An American Prayer

Tony Mordoh

In My Dreams

 

ft. Syragane & Nergal

On était…

De nouveau.

Sous le dôme de roche.

Dans le Désert.

Dans le monde de Nergal !

Le monde des rêves.

Etais-ce un rêve ?

Qu’est-ce qui est réel ?

Et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

L’Ifrit…

Creusait à grand coup de griffes

Cherchant à nous atteindre.

Moi.

Et Syragane.

Où était Bobby ?

Mon cœur battait.

Très fort.

Très vite !

-David.

Pétrifié.

Ma nuque craqua.

Quand je tournai les yeux.

Vers Syragane.

-Tu es Légion.

Tu es Légion.

Tue-le !

Tu es Légion !

-Tu es Légion.

Parle-lui.

Parle au monstre !

-Tu es Nergal !

Je sursautai.

Regardai Syragane.

Elle avait les yeux orange !

-Non !

Je me laissai tomber.

A genou !

Le dôme disparut…

Et Syragane.

Avec ses lames

Qui virevoltaient.

Tua l’Ifrit.

Qui tomba lourdement à terre.

Tous feux éteints.

Quand je regardai à nouveau.

Syragane.

Elle n’avait plus les yeux orange.

Mais son regard scintillait.

De l’excitation de la bataille.

Cette lueur dans ses yeux.

Etait celle d’une guerrière.

Et d’une tueuse.

Et entre ça.

Et les yeux orange…

Je ne savais pas ce que je préférais.

Ou plutôt.

Ce que j’aimais le moins.

Je me redressai.

Brusquement !

Sur mon petit lit de camp.

-Où je suis ?!

Je regardai autour de moi.

Cherchant…

Les tapis orientaux.

Les toiles de cachemire.

Je tremblais.

Et en même temps.

J’étais trempé de sueur.

J’avais dormi.

Tout habillé.

-Où je suis ?!

Ohlà…

Du calme, David !

Tu es chez Woody.

Ah ouais…

Je baissai les yeux.

C’est vrai…

Et c’est là…

Que Woody entra.

Tout débraillé.

-Tout va bien David ?

Je hochai la tête.

-Ouais… Ouais, je…

Je posai la main sur mon front.

-J’étais désorienté… C’est rien…

Il s’approcha de moi.

Et les jointures de ses genoux

Craquèrent.

Quand il s’accroupit.

-Tout va bien… Tu es en terrain ami… Tu veux tes médicaments ?

Je hochai la tête.

Et Woody fouilla dans mon sac.

-Est-ce que Syragane… est rentrée ?

Woody me sourit gentiment.

-Il y a de la lumière chez elle alors je pense que oui.

Je pinçai les lèvres…

-Et… Et elle… Elle va bien ?

Woody appuya son regard sur moi.

-Pourquoi tu n’irais pas voir par toi-même ?

Je secouai la tête.

Non.

-Non… je… Elle doit être en colère contre moi et puis…

Je soupirai…

Je ne voulais plus…

Me faire manipulé.

Ni par Syragane.

Ni par Bobby Sands.

Ni par Manakel.

Ni par Loonie.

Ni par Légion.

Ni par Nergal.

Ni par plus personne !

Bon Dieu de merde.

On ne jure pas David.

La ferme toi !

T’es le premier à être malpoli !

-David ?

Je sursautai…

Combien de temps…

Avait duré mon absence.

Il était là.

Avec un verre d’eau.

Légèrement bleutée

A cause des gouttes de Lysanxia.

Je pris le verre.

Et le cachet de Solian.

Et de Clozapine.

-Tu vas savoir travailler ?

Je hochai la tête.

Et eu un pauvre sourire.

-Ça me changera les idées.

Woody sourit.

Et posa sa main.

Sur mon épaule.

-Ah les peines de cœur… Tu t’en remettras, d’une façon ou d’une autre.

Je soupirai…

-J’espère… Tu aurais deux petites bougies ?

***

On alla travailler…

A l’entretien des attractions.

Il y avait du monde.

Dans le parc aujourd’hui.

Il faisait toujours froid.

Mais la neige avait fondu.

Et les gens aimaient.

Prendre du chocolat chaud…

Aux aubettes des forains.

Vers 15 heures…

J’annonçai à Woody…

Que je voulais être un peu seul.

Dans un petit espace...

Entre deux attractions.

15 heures.

L’heure des miracles.

Je sortis les deux petites bougies.

De ma poche.

Et les allumai.

Avec un briquet que Woody.

M’avait aussi prêté.

-Notre père… Déesse Ishtar… Père et Mère… S’il vous plait… Veillez sur Syragane.

Je pris une grande inspiration.

Et fermai les yeux.

-C’est… C’est une grande guerrière… Brave, courageuse… fière… Je ne suis pas… Je ne suis pas comme elle. Je ne peux… Je ne peux plus me battre… C’est trop dangereux. Je ne peux… plus la suivre…

Je pinçai les lèvres.

-Parce qu’un jour… un jour ça va mal finir.

An American Prayer

ft. David

La tempête s’était enfin calmée depuis cet entrevu avec Steve Romano. Bien sûr, il y avait toujours des choses à régler, à se préoccuper, mais là, je pouvais enfin respirer. Prendre aussi du recul avec les événements d’Halloween.

Et comme aujourd'hui était un de mes jours de congés, je me décidai à rendre visite à David. Cela faisait bien trop longtemps que je n’avais pas pris de ses nouvelles. Surtout que la dernière fois, l’ange s’était réfugié au sein de la Confrérie, en piteux état à cause de l’attaque d’Edwin et Guerre.

Mais depuis, Staten park avait cicatrisé de son incendie et j'espérais qu’il en allait de même pour mon ami. D’ailleurs, avant même de passer les portillons d’entrée du parc, je fus baignée d’une mélodie euphorique ponctuée de rires enfantins. Cela me tira un sourire.

Je plongeai alors dans cette mer d’enfants, de parents et de groupes d'adolescents. Et tandis que les manèges charriaient leurs charivaris, crêpes et barbe à papa ne manquèrent pas d’attiser les gourmandises.

Tranquillement, je serpentais, les mains solidement enterrées au fond des poches de ma veste. Jusqu'à ce que je repère un forain dont le visage ne m’était pas inconnu. Woody. Il fut promptement interpellé et bientôt, il put m’indiquer où trouver David.

Une poignée de secondes plus tard, entre deux attractions, mon regard capta l’éclat de deux bougies. Et devant, une silhouette bariolée.

Je m’avançai, heureuse de voir David. Mais avant de prononcer le moindre mot, je surpris ses dernières paroles.  

