Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Frank avait fait place au Docteur Wood. Nous étions toujours assis à Terre, les larmes aux yeux. Le Docteur Wood posait des questions mais tout ce que nous arrivions à dire c’est que nous avions mal à la tête et au dos. Notre voix était triste, fatiguée et malgré tous ces gens dans le couloir nous nous sentions très seul. Nous avions le regard dans le vide. Et nous grimaçâmes quand le Docteur Wood passa sa main à l’arrière de notre tête.

-Agent Corey, agent Beckers veuillez escorter Numéro 3 à son créateur. Vigilance maximale. Vous reviendrez chercher le Numéro 9 plus tard. Je préfère les lui envoyer un par un pour éviter une autre émeute au niveau 0…

C’était la voix de Bolton. Nous relevâmes doucement le regard. Nous allions retourner près du Docteur Noonien ? C’est ce que nous voulions. Nous voulons être reconnecté.

Mais le Docteur Wood se retourna brutalement vers l’agent Bolton.

-Agent Bolton… J’aimerais qu’il soit d’abord transféré à l’infirmerie. Je dois lui faire passer un scanner et le soigner.

L’agent Bolton n’était pas de bonne humeur. Et il lança :

-C’est un ordre Docteur Wood. Le Docteur Noonien s’en occupera. C’est lui qui l’a demandé et je préfère m’assurer qu’ils ne sont plus une menace avant qu’il ne soit transféré dans votre infirmerie. Allez plutôt vous occuper des agents blessés. Ce n’est pas ça qui manque ici !

Nous vîmes le Docteur Wood froncer les sourcils et désapprouver mais elle finit par se reculer et nous nous relevâmes doucement sans objecter quoi que ce soit. Nous ne pensions plus qu’à la reconnexion et à Willoughby.

Nous fûmes désarmés. Nous nous laissâmes faire.

Nous ne connaissions pas l’agent Corey, ni même l’agent Beckers… C’était des agents de niveau 7. Nous avions rarement croisés des agents de niveau 7. C’était des agents de terrain. Pas des agents du SPIN.

Nous avançâmes par l’escalier car l’ascenseur était utilisé pour les blessés. Nous étions entouré des deux agents mais nous regardions le sol en progressant.

-Putain… Deux morts…

C’est ce que lança Corey mais nous ne dîmes rien…

-C’est ce foutu drone…

C’est ce que grommela Beckers comme si nous ne l’entendions pas ou que nous étions invisible. Nous étions là. Nous entendions. Mais nous n’osâmes pas répliquer. Nous avions juste envie de regarder le sol. Un sol qui était toujours flou. Nous avions sûrement des implants endommagés par le choc.

-La femme de Willoughby va être dévastée… Elle attends un enfant.

Nous ne le savions pas… Notre cœur se serra. Nous entendions souvent les agents parler de leur famille. Nous avions compris ce qu’était une famille. Nous savions, désormais, ce que ça faisait d’être déconnecter de sa famille.

-Putain de drone…

Notre lèvre trembla mais, encore une fois, nous ne dîmes rien. Nous voulions être invisible et quand nous arrivâmes au niveau 0, nous étions encore plus dévasté.

Nous pensions à la femme de Willoughby…

Nous arrivâmes à la pièce où se trouvait le Docteur Noonien. La porte s’ouvrit. Corey lança alors :

-Voilà le Numéro 3, Docteur Noonien. L’agent Bolton veut que vous fassiez en sorte qu’il ne soit plus un danger. Révisez-le bien ! Nous vous apporteront les drones touchés un par un. Ordre de Bolton.

Nous entendîmes que Corey était fâché. Et lui et Beckers nous laissa avec le Docteur Noonien et Datalore. Nous avions la tête baissée. Nous n’osâmes pas regarder notre créateur. Nous pensons avoir échoué.

-Nous avons échoué…

C’est ce que nous lançâmes d’une toute petite voix.

-Nous avons tué Willoughby…

Notre voix tremblait.

-Nous ne savons pas comment vont nos frères et sœurs… Nous… Nous…

Nous étions perdus, triste et nous avions mal. Nous voulions simplement nous mettre en veille.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

-Il y a quelque chose qui ne va pas…

Le Dr. Noonien était affalé que sa chaise bureau, pivotant légèrement de gauche à droite. William Stark, lui, était parti à la demande de l’agent Johnson qui voulait faire son audition. Je savais que je devrais y passer aussi et j’étais assez curieux de vivre cette nouvelle expérience.

Mais quelque chose n’allait pas.

-Non, sans déconner…

Le ton du Dr. Noonien était étrange et me fis lever un sourcil. Ce n’était pas dans son habitude de parler comme ça. Il passa sa main sur son visage, un geste que je l’avais vu faire plus d’une fois depuis la fin de l’attaque.

-Excuse-moi, Datalore… Qu’est-ce qui ne va pas ?

J’ouvris la bouche, comme souvent avant de faire une affirmation, je restai deux seconde simplement bouche ouverte.

-Le Collectif… Je crois que… La déconnexion est une expérience bien pire que nous le pensions pour les drones. Ceux qui sont encore connectés ne cessent de lancer des requêtes et des recherches Forcément, elles sont toutes infructueuses étant donné que First, Third et Ninth Of B ne sont plus dans le Collectif.

Mon créateur se redressa un peu sur sa chaise et me regarda.

-Et à toi, qu’est-ce que ça te fait ?

Je penchai légèrement la tête sur le côté dans un mouvement raide typique de l’androïde que j’étais.

-Je ne comprends pas la question.

Le Dr. Noonien indiqua d’un grand geste englobant les consoles détruites et les écrans.

-Tout ça ! L’attaque ! L’agent tué par Third Of B ! La déconnexion ! Les messages du Collectif ! Qu’est-ce que tu ressens ?

Mon regard se fit plus clair.

-Oh. Vous ne m’avez pas programmé pour ressentir des émotions, Docteur. Cependant, j’ai bien conscience de l’ampleur des dégâts occasionnés et je peux plus ou moins spéculer sur les conséquences que cela aura sur notre programme.

Je clignai des yeux.

-Quant au Collectif… Je suis habitué à être connecté à vingt drones. La déconnexion avec First, Third et Ninth Of B implique le besoin de reconnexion avec eux. Ou avec des éléments similaires.

Le Dr. Noonien aurait peut-être souri si la situation n’avait pas été si grave.

-Tu es tellement pragmatique… Mais bon, je suppose qu’il en faut bien un pour garder la tête froide.

