait au final jamais être sûr.

Puis David m'avait expliqué le cas Légion, et comment le Dr Johnson l'avait déjà aidé lui aussi, pour lui faire prendre conscience que Dieu s'était joué de lui. Mon petit frère de cœur ajouta que ce très gentil psychologue était un surnaturel comme nous. Je n'avais rien à rajouter à ce sujet, je n'étais même pas surprise puisque j'avais découvert sa nature l'année passée:

-Oh oui, je sais bien. Il est formidable ! Et très charmant. Je me demande parfois comment il va, ce qu'il devient... S'il est heureux...

J'aurais pu rajouter une liste d'adjectif longue comme le bras pour continuer à le décrire mais s'il n'était pas là pour les entendre à quoi bon . De toute façon, on enchaînait sur le rôle de Légion qui était au centre de la discussion parce que je désirais savoir.

Évidemment, face à ce que David avait enduré, face à son sort, les larmes avaient fini par ruisseler sur mon visage. Ces pleurs lui étaient destinées et non pour l'ange, même si j'éprouvais également de la compassion pour ce Manakel qui ma foi semblait faire de son mieux et progresser contre toute attente. C'était l'aspect positif dans la condition de mon ami.  

D'un geste infiniment tendre, il m'apaisa le cœur :

-Je crois en toi ! Si tu penses qu'il y a de l'espoir pour Manakel, alors tu y arriveras.

La confusion s'était mêlée à la conversation, mais rapidement, avec les explications de David, je percevais en quoi leurs natures étaient différentes. Légion faisait autant partie de David que David de Légion comme mon métamorphisme qui était intrinsèque à ma personnalité.

J'avais ensuite essayé de me mettre à la place de David, faisant tout de même bien malgré moi le rapprochement de ce que j'avais vécu avec le fantôme de la déesse. Je voulais comprendre, savoir s'il avait ressenti pareilles choses mais ce n'était pas le cas. Un autre bon point pour mon ami qui acceptait sa condition se raccrochant à sa schizophrénie pour ce faire. Et je trouvais sa façon de prendre et voir les choses très courageuse.

Et il compléta en ajoutant que Syragane lui permettait de louvoyer dans sa mission, si toutefois j'avais bien compris. Il me fit rire à préciser que c'était son amante. Même si je rougis un peu à ce que ce terme impliquait de plus. Je ne sais pas pourquoi il m'avait dit cela. M'étais-je montrée trop tactile en voulant faire preuve de compassion ? Je n'avais aucune vues envers David d'autant plus que mes pensées et mon cœur allaient vers quelqu'un d'autre depuis longtemps déjà.

Enfin, je montrais à David mon indignation, sortant de mes propres habitudes pour exprimer ce que je ressentais. Spontanéité qui eut au moins le don de faire rire.

-Il faut reconnaître que c'est difficile de croire aveuglement en quelqu'un, encore plus quand on ignore tout de lui. Disons que même ceux qui y croient sont sans doute loin de se douter de quel genre de Dieu ils choisissent d'aduler... Enfin, je me suis dit qu'il y avait sûrement quelqu'un là-haut qui tirait les ficelles quand j'ai compris que les anges et les démons existaient pour de vrai.

Je témoignais mon admiration à David, qui l'accueillit avec beaucoup d'humilité et de modestie non simulée.

-C'est vrai. Il n'en est pourtant pas moins à porter et on a le droit de se plaindre, de temps à autre, c'est... Humain..., puis je gloussais finalement encore par pudeur. Oui, c'est vrai que nous avons cette chance d'être bien entourés... Ce n'est peut-être pas le cas pour tous...

Parfois je me demandais s'il ne faudrait justement pas venir en aide aux autres surnaturels qui n'avaient pas cette chance, comme en allant à leur rencontre, ou je ne sais pas, créant une sorte d'association comme c'est le cas pour les enfants en difficultés ou les femmes battues... Enfin, quelque chose de pacifique, comme un centre d'entraînement pour les aider à gérer leurs pouvoirs ou à se maîtriser, à découvrir qui ils sont, ce qu'ils peuvent en faire, etc... Comme une Académie ou bien... Ou bien … N'était-ce pas un peu le rôle que jouait l'Arena, à plus petite échelle ?  Sans le côté connaissance de soi ou académique, encore que je ne connaissais que la facette combat de l'entreprise de Dino... Cela méritait réflexion et questions à poser au principal intéressé.

Mais je me penchais plutôt sur l'humour, pour tenter d'alléger l'atmosphère et la discussion qui avait pris, par ma faute un ton peut-être trop grave, trop sérieux. Et puis si cela pouvait dédramatiser la condition de mon petit frère...

Ce qui nous valu un petit moment complice où je me fis gentiment bousculer en continuant de rire un peu. Et pendant lequel j'appris l'âge véritable de monsieur Edwards :

-C'est vrai, tu es encore très jeune... Je suis plus vieille que toi... Alors, je te souhaite que la rédemption de Manakel ne se fasse pas trop brutalement. Je veux conserver mon petit frère encore un peu avec moi sur Terre... Enfin, pendant de longues années encore.

Mais le temps ne me conserverait pas  indéfiniment, à l'instar de David. Même si j'avais la nette sensation d'avoir rajeunie un peu physiquement et que la montre du temps s'était légèrement ralentie pour moi depuis que j'avais « absorbée » mon ennemie. Je devrais sans doute me mettre en quête d'un artefact permettant de palier à ce problème et ma connaissance de la mythologie nordique et certains rêves de ma vie antérieure m'avaient déjà probablement donné une piste à ce sujet.

Alors que j'allais me confier à ce sujet, David me signala qu'il allait prendre congés. C'était passé bien trop vite. Mais une pause était une pause et je devrais également retourner travailler.

-Je comprends tout à fait... J'avoue que cela m'a fait du bien mais on aura bien d'autres occasions de parler tous les deux de toute façon... Je ne compte pas quitter le parc pour le moment... Alors embrasse Syragane pour moi, s'il te plaît...

J'écoutais la dernière recommandation de David, de me servir du théâtre pour amuser les enfants... Si je ne me voyais pas dans le rôle du clown, me vint l'idée d'un spectacle de marionnettes... Grâce à mon imagination je pourrais bien faire vivre ces petits personnages ce qui serait une forme d'entraînement, certes moins direct que de faire une réelle représentation face à un publique enfantin, mais un bon début... Je conservais le projets en tête, ne sachant pas si j'allais le concrétiser, mais je conservais l'esprit ouvert... Comme pour Byrola...

Je fis un signe de la main à David et lui envoyais un bisous volant  et ramassais mes affaires, mâchouillant le dernier morceau de twizzler avant de me remettre à courir à droite à gauche.