- Qu’est-ce qui va mal finir ? Aurais-tu besoin d’une pincée d’optimisme ? demandai-je dans un sourire hésitant. Désolée, je ne voulais pas t’interrompre, peut-être que j’arrive au mauvais moment ?

Je penchai la tête.

La partition qui émanait de mon ami possédait cette habituelle touche de confusion. Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, je sentis que quelque chose le tourmentait.

- Je voulais te souhaiter une bonne année à toi et Manakel, mais je peux toujours attendre… Un peu plus loin, soufflai-je tout bas.

An American Prayer

Tony Mordoh

Alors que je terminais…

Ma prière

Pour Syragane.

J’entendis de la musique.

Moui…

Non…

Pas la musique du parc.

Non…

Une autre musique.

Directement dans ma tête.

Mais qui faisait écho à celle du parc.

Je me retournai brusquement.

Qu’est-ce qui va mal finir ? Aurais-tu besoin d’une pincée d’optimisme ? Désolée, je ne voulais pas t’interrompre, peut-être que j’arrive au mauvais moment ?

Je restai bouche bée.

Une seconde.

Oh !

David !

Reprends-toi…

-To… Tony ?

Ouais…

C’était bien elle.

Bien sûr que c’est elle, David !

La sauveuse d’anges !

Elle m’avait aidé.

A délivrer l’Ange Joon.

Puis elle et Mike

M’avaient aidé.

Quand j’étais blessé.

-Ça fait… ça fait longtemps…

Je voulais te souhaiter une bonne année à toi et Manakel, mais je peux toujours attendre… Un peu plus loin.

Oh et bien !

Voilà qui est gentil !

Au moins quelqu’un

Qui pense à moi.

J’eus un pauvre sourire.

-Bonne année à toi aussi… Et à Mike… Et… Tu ne me déranges pas. Reste.

Je pâlis brusquement.

Et me détournai brusquement.

Pour vomir mes tartines de midi.

Mais David ?

Qu’est-ce qu’il te prend ?

Tu ne peux pas tomber malade.

Je fermai les yeux.

Respirai un bon coup…

Et attendis un peu.

Penché.

Me tenant le cœur d’une main.

Pour être sûr que

Que j’avais tout vomi.

-Non… Ça va… Je ne peux pas tomber… mmmmalade…

Je soupirai.

-C’est juste le stress…

Je me redressai…

Et évitai le regard de Tony.

-L’amour c’est… c’est stressant… Angoissant…

Et ça a mal fini.

An American Prayer

ft. David

Je souris à David alors qu’il semblait surpris de me voir ici. Il était vrai que je ne passais pas très souvent pour lui rendre visite. Ce qui faisait de moi une bien pauvre amie.

- Oui, ça fait longtemps, je suis désolée de ne pas prendre plus régulièrement de tes nouvelles.

Cependant, peut-être est-ce que j'arrivais au mauvais moment ? Sans doute, aurais-je dû prévenir avant de débarquer ainsi par surprise. Bien sûr que David devait être occupé. La prochaine fois, je ne manquerai pas de prévenir.

En attendant, je pouvais patienter, le temps qu’il finisse ce qu’il avait à faire.

Sauf que l’ange m’assura que je ne le dérangeais pas avant de soudainement restituer son repas au sol. Sans réfléchir, je me précipitai pour l’aider.

- David, qu’est-ce qui se passe ? m’inquiétai-je.

Son épiderme était anormalement pâle, sa respiration quelque peu déraillée et son regard perdu. Son affirmation qu’il n’était pas malade ne m’apaisa nullement. Quelque chose n’allait pas. Je ne pouvais pas croire que c’était juste dû au stress.

- Tout le monde à le droit de se sentir mal, même sans être malade.

Mais à cela, David ajouta bientôt que l’amour était stressant et angoissant. Je sourcillai, pas certaine de bien saisir.

- Peut-être devrais-tu t’asseoir sur ce banc, au moins pour te poser un instant, je te ramène un verre d’eau.

Je me dépêchai alors d’aller vers le premier stand à portée pour leur demander un verre d’eau, ce qui me fut promptement donné. Ce faisant, je rejoignis à nouveau mon ami pour lui tendre le gobelet.

- Est-ce que tu veux en parler ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? murmurai-je.

Étant donné son état, il était fort probable qu’il souhaitât penser à autre chose que ce qui semblait l'oppresser. Néanmoins, dans le cas contraire, je pouvais lui garantir d'être une oreille attentive.

An American Prayer

Tony Mordoh

Oui, ça fait longtemps, je suis désolée de ne pas prendre plus régulièrement de tes nouvelles.

Je n’eus pas le temps

De dire

Que ce n’était pas grave.

Que j’étais content.

Qu’on était contents

De la voir.

Parce que mes tartines.

Revinrent.

Et je vomis.

Juste à côté des deux

Petites bougies.

Qui brûlaient toujours.

Je sentis la main de Tony.

Chaude et rassurante

A travers mes vêtements.

Qui me frottait le dos.

David, qu’est-ce qui se passe ?

J’étais toujours penché.

Attendant une seconde salve.

Non, ça va, David.

Je crois que c’est passé.

Je gardai quand même.

Les yeux un peu fermés.

Avant de me redresser.

J’avais expliqué.

Que c’était que le stress.

Ohlà…

Je t’ai déjà vu…

Et ressentis…

Très angoissé, David.

Mais de là à vomir…

Jamais.

-Quand j’étais petit… ça m’arrivait tout le temps… Pire à l’adolescence…

Tout le monde a le droit de se sentir mal, même sans être malade.

J’expliquai…

Que tout ça…

C’était la faute à l’Amour.

Et ben !

Tu n’as plus d’obligation

A ce niveau-là, David.

Tu devrais être soulagé…

-C’est ce que je… je croyais aussi… mais non… Parce que j’aime toujours Syragane.

Peut-être devrais-tu t’asseoir sur ce banc, au moins pour te poser un instant, je te ramène un verre d’eau.

-Ok… Merci…

Je m’assis sur le banc.

Et pendant que Tony.

Allait chercher un gobelet d’eau.

Woody revint vers moi.

-Tu viens travailler ?

Je le regardai.

Livide…

-Heu… Je me sens pas très bien… Laisse-moi… un peu de temps. J’arrive.

Il retourna à son travail.

Sans insister.

Et Tony revint.

Avec de l’eau.

-Merci… C’est vraiment… trop gentil…

Je bus une gorgée timide.

Et Tony.

S’assit à côté de moi.

Est-ce que tu veux en parler ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

Je hochai la tête…

Regardant mon gobelet.