Mon regard se figea brusquement, ce qui surprit mon créateur.

-Qu’est-ce qu’il y a ?

Je souris.

-J’avais lancé un diagnostic de niveau 3 sur tous mes systèmes. Il en résulte que je fonctionne en parfaite adéquation avec les paramètres établis. Aucune trace de virus ou autre intrusion.

Le Dr. Noonien se détendit…

-Je crois que je vais me contenter de cette bonne nouvelle pour l’instant.

On sonna alors à la porte de mes quartiers et je l’ouvris sans même me déplacer de là où j’étais. Deux agents ramenaient Third Of B. Il regardait le sol. Alors je regardai le sol aussi, intrigué par ce qu’il avait de si intéressant.

Third entra et les agents annoncèrent qu’ils allaient nous ramener les drones un par un.

Je regardais toujours le sol quand la porte se referma sur les agents et que Third Of B prit la parole.

Le Dr. Noonien, lui, vint prendre le drone dans ses bras. Comme c’était un peu plus intéressant que le sol comme comportement, je les observai en silence.

-Là… Du calme… Du calme… Third, ce n’est pas toi qui a tué. C’est Edwin Stark.

Il s’écarta un peu du drone, le tenant par les épaules et essayant de le regarder dans les yeux mais ceux de Third Of B étaient constamment attirés par le sol. Alors je regardai de nouveau le sol tout en répondant au désir de reconnexion du drone.

-Nous allons nous reconnecter. Mais il faut d’abord faire un diagnostic.

Le Dr. Noonien tapota sur l’épaule de Third Of B et l’invita à avancer.

-Assieds-toi sur la table. Datalore, tu peux ouvrir ton crâne.

Regardant toujours le sol, je palpai ma tête avant d’en enlever une partie de la coque chevelue.

-Es-tu… Triste, Third Of B ?

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Nous étions dévasté. Nous n’osâmes pas regarder notre créateur dans les yeux. Nous avions compris que beaucoup de gens nous détestaient pour ce que nous avions fait. Nous pensions que notre créateur aussi le serait. Nous n’étions plus connecté à Datalore… Nous ne savions, donc, pas ce que le Docteur Noonien pensait de tout ça.

Nous ne savions plus rien. Notre cerveau était vide de voix. Nous n’aimions pas cette sensation.

Nous regardions le sol et nous ne vîmes pas que Datalore nous imitait. Nous fûmes surpris quand le Docteur Noonien vint nous prendre dans ses bras. Nous fermâmes les yeux un instant. Ce contact nous fit du bien. Le Docteur Noonien ne nous en voulait pas. Il disait que c’était la faute d’Edwin Stark. Nous hochâmes faiblement de la tête…

Nous aurions quand même dû résister… Nous en avions le compétence. Pas de résister aux ordres mais d’empêcher l’attaque informatique sur nous. Nous aurions dû la contrer.

Nous nous en voulions d’avoir échoué. Nous devons être parfait et réussir parfaitement notre mission. Cet échec était difficile à encaisser pour nous dans cet optique de perfection.

Nous voulions nous reconnecter. Datalore disait qu’il fallait faire un diagnostique avant. Nous hochâmes de la tête, docile.

-D’accord…

Nous exécutâmes l’ordre de notre créateur en nous asseyant sur la table. Nous n’en pouvions plus d’être debout de toute façon. Nous avions mal au dos et tout tournait autour de nous.

Datalore allait procéder au diagnostique et alors qu’il se préparait, il demanda si nous étions triste.

Nous baissâmes les yeux.

-Oui… Nous le sommes…

Ce n’était pas la première fois que nous étions triste. Avant aujourd’hui, nous l’étions quand nous sentions que les agents ne nous appréciaient pas… Nous l’étions quand nous échouions lors de notre entrainement dans le hololife…

Mais aujourd’hui, c’était encore pire. Nous n’avions jamais ressenti ça. Et y penser raviva nos larmes qui coulèrent à nouveau sur nos joues.

-Nous sommes triste car nous avons fait du mal… Nous avons tués Willoughby alors que nous devions le protéger… Nous savons que c’est la faute d’Edwin Stark mais nous nous en voulons. Les agents nous en veulent aussi. Ils nous détestent. Nous sommes triste pour ça aussi. Et…

Notre voix tremblait.

-La famille de Willoughby va être triste… Il avait une femme… Elle est enceinte… Nous ignorions ça.

Nous étions incapable de gérer tout ça… Nous étions incapable de le gérer alors que nous étions déconnecté.

Tous nous détestaient… Bolton aussi… Et une peur s’immisça dans tous mes systèmes. Un peur que nous devions gérer seul sans le Collectif. Nous relevâmes les yeux rempli de détresse.

-Nous… Nous allons être désactivé ?

Nous avions tué… Nous avions peur d’être désactivé. Les agents nous détestaient. Nous n’avions vu que ça comme suite logique.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Il me fallait faire un diagnostic de Third Of B avant de le reconnecter au Collectif. Il ne fallait pas qu’un virus soit toujours dans ses systèmes au moment de la reconnexion. Il ne fallait pas que ses systèmes soient corrompus. Il ne fallait pas qu’Edwin Stark soit encore présent, même sous forme de résidus informatiques, dans le drone.

Parce que le risque, c’était de perdre le Collectif.

Encore une fois, je me rappelai la mort du lot A. Cela ne m’avait pas provoqué d’émotion au sens où les humains l’entendaient. Mais ce n’était pas pour autant que j’avais envie que ça se reproduise. Car la mort du lot A avait été un échec, tant pour moi que pour le Dr. Noonien.

Third Of B, après une longue étreinte avec notre créateur, se dirigea vers la table sur laquelle il monta. Mes quartiers ressemblaient presque en tout point au laboratoire du Dr. Noonien, avec ses écrans, ses consoles, ses ordinateurs et la grande table métallique au centre. Seulement, avec les consoles détruites qui avaient tendance à grésiller à cause des courts-circuits, tout était fait pour nous rappeler notre échec face à Edwin Stark.

Après avoir enlevé une partie de la coque de mon crâne, laissant voir les circuits de mon cerveau positronique qui clignotaient, je demandai à Third Of B s’il était triste. Pendant ce temps-là, le Dr. Noonien cherchait un câble pour nous connecter physiquement.

Third Of B avoua être triste.

