The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

Jusqu’ici et pour mon plus grand soulagement, le monde ne s’était pas écroulé. Pourtant, après cette perturbante nuit d’Halloween et ce qu’on avait appris sur ce qu’annonçait la pluie de sang, c’était mal barré.

Mais non, rien ne se passait… Ou tout du moins, pas des choses qu’on pouvait voir.

Dans ma tête, je me disais toujours que tant que ma famille allait bien, c’était tout ce qui comptait. Et apparemment, Clint était bien parti pour devenir ami avec Edward, ce qui mettrait des bâtons dans les roues tant à Dieu qu’à Satan pour ce qui était de leur putain de prophétie.

Comme le monde tournait toujours aussi rond qu’il le pouvait (si on oubliait la misère, la guerre et la violence habituelles), j’allais travailler en oubliant jamais d’embrasser les deux êtres les plus chers à mes yeux : Sandy et Clint.

Au boulot, à cause de la pluie de sang, j’étais mille fois plus alerte que d’habitude. Ça me rendait un peu grognon et je rigolais moins facilement avec les autres. Pas qu’ils ne m’amusaient pas, mais j’avais vraiment peur de relâcher mon attention et que ça merde quelque part.

Aujourd’hui, un peu fatigué d’être sous tension tout le temps, je m’étais dit que l’endroit encore le plus relax du SPN serait le SPIN. Sous l’eau, ultra-sécurisé, à taper la causette avec les agents de niveau 5 et même avec certaines pauvres créatures enfermées là… Même si je l’avais un peu moins mauvaise depuis que les grandes instances du SPN avaient décidé de faire le tri et avait relâché les surnaturels qui n’avaient fait aucun crime pour faire de la place pour ceux qui étaient vraiment dangereux.

N’empêche qu’ils restaient des êtres vivants et que je les traitais le plus « humainement » possible, à mon petit niveau à moi.

J’avais donc pris, avec les autres agents de niveau 4 qui avaient été sélectionnés pour cette mission de renfort, le jet qui nous menait de New York à l’immense lac Michigan… Je n’aimais pas l’avion… Mais j’aimais vraiment aller en renfort au SPIN. Alors j’étais prêt pour une longue journée : 12 heures, sans compter les trajets.

Une fois dans la salle de briefing, où on discutait un peu tous de tout et de rien même si la pluie de sang revenait quand même épisodiquement dans les conversations, ce ne fut pas le chef de section du jour qui entra pour nous faire taire, mais l’agent Johnson… Une scientifique de niveau 9… la seule représentante du niveau 9 avec l’agent Bolton qui, lui, s’occupait plutôt des unités de terrain.

L’agent Luna Johnson, donc… Mais ce ne fut pas tant sa présence qui nous fit taire et ouvrir des yeux grands comme des soucoupes.

Elle trimballait une gamine avec elle… Petite, habillée tout en noir. Un petit air de sorcière… Sauf que les seules sorcières présentes au SPIN étaient bien calfeutrées derrière des vitres pare-balle et certaines même saucissonnées dans des camisoles de force, comme ce pauvre David l’avait un jour été.

L’agent Johnson se racla la gorge et pris la parole alors qu’on avait tous les yeux rivés sur la gamine.

-Bonjour. Il me faut un volontaire pour faire visiter le SPIN à l’agent et docteur Ravenloft ici présente. Ce volontaire lui expliquera les procédures et vous lui ferez cadeau de votre expérience.

Agent et docteur ???!!! Sérieux ??? Cette fille avait 16 ans à tout casser !

Personne ne se manifesta…

Johnson fit la grimace. Elle prit la liste des agents présent ferma les yeux et fit glisser son doigts sur la feuille avant de s’arrêter et d’ouvrir les yeux.

-Agent Barnes, vous serez mon volontaire chinois.

Je laissai tomber ma tête dans mes bras posés sur la table en soupirant bruyamment pendant que les autres me charriaient…

-Fais chier… Pourquoi c’est moi qui me tape toujours les nouveaux ? Je déteste ça en plus.

Mais j’avais pas le choix… un ordre était un ordre. Je me levai et fis signe à Ravenloft de me suivre. On sortit de la salle de briefing et on prit le couloir en direction de l’ascenseur.

-Bienvenue au SPIN, agent Ravenloft. Moi c’est Frank Barnes… Et je savais pas qu’on recrutait au berceau…

Je grommelai pour moi-même…

-Niveau 8 en plus… Qu’est-ce que vous voulez que j’apprenne à un niveau 8 ?

Elle n’avait pas d’uniforme et elle portait des putains de nattes…

-T’es le genre petit génie ? Le SPN ça doit être un putain de Poudlard pour toi…

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

Six heures d’avion pour finir devant dix-sept paires d’yeux. Immobile, les bras le long du corps, je les dévisage en retour sans ciller. Les visages sont scannés tandis que l’agent Johnson fait les présentations. Ils sont ravis de faire ma connaissance, c’est évident. Ce qui est tout à fait réciproque.

Et lorsqu’un volontaire est demandé pour être mon guide, j’ai la satisfaction de constater le manque de motivation. C’est de bon augure. Au moins, comprennent-ils vite que je suis de très mauvaise compagnie. Mais le malheur veut qu’un agent parmi eux me fasse visiter les lieux et la femme à mes côtés finit par tirer au sort.

Frank Barnes.

Homme blanc, la quarantaine passé, brun et d’origine du Texas si je me réfère à son accent. Je note la présence d’un appareil auditif à son oreille.

Je lui emboite le pas.

– Agent Barnes, fais-je l’effort de saluer.

Mais bien vite, il me rappelle à quel point autrui est une incommodité affligeante. Il n’est pas le premier à me faire une remarque sur mon âge. Le manque d’originalité est tout aussi consternant chez l'espèce humaine en général.

– Certainement pour compenser l’âge de certains agents ici.

Ma voix est laconique et mes iris fixent l'ascenseur devant nous. Moi aussi, je peux manquer d’originalité.

Mon guide bafouille dans sa barbe. Pendant ce temps, j’enregistre mes points de repère. Plus vite mon autonomie est gagnée, plus vite je serais débarrassée de mon volontaire Chinois.

Une nouvelle réflexion pleine de finesse sort d’ailleurs de sa bouche. Dommage qu’il ne soit pas muet en plus d’être malentendant. La visite aurait gagné en confort.

– Merci pour vos traits d’humour, agent Barnes, je me sens désormais parfaitement accueilli, inutile donc de poursuivre vos efforts. Si mon QI et mon âge vous préoccupent tant, allez donc en référer à qui de droit. En attendant, peut-être pourriez-vous vous rendre utile en commençant par m’expliquer où nous nous rendons.  