Entre mes cuisses.

-Je sais pas… Si tu peux faire quelque chose… Mais… Mmmais je veux bien parler.

Je soupirai.

Puis pris une grande inspiration.

-J’ai… j’ai rompu avec Syragane.

Je pinçai les lèvres.

-C’est moi qui suis… qui suis parti… Elle croit que je ne… que je ne la comprends plus mais…

Les larmes me montèrent

Aux yeux.

Je les frottai avec ma manche.

-En fait… je crois que… je la comprends trop bien… Et je pense que… que je ne suis pas à la hauteur… Ni de ses attentes… Ni de son amour.

Je soupirai encore.

Réprimant un sanglot.

-Elle est… Ce qui s’approche le plus d’une déesse… A mes yeux. C’est une combattante… Un leader…

Je repris une gorgée d’eau.

Je ne suis pas un Dieu.

Je ne suis pas un combattant.

Je ne suis pas un leader.

Je crois que Légion…

Ne serait pas d’accord avec ça, David…

Il se prend pour un Dieu.

Oh tais-toi hein !

-Je ne suis rien de tout ça… Je ne peux… pas la suivre dans ses aventures… Ce sera déjà bien si… si j’arrive à jouer le rôle que Dieu… que Dieu m’a imposé…

An American Prayer

ft. David

David finit par se justifier en expliquant que ce genre d’incident lui arrivait souvent plus jeune. Moui, ça n’en était pas moins inquiétant pour autant. J’allais finir par croire que mes visites étaient à chaque fois de mauvais augures étant donné toutes les fois où j’ai retrouvé David dans des situations malheureuses.

Enfin, là, il s’agit… D’amour ?

Bien sûr, je me souvenais de sa compagne, Syragane. Ou ancienne compagne, du coup ? Une femme très belle, avec un caractère bien trempé et une magie très puissante. Je n’en savais pas beaucoup plus. En revanche, si David trébuchait sur ses mots, il était certain qu’il l’aimait toujours.

Cela semblait sérieux.

Alors, au lieu de tout de suite l’interroger sur ce qui s’était passé, je pris le temps de lui ramener un verre d’eau et de nous installer sur un banc.

Je lui tendis un sourire d’encouragement face à ses remerciements.

- C’est normal, non ? Je n’allais pas rester les bras ballants en te voyant dans cet état.

Alors, s’il le souhaitait, je pouvais au moins prêter une oreille attentive quant à son chagrin. Il pouvait prendre tout l’espace de mon silence. Ce fut donc attentive que je l’écoutais. Il cillait, prenait le temps de chercher ses mots, inspirait, pleurait.

Mon doigt passa sur sa joue pour récupérer son bout de tristesse.

Il n’était plus avec Syragane, non pas parce qu’il ne lui portait plus de sentiment, mais parce qu’il se sentait perdu. Dépassé. Par les événements, les attentes, les personnes. Il était vrai que David était un ange particulier qui endossait le poids d’un univers.

- Tu ne sais plus où tu en es et tu as l’impression que tu n’es pas à la hauteur pour Syragane, c’est ça ? chuchotai-je.

Moi aussi, il m’était arrivé de me sentir ainsi. Mike en avait grandement estompé la tendance, mais dernièrement, une petite voix vénéneuse avait refait surface. À cause de la Lune Noire et d’Isaak. Je chassai ces pensées pour, à la place, me recentrer sur mon voisin.

- Et Syragane, tu l’aimes parce que c’est une déesse, une leadeuse ? Enfin, si j’ai bien compris, ce n’est pas ton amour pour elle qui te rend si triste, mais… Est-ce que tu saurais me dire ce qui c’est passé, depuis quand est-ce que cela te préoccupe autant ?

En tous les cas, voir ainsi David me serrait le coeur.

An American Prayer

Tony Mordoh

C’est normal, non ? Je n’allais pas rester les bras ballants en te voyant dans cet état.

Je souris un peu.

Assis sur mon banc.

J’étais tout pâle.

Je me sentais pas bien.

J’avais l’estomac…

En compote.

Et le cerveau aussi.

Je confirme, David.

C’est le souk ici.

L’amour fait des ravages.

Je ne pensais pas.

Que ça te mettrait dans…

Un état pareil.

-Tu es une vraie amie, en plus d’être une… une sauveuse d’anges.

Elle m’avait beaucoup aidé.

Et comme moi.

Elle aimait la musique.

Ça lui permettait.

De lire les gens.

Comme je lisais les pensées.

Elle avait un vrai don.

Et surtout…

Une bonté hors du commun.

Moui…

C’est très rare de nos jours.

Ouais.

Je suis même pas sûr…

Que toi, Manakel,

Tu peux te vanter de ça.

Non mais !

Je portai ma main.

A mon front.

-Tais… Tais-toi… Laisse-moi penser…

J’expliquai à Tony.

Pourquoi j’allais mal.

Pourquoi rien n’allait.

Pourquoi j’étais triste.

Et je pouvais pas.

Malgré tous mes efforts.

M’empêcher de pleurer.

Tony captura…

Du bout du doigt.

Une de mes larmes.

J’essuyai

A nouveau

Mes yeux avec ma manche.

Et lui souris un peu…

Tu ne sais plus où tu en es et tu as l’impression que tu n’es pas à la hauteur pour Syragane, c’est ça ?

Je hochai la tête.

-Ouais c’est… C’est tout à fait ça… Je pense être un bon amoureux mais pas… pas un bon… comment je dirais ?... équipier ?

Je sentis…

Que Tony…

Savais exactement

De quoi je parlais…

J’eus une courte vision de Mike.

Et du robot tueur de Stark…

Sans trop comprendre.

Ce que ça voulait dire.

Et sans vouloir…

M’incruster dans ses pensées.

Sans son autorisation.

Ça c’était plutôt le truc.

De Manakel.

Hey oh !

Tu as bientôt fini de critiquer ?

Et Syragane, tu l’aimes parce que c’est une déesse, une leadeuse ? Enfin, si j’ai bien compris, ce n’est pas ton amour pour elle qui te rend si triste, mais… Est-ce que tu saurais me dire ce qui c’est passé, depuis quand est-ce que cela te préoccupe autant ?

Je pris une inspiration…

Et un sourire amoureux.

Apparut sur mon visage.

-J’aime Syragane parce que… parce que c’est une… une bonne personne. Une belle Personne… Je… Je l’aime pleine et entière… J’aime quand elle sourit… Quand elle… Elle rigole… Quand elle danse… Quand elle… s’entraîne… J’aime ses cheveux… qui sont comme du sable doux.