M’approchant de lui, par pure imitation d’un geste que j’avais vu faire mon créateur des centaines de fois, je posai ma main sur l’épaule du drone, tapotant maladroitement et plus de fois que nécessaire. Je tapotais d’ailleurs toujours alors qu’il expliquait la source de sa tristesse.

Je ne m’arrêtai que lorsque Third Of B déclara que les agents le détestaient à cause de ce qu’il s’était passé ce matin.

Je levai un sourcil interrogateur.

-Les agents doivent savoir que celui qui a tué leur collègue est Edwin Stark. Les niveaux 5 ont été prévenus de l’attaque démoniaque. Et tout le monde sait qu’Edwin Stark a des compétences en informatique supérieures à la moyenne.

Pour moi, les accusations des agents envers les drones étaient incorrectes. Elles n’avaient pas lieu d’être.

La voix tremblante, Third Of B ajouta que l’épouse de Willoughby allait également être triste. Elle était enceinte. Je savais ce que ça signifiait, mais j’ignorais ce que ça impliquait émotionnellement parlant.

-Alors les gènes de Willoughby existeront toujours quelque part.

Je regardai le Dr. Noonien qui dénouait le câble qu’il avait trouvé.

-Peut-être pourriez-vous cloner Willoughby ?…

Il me regarda, surpris.

-Heu… Non, Datalore… Comme on me l’a rappelé récemment, le clonage est encore très mal vu à notre époque. Créer un génome de toute pièce comme je l’ai fait avec Third Of B passe déjà mal auprès de certains… Mais alors répliquer quelqu’un, je risque la guillotine.

Je fronçai les sourcils.

-La guillotine n’est plus un châtiment infligé depuis 1977 en France, Docteur… Vous ne risquez rien…

Pour la première fois depuis le début de l’attaque, il rigola.

-C’était façon de parler…

Il se posta derrière Third Of B tandis que moi, je faisais toujours face au drone.

-Mais tu saignes ! Le Dr. Wood ne t’a pas soigné avant de t’envoyer ici ?

Il sorti un mouchoir propre de sa poche et appuya sur la plaie à l’arrière de la tête de Third Of B.

Je regardai le drone dans les yeux.

-Est-ce douloureux ?

Si ça l'était, ça ne semblait pas être sa principale inquiétude. Et mon regard se posa sur le Dr. Noonien quand Third Of B demanda s'il allait être désactivé. Le Dr. Noonien pâli et resta bouche bée un instant.

-Mais... Mais bien sûr que non, tu ne vas pas être désactivé!

Il chercha, en se penchant un peu en avant tout en pressant toujours son mouchoir à l'arrière du crâne du drone, le regard de Third Of B.

-Et si tu penses que tu le mérites, chasse tout de suite ça de ton esprit!

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Nous avions déclaré être triste. Nous l’étions. Nous étions triste par rapport à tout ce qu’il s’était passé. Nous étions triste que, désormais, les agents nous détestaient. Datalore tapota sur notre épaule. Nous savions que ce geste visait à nous réconforté mais s’il le faire différemment du Docteur Noonien.

Datalore disait que les agents devaient savoir que celui qui a tué Willoughby était Edwin Stark. Nous hochâmes de la tête. Nous pensions bien qu’ils le savaient. Mais… Ils nous détestaient quand même.

-Ils nous détestent quand même… Nous avons entendu l’agent Corey et l’agent Beckers. Ils pensent que c’est notre faute.

Et nous pensions, quelque part, qu’ils n’avaient pas tort. Si nous avions été meilleur, nous n’aurions jamais été hacké.

Et nous avions mal. Pour la femme de Willoughby. Pour leur enfant. Nous savions à quel point les agents étaient attaché à leur famille. Nous les entendions souvent en parler. C’est comme ça que nous avions tant appris sur ce concept. Nous venions de rendre triste une famille. Celle de Willougbhy. Mais Datalore disait que, avec l’enfant, les gênes de Willoughby existeront toujours. Nous n’avions pas vu ça dans cet angle.

-Oui… Mais sa femme sera triste. Nous en sommes certain…

Datalore proposa l’idée de cloner Willoughby. Nous levâmes un sourcil. Nous étions des clones… Est-ce que Willoughby pourrait devenir comme nous ? Notre regard se tourna vers le Docteur Noonien. Mais il refusa expliquant que tout ça était mal vu. Nous le savions. Nous avions entendu tout ça lors de la visite de William Stark et du Docteur Jester. Nous ne comprenions pas vraiment pourquoi. Mais nous n’avions pas le cœur à poser la question… Tout comme nous ignorions ce qu’était la guillotine. Pourtant, dans d’autres circonstances nous aurions demandé « pourquoi ? » et encore « pourquoi ? » à chacune de nos interrogations.

Tout ce que nous apprîmes c’est que cette histoire de guillotine n’était qu’une façon de parler. Et que Willoughby restera mort quoi qu’il arrive. Cette pensée nous rendit triste.

-Nous aimerions pourtant pouvoir le faire revivre…

Si on arrivait à le faire revivre est-ce que les agents nous pardonneront ? Est-ce que Frank nous pardonnera ?

Le Docteur Noonien se plaça derrière nous remarquant notre blessure à la tête. Il semblait surpris que le Docteur Wood ne nous avait pas soigné. Nous grimaçâmes quand il appuya avec un mouchoir contre notre blessure.

-Elle voulait nous soigner… Mais Bolton voulait que nous venions d’abord ici pour être révisé. Nous voulons être reconnecté.

Nous pensions, comme Bolton, que c’était plus important que de soigner nos blessures… Nous avions presque plus mal de la déconnexion que de ce que le mur nous avait fait quand nous l’avions heurté violemment.

Alors quand Datalore demanda si c’était douloureux, nous approuvâmes.

-Oui. Nous avons très mal à la tête… Notre vision n’est plus nette. Nous avons mal au dos surtout quand nous bougeons. Nous avons du mal à nous concentrer pour diagnostiquer et évaluer notre mal…

Mais cette douleur n’était rien comparé à la peur que nous ressentîmes tout d’un coup quand nous arrivâmes à la conclusion que nos acte pourrait nous mener à une désactivation.

Le Docteur Noonien s’exclama que nous n’allions pas être désactivé. Il chercha mon regard mais nous regardions à nouveau vers le sol. Il disait que nous ne devions pas penser que nous le méritions.

Le pensions nous ? Non. Nous ne voulions pas ça.