Il a un travail à faire, qu’il l'exécute. Je ne suis pas là pour faire la conversation, ou tout du moins, pour entretenir une bonne conversation. Seuls m'intéressent les laboratoires et les détenus surnaturels présents dans ce magnifique et ingénieux tombeau aquatique.  

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

En traversant le couloir qui nous mènerait tout doucement au cœur du SPIN et même jusqu’au fond du SPIN, je fais les présentations à ma façon. J’avais pour (sale ?) habitude de dire les choses comme je les pensais, sans vraiment me soucier de si ça pouvait blesser les gens. Pourtant, j’étais un gentil, mais il y avait des choses que je n’aimais pas faire… Et parmi celles-ci, l’accueil des nouveaux, surtout quand ils étaient jeune, était en pole position.

Mais j’avais pas vraiment le choix…

Je découvris très vite que la jeune fille avait du répondant quand j’évoquai son âge… Je ricanai quand elle affirma que sa jeunesse compensait l’âge de certains ici. Ouais, elle venait de me traiter de vieux. En même temps, à son âge, les gens de quarante ans me paraissaient être des ancêtres aussi.

-Bien répliqué, Ravenloft… Mais bon, il faut bien que les petits jeunes comme vous payent nos pensions.

Ravenloft regardait droit devant elle, sans aucune émotion sur le visage. J’avais l’impression de me trimballer une petite poupée de cire.

Et en mon for intérieur, je me demandais bien ce que j’allais pouvoir apprendre à cette fille, en dehors de la disposition et des procédures du SPIN. Parce qu’elle était niveau 8 et qu’on avait pas le même travail et pas les mêmes fonctions…

Je me demandais pourquoi l’agent Johnson n’avait pas fait cette visite elle-même… Sérieusement…

Bref, histoire de faire la conversation, j’essayai de connaître le ressenti de la fille sur son engagements au SPIN…

Et je me fis rabrouer en beauté…

Je rejetai ma tête en arrière.

-Putain je croirais entendre E-SAK.

Prions le Seigneur pour que ces deux-là ne se rencontrent jamais. Ils risqueraient de faire des petits et ce serait la fin du monde prédite par Sandy.

Je levai les deux mains en signe d’apaisement.

-C’était juste pour faire la conversation. Mais j’ai compris, pas de questions personnelles, c’est noté…

Je passai mon badge devant un scanner numérique et l’ascenseur s’ouvrit…

-Cette visite va être d’un chiant…

Je montrai mon badge à Ravenloft.

-Alors voilà, ça, gamine, c’est le putain de Saint Graal… C’est ce qui te permet de voyager et ouvrir les différentes portes du SPIN. Je suppose qu’ils t’en fourniront un… Au départ, l’histoire veut que les portes s’ouvraient avec un code à quatre chiffres… Mais ils se sont vite rendu compte qu’avec les télépathes qui pouvaient avoir le code en un claquement de doigt en fouillant dans la tête des agents, c’était trop dangereux.

L’ascenseur termina sa course et s’ouvrit sur le niveau -1.

-Bienvenue au -1… ou au 1, c’est pareil. C’est le niveau qui est le plus près de la surface de l’eau. C’est là qu’on enferme les surnaturels qui ont des pouvoirs relativement faibles et ont commis des vols ou des dégâts matériels avec… Soit par pure méchanceté, soit parce qu’ils ne contrôlent pas leurs pouvoirs.

Je m’arrêtai devant un plan du niveau, juste près de la porte qui nous ferait entrer dans le couloir où se trouvaient les cellules.

-Tout les niveaux sont disposés comme sur ce plan. Toi, en tant que niveau 8, si tu viens faire des recherches au SPIN, tu seras surtout en salle d’interrogatoire ou en salle de test…

Je me tournai vers la jeune fille.

-Des questions, jusqu’ici ? Avant que je te présente nos premiers pensionnaires ?

Spoiler:

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

En plus des commentaires intempestifs, le ricanement de l’agent Barnes est irritant. Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, ni les raisons de ses félicitations. Il m’est nettement plus facile de comprendre les morts plutôt que les individus au cœur et au cerveau encore fonctionnels. Bien que souvent, je me demande si l’on peut vraiment parler de cerveau fonctionnel.

Le soldat, lui, semble faire une fixation sur ma taille. Rien de vraiment surprenant. Seulement, je ne suis pas là pour subir le maigre réseau neuronal de mon volontaire Chinois et je préfère être clair quant à mes attentes vis-à-vis de son rôle aujourd’hui.

Il fait alors mention d’un E-SAK. Manifestement, je lui ressemble, mais l’agent Barnes finit par abdiquer en ce qui concerne ses interrogations déplacées. Je le toise.

– Je ne suis pas très conversation.

Un badge vient bientôt déverrouiller les deux portes d’acier devant nous. J’ignore la plainte de mon guide. Qu’il soit rassuré, j’apprécie tout autant sa compagnie qu’il apprécie la mienne.

Le badge est bientôt porté à mes yeux.

– Ne m’appelez pas gamine, répliqué-je, tout en détaillant la carte.  

L’agent Barnes a donc 46 ans comme je peux le voir à son numéro de série.

Les informations données, elles, sont enregistrées, au contraire des grossièretés. Le SPIN a visiblement expérimenté quelques brèches de sécurité. Il ne s’agit pas là de bug informatique, mais plutôt de défaillance en ce qui concerne les capacités télépathiques de certains résidents. Je suis curieuse de constater ces fameux pouvoirs que possèdent les dits surnaturels.

Pendant ce temps, l'ascenseur nous mène au - 1.

Mon regard parcourt ce nouvel environnement tandis que l’agent Barnes donne des explications. Une autre porte blindée se dévoile et l'allée où nous sommes se poursuit de part et d'autre de nous.

Un instant, nous nous arrêtons devant un plan.  

– En cas de faille de sécurité, que se passe-t-il exactement ? Quand a eu lieu la dernière ? Et combien de pensionnaires sont présents actuellement ?

Je m’arrête à ces trois questions que je juge accessibles au soldat en face de moi. Du reste, si tous les étages sont similaires, il ne sera pas compliqué de me repérer.

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

Elle était pas très conversation ? C’était quoi ça ? Ce qu’on appelle un putain d’euphémisme ou un truc comme ça. Mais bon, je compris bien vite, et le mentionnai d’ailleurs tout haut, qu’on en tirerait pas plus de sympathie qu’on en tirait d’E-SAK…

Je me contentai donc d’ouvrir les portes avant de lui montrer mon badge magnétique qui permettait d’ouvrir les portes. Elle le regarda attentivement, comme si elle décodait et enregistrait tout d’un coup.