Je pinçai les lèvres.

-Je l’aime parce… parce qu’elle veut toujours… faire le Bien…

Le problème…

-Le problème… C’est que… Que je ne suis pas comme elle… Je suis pas un leader… pas un guerrier…

Mes larmes revinrent.

-Alors j’ai pensé… J’ai pensé qu’elle serait mieux sans… sans moi qui pile sur les freins… Dès qu’il y a un danger.

Je repris une gorgée d’eau.

-Et sans Manakel pour… pour toujours critiquer ses méthodes.

Je plongeai mon regard

Dans le fond de mon gobelet.

-Je suis mal depuis hier… Je suis parti hier… Après qu’elle m’ait poussé… A tuer une créature… Alors qu’on aurait… pu juste fuir…

Je secouai doucement la tête.

-Syragane… ne fuit jamais.

An American Prayer

ft. David

Tu es une vraie amie, en plus d’être une… une sauveuse d’anges.

Si je ne pensais pas mériter le titre de sauveuse d’anges, en revanche, il m’était inconcevable d’ignorer les douloureuses notes qui accablaient l’esprit de David. Et bien que je ne sois pas certaine de pouvoir en apaiser la symphonie, il avait l'assurance de mon soutien.

Et cela commençait par un verre d’eau, un banc et de l’écoute.

Ainsi, je l’observais, attentive, pendant qu’il cherchait ses mots pour me parler de Syragane et de ses sentiments. J’aurais tant aimé pouvoir effacer ce brouillard d’affliction d’un simple geste de la main. Mais les choses ne pouvaient être si simples. Surtout lorsque cela impliquait la personne que l’on aimait.

David était amoureux, seulement, il n’était pas persuadé d’être le bon partenaire pour Syragane. Il semblait la mettre sur un piédestal, incapable alors d’atteindre sa hauteur.

Un instant, son visage s’illumina en esquissant un portrait de cette femme par des nuances chaleureuses. Je ne pus qu’en sourire. C’était une jolie musique qui se jouait. Mais cette dernière vacilla lorsqu’il fut question des raisons de leur séparation.

Il n’était pas comme elle, disait-il. Moins bien, assurément, lui soufflait son esprit. Une pensée qui avait fleuri la veille. Au moment où Syragane lui avait, semble-t-il, demandé d'exécuter une créature. Je sourcillai à cette dernière déclaration.

- D’accord… C’est tout récent, je peux comprendre que tu sois bouleversé… Tu sais, ne pas être un guerrier ou un leader, ce n’est pas honteux. Moi non plus, je ne suis ni une guerrière ni une leadeuse. Nous avons d’autres qualités même si nous avons parfois du mal à les percevoir et ces qualités valent autant que n’importe quelles autres.

L’ange à côté de moi était quelqu’un de sensible, de bienveillant et surtout, il possédait une force d’esprit et de cœur incommensurable. Malheureusement, le revers de la médaille était cet affreux doute. Un doute qui ne m’était pas non plus inconnu.

Je baissai les yeux sur cette neige malmenée par le passage de la foule.

- Tu m’as dit que "tu pensais qu’elle serait mieux sans toi"”, as-tu pu lui faire part de ce qui te tracassait ?

D’autres questions s’amoncelèrent à l’orée de mon esprit. J’en ralentissais le flux pour ne pas bousculer mon ami. Un accord après l’autre.

Mon regard revint sur les deux bougies à quelques pas de nous à peine.

- Et donc, tu t’es sentie obligé de tuer une créature, vous avez été attaqué ? J’avoue, je suis surprise que Syragane ait pu exiger une telle chose de toi, mais je ne connais pas aussi bien Syragane que toi, aurais-tu une idée des raisons qui l'ont poussé à agir ainsi ?

An American Prayer

Tony Mordoh

D’accord… C’est tout récent, je peux comprendre que tu sois bouleversé… Tu sais, ne pas être un guerrier ou un leader, ce n’est pas honteux. Moi non plus, je ne suis ni une guerrière ni une leadeuse. Nous avons d’autres qualités même si nous avons parfois du mal à les percevoir et ces qualités valent autant que n’importe quelles autres.

Mes mains…

Tripotaient mon gobelet.

Encore à moitié plein

D’eau.

Elle a raison, David.

Tu as des qualités.

Tu es gentil.

Trop gentil pour ce monde.

Tu es intelligent…

A ta façon.

Et toi aussi tu veux faire le Bien.

Mouais…

Et je tue des anges à petit feu.

Heu…

Moui…

Ça aussi.

Mais on va dire que

C’est pas ta faute.

Les voies de Dieu sont impénétrables.

-Je crois… Je crois que mes qualités… Ne sont pas en accord avec celles… de Syragane, tu sais…

Je haussai les épaules.

-Je crois qu’on est… incompatible… On croyait que si, parce que… je suis le geôlier de Nergal… Et qu’elle est grande… prêtresse d’Ishtar mais…

Je soupirai.

Repris de l’eau.

Et laissa tout en suspens.

Tu m’as dit que "tu pensais qu’elle serait mieux sans toi"”, as-tu pu lui faire part de ce qui te tracassait ?

Je secouai.

Négativement

La tête.

-Quand elle m’a dit… « Si tu ne me comprends plus… alors on doit prendre chacun notre chemin… »… j’ai… j’ai été tellement choqué… par cet ultimatum… Que je suis juste parti… Sans rien dire. Sauf « Merci pour tout »… Parce que ça… ça veut dire un peu… Que je suis obligé d’être… d’être tout le temps d’accord avec elle…

Je soupirai…

-Les gens… parfois… Oublie que même si je suis… Je suis schizophrène j’ai… je peux… Avoir mon propre avis sur les choses.

Je jetai un petit

Coup d’œil à Tony.

-J’étais très… très manipulable avant… Syragane m’a appris à ne plus l’être… mais… Je pense pas qu’elle avait conscience… que ça pouvait se… se retourner contre elle.

Je parlai aussi à Tony

De la créature.

De l’Ifrit.

Du fait que Manakel avait vu.

Qu’il y avait un plan B

Dans la tête de Syragane.

La fuite.

Et que malgré ça.

Elle avait voulu.

Tu es Légion.

Tu es Légion.

Tu es Légion.

Elle avait voulu Légion.

Elle avait voulu que j’utilise mes pouvoirs.

Et donc, tu t’es senti obligé de tuer une créature, vous avez été attaqué ? J’avoue, je suis surprise que Syragane ait pu exiger une telle chose de toi, mais je ne connais pas aussi bien Syragane que toi, aurais-tu une idée des raisons qui l'ont poussé à agir ainsi ?