-Nous ne voulons pas être désactivé. Nous avons peur de ça. Mais nous ne voyons pas comment réparer ce que nous avons cassé. Nous avons tué Willoughby et nous n’avons aucune donnée pour réparer… Même notre ami, Frank, nous en veut.

Il était venu nous voir… Mais nous avons entendu son ton quand nous avons tué Willoughby. Il nous en voulait.

-Nous avons peur de tuer encore sans que nous puissions rien faire. Comme aujourd’hui. Nous avons, aussi, peur que nous ne puissions jamais sortir voir dehors comme c’était prévu…

Frank nous avais beaucoup parlé de dehors… Et, depuis, notre envie de sortir du SPIN s’était fait plus grande.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Je penchai la tête sur le côté regardant Third Of B quand il affirma que les agents le détestaient, qu’ils pensaient que c’était la faute du drone…

-Je ne pense pas que le blâme puisse revenir à quiconque employé au SPIN. Tu es devenu un danger parce que tu as été hacké. Mais tu n’es pas plus fautif que Monsieur Stark quand il a été possédé lors de l’attaque.

Le Dr. Noonien hocha la tête tout en cherchant son câble.

-J’ai moi aussi été sous influence quelques précieuses secondes. Ce n’est pas parce que tu es un drone que tu es plus dangereux que n’importe quel agent… Tout du moins face à des démons.

Cela ne sembla pas rendre le sourire à Third Of B. Il pensait à l’épouse de l’agent qu’il avait abattu et qui attendait un enfant. Je pensais avoir la solution : le clonage. Je savais que le Dr. Noonien était capable de répliquer un être humain. Ce qu’il avait fait pour créer Third Of B et ses frères et sœurs était encore bien plus complexe.

Mais notre créateur écarta directement l’idée. Apparemment, un être recrée à partir de ses gènes ne serait pas bien accepté dans la société.

Third Of B voulait pourtant pouvoir le faire revivre.

Le Dr. Noonien vint avec le bon câble qu’il me passa en parlant au drone.

-Ce que tu expérimentes là, Third Of B, c’est une forme de deuil, en plus de la culpabilité. C’est psychologiquement douloureux mais ça prouve que tu es quelqu’un de bien.  

Je levai un sourcil…

-Je suis moi aussi responsable. J’ai relayé l’ordre d’Edwin Stark au Collectif. Mais je ne ressens aucune culpabilité, ni aucune forme de douleur. Est-ce que cela fait de moi quelqu’un de… pas bien ?

Le Dr. Noonien se gratta la tempe.

-Pour toi, c’est différent mais je dirais que… puisque tu te poses cette question, tu es aussi quelqu’un de bien.

Passant derrière Third Of B, notre créateur remarqua sa blessure et s’étonna, tout en pressant dessus avec un mouchoir, que le Dr. Wood ne l’ait pas soigné avant de l’envoyer dans mes quartiers. Quand le drone grimaça, j’essayai de reproduire sa grimace, sans réel succès.

Third Of B expliqua que l’agent Bolton n’avait pas laissé le temps au médecin SPN de le soigner et que, de toute façon, lui ne voulait qu’une seule chose : être reconnecté. Je tâtai mon crâne à moitié ouvert sur mon cerveau positronique et y branchai une des extrémités du câble. Dans le même temps, je demandai à Third Of B si c’était douloureux. Il m’expliqua donc ses douleurs.

Sa tête et son dos étaient les endroits les plus touchés…

-Je vérifierai ton implant oculaire encore une fois avant la reconnexion… Sinon tu vas refiler ton mal de crâne à tout le Collectif.

Je tendis l’autre extrémité du câble au Dr. Noonien. Il cessa de presser avec son mouchoir qui était maintenant un peu rouge de sang et le posa sur la table.

-Ça a l’air d’aller. Tu n’auras pas besoin de points de suture mais tu es peut-être un peu commotionné.

Le Dr. Noonien allait brancher le câble à un de ses implants cybernétiques, mais il arrêta son geste quand Third of B lui fit part de sa peur d’être désactivé. Le fait que tous les agents semblaient lui en vouloir avait l’air de lui faire bien plus de mal que ses blessures physiques.

Le Dr. Noonien se passa une main sur la figure.

-Je suis un peu comme vous pour ce qui est des relations sociales, je l’avoue. Tout n’est pas très clair pour moi. Mais à ta place, Third, je pense que… Ce que je ferais, c’est demander pardon… Puis tenter d’expliquer que la faute ne te revient pas tout entière.

Le Dr. Noonien sourit vaguement.

-Si Barnes est vraiment ton ami, il aura au moins la décence de t’écouter.

Mais une autre peur tiraillait le drone. Il ne voulait pas recommencer à tuer. Et il ne voulait pas que ses chances de voir le monde extérieur soient compromises.

Le Dr. Noonien brancha délicatement le câble à l’implant oculaire de Third. Directement, un flot d’informations me vint et mes yeux jaunes se mirent à bouger de gauche à droite alors que je lisais des lignes de codes visibles uniquement de moi-même.

-Je vais améliorer vos capacités à vous défendre informatiquement. Bolton m’a informé que le Collectif serait suspendu le temps des réglages. Mais il ne m’a pas dit que vous ne pourriez pas sortir. Peut-être que ce sera juste un peu retardé.

Si j’étais en train de diagnostiquer Third Of B, cela ne m’empêchait pas de suivre la conversation en cours.

-Quelle est la chose que tu as le plus envie de voir, dehors ?

Puis les premières informations concernant les systèmes du drone apparurent dans mon champ de vision.

-Implant oculaire endommagé à 32%. Implant spinal fissuré… Virus : aucun. Dégradation du code de base à 19%... Je corrige.

Le Dr. Noonien invita Third Of b à s’allonger.

-Ok, fais ça, Datalore. Third, je vais commencer par rectifier ton implant oculaire. Après, je regarderai ton implant spinal dans ton dos. Ils t’ont bien amoché.

Il sourit.

-Mais tu peux continuer à parler. Je pense que tu en as besoin.

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Nous savions très bien que tout ça n’était pas entièrement notre faute. Mais les agents le pensaient ainsi. Ce qui déstabilisait un peu Datalore. Il disait que nous n’étions pas plus fautif que William Stark qui a été possédé. Nous hochâmes de la tête. Nous savions ça. Mais la différence c’est que William Stark n’a tiré dans la tête de personne.