Elle protesta parce qu’elle ne voulait pas que je l’appelle « gamine »… Je lui souris.

-Je t’appellerai comme je veux. Je suis ici depuis 2006 et à cette époque, t’étais sûrement même pas à l’état d’idée.

Je la regardai dans ses yeux noirs.

-Niveau 8 ou pas, tu dois respecter les anciens. C’est la règle d’or si tu veux être respectée des agents de terrain comme moi. Je sais pas comment ça se passe entre niveau 8 et tout, mais avec nous, c’est comme ça. Si tu nous prends de haut, on te fera vivre un véritable enfer. D’autant plus que t’es très jeune.

Bon, après ces explications, on descendit au -1 et je lui expliquai le plan. Elle m’écouta comme on m’avait jamais écouté avant. Et ça, c’était plutôt gratifiant fallait dire… Encore une fois, elle semblait tout absorber… Mais son regard et son visage était toujours aussi expressifs que ceux d’un merlan crevé.

Quand je terminai mes explications, j’allais scanner le badge pour entrer dans le couloir des cellules quand elle ouvrit la bouche pour me poser un tas de questions !

Je la regardai avec de grands yeux.

-Heu… je suis niveau 4 moi, je sais pas tout. On me cache un tas de trucs parce que la politique SPN est basée sur le cloisonnement des informations.

Je haussai les épaules.

-Alors j’en sais rien moi, de combien ils sont enfermés ici…

Puis je me frottai le menton, réfléchissant.

-Pour ce qui est des failles de sécurité… Et ben on a longtemps cru que le SPIN était imprenable. Mais ces dernières années, les surnaturels ont rivalisé d’imagination…

Scarlet et Bobby Sands avaient utilisé des portails… Alberich Niflheim avait persuadé Pierce de le transférer ailleurs et avait profité du voyage pour s’enfuir… David s’était tout simplement téléporté malgré les doses de sérum SV qu’on lui injectait.

-Le truc c’est que les grands pontes du SPN ont pensé que la menace viendrait automatiquement de l’intérieur. Donc les surnaturels qui ont, par exemple, un pouvoir de téléportation sont mis sous sérum SV, un truc qui les prive de leurs pouvoirs.

Je pinçai les lèvres.

-Sauf que finalement, la menace est venue de l’extérieur… la dernière évasion a eu lieu en…

Je réfléchis une seconde.

-…2018… Si je me rappelle bien.

Quant à ce qu’il se passait quand ça arrivait…

-Quand ça arrive… on fait ce qu’on peut, mais nous, les petits agents ultra remplaçables, on devient assez vite de la chair à canon.

Je scannai mon badge et on accéda au couloir des cellules…

-Voici nos amis du niveau 1 ! Salut les gars !

Un loup garou nommé Danny s’approcha de sa vitre blindée.

-Oh Agent Barnes ! Tu as pensé à moi ?

Je m’approchai en souriant…

-Bien sûr Danny… Tiens, regarde…

Je sortis d’une des pochettes de mon pare-balle une petite boîte… un échantillon de croquettes pour chien que je fis passer dans son petit sas. Il le prit puis regarda Ravenloft.

-Une sorcière pour le niveau 1 ?

Je secouai la tête en rigolant.

-Non… Celle-ci fait partie des nôtres… Même si t’as raison, elle a l’air d’une sorcière. C’est l’agent Ravenloft, niveau 8.

Danny la toisa, enfournant une croquette dans sa bouche.

-C’est une gamine.

Je rigolai.

-Je sais mais elle ne veut pas l’admettre.

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

Que cet homme soit prompt à me juger, soit, c’est un soldat comme un autre. M’est avis qu’il aura connu des situations qui lui ont demandé une décision rapide, basée sur une intuition. Maintenant, nous ne sommes pas sur un champ de bataille et je ne suis certainement pas l’ennemi. Bien au contraire.

Et il y a des limites à ne pas dépasser. Ce que ne semble pas comprendre l’agent Barnes.

- Vous attendez donc du respect en étant irrespectueux, agent Barnes ? La logique est imparable, veuillez m’excuser pour ma lacune passagère. Cependant, je suis une adulte et, de surcroît, une collègue de travail, alors oui, je me sens insultée avec votre "gamine". Vous avez tous les droits de ne pas m'apprécier, mais veillez, à minima, de rester professionnel.

Sans doute devrais-je mettre plus d’émotions dans ma voix et mes traits, mais parler autant me demande beaucoup trop d’effort. De plus, quelque chose me dit que je me fatigue pour rien. Et je n’aime pas dépenser mon énergie en vain. Quant à ces menaces, je m’en badigeonne les ovaires avec le pinceau de l’indifférence.

Et cela tombe bien puisque nous arrivons à un nouvel étage après quelques explications sur le fonctionnement du SPIN.

Un panneau d’affichage attire notre attention. À nouveau, chaque information trouve sa place dans mon palais mental. Puis, l’occasion de poser des questions se présentant, j’en soumets donc trois.

Le cloisonnement des informations.

Très bien, je prends note. C’est une stratégie comme une autre, à fortiori pertinente s’il y a des télépathes. Aussi, mon guide n’a aucune idée du nombre de surnaturels résidant ici. Pour ce qui est des procédures en cas d’imprévu, elles ne paraissent pas exister selon Frank Barnes. Le problème étant que les attaques provenant de l’extérieur n’ont pas été envisagées.

Visiblement, le secret de l’emplacement de ce lieu est déjà en partie mort.

La brèche remonte ainsi à 4 ans. Détail intéressant, la mention de ce SV qui neutralise les pouvoirs. Mais pas complètement puisqu’il peut y avoir, là aussi, des failles par télépathie. J’en déduis que les effets de ce sérum ne sont pas permanents. Quelque chose à améliorer. Surtout si lorsqu’un combat contre des créatures s’engage, cela tourne au bain de sang.

La porte blindée est alors déverrouillée.

22 cellules se révèlent dont 14 sont vitrées.

En tant qu’ancienne légiste de la police new-yorkaise, la prison n’est pas un lieu qui m’est inconnu. Néanmoins, celle-ci est tout de même différente. Tout y est renforcé, spacieux, plus propre aussi et aucune des portes n’est pourvue de serrures.

Je m’avance, l’agent Barnes saluant les fameux pensionnaires avec qui il paraît bien s’entendre. Comme avec ce Danny. Et mes sourcils se froncent au geste que je surprends.