-Je… Je l’ai pas vraiment tuée, la créature… Elle agonisait après que j’ai utilisé mes… mes pouvoirs sur elle. Et Syragane l’a tuée.

Je pinçai les lèvres.

-Mais ouais, on… on a été attaqué… Parce que Syragane… voulait absolument prouver… A Bobby Sands… que les rêves sont plus… plus dangereux qu’on ne croit.

Aurais-tu une idée des raisons qui l'ont poussé à agir ainsi ?

Je hochai la tête.

-Elle aime… Quand je fais de grandes choses… avec mes pouvoirs… Elle aime Légion. Elle a foi en Légion. Moi pas… Légion est peut-être… aussi dangereux que Nergal.

An American Prayer

ft. David

David n’était ni un guerrier ni un leader, ses qualités étaient autre part. Malheureusement, cet autre part n’était pas conciliable avec Syragane. Ce fut ce que me confia mon ami, le regard perdu. Peu importe que lui soit le gardien de Nergal et elle, la grande prêtresse d’une déesse en fin de compte.

Ils étaient trop différents l’un de l’autre.

Il était vrai que des personnes étaient destinées à ne jamais s’entendre avec d'autres. Toutefois, il me semblait qu’il n’y avait nul besoin d’être le reflet de l’autre pour s’aimer. C’était ma conviction.

La phrase de David, elle, se suspendit, laissant la musique d’un carrousel prendre le relais.

- C’est ce qui vous a rapproché, Syragane et toi, vos rôles respectifs ?

Assurément, leurs responsabilités ne devaient pas être simples.

- Vous vous êtes soutenus, déduisis-je en un marmonnement.

Cependant, il y avait beaucoup de "je crois"” et "je pense que"”, aussi, je ne pus que lui demander s’il avait pus parler de tout cela à la concerné. Ce fut un geste négatif de la tête qui me répondit. Puis il m’expliqua la façon dont la rupture s’était déroulée.

Je penchai la tête.

- Bien sûr que tu as ton propre avis, c’est naturel et je sais à quel point, s’imposer peut être difficile pour des personnes aussi réservées que nous. Je suis désolée de ce qui s’est passé avec Syragane, j’espère qu’un jour, tu pourras partager ton avis, lui dire ce qui te pèse sur le cœur. Pas pour elle, mais pour toi.

La Schizophrénie avait sans nul doute été un obstacle pour s’exprimer, seulement, garder pour soi ce qui nous tourmentait était le meilleur moyen de s’enfoncer dans une spirale toujours plus profonde et obscure.

Mon ami, lui, avait parfaitement conscience d’être quelqu’un d’influençable. Mais cela avait évolué au contact de Syragane.

- Tu penses qu’elle est contrariée de savoir que désormais, tu t’affirmes davantage, même vis-à-vis d’elle ? Dans ce que tu me dis, j’ai l’impression qu’elle s’est surtout sentie blessée d’être incomprise.

Sans doute avait-elle été maladroite dans ses mots. Encore une fois, tout cela n’était que supposition. La seule à détenir les clés à cette interrogation était Syragane elle-même, n’est-ce pas ? De plus, comme je le soulignai, je ne la connaissais que très peu.

Et donc, ils avaient été attaqués et son ancienne compagne l’avait poussé à s’en prendre à une créature. Créature que Syragane avait finalement achevée.

Mon regard s’écarquilla.

C’était terrible. Mes poings se serrèrent pour obstruer certains souvenirs de ma mémoire. S’en prendre à quelqu’un était terrifiant et indélébile.

Et tout cela pour prouver que les rêves étaient bien plus dangereux qu’on le pensait ?

J’en restais sans voix.

Jusqu’à ce que je me reprenne pour demander les raisons d’un tel agissement.

Pour David, la jeune femme adorait voir Légion en action. Elle l’aimait. Plus que lui ? Je ne savais plus trop quoi dire. Parce que moi aussi, cela m’aurait ébranlé jusqu’à l’âme.

Du regard, j’observai le profil si pâle de mon ami.

Ma main vint alors serrer la sienne.

- C’est pour tout cela que tu priais à l’instant ? soufflai-je après de longues secondes de silence.

An American Prayer

Tony Mordoh

C’est ce qui vous a rapproché, Syragane et toi, vos rôles respectifs ?

Je réfléchis quelques

Secondes…

Mon regard se perdant au loin.

Vous vous êtes soutenus.

Je hochai la tête.

-Elle m’a toujours… Toujours soutenu… Et apprit bien des choses. Mais ce sont… nos rêves qui nous ont… rapprochés… C’était… comme si le Destin voulait… qu’on soit ensemble.

Je haussai les épaules.

-On est… tombés amoureux… Tout simplement… Comme n’importe qui… Sauf que pour nous ça… ça s’est passé dans un monde… onirique.

Alors que j’étais au SPIN.

Alors qu’elle parlait encore

Très peu l’anglais.

Mais dans nos rêves.

Il n’y avait aucune frontière.

Je parlai alors à Tony.

Du fait que Syragane avait

Mal pris.

Que je dise ce que je pense.

Moui…

J’en sais quelque chose, David.

Dire ce qu’on pense.

Est souvent mal vu.

Les gens veulent la vérité.

Mais quand on leur dit…

Ils n’aiment pas ça.

Bien sûr que tu as ton propre avis, c’est naturel et je sais à quel point, s’imposer peut être difficile pour des personnes aussi réservées que nous. Je suis désolée de ce qui s’est passé avec Syragane, j’espère qu’un jour, tu pourras partager ton avis, lui dire ce qui te pèse sur le cœur. Pas pour elle, mais pour toi.

Je hochai la tête.

Terminai mon gobelet d’eau.

Et souris à Tony.

-Merci… Je ne veux pas… contredire Syragane… ou personne d’autre… Juste pour le plaisir mais… J’aimerais quand même… Pouvoir m’exprimer…

Sans qu’on se dise.

Que je délirais.

Je soupirai.

-Je n’ai pas voulu la blesser… pourtant… C’est ce qu’il s’est passé… je l’ai blessée en donnant mon avis… Et Manakel, lui, il… il y a pas été de main morte.

C’est qu’il faut y aller.

Pour se faire entendre…

De cette barbare païenne.

Tu vas arrêter !

Quoi ?

De l’appeler comme ça !

C’est ce qu’elle est.

Tu as vu comme ça l’a fait triper.

D’achever la créature de Nergal ?

Ouais.

Et alors ?

-Syragane vient d’un autre… monde… D’une autre époque… Autre époque, autres mœurs…

J’avais dit ça.