Le Docteur Noonien déclara avoir aussi été sous influence. Nous ne le savions pas. Nous regardâmes notre créateur qui essayait de nous rassurer en disant que nous n’étions pas plus dangereux parce que nous étions des drones.

-Nous aimerions que les agents voient les choses comme ça…

Mais nous ne pouvions pas changer ce qu’ils pensaient. Tout comme nous n’arrivions pas à nous défaire de la culpabilité que nous ressentions. Nous pensions beaucoup à la femme de Willoughby. Et avec les idées lancées par Datalore, nous avouâmes que nous aimerions pouvoir faire revivre Willoughby. Qu’il puisse rentrer chez lui et revoir sa femme… Mais nous comprîmes assez vite que ce n’était pas possible.

Le Docteur Noonien essayait de nous expliquer ce que nous ressentions. Il disait que si nous pensions ainsi c’est que nous étions quelqu’un de bien. Nous croisâmes son regard…

-Nous n’aimons pas cette douleur.

Datalore, lui, disait ne rien ressentir malgré qu’il avait aussi relayé les ordres d’Edwin à nous. Il se demandait s’il était quelqu’un de bien. Le Docteur Noonien le rassura aussi en disant que s’il se posait la question c’est qu’il était quelqu’un de bien. Nous savions faire la différence entre le bien et le mal. Nous ne pensions pas être quelqu’un de mauvais. Nous n’aimions pas la méchanceté, un concept que nous avions appris ces 4 derniers mois.

-Edwin Stark n’est pas quelqu’un de bien… Il a ordonné que nous tuions… Nous avons essayé de résisté à cet ordre. Nous n’y sommes pas arrivé.

Nous regardâmes Datalore et le Docteur Noonien.

-Nous aurions voulu pouvoir résister…

Nous ne remarquâmes pas qu’il y avait une pointe de reproche dans notre voix. Nous n’arrivions pas, à cet instant, à gérer nos émotions. Sans le Collectif, nous ne gérions rien.

-Datalore n’est pas mauvais… Nous ne pensons pas l’être non plus…

Le Docteur Noonien remarqua notre blessure et nous expliquâmes pourquoi le Docteur Wood ne nous avait pas encore soigné. Nous grimaçâmes de douleur et Datalore nous imita. En d’autres circonstances, ce geste nous aurait fait sourire.

Aujourd’hui, rien ne pouvais nous faire sourire.

Nous expliquâmes nos blessures et le Docteur Noonien déclara qu’il allait vérifier l’implant oculaire. Nous hochâmes de la tête. Nous ne voulions pas faire de mal à nos frères et sœurs. Il ajouta que nous étions un peu commotionné. Nous hochâmes à nouveau de la tête.

Nous évoquâmes alors notre peur d’être désactivé et si le Docteur Noonien nous rassura, ça n’empêchait que nous ne savions pas comment réparer ce que nous avions brisé. Nous avions brisé une famille et nous avions brisé notre amitié avec Frank. Le Docteur Noonien nous donna un conseil… Discuter et demander pardon. Expliquer que tout n’était pas notre faute. Il disait que si Frank était notre ami, il nous écoutera.

-Nous essayerons. Même si nous avons peur qu’il reste fâché sur nous. Nous aimons beaucoup Frank…

Nous avions peur qu’il ne veuille plus travailler avec nous… Nous pensons que plus aucun agent ne voudra travailler avec nous.

Nous fûmes branché à Datalore pendant que le Docteur Noonien disait qu’il allait améliorer nos capacités à nous défendre informatiquement. En attendant, nous étions suspendu. Et, bizarrement, nous sentîmes un soulagement à cette nouvelle.  Tout comme nous fûmes soulagé d’apprendre que nous pourrons, un jour, sortir. Même si… Si nous étions suspendu, qu’allions nous faire de nos journées ?

-Nous ferons quoi pendant que nous sommes suspendu ? Nous allons nous entrainer dans le hololife ?

Nous ne voyons pas ce que nous pourrions faire d’autre. Nous sommes programmé pour protéger le SPIN… Quand nous ne faisions pas ça, soit nous nous reposions, soit nous allions passer des test chez le Docteur Noonien ou le Docteur Wood, soit nous nous entrainions…  

Datalore demanda ce que nous voulions le plus voir dehors. Nous croisâmes son regard qui allait de gauche à droite car il était en train de nous diagnostiquer.

-Nous…

Il y avait tellement de chose.

-Nous voulons voir les voitures… Les agents en parlent souvent. Il y a plein de choses que nous voulons voir. Nous ne connaissons certaines choses qu’en image ou qu’en théorie. Nous voulons voir les maisons et les jardins…

Nous avions déjà vu des photos sur le téléphone de Frank. Mais nous voulions voir ces choses en vrai.

Datalore arriva à un diagnostic. Nous soupirâmes avant de nous allonger quand le Docteur Noonien nous le demanda. Il allait réparer d’abord l’implant oculaire. Il disait que, en attendant, nous pouvions parler car nous en avons besoin.  

-Nous n’avons pas l’habitude de ne pas parler… Nous parlons toujours par la pensée avec le Collectif. Nous avons toujours des voix pour répondre. Nous n’avons plus ça… Nous nous sentons mal depuis que nous sommes déconnecté. Nous… Nous n’arrivons pas à expliqué ce mal. Tout à l’heure, nous étions figé… Nous ne savions plus quoi faire.

Nous regardions le plafond.

-Nous ne voulons plus jamais être déconnecté. Nous préférons être éteint que déconnecté.

Notre voix tremblait quand nous parlions de cette expérience.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Apparemment, ce n’était pas simple de faire voir les faits aux humains… ou plutôt, aux agents. Si j’en croyais Third Of B, c’était comme s’ils s’arrêtaient au fait que le drone avait tiré dans la tête d’un de leur collègue, sans prendre en compte toutes les données. Car ce drame était une succession de circonstances et d’erreurs qui ne pouvaient pas toutes être imputées à Third Of B. J’étais responsable. Le Dr. Noonien était responsable. William Stark était responsable.

Mais surtout, Edwin Stark était responsable.

Edwin Stark, comme le disait le drone, n’était pas quelqu’un de bien. Contrairement à nous, apparemment, d’après le Dr. Noonien.

-Nous nous étions préparés, dans le Hololife, au fait qu’Edwin Stark ordonnerait de tuer.

Nous avions joué le programme à longueur de journée, pendant les jours qui nous restaient avant l’attaque. Le Dr. Noonien avait aussi profité de ce temps pour renforcer nos sécurités informatiques. Mais ça n’avait pas suffi.