- Bonjour Danny.

Puis je me tourne vers le soldat.

- Que lui avez-vous donné ?

Mais bien mal m’en prend de poser une autre question puisque à nouveau, mon volontaire Chinois se fait désobligeant. Le prisonnier, lui, a cru à une sorcière en m'apercevant. Mon regard fixe les traits de ce dernier pour ignorer la dernière réplique de l’agent Barnes qui ne m'est, de toute façon, pas adressée.

- Je ne suis pas une sorcière, mais un docteur, et vous ?

Inutile de préciser ma spécialité, cela a tendance à refroidir mes interlocuteurs.

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

La petite aimait pas qu’on l’appelle « gamine »… Pourtant c’était bien ce qu’elle était, par rapport à moi… Elle me donna sa petite dissertation sur la chose comme quoi je ne devais pas m’attendre à du respect sans en donner en retour…

Je soupirai…

-Putain, on voit que t’as pas fait l’armée…

C’était d’ailleurs bien dommage qu’on ne remette pas le service militaire obligatoire… Pour les garçons ET pour les filles. Ça leur ferait les pieds un peu et Ravenloft oserait jamais me répondre comme ça, avec ses grands airs et ses grands mots.

-A l’armée, quand t’arrives, les chefs te traitent comme une sous-merde et t’as juste à dire « Oui, chef ! ». Mais avec le temps, même s’ils ont toujours des mots durs pour toi, tu comprends que ces gars-là en ont vu d’autres et tu te mets à les respecter pour ça. Parce que c’est eux qui feront de toi un homme.

Je haussai les épaules.

-Et le respect mutuel vient naturellement, avec le temps. Et au fur et à mesure que tu fais tes preuves.

Je regardai Ravenloft dans les yeux.

-Toi, t’as encore rien fait, à part me regarder avec tes yeux de merlan frit.

Alors ce serait « gamine », jusqu’à ce que je me sois habitué à sa petite tête d’émo-goth ou dès qu’elle m’aura montré qu’elle est digne de confiance. Bien qu’il y ait peu de chance, étant donné la différence de niveaux, qu’on se croise régulièrement…

Mais bon, qui sait ce que l’avenir nous réservait.

Par contre, y avait pas à dire, cette petite avait de la suite dans les idées et posait de très bonnes questions… Ça me confortait dans l’idée qu’elle était un petit génie mais un petit génie qui écoutait quand même et qui voulait bien apprendre, même si ça venait d’un gars de niveau inférieur. Bon, je savais évidemment pas répondre à tout mais…

J’interprétais son silence songeur comme de la satisfaction par rapport aux réponses que je lui donnais.

On entra dans le vif du sujet en pénétrant dans le premier réseau cellulaire du SPIN… Je pensais que commencer par les surnaturels les plus « faibles » et les moins dangereux serait un bon début… A chaque niveau, il y avait des surnaturels avec lesquels je m’entendais bien malgré leurs crimes. Après tout, pourquoi les maltraiter puisqu’ils ne sortiraient (normalement) jamais d’ici.

Danny était loin d’être le plus méchant d’entre eux. Et je fus surpris que la jeune fille qui m’accompagnait salue le loup garou… Elle ne releva plus le fait qu’on le traite de gamine encore une fois mais s’étonna de ce que j’avais donné à Danny et se montra curieuse…

Danny sourit et s’envoya une nouvelle croquette qui lui craqua sous la dent.

-C’est un échantillon de croquettes pour chien. Danny bouffe ça comme nous on bouffe des bonbons. Ils donnent des échantillons à l’épicerie où ma femme va faire les courses pour l’instant. Et moi, j’ai pas de chien, juste un chat qui s’appelle Rocket… Et du coup, j’ai dit à ma Sandy de garder quand même les échantillons pour Danny.

Danny grogna.

-L’agent Barnes est mon petit rayon de soleil.

Je rigolai.

-Oh arrête ! Tu vas me faire rougir.

De son côté, Ravenloft précisa qu’elle n’était en effet pas une sorcière, mais bien un docteur. Danny leva un sourcil.

-Un docteur du genre le Dr. Wood ? Ou plutôt genre Agent Johnson ?

Je souris à Ravenloft.

-En gros, il te demande si tu es un docteur qui est là pour prendre soin d’eux, comme le Dr. Wood que tu croiseras sûrement… Ou si tu es là pour faire des putains d’expériences sur eux, plutôt comme l’agent Johnson qui en a un peu rien à foutre du bien-être des surnaturels.

La réponse m’intéressait aussi.

Puis Danny continua.

-Moi, je suis un loup garou… Je suis ici parce que ma première transformation a eu lieu dans un magasin de nuit et que j’ai fait des dégâts. Le SPN, je les ai jamais vus venir. Je venais à peine d’apprendre que j’étais un loup que je me faisais choper.

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

L’agent Frank Barnes est malentendant au sens propre comme au sens figuré. Son cadre de référence est obsolète et illégitime, ce dont il ne semble pas prendre conscience. En somme, un raisonnement erroné. Si l’armée lui manque, il n’a qu’à y retourner.

- Vous m’en voyez désolée de n’être ni un soldat ni votre subalterne. Il faut croire que je ne serais jamais un homme, un vrai.

L’absence de déception sur mes traits reflète toute la considération que j’ai pour son envie de jouer le petit chef tyrannique. Du reste, il n’a qu’à demander une promotion à son supérieur direct.

En attendant, il est nettement plus intéressant d’en apprendre davantage sur ce nouvel environnement. Le temps de prendre l'ascenseur et d’accéder au premier niveau, mon guide se fait plus instructif, bien que le cloisonnement des informations limite ses propres connaissances.

Et enfin, nous pénétrons la première zone où les surnaturels sont gardés captifs.

L’agent Frank Barnes semble y avoir ses habitudes, de même qu’un certain Danny. Les deux s’entendent d’ailleurs plutôt bien, si j’en crois leur échange. Le soldat va même jusqu’à fournir des croquettes à ce dernier.

Des croquettes…

Cela me laisse perplexe. Surtout face à un être humanoïde qui est bien loin d’inspirer l’animal domestique. Mais il me faut sans doute réévaluer les normes en ce qui concernent ces non-humains. Les apparences sont trompeuses. Comme la mienne aux yeux de Danny. J’en profite donc pour rétablir les faits, je ne suis pas une sorcière, mais bien un docteur. Une précision qui entraîne une question, en plus d’une traduction aux propos du loup-garou.