Plus pour Manakel.

Que pour Tony.

Mais dans l’état où j’étais.

Je ne faisais plus trop

La différence

Entre ce que je disais.

Et ce que je pensais.

Tu penses qu’elle est contrariée de savoir que désormais, tu t’affirmes davantage, même vis-à-vis d’elle ? Dans ce que tu me dis, j’ai l’impression qu’elle s’est surtout sentie blessée d’être incomprise.

Je soupirai…

-Sans doute… Mais moi aussi… j’ai été blessé…

La main de Tony…

Vint serrer la mienne.

Et je la serrai en retour.

C’est pour tout cela que tu priais à l’instant ?

Je pinçai les lèvres.

-Je priais pour que Dieu… Et Ishtar… Protègent Syragane… quoi qu’elle fasse. Parce que je l’aime…

Nerveusement.

J’écrasai le gobelet

Dans ma main…

-Toi, tu es toujours d’accord avec Mike ? Il est toujours… toujours d’accord avec toi ?

An American Prayer

ft. David

La vie avait sa part de rudesse et de doute. La sensibilité de David en avait sûrement acéré certains angles. Mais elle avait aussi sa part de douceur et d’oasis. Syragane en faisait partie. Tout avait d’ailleurs commencé dans un songe.

- Comme si le destin voulait que vous soyez ensemble ? répétai-je.

Si David avait de réels sentiments pour cette grande prêtresse d’Ishtar, il semblait remettre en cause tout ce qui avait contribué à les nourrir. À moins que ce soit moi qui ait mal compris.

Se sentait-il manipuler ?

À une époque, oui. Aujourd’hui, c’était différent, il pouvait se targuer de savoir donner son opinion, et ce, en dépit de cette maladie qui lui ronge l’esprit. En dépit de ce que les autres peuvent penser de lui. J’en étais heureuse pour lui. Oui, même si j’aurais aimé que ce soit dans des circonstances bien moins douloureuses.

À mon tour, je lui souris.

Il était normal de ne pas vouloir contredire celui ou celle que l’on aimait. Mais parfois, il fallait savoir passer par là, ne serait-ce que pour ne pas subir le poids du non-dit.

- Il n’y a rien de mal à vouloir t’exprimer, bien au contraire, une relation, cela va dans les deux sens. Du reste, personne n’est parfait et il arrive souvent qu’on ait besoin dire des choses qui ne plaisent pas à l’autre, même si ce n’est pas facile. Pour le bien de cette personne et pour le nôtre. Sans cette communication, nous serions tous perdus ou malheureux, tu ne crois pas ?

Et donc David s’était affirmé pour donner son opinion devant Syragane. Manakel aussi.

- Et que lui avez-vous dit exactement, Manakel et toi ? Je me doute que tu n’aies pas voulu la blesser et Manakel, non plus. Parfois, c’est juste la manière dont on s’y prend qui est maladroite.

Il m’était impossible de concevoir que l'ange à mes côtés souhaitât du mal à quiconque. Certes, dernièrement, j’avais l’impression de me fourvoyer quant à ma propre perception des autres, que ce soit un ami, un patron ou même un ennemi, mais David demeurait David.

Souviens-toi, tu es…

Mon regard s'esquiva sur le sol.

David me précisa alors que Syragane venait d’un autre monde, d’un autre temps.

- De quelle réalité vient-elle ? Est-ce si différent d’ici ?

Syragane était une grande prêtresse d’Ishtar. Je n’étais pas certaine de bien comprendre ce que cela impliquait.

Toutefois, il me fut bientôt exposé dans les grandes lignes ce qui s’était passé pas plus tard qu’hier. Les paroles qui avaient été alors proférées dans un rêve partagé. Des paroles qui traduisaient une triste incompréhension. Pour l’un, comme pour l’autre.

- Oui, toi aussi, tu as été blessé. Vous vous êtes blessés mutuellement, cela peut arriver lorsqu’on se sent à vif. Dans ces moments-là, notre esprit peut être obscurci par des pensées qui ne reflètent pas vraiment qui nous sommes.

Il n’y avait pas plus humain.

Ma main vint rejoindre la sienne pour le soutenir. Le silence s’installa entre nous avant d’être brisé par une question concernant les deux bougies encore allumées. David m’avoua avoir prié pour la sûreté de Syragane. Parce qu'il l’aimait.

Je lâchai sa main pour finir par le serrer dans mes bras. Je lui communiquai la cadence de mon cœur, la chaleur de ma main et toute la force que je pouvais lui transmettre. Pendant quelques accords de notes.

Finalement, je le libérai de mon étreinte.

Le plastique grinça. Cette fois, ce fut au tour de mon ami de me demander comment cela se passait avec Mike. Je souris, avant de secouer la tête.

- Non, nous ne sommes pas toujours d’accord et notre plus grand sujet qui fâche, est assurément William Stark. Nous ne sommes d’ailleurs toujours pas d’accord le concernant. C’est délicat, jamais rien n’est tout blanc ou tout noir, mais je suppose qu’il faut savoir accepter les nuances. Les disputes aussi. Mike et moi pouvons débattre longtemps, mais nous finissons toujours par décider ensemble de ce qui est le mieux à faire. La dernière fois que nous avons vivement échangé, remonte à Halloween dernier. Ce soir-là a été chaotique pour tout le monde en ville…

À mon tour, je lâchai un soupir.

An American Prayer

Tony Mordoh

Comme si le destin voulait que vous soyez ensemble ?

Je hochai la tête.

Ouais.

Et en même temps.

Nous l’avions voulu.

Tous les deux.

Et dans mon cas.

Je nourrissais toujours.

Les mêmes sentiments.

Pour Syragane.

Mais peut-être que cette pause.

Nous ferait voir certaines choses.

Comprendre certaines choses.

Donc, David…

Tu as l’intention de te remettre avec elle ?

Ouais.

Mais peut-être…

Qu’on fera les choses…

Un peu autrement.

Tu vois ?

Quelques ajustements.

Moui…

Peut-être.

Mais pour l’instant…

J’ai pas trop envie…

Je n’ai pas aimé…

Ce le choix devant lequel

Elle m’a mis.

Moui…

On appelle ça du chantage affectif.

Tu lui as fait comprendre de la meilleure

Des façons.

Que ça ne marchait pas avec toi.

Ouais…

Mais bon.

Il n’y a rien de mal à vouloir t’exprimer, bien au contraire, une relation, cela va dans les deux sens. Du reste, personne n’est parfait et il arrive souvent qu’on ait besoin dire des choses qui ne plaisent pas à l’autre, même si ce n’est pas facile. Pour le bien de cette personne et pour le nôtre. Sans cette communication, nous serions tous perdus ou malheureux, tu ne crois pas ?