Third Of B déclara qu’il aurait voulu pouvoir résister, sur un ton qui me fit lever un sourcil interrogateur. Etait-il… fâché ?

Ce fut le Dr. Noonien qui lui répondit.

-Je sais. Le fait que vous ne puissiez déroger aux ordres de la matrice centrale est à double tranchant.

Il soupira.

-Je n’étais pas d’accord avec la plupart des choses qu’a dites le Dr. Jester lors de notre rencontre, au sujet de votre existence. Mais là où elle avait raison, c’était que nous n’étions pas prêts, que c’était trop tôt. Tant pour vous que pour moi.

Il fit la moue.

-Mais le Directeur Pierce vous voulait sur le terrain le plus vite possible. Il fallait « rentabiliser », disait-il…

Il marqua une pause, puis ajouta.

-D’un autre côté, il y a très peu de hackers qui ont le talent d’Edwin Stark. Vous restez le système de sécurité le plus performant jamais créé à ce jour.

Je hochai la tête. Je savais, car j’avais énormément d’information sur Edwin Stark car le Dr. Noonien l’avait connu lorsqu’ils travaillaient presque côte à côte, que le démon était l’un des meilleurs ingénieurs existants au monde. Comme le dirait le Dr. Noonien, ce n’était pas un geek de 12 ans qui allait réussir à pénétrer notre système.

Third Of B disait que nous n’étions pas mauvais.

-Bien sûr que non, vous ne l’êtes pas.

Le Dr. Noonien s’occupa de la légère blessure à la tête de Third Of B pendant que je me préparais au branchement pour faire mon diagnostic. Pendant ce temps-là, Third Of B expliqua ses craintes quant à fait que son ami agent ne l’apprécie plus. Qu’il ne soit plus son ami. Le Dr. Noonien lui donna quelques conseils que le drone allait exécuter…

-Les vrais amis cherchent à comprendre… Et finissent par pardonner. Tu verras.

J’ouvris la bouche, stoppai, puis me lançai.

-Avez-vous des amis, Dr. Noonien ?

Il me regarda, surpris. Réfléchit une seconde, puis répondit.

-Vous. Toi, le Collectif.

J’ajoutai.

-Je voulais dire : des amis humains.

Noonien secoua la tête.

-Heu… non… Nous, je n’ai que vous…

Third Of B, maintenant branché à mon cerveau positronique, se demandai ce qu’on allait faire durant notre suspension. J’écoutai la réponse car cela me concernait aussi.

-Et bien nous avons beaucoup de boulot. Il faudra entraîner vos capacités à contrer les intrusions informatiques. Je vais créer de nouveaux pare-feu plus performants. Et oui, vous irez aussi vous entraîner dans le Hololife.

Beaucoup de travail, donc Beaucoup de tests, beaucoup de diagnostics. Ce n’était pas un problème pour moi parce que tout ça était ma raison d’être. Third Of B, lui, était plus rêveur. Il voulait aller dehors. Cela m’intriguait… Je voulais savoir ce qui l’intéressait tellement dehors.

Il voulait voir les voitures et les maisons, ainsi que les jardins.

-Nous pourrions en voir dans le Hololife, en attendant.

Je fis le diagnostic de Third que le Dr. Noonien invita à s’allonger, ce qu’il fit. Il avait subi des dommages conséquents. Je me demandais ce que ça faisait de ressentir la douleur. Je comprenais que ça le faisais grimacer. Mais à part ça, je n’arrivais pas à me figurer le phénomène.

Le Dr. Noonien, qui se mit à travailler sur l’implant oculaire du drone avec des outils de précision. Moi, j’étais toujours debout, très droit, mes yeux allant toujours de gauche à droite.

-Distance focale rétablie à 30%...36%...

Cela s’améliorait au fur et à mesure que notre créateur travaillait… Et à mesure que Third Of B parlait. Il n’aimait pas être déconnecté. Il préférait être éteint que déconnecté. Parce qu’il n’entendait plus les autres.

-Est-ce cela, se sentir seul ?

J’avais été connecté au Collectif dès mon activation. Je ne savais pas ce que c’était, être seul.

-Tu dis t’être figé une fois déconnecté. Ce n’est pas tout à fait vrai. Tu as exécuté ta programmation de base même déconnecté. Tu as essayé de protéger les agents et le SPIN. Nous t’avons vu sur les écrans.

Noonien acquiesça.

-En effet, tu as continué alors que tous les agents s’étaient rendu. C’est une forme d’héroïsme.

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Datalore disait que nous nous étions préparés à l’ordre de tuer dans le hololife… Oui… Mais en vrai, ce n’était pas la même chose. Du coup, nous ne nous empêchâmes pas de dire :

-Nous n’étions pas assez préparé.

Nous ne pensions pas être un jour prêt à revivre ça. Nous ne voulions plus que ça arrive…

L’ordre nous était arrivé et nous avions essayé de résisté. Nous n’avions pas réussi et nous en voulions à notre propre programme pour ça. Car c’était notre programme qui nous empêchait de pouvoir résister aux ordres qui nous venaient. Avant ça, nous n’avions pas essayé de résisté… Maintenant, nous savions ce que ça faisait et ce n’était pas agréable.

Le Docteur Noonien confirma que ce programme était à double tranchant. Nous hochâmes de la tête. Si nous avions pu déroger à l’ordre, Willoughby serait vivant.

-Si nous avions pu, l’agent Willoughby ne serait pas mort… Nous ne savions pas que ça serait aussi difficile de résister. Nous avons eu très mal quand nous avons résisté.

Le Docteur Noonien disait être d’accord avec le Docteur Jester pour ce qui était du fait que nous n’étions pas prêt… Nous regardâmes notre créateur. Nous pensions l’être… Mais nous avions remarqué aujourd’hui que nous ne l’étions pas… Il disait que Pierce avait voulu rentabilisé… Nous ne comprenions pas ce que voulait dire le Docteur Noonien.

-Rentabiliser ?

Nous posâmes cette question mais avec beaucoup moins d’enthousiasme que d’habitude…

Le Docteur Noonien disait qu’il y avait peu de hacker du niveau d’Edwin Stark. Nous hochâmes de la tête. Nous n’avions rien pu faire contre lui malgré notre entrainement.