- Je ne suis pas un docteur comme l’agent Wood ou comme l’agent Johnson. Ma spécialité est celle de m’occuper des cadavres. Je suis légiste.

Cependant, je note qu’il serait enrichissant de rencontrer les deux agents mentionnés. Mais tout cela est mis de côté afin de me concentrer sur la créature en face de moi.

- La présence de la pleine lune vous oblige à vous transformer, c’est bien ça ? De quels genres de dégâts parlez-vous lors de cette nuit ? Vous en souvenez-vous ?

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

D’un air légèrement sarcastique (autant que le panel restreint d’émotions le permettait à la gamine), Ravenloft se dit désolée de ne pas être un soldat et encore moins un homme. Je secouai la tête.

-C’est pas grave. T’es niveau 8, t’es pas sur le même genre de missions que nous. Parce que les femmes sur le terrain, non merci, ça fait que foutre la merde.

Je haussai les épaules.

-Par contre, au niveau 8, il y a plus de femmes. Et tu devrais facilement t’intégrer : ils se prennent pas pour de la merde à ce niveau. Et rassure-toi, cette rencontre entre nous sera probablement la seule sur tout ce qu’il me reste de carrière.

J’étais totalement contre les femmes du niveau 1 au niveau 7 inclus… J’étais un peu vieux-jeu et je le savais. Mais je savais aussi d’expérience que les femmes étaient vraiment pas faites pour des missions de soldat. Oh il y en avait bien quelques-unes au niveau 4, mais je les fuyais comme la peste.

Bref, tout ça pour continuer la visite, puisque c’était ma mission du jour. Et même si la petite n’attirait pas vraiment la sympathie, je faisais ça avec le cœur. Bon après, j’avais ma façon de parler et de voir les choses, qui pouvait paraître un peu brute de décoffrage pour une fille comme Ravenloft.

Mais tout ce que je disais, je le pensais. Je ne savais pas mentir, c’était simple.

Au niveau -1, Ravenloft fit la connaissance de Danny le loup garou.

On discuta un peu, on répondit aux questions de la gamine, mais Danny eut aussi une question pour elle. Il voulait savoir quel type de médecin elle était pour pouvoir se faire une idée… Savoir s’il devait s’en méfier ou pas.

Et ça m’intéressait de savoir aussi.

Ravenloft répondit alors qu’elle n’était ni comme le Docteur Wood, ni comme l’agent Johnson. Elle s’occupait des morts parce qu’elle était légiste…

J’eus un petit rire.

-Pourquoi ça ne m’étonne pas.

Danny, lui, la toisait comme s’il ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

-Alors ce sera toi qui t’occuperas de me disséquer quand je serai mort…

Je fis la moue.

-Il y a de grandes chances, Danny… Vu son âge, elle nous survivra à tous les deux.

Ravenloft s’intéressait vraiment au surnaturel et avait encore des questions.

Danny, lui, qui avait pas spécialement l’occasion de parler avec d’autres gens que moi ou le surnaturel des cellules d’en face et à côté de la sienne répondit docilement.

-Ouais, je me transforme à la pleine lune, que je la vois ou pas. Et je me rappelle pas vraiment des dégâts que j’ai fait… On m’a raconté par après, quand je suis arrivé ici… J’ai paniqué et j’ai tout cassé à l’intérieur du magasin. Le tenancier a été légèrement blessé mais je n’ai jamais voulu ça.

Il haussa les épaules.

Moi, je me tournai vers Ravenloft.

-Bon, on va continuer. Merci Danny.

Je guidai à nouveau Ravenloft hors du complexe cellulaire, sauf qu’on ne pris pas l’ascenseur, mais bien les escaliers. A un moment donné, je la retins en lui pressant doucement l’épaule.

-Hey… Stop. On s’arrête.

Je m’assis sur les marches de l’escalier et sortis mon paquet de clopes. Je m’en allumai une.

-Pause clope. Après, on prendra l’ascenseur jusqu’au -5… Parce que sinon, tous les niveaux sont comme le niveau 1 que tu viens de voir.

Je la regardai, curieux, tout en tirant sur ma cigarette.

-Alors ton truc, c’est les morts ? T’aimes pas beaucoup les gens, hein ?

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

De son discours dégoulinant de splendeur patriarcale, je ne retiens que l’essentiel : après cette visite, nous ne nous recroiserons plus. Voilà qui est parfait. Il est certain que l’agent Frank Barnes et moi n’avons pas les mêmes fonctions et encore moins les mêmes capacités.

Enfin d’accord sur notre mésentente, nous pouvons passer au motif même de ma présence ici. Mon guide prend donc les devants. Il a l’avantage de pouvoir faire la conversation pour deux et je n’ai pas besoin de trop prendre la parole. Et si les explications se font parfois maladroites, je comprends qu’il me faudra m'adresser à quelqu’un d’autre pour éclaircir certains points.  

Nous rejoignons ensuite la zone carcérale de l’étage et bientôt, un deuxième interlocuteur vient nourrir mes interrogations. Danny, un loup-garou domestiqué par des croquettes. À l’observer à travers le double vitrage, il me paraît presque inoffensif. Lui et l’agent Frank Barnes ont, à l’évidence, sympathisé. Contrairement à moi qui viens tout juste d’arriver, aussi, je ne manque pas de le détromper quant à sa déduction sur ma nature. La mienne est parfaitement humaine et si je suis ici, c’est en tant que docteur.

La précision de ma spécialité fait rire le soldat. Danny demeure perplexe.

- Il est fort probable que ce soit moi qui sois en charge de votre autopsie si vous êtes amené à mourir, confirmé-je, suite aux propos de l’agent à mes côtés.

Mais s’attarder sur l’évidence est superflu, de fait, je me penche sur le cas du loup-garou en face de moi. Malheureusement, sa première transformation ne lui a laissé que bien peu de souvenirs. En revanche, fait notable, si la présence de la pleine lune l’a poussé à prendre sa forme bestiale, ce n’est pas la lumière de l’astre qui est en cause. Non, c’est autre chose.

Intéressant.

- Avez-vous une idée d'un l’événement antérieur qui aurait conduit à ce que vous deveniez un loup-garou ?

Mes cent milliards de neurones s’activent, stimulés par les nouveaux éléments qui me sont soumis. J’en oublie un instant la visite, mais c’est sans compter sur mon guide qui souhaite poursuivre l’excursion.

La frustration crispe ma mâchoire.

Toutefois, je finis par ronger mon frein pour remercier à mon tour Danny et suivre l’agent Frank Barnes. Après tout, plus vite nous en aurions terminé, plus nous n’aurions plus besoin de supporter la présence de l'autre.