Je hochai encore la tête.

Tony avait raison.

Je soupirai.

-Les gens n’aiment… pas entendre… Quand on est franc et tout…

Et que lui avez-vous dit exactement, Manakel et toi ? Je me doute que tu n’aies pas voulu la blesser et Manakel, non plus. Parfois, c’est juste la manière dont on s’y prend qui est maladroite.

Je pinçai les lèvres.

-Moi j’ai dit… Que Bobby Sands n’était pas… pas obligé… De nous croire sur parole. Qu’effectivement… Ce qu’on avait vu… n’était finalement qu’un rêve…

Je roulai des yeux.

-Et Manakel lui… lui a juste dit de la boucler… pour me laisser en placer une…

Je haussai des épaules.

Impuissant.

-C’est Manakel quoi…

J’avais parlé…

Pour répondre à Manakel…

Parlant des origines de Syragane.

Et ça attira…

L’attention de Tony.

De quelle réalité vient-elle ? Est-ce si différent d’ici ?

Je pris une grande inspiration.

-Elle vient de… de la lointaine Babylone… Quand les Dieux et les Hommes vivaient côte à côte…

Je souris.

Et regardai Tony.

-Ouais, c’est très… très différent d’ici où… où les Dieu ont perdu de leur panaches… Comme les prêtres… Et les prêtresses… Syragane avait l’habitude d’être respectée et… et sa parole prise, pour parole d’Evangile… mais… C’est plus le cas ici.

On parla encore…

Et je dis…

Que moi aussi.

J’avais été blessé.

Moui mais tu sais, David…

Les femmes pensent toutes que nous

Les hommes,

On est jamais blessés.

Oui, toi aussi, tu as été blessé. Vous vous êtes blessés mutuellement, cela peut arriver lorsqu’on se sent à vif. Dans ces moments-là, notre esprit peut être obscurci par des pensées qui ne reflètent pas vraiment qui nous sommes.

Je hochai la tête.

-Je veux bien… te croire…

Alors je lui demandai…

Si elle et Mike.

Ils étaient toujours d’accord.

Elle me prit d’abord dans ses bras.

Et je me sentis me détendre.

Une douce mélodie.

Envahis mon esprit.

Jusqu’à ce qu’elle desserre l’étreinte.

Tony et Mike…

J’avais demandé pour Tony et Mike.

S’ils s’écoutaient l’un l’autre.

Et je fus ravi d’apprendre.

Que c’était partout pareil,

Finalement.

En effet, David…

C’est juste Syragane

Qui a fait une montagne d’une taupinière.

-J’espère que Syragane et moi… on se réconciliera… mais il est trop tôt.

Je posai ma main

Sur l’épaule de Tony.

-Et si tu veux… mon avis sur William Stark… C’est une bonne personne… Mais qui fait beaucoup d’erreurs…

Je souris.

-Mais un ange veille sur lui…

Sandy-luv.

An American Prayer

ft. David

La vérité pouvait parfois être difficile à encaisser. De même que la franchise. Chose qui était parfois délicat d’exprimer, d’affirmer même, lorsqu’on était refermé et qu’on ne souhaitait pas blesser l’autre. Mais David avait réussi à passer outre cela. Je ne pouvais qu’approuver sa démarche. Malheureusement, il avait fallu que cela se déroule juste avant sa rupture avec Syragane.

Et donc, David avait alors déclaré que Bobby n’était pas dans l’obligation de prendre pour argent comptant leurs dire, à David et Syragane. Que ce n’était qu’un rêve.

Mon front se plissa, incertaine de bien saisir les propos de l’ange.  

- Donc… Syragane désirait avant tout, faire comprendre à Bobby, l’importance d’un rêve, mais il ne l’a pas cru tout de suite, c’est ça ?

Bon. Jusque-là, rien de bien mirobolant.

Mais il y avait aussi Manakel, et Manakel, lui, avait demandé à ce que la jeune femme "la boucle"”. Sous prétexte qu’elle ne laissait pas son compagnon s’exprimer.

- La boucler… D’accord… C’est une façon très virulente d'exiger de quelqu’un de se taire. Pour que Manakel intervienne ainsi, j’imagine que la situation a dû aussi le remuer.

Je souris tandis que David se justifia en affirmant que Manakel était Manakel.

- Il a voulu t’aider et du reste, je ne suis pas là pour le juger. Je serais de toute façon très mauvaise dans ce domaine.

Syragane, quant à elle, elle venait d’ailleurs. Un ailleurs lointain, à une époque où les dieux se mêlaient encore aux Hommes. Et la jeune femme y avait une place importante et il aurait été inconsidéré de ne pas la croire.

Petit à petit, le puzzle commençait à se reconstituer.

- Je vois, je suppose donc qu’en remettant en cause sa parole, Bobby et toi, cela lui a déplu, de même quand Manakel à demander à ce qu’elle la boucle. Et donc ensuite, vous êtes allés dans un rêve, avec Bobby ?

Pour affronter une créature que David avait dû neutraliser grâce à ses pouvoirs. Se voir obliger à faire un tel acte était terrible. Bien sûr que cela avait blessé l’ange. Mais si Syragane l’aimait, pourquoi agir ainsi ? Parce qu’elle s’était sentie au pied du mur ? Incomprise ? Piquée au vif, s'était-elle laissée emporter ?

Ce n’était que des suppositions que j’apportais.

David voulait bien me croire.

- La seule personne à avoir les réponses, c’est Syragane. Le seul conseil que je peux te donner, c’est, lorsque tu te sentiras prêt et que tu le souhaiteras, d’aller la voir pour parler.

Sinon, il allait se noyer en interprétation et cela allait finir par le ronger. Mais pendant ce temps, David avait choisi la prière pour demander à ce que Syragane soit protégée. Ses sentiments devaient le tirailler.

Alors je le serrai dans mes bras.  

Puis David m’interrogea sur ma propre relation avec Mike. Avec lui, ma vie s’était adoucie, en revanche, nous n’étions pas exempts de disputes.

Mon ami, lui, désirait se réconcilier avec la jeune prêtresse avant d’ajouter que William Stark était une bonne personne. Même s’il lui arrivait de commettre des erreurs.

- C’est bien que quelqu’un veille sur lui, il en a besoin. Mais j’avoue, il m’arrive de douter de lui. Enfin, il est dans une position délicate où il doit jongler avec beaucoup de paramètres. Et… Il a pu récupérer son fils, le Néphilim.