Le Docteur Noonien avait confirmé que nous n’étions pas mauvais. Nous savions que nous ne l’étions pas… Mais l’entendre faisait du bien car depuis que nous avions tué Willoughby nous sentions que les gens étaient hostiles à notre égard. Et nous avions peur que Frank Barnes ne veuille plus être notre ami. Mais le Docteur Noonien disait que nous devions parler à Frank Barnes et lui expliquer. Que les amis prennent le temps d’écouter. Il était sûr que si Frank était réellement notre ami, il nous pardonnera. Nous regardâmes un instant le Docteur Noonien.

-Nous l’espérons.

Datalore demanda à notre créateur s’il avait des amis. Il disait nous avoir nous… Nous considérions le Docteur Noonien comme notre famille et nous savions que la famille et les amis ce ne sont pas la même chose. Mais le Docteur Noonien disait n’avoir aucun ami humain. Je pris un air triste. Triste pour lui.

-Avoir un ami est l’expérience que nous avons le plus aimé depuis que nous sommes nés. Ne sommes-nous pas votre famille, Docteur Noonien ?

Nous pourrions lui présenter Frank… Quand Frank nous aura pardonné. Sinon, nous aussi nous n’aurons plus d’amis…

Et ça nous rendait triste.

Nous avons été branché à Datalore et nous nous demandions ce que nous allions faire une fois suspendu. Le Docteur Noonien disait que nous avions du boulot. Nous devrons nous entrainer dans le hololife. Nous devions avouer, au fond de nous, que l’idée de passer nos journée dans le hololife ne nous plaisait pas trop…

Mais…

-Nous essayerons de devenir meilleur.

Car nous devons devenir parfait.

Nous étions rassurés du fait que nous allons quand même pouvoir voir dehors. Nous répondîmes à Datalore sur ce que nous voulions voir… Il y a tellement de choses ! Des choses que nous avions vu en photo et que nous voulions voir en vrai. Datalore disait que nous pourrons voir ça dans le hololife avant de sortir pour de vrai. Nous étions plus emballé par cette idée que par le fait de s’entrainer.

-Oui. Nous voulons bien faire ça. Nous pourrions faire ça pendant notre suspension.

Nous nous couchâmes pour que le Docteur Noonien puisse réparer nos implants. Nous regardions le plafond qui était de plus en plus net à mesure que notre créateur nous réparait. Nous entendions Datalore dire tout haut la progression alors que nous, nous racontâmes que nous n’avions pas aimé être déconnecté. Que nous préférions être éteint. Et Datalore nous demanda si c’était ça que ça faisait de se sentir seul.

Nous marquâmes une pause… Nous étions seul… Oui. Nous l’étions. Nous soufflâmes alors :

-Oui… Nous sommes seuls.

Nous étions entouré mais nous sommes seuls. Nous remarquâmes l’illogisme. Mais c’est ce que nous étions sans le Collectif. Nous n’étions rien sans les autres. Nous ne savions pas quoi faire… Nous nous sentions mal et inutile.

Mais Datalore n’était pas d’accord avec ce fait. Il disait que, même déconnecté, nous avions continué à remplir notre programmation de base. Le Docteur Noonien confirma. Il disait que c’était une forme d’héroïsme.

-Nous n’avions que ça comme repère… Notre programmation de base. Frank s’est laissé enfermé… Les autres agents aussi… Frank nous a dit de nous rendre aussi. Nous n’avons pas compris. Les agents ne doivent pas protéger le SPIN ? Tout le monde ne faisait plus la même chose. Nous défendions le SPIN… Les agents s’étaient rendus. Seul, nous n’avons rien pu faire. Nous étions tous… Désordonné… Déconnecté… Nous n’aurions jamais su gagner. Ninth ne savait plus bouger… Nous avions peur pour lui…

Nous nous étions senti mal dans le chaos qu’il y a eu. Nous étions seul face aux démons et autres surnaturels.

-Nous n’avions aucune chance… Aurions-nous dû suivre le conseil de Frank ? Nous pensons que non… Mais nous avons échoué même en ne l’écoutant pas. Est-ce que nous aurions échoué si les agents ne s’étaient pas rendu ?

Nous avions bien trop de questions.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Le fait que les drones ne puissent déroger à un ordre venant de moi était à double tranchant. Mais c’était aussi ce qui maintenait l’ordre dans le Collectif. C’était le principe d’une pensée unique pour un nombre d’individus donnés qui seraient toujours d’accord entre eux et travailleraient ensemble pour un même but.

Mais forcément, si j’étais hacké, le pirate pouvait faire ce qu’il voulait du Collectif. C’était ce qui s’était produit aujourd’hui.

-Third… L’agent serait peut-être mort quand même. Il y a eu un deuxième mort et ce n’était pas de ton fait. Les démons étaient trop bien préparés. Et ils avaient des capacités qui dépassaient nos compétences.

Le Dr. Noonien avouait que nous avions été mis sur le terrain trop tôt. C’était vrai. Encore quelques mois d’entraînement et de programmation et peut-être aurions-nous été en mesure de contrer les attaques informatique d’Edwin Stark.

-Cependant, rien n’indique que nous aurions pu faire quoi que ce soit contre la possession. A défaut de nous hacker, ils auraient possédé William Stark et les choses se seraient alors déroulées sensiblement de la même façon.

Third Of B ne compris pas ce que le Dr. Noonien voulait dire par le fait que le Directeur Pierce avait voulu nous « rentabiliser »… Et à vrai dire, moi non plus. J’écoutai donc la réponse de notre créateur.

-Le SPN a investi beaucoup d’argent et pendant des années pour que je puisse en venir au résultat d’aujourd’hui : vous. Dès que Pierce a su que vous étiez opérationnels, il a voulu qu’enfin, cet investissement paye.

Le Dr. Noonien nous expliqua que nous étions des gens bien… Si tant était que nous soyons réellement des gens. Une chose était sûre, c’était que nous étions une toute nouvelle forme de vie.

Third Of B avait vraiment peur que Frank Barnes ne veuille plus être son ami. Le Dr. Noonien lui donna quelques conseils pour obtenir son pardon. Puis il prit un air triste en apprenant que le Dr. Noonien n’avait pas d’amis humains. Il n’avait que nous. Mais il y avait effectivement une nuance pour nous. Il nous avait toujours dit que nous étions sa famille.

Le Dr. Noonien sourit.

-Vous êtes mes enfants, ma famille, mais on peut très bien considérer des membres de sa famille comme des amis. C’est une question de complicité. Or, avec vous, je peux avoir des conversations intéressantes comme maintenant. C’est ça aussi, être amis.