Seulement, lorsque je vois le soldat prendre les escaliers, mon front se plisse. Parce que nous esquivons les deux salles d’interrogatoires, l’infirmerie, la salle des tests et la régie. Je ne peux pas croire que hormis les cellules, tout soit inaccessible à l’agent de niveau 4.  

L’odeur de la cigarette envahit bientôt le palier où mon guide a décidé de faire une pause. Mes sourcils se froncent. Il m’indique que nous allons sauter plusieurs étages pour directement nous rendre au dernier.

L’agent Frank Barnes m’interroge alors sur mon niveau de sociabilité.

- Exact.

Debout, sans bouger, j’attends qu’il épuise sa cigarette.

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

Avec une froideur totale, la jeune fille confirma que ce serait bien elle qui découperait mon ami surnaturel en morceaux une fois qu’il aurait trouvé la mort entre les murs épais du SPIN. Je fis la grimace rien qu’à l’idée. Je l’imaginais déjà prendre tellement son pied avec des boyaux qu’un sourire étirerait ses lèvres alors que rien d’autre n’aurait pu lui faire avoir cette maigre expression.

Juste avant qu’on ne passe à autre chose, elle eut encore une question pour Danny, sur l’origine de son pouvoir de loup… Mais Danny répondit simplement par un hochement négatif de la tête impuissant. Il n’avait aucune idée de comment il était devenu un loup. Il n’avait aucun souvenir de morsure…

-Les scientifique du SPIN pensent que Danny a probablement des membres de sa famille atteints de lycanthropie.

C’était ce que Danny lui-même m’avait raconté lors d’un autre long shift au SPIN.

On laissa le loup pour prendre l’escalier où je m’arrêtai pour fumer une cigarette. Et elle pouvait froncer le nez autant qu’elle voulait, la gamine, j’avais besoin de mes clopes.

Assis sur les marches de béton, je devais lever la tête pour la regarder. Et je tentai une nouvelle fois de faire la conversation en parlant de son domaine. Je pensais que la lancer là-dessus la rendrait plus loquace, comme quand on lance William sur la robotique ou autres technologies et qu’il en rate pas une pour se vanter.

Mais en réponse, j’eus juste un « Exact. »

Je soupirai, crachant une bouffée de fumée en même temps.

-Tu sais, je connais un jeune gars qui est un peu comme toi. Très doué dans son domaine mais qui déteste les gens. Je trouve ça triste… Etre si jeune et vivre une vie solitaire. C’est dommage.

Je haussai les épaules.

-J’étais solitaire aussi, avant. Dans l’armée, j’étais sniper donc j’étais souvent tout seul lors des missions. Et encore aujourd’hui, j’aime travailler seul si on excepte quelques agents que j’aime bien. Mais je m’améliore, depuis que j’ai rencontré ma femme.

Je réalisai, alors que ma cigarette se terminait, que je n’avais pas montré les salles d’interrogatoire, l’infirmerie et la salle de test à Ravenloft. Mais ce n’était pas grave. Il y avait les mêmes au niveau 5.

Je me levai, balançai mon mégot à terre, là où il y en avait d’autres qui témoignaient que ce n’était pas la première fois que je venais fumer ici.

-Viens, on va voir le niveau 5.

On finit de descendre cet étage par l’escalier puis on reprit l’ascenseur… Le niveau -5 était pareil au niveau -1, sauf que les cellules étaient encore plus sécurisées et qu’il y avait un dispositif, ressemblant à des bonbonnes d’oxygène, relié à chacune des cellules.

La grande différence aussi, par rapport au niveau 1, c’était qu’il n’y avait aucun surnaturel enfermé à cet étage.

Pour l’instant.

-Voici le niveau 5… Le plus haut niveau de sécurité est déployé ici. Les bonbonnes que tu vois permettent, si besoin est, de gazer les surnaturels enfermés au sérum SV pour les priver de leurs pouvoirs.

Je haussai les épaules.

-Ce niveau est prévu pour les surnaturels qui représentent une menace au niveau mondial. Jusqu’ici, je n’en connais qu’un qui est classé à ce niveau et il est toujours activement recherché.

Je ricanai puis dit comme pour moi-même.

-Même si… notre belle planète est toujours là… S’il avait voulu la faire péter, ce serait fait depuis longtemps.

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

Donc la lycanthropie de Danny est de nature génétique, mais l’allèle en question est, semble-t-il, récessif, ce qui expliquerait aussi pourquoi le surnaturel a été surpris par sa transformation. Le gène, a-t-il été identifié ? Il me faudra investiguer auprès de l’agent Wood et l’agent Johnson. Si c’est le cas, il pourrait y avoir moyen de réduire le nombre de naissances de cette espèce en passant par les hôpitaux. De la même manière que la Trisomie, un avertissement serait donné aux femmes souhaitant un enfant. Il ne s’agirait pas de leur dire la vérité, bien sûr, mais simplement de notifier la probabilité que la potentielle progéniture développe une anomalie chromosomique. Si une campagne de désinformation est acceptable pour le directeur du SPN, cela demeure envisageable.

Mais tout cela n’est qu’un embryon d’hypothèse.

Tout comme il me faudra me pencher sur l’effet de la lune.

Mes réflexions sont alors mises de côté lorsque l’agent Frank Barnes coupe court à l’échange pour se diriger vers un escalier. Un escalier bien peu entretenu avec ces mégots entassés dans un coin. Un constat qui me fait bien plus grimacer que l’odeur de la cigarette.

Donc j’attends.

Seulement mon guide n’est pas du genre à apprécier le silence. Pire, il le comble en me confiant des détails de sa vie que je n’ai aucune envie de connaître. Des informations qui vont prendre une place inutile dans les ramifications de mon cerveau.





Prénom : Frank
Nom : Barnes
Âge : 46 ans
Sexe : homme
Orientation sexuelle : hétérosexuelle

Métier: agent de niveau 4 au SPN depuis 2006, matricule SPN04250576
Particularité : porte un appareil auditif/Ayant fait partie de l’armée US (sniper)/Misogyne /Fumeur
Mot préféré : “putain”

Statut : marié à Sandy Barnes
Animaux : un chat du nom de Rocket, mais pas de chien.




Que vais-je faire de tous ces renseignements ?

- Est-ce que vous sous-entendez que je devrais rencontrer votre femme ?

Mon sourcil se hausse en une note d’humour.

Le tabac enfin consumé, la pause prend fin pour rejoindre le dernier niveau. Celui le plus sécurisé du bâtiment. En même temps que mon volontaire Chinois me renseigne, mon regard se promène pour considérer l’équipement mis en place.