Je me pinçai les lèvres.  

- J’espère qu’il s’en occupera mieux qu’Isaak.

An American Prayer

Tony Mordoh

Donc… Syragane désirait avant tout, faire comprendre à Bobby, l’importance d’un rêve, mais il ne l’a pas cru tout de suite, c’est ça ?

Je hochai la tête.

C’était tout à fait ça.

Tony…

Me laissait le temps.

Pour parler.

Pour m’exprimer.

-Syragane a l’habitude de… d’être adulée… Et obéie… En tant que prêtresse d’Ishtar. Mais ni Bobby, ni moi, ne sommes… ses adorateurs… Ou ses disciples… Ni un de ces malades de qui elle s’occupait.

Je serrai les poings.

Sur mes cuisses.

Ecrasant encore le gobelet vide.

Dans une de mes mains.

-Je suis juste son amoureux.

Quant à Bobby…

Bah c’était un peu…

Comme Manakel.

Un ami…

Qui usait de mots percutants.

En s’en foutant de blesser.

La boucler… D’accord… C’est une façon très virulente d'exiger de quelqu’un de se taire. Pour que Manakel intervienne ainsi, j’imagine que la situation a dû aussi le remuer.

Je pinçai les lèvres.

-Il n’aurait… pas du dire ça comme ça… Mais le but de Manakel… C’est vraiment de… de m’aider à m’exprimer. Alors quand Syragane s’est mise à… A parler… Sans s’arrêter… J’ai bien essayé de m’imposer mais… Non… Alors Manakel est intervenu.

Je haussai les épaules.

Il y avait eu aussi Bobby.

Qui avait dit qu’il me

Parlait à moi.

Et pas à elle.

Et ça lui avait pas plu non plus.

Il a voulu t’aider et du reste, je ne suis pas là pour le juger. Je serais de toute façon très mauvaise dans ce domaine.

Moui…

J’ai voulu t’aider.

N’en déplaise à Syragane.

Et je me fous complètement.

D’avoir égratigné sa fierté.

Parce que ce n’est pas

La modestie qui étouffe ta sylphe.

Je sais.

Mais bon…

J’aime son côté fier aussi.

Boarf…

David…

Je vois, je suppose donc qu’en remettant en cause sa parole, Bobby et toi, cela lui a déplu, de même quand Manakel à demander à ce qu’elle la boucle. Et donc ensuite, vous êtes allés dans un rêve, avec Bobby ?

Je hochai la tête.

-Ouais… C’est ça. Pour lui montrer le pouvoir des rêves… Et je pense… qu’il a compris.

Une démonstration…

Vaut mieux qu’un long

Discours.

La seule personne à avoir les réponses, c’est Syragane. Le seul conseil que je peux te donner, c’est, lorsque tu te sentiras prêt et que tu le souhaiteras, d’aller la voir pour parler.

Je souris à Tony…

-J’y compte bien… Mais pas tout de suite… Je veux voir… Comment je me débrouille… tout seul… Tu comprends ?

Voir de quoi…

Je suis capable.

Puis on parla de William Stark.

Après une étreinte.

Qui me fit du bien.

C’est bien que quelqu’un veille sur lui, il en a besoin. Mais j’avoue, il m’arrive de douter de lui. Enfin, il est dans une position délicate où il doit jongler avec beaucoup de paramètres. Et… Il a pu récupérer son fils, le Néphilim.

Je souris.

Regardant devant moi.

-Je sais… Pour le néphilim… Je l’ai senti… Je trouve ça bien.

Je me tournai vers Tony.

-Il peut compter… Sur ses amis… Sur toi…

J’espère qu’il s’en occupera mieux qu’Isaak.

J’eus un petit rire.

Et puis me levai.

-Ce ne sera… pas difficile…

Je tendis la main…

A Tony…

Pour l’inviter à se lever.

-Merci de m’avoir écouté… vraiment… Et pour le verre d’eau aussi… Mais je vais y aller… Avant que Woody s’inquiète…

An American Prayer

ft. David

Syragane était une personne unique en son genre, de ce que je comprenais. Une prêtresse d'Ishtar d’un autre monde, d’un autre temps. Mais ici, à New York, au milieu des tours de béton et de la pollution ambiante, les choses étaient bien différentes. David semblait croire que cet état de fait aurait eu un impact sur leur relation. Sur leur rupture.

Le désarroi de cette situation transparaissait dans les quelques mots lâchés par l’ange. Il n’était pas un disciple, mais un amant.

Je l’écoutais alors m’expliquer ce rêve, ce qu’ils s’étaient dit, les actes qui avaient marqué l’instant. Manakel était intervenu, piqué au vif, Bobby n’avait pas cru sur parole Syragane et David avait fini par s’en prendre à une créature onirique. Mais tout cela n’était que la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Parce que ce n’était pas la première fois que David se sentait aussi restreint pour s’exprimer.

Il n’y avait eu aucune mauvaise intention à l’origine. Seulement, il y avait besoin de décanter le cœur de cet antagonisme. Si Bobby avait saisi l’importance du rêve, Syragane et David, eux, se retrouvaient dans une impasse.

Aussi, je ne pouvais que recommander à mon ami de parler à la jeune femme. Que ce soit pour clore le chapitre ou pour le continuer. C’était ce qu’il souhaitait faire, comme il me le signifia.

J’opinai du chef et lui souris.

- Je comprends. Prends le temps dont tu as besoin et oui, choisis la voie que tu veux arpenter, qui sait, tu pourrais trouver des réponses et des forces insoupçonnables.

Si aujourd’hui, le monde prenait des nuances grisâtres, le soleil attendait toujours derrière les nuages. Il suffisait de patienter. Après tout, on avait tous droit à nos moments d’incertitudes. Moi-même, je ne faisais pas exception. Loin de là. Et avec Mike, William Stark était assurément mon incertitude du moment.

David m’affirma que le célèbre ingénieur était une bonne personne. Que malgré ses trébuchements, des gens étaient là pour le guider. Pour lui et pour le néphilim.

- Oui, il peut compter sur moi.

Il ne restait plus qu’à espérer qu’il ferait un meilleur père que pour Isaak. D’après mon ami, ça ne serait pas difficile.

Sur ces mots, il fut temps pour moi de repartir. Parce que si j’étais en congée, ce n’était pas le cas de tout le monde ici.

- N’hésite pas à me contacter si tu as besoin ou si tu veux juste te changer les idées. En attendant, prends soin de toi, et toi aussi Manakel.

Je le serrai une dernière fois dans mes bras avant de le laisser rejoindre Woody.

La partition s'était-elle apaisée ?