Sans me détourner de ma contemplation, j’écoute avant de m'interroger sur certains éléments.

- Le sérum SV, est-il inoffensif pour l'humain ? Pouvez-vous m’en dire plus sur ce surnaturel ?

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

Je jouais un peu les Sandy là… C’était pour elle que j’essayais de faire la conversation, de connaître un peu mieux Ravenloft : pour me faire une idée un peu moins abrupte que ma première impression. Mais rien n’y faisait. Apparemment, j’étais trop fort pour me faire une idée sur les gens sans compter que dans le cas de la jeune émo-goth, c’était super facile.

C’était E-SAK, en petit, en tout noir et en fille.

Cela dit, je fus surpris de voir un de ses sourcils se lever, peut-être la première vraie expression qu’elle me laissait voir. Une touche d’humour.

Et sa question me fit rigoler.

-Oh non, sûrement pas. Sandy risquerait de te prendre pour un petit démon.

Et la remballerait tout droit en Enfer avec son sabre-laser angélique.

A moins qu’elle ne trouve du bien en Ravenloft, comme elle savait si bien le faire… En fait, ce n’était pas que la petite était mauvaise… Elle était juste… Neutre… Et bizarre. C’était peut-être la seule chose qui la différenciait d’E-SAK qui, lui, pouvait être vraiment méchant et aller jusqu’à tuer parce qu’il n’aimait pas quelqu’un.

Bon. Fin de la clope. Fin de la pause.

J’emmenai donc l’agent Ravenloft au niveau -5 et j’eus de nouveau toute son attention et les questions ne tardèrent pas à fuser.

Elle se demandait si le sérum SV était inoffensif pour l’humain… Je frottai mon menton.

-Heu… j’en ai aucune idée… On ne l’a jamais essayé sur moi et je n’ai jamais entendu parler qu’on l’ait essayé sur un humain. Faudra que tu gardes ta question pour Johnson…

Elle voulut en savoir un peu plus sur David qui était le seul surnaturel actuellement classé comme surnaturel de menace 5… Je pinçai les lèvres… Elle aurait accès au dossier de David dans les fichiers des niveau 8, qui étaient certainement bien plus fournis que le dossier du niveau 4. Mais j’en savais beaucoup plus sur David que n’importe quel dossier.

Je choisis donc soigneusement les informations que je donnai.

-Il se nomme David Edwards. Il est resté longtemps ici, enfermé au niveau 4. C’est un télépathe très puissant. Il s’est évadé en se téléportant, échappant du même coup à une euthanasie imminente…

Je haussai les épaules.

-D’après le SPN, ce qui le rend dangereux, c’est sa schizophrénie. Aujourd’hui, il est recherché et si besoin est, on nous autorise à l’abattre.

Je disais tout ça sur un ton réprobateur. Je ne faisais que citer le dossier, mais je me détestais pour ce que je disais.

-Bref, viens par ici.

J’ouvris une première porte après avoir parcouru un couloir.

La porte s’ouvrit sur une table et deux chaises vissées au sol, avec des anneaux pour enchaîner un surnaturel si besoin était. Il y avait aussi plusieurs caméras et des micros pour enregistrer les interrogatoires.

-Ça c’est la salle d’interrogatoire. Rien d’impressionnant en somme.

J’allais un peu plus loin, à grands pas et ouvris une seconde porte qui donnait sur une salle capitonnée où une vitre sans teint et blindée donnait sur une régie où il y avait plein de boutons en tous genres. Ici aussi, il y avait pleins de micros et de caméras.

-Ça, c’est la salle de test. Comme tu es légiste, je ne sais pas si tu en auras l’usage, mais bon. Les scientifiques comme toi se mettent dans la régie juste à côté et le surnaturel est mis ici. Ce qu’ils font comme expériences, je n’en sais rien. Il y a une salle comme celle-ci et une salle d’interrogatoire en tout point identique à chacun des niveaux du SPIN.

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

Après la sorcière, j’ai le droit au démon.

- Votre femme est donc au courant pour les surnaturels et vos véritables fonctions ici ?

En tant qu’agent du SPN, nous sommes sous le sceau du secret, n’est-ce pas ? À moins, bien sûr, que la famille proche soit une exception à la règle. Mais dans ce cas, il n’est pas étonnant qu’il y ait des failles de sécurité.

Cependant, nous sommes loin d’avoir exploré tous les recoins de notre iceberg, et l’agent Frank Barnes ayant fini sa cigarette, nous quittons enfin ce palier infecte pour nous enfoncer un peu plus parmi les étages, jusqu’à atteindre le dernier.

Ici, l'aménagement demeure le même à quelques détails près. Nous sommes dans la zone pénitentiaire la plus contrôlée. Mais pour le moment, aucun occupant n’y est enfermé. Ce qui n’est pas plus mal si on parle de créatures capables des pires catastrophes. D’ailleurs, outre la méconnaissance de mon guide sur le sérum SV, il évoque un ancien résident.

David Edwards.

- Une euthanasie ? Quel est l’intérêt d’une euthanasie ?

La question est davantage une interrogation à mon adresse plutôt qu’à celle de mon unique interlocuteur. Le cloisonnement des informations l’aura sûrement gardé dans l’ignorance.

En tous les cas, si cette créature est si puissante qu’elle pourrait, d’un coup de tête, détruire une partie du monde, mieux vaut la supprimer, non ? Le SPN semble aller dans le sens de mes réflexions comme me l’apprend l’agent Frank Barnes. De plus, David Edward est sujet à une pathologie psychiatrique.

Enfin, s’il est si puissant, la convergence finira bien par le retrouver.

- Et qu’est-il, ce David Edwards ?

Nous traversons alors l’allée centrale avant de dévier et d’entrer dans une salle d’interrogatoire. Pour mon guide, rien de bien intéressant, visiblement. Mais je comprends que l’on évite le plus possible de déplacer les détenus.

Puis, il y a la salle des tests. Encore une fois, tout y est ultra-sécurisé. Je scanne du regard les commandes et autres accessoires.

- Il est peu probable que je participe à des expériences.

Je dodeline de la tête.

- À moins que le sujet soit mort, bien sûr, ajouté-je. Mais vous, en tant qu’agent de niveau 4, quelles sont vos missions, excepté celle de surveiller les pensionnaires du SPIN ?

Le SPN est une immense ruche où tout un chacun à son rôle à jouer. Si j’ai bien compris qu’il y a une hiérarchie, j’aime tout de même comprendre tous les mécanismes qui régissent cet essaim. Et au moins suis-je certaine que mon volontaire Chinois à la réponse, contrairement à celles que je peux avoir sur cette salle d’expérience.

The Chinese Volunteer

ft. Jazz Ravenloft

Je secouai vivement la tête quand Ravenloft me demanda si ma femme était au courant pour le surnaturel et ce que je foutais ici. Elle savait, bien sûr, mais n’était pas sensée le savoir. Seulement, quand ta femme est elle-même surnaturelle et que toi tu bosses dans un truc anti-suranturel, vaut mieux qu’il n’y ait pas de secret.

Je me retrouvai donc contraint de mentir.

-Non, elle n’est pas au courant. Elle sait seulement que je fais partie de la CIA en tant que sniper et que les croquettes pour chien sont pour les chiens de patrouille de collègues.  Quand je dis qu’elle te prendrait pour un petit démon, c’est façon de parler…

Ouf… ça c’est fait… Je devrais prendre exemple sur la petite agent de niveau 8 et parler un peu moins, moi. En plus, j’étais très nul pour mentir, plutôt du genre à dire platement et sans détour ce que je pensais. Alors j’espérais bien qu’elle allait me croire.

Au niveau 5, alors que je lui montrais les installations, on passa à un autre sujet délicat : David Edwards. Je devais encore une fois ne pas trop parler. Sélectionner soigneusement les informations que je distillais, parce que Ravenloft avait un putain d’esprit vif.

Elle se demanda quel était l’intérêt d’une euthanasie.

Je haussai les épaules.

-Je sais pas trop. Certains disent qu’Edwards a une fois fait trembler tout le SPIN. J’étais pas là alors j’ai que les rumeurs. Mais j’imagine que le télépathe était beaucoup trop puissant pour rester enfermé. J’ai aussi entendu dire qu’il était, à force, devenu résistant au SV…

On marchait dans le couloir pour aller voir la salle d’interrogatoire et la salle de test quand la gamine voulu savoir ce qu’était David.

-Comme créature, tu veux dire ? On en sait rien… Sur son dossier, du moins au niveau 4, c’est marqué « inconnu », si je me souviens bien.

Je haussai les épaules.

-Il existe tellement de créatures en ce monde que beaucoup n’ont pas été répertoriées. Je suis même prêt à parier que certaines personnes investies de pouvoirs « magiques » ne sont pas au courant elles-mêmes de ce qu’elles sont. Donc parfois, c’est un peu difficile à déterminer, tu comprends ?

Quand on arriva à la salle de test, elle m’affirma qu’il y avait peu de chance qu’elle participe à des expériences sur les surnaturels, sauf sur les morts.

Je souris.

-A la bonne heure !

Ouais parce que j’étais pas très pour ces expériences. J’étais d’accord qu’on enferme les surnaturels dangereux, comme on le faisait pour les humains, mais pas pour des traitements inhumains.

Ravenloft se fit alors curieuse au sujet de ma propre fonction. Je refermai la porte de la salle de test.

-Je vais te raconter en remontant.

On reprit le couloir direction l’ascenseur et me mis à parler.

-Ici, au SPIN, je suis juste en renfort quand il y a trop d’agents malades, sinon, ce sont les niveaux 5 qui s’occupent de la surveillance du SPIN. Moi, je suis sniper, comme je te l’ai dit, et je m’occupe en particulier de la surveillance des entrepôts SPN dans lesquels on stocke et étudie les artéfacts… Parfois je participe à des missions un peu autre comme la fois où j’ai accompagné William Stark, l’agent Johnson et le Directeur Pierce à Malte… Une histoire de momie, enfin bref… Je fais partie du niveau le plus polyvalent du SPN.

On arriva de nouveau au niveau 0 et je ramenai Ravenloft à la salle de briefing.

-Je suppose que l’agent Johnson va venir te rechercher ici. J’espère que la visite t’a plu. Si t’as plus de question, je vais retourner à ma surveillance.

The Chinese Volunteer

ft. Frank Barnes

La réaction de l’agent Frank Barnes est un peu trop prompte pour être naturelle. Tout son comportement verbal me souffle que j’ai touché un point sensible. Lui, qui, un peu plus tôt, ne voyait aucun inconvénient à partager des détails superflus, semble désormais s’esquiver.

Je finis par simplement opiner du chef.

Après tout, ce n’est pas un interrogatoire et je serais très mauvaise pour en mener un. Quoique, il semble que mon silence puisse pousser certains à se confier. De toute façon, il y a des choses autrement plus intéressantes que la femme de l’agent Frank Barnes.

David Edwards par exemple.

Un être si puissant qu’il pourrait mettre en danger le monde entier. Enfin, de l’opinion de mon guide. La créature en liberté, le SPN autorise de l’abattre à vue. Mais avant que ce dernier ne s’enfuie de cette prison, une euthanasie était au programme. Pourquoi ? Parce que David Edwards a menacé les fondations même du SPIN et que le sérum devenait de plus en plus inefficace. Le souci des rumeurs, c’est qu’on ne peut pas s’y fier complètement. Malgré tout, cela ne m’éclaire pas davantage sur les raisons d’une euthanasie. Une exécution aurait été bien plus simple.

J’apprends alors que les agents de niveau 4 ne savent vraiment pas grand-chose.

Je suis niveau 4 moi, je sais pas tout... J’en sais rien moi... J’en ai aucune idée…Je n’en sais rien... Je sais pas trop... On en sait rien...

Autant de variantes soulignant qu’il n’est pas la bonne personne avec qui converser. Alors de ce David Edwards, je n’en apprends pas beaucoup plus. Il est donc non nécessaire de creuser plus loin, c’est une perte de temps.

Toutefois, et après avoir apporté une précision sur mes potentielles activités ici, je me permets tout de même une dernière question. Une question accessible à l’agent de niveau 4. Celle-ci est d’ailleurs traitée dans l'ascenseur alors que la visite touche à sa fin.

Il y a donc des entrepôts d’artefacts.
Des momies. Est-ce en lien avec la fameuse Déesse égyptienne qu’a mentionné Connor Pierce ? Peut-être serait-il intéressant de rencontrer ce William Stark, en définitive.

Notre point de départ est alors à nouveau atteint.

Je me tourne vers le soldat. Lui aussi semble pressé d’en terminer.

- Merci, Agent Frank Barnes, la visite a été profitable. Bonne surveillance.

Et tandis que mon volontaire Chinois disparaît une fois pour toute dans un couloir, je m’autorise à sourire, seule, dans ce tombeau aquatique plein de secrets à découvrir. Des secrets dont se nourrira mon algorithme, assurément.