Une chose était sûre… Maintenant que nous étions suspendus, nous devions travailler pour devenir meilleurs. Je hochai la tête quand Third Of B rejoignis ma conclusion. Nous nous entraînerions dans le Hololife. Mais cette machine pouvait aussi nous offrir beaucoup plus ! Nous pouvions simuler un aperçu de l’extérieur. Nous ne l’avions jamais fait…

-Cela pourra être intéressant.

Le Dr. Noonien s’occupait de l’implant oculaire du drone et je lui donnais sa progression en temps réel, tout en suivant la conversation. Third Of B était un drone très locace qui se posait beaucoup de questions. Encore plus de questions que moi.

Quand je lui demandai s’il se sentait seul maintenant qu’il était déconnecté, il répondit par l’affirmative.

-Distance focale corrigée à 60%... 64%...

Bientôt, Third Of B récupérerait une vision correcte.

Le Dr. Noonien nous fit alors remarquer que même s’il avait été déconnecté, Third avait poursuivi sa mission. Il pose encore beaucoup de question qui impliquaient des conditions. Des conditions différentes. Le Dr. Noonien le remarqua aussi. Concentré sur l’implant, il marmonna.

-Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille…

Je levai un sourcil.

-Paris en bouteille ?

Je ne voyais pas le rapport entre la ville française et une bouteille. D’autant qu’il était impossible de mettre toute une ville dans une bouteille.

-Oui. C’est une expression. Cela veut dire qu’avec des « si », on pourrait changer l’Histoire. Or, c’est impossible, comme de mettre une ville entière dans une bouteille.

Il s’arrêta un instant de rectifier l’implant oculaire pour capter le regard du drone.

-Ce qui est fait est fait. Tu ne peux pas revenir en arrière malgré que tu doives en crever d’envie.

Je penchai légèrement la tête.

-Mais n’est-ce pas en apprenant de nos erreurs d’aujourd’hui que nous pourrons nous améliorer ?

Le Dr. Noonien se remit au travail.

-Si, bien sûr. Mais vous devez avoir bien conscience que jamais les circonstances ne seront exactement similaires. Chaque situation aura ses variables.

Je hochai la tête.

-D’accord… 80%... 95%... 100%... Distance focale rectifiée.

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Le Docteur Noonien disait que l’agent Willoughby serait peut-être quand même mort même si nous ne lui avions pas tiré dessus. Nous soupirâmes… Il avait peut-être raison. Mais il aurait eu une chance, peut-être, de survivre. Nous n’avions pas toujours été très bon au combat dans le hololife mais sous l’influence d’Edwin nous avions été trop efficace…

Le Docteur Noonien pensait, comme le Docteur Jester, que nous avions été mis sur le terrain trop tôt. Nous, nous pensions être prêt. Nous ne pensions pas être moins bon qu’un agent. Datalore disait que, même entrainé, nous n’aurions rien pu faire contre la possession. William Stark, dans cet attaque, était un de nos atout et il avait été possédé… Nous haussâmes les épaules.

-Sensiblement… Mais pas entièrement. Des données auraient pu changée si nous avions été plus fort. Nous aurions pu, peut-être, repérer la possession.

Grâce à notre œil bionique, nous aurions peut-être pu. Mais nous n’avions rien vu… Nous ne nous concentrions pas sur les bonnes choses. Nous nous rappelions que nous étions très nerveux avant que tout ne commence.

Mais nous n’avions pas tout compris des paroles du Docteur Noonien. Nous ne comprenions pas le mot « rentabilisé ». Il nous expliqua que le SPN avait investi de l’argent dans le projet du Docteur Noonien… Nous. Nous étions son projet. Nous commencions à comprendre que l’argent avait beaucoup de place dans la vie des humains. Mais nous ignorions encore comment tout fonctionnait et pourquoi ça avait tant de place. Nous, nous n’avions pas d’argent… Et nous n’en avions pas besoin pour fonctionner…

-Nous avons du mal à comprendre le concept « d’argent »… Nous savons que c’est important… Mais nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi…

Nous le comprendrons, peut-être, quand nous sortions dehors. Peut-être aurons-nous besoin d’argent quand nous seront hors du SPIN ? Nous le saurons un jour car le Docteur Noonien nous avait rassuré en disant que nous sortions un jour malgré les événements d’aujourd’hui. Il tenta de nous rassurer sur Frank aussi ce qui nous amena à parler des amitiés de notre créateur. Il n’avait pas d’amis… Sauf nous. Mais nous étions sa famille. Il confirma mais disait que la famille pouvait être des amis aussi. Il disait qu’avec nous, il pouvait avoir des conversations intéressants. Nous étions un peu moins triste car nous n’aurions pas voulu que le Docteur Noonien se sente seul.

-Nous aimons aussi discuter avec vous, Docteur Noonien… Nous apprenons beaucoup. Nous sommes votre ami et votre famille.

Nous parlâmes de dehors et Datalore disait que nous pourrions voir dehors dans le hololife. Nous voulions bien essayer. C’était mieux que de s’entrainer. Nous n’aimions pas spécialement nous entrainer… Même si nous le devions pour devenir parfait.

Nous suivions la conversation tout en écoutant Datalore donner la progression des réparations. Nous voyions de mieux en mieux bien que nous avions encore mal à la tête. Nous continuâmes de parler tout en même temps. Nous ne pouvions ne pas parler de notre déconnexion. Nous n’avions pas aimé l’expérience. Et c’est toujours secoué par les événements de ce matin que nous posâmes plein de questions sur ce qu’il s’était passé. Mais le Docteur Noonien ne répondit pas à mes hypothèses… Il lança plutôt une expression que Datalore et moi ne comprîmes pas. Il l’expliqua… Nous soupirâmes et il capta notre regard pour nous dire que nous ne pouvions pas revenir en arrière.

-Oui… Nous aurions voulu revenir en arrière. Nous…

Qu’aurions-nous fait ? Demander à ne pas être l’un des drones en service aujourd’hui ? Non… Nous n’étions pas lâche…

-Non… Nous n’aurions pas voulu revenir en arrière. Nous aurions plutôt voulu que ce jour n’arrive pas…

Datalore disait que nos erreurs d’aujourd’hui nous permettrons de nous améliorer ce que confirma le Docteur Noonien même si chaque situation n’allait jamais être totalement la même. Nous soupirâmes.

-Nous avons appris que nous ne pouvons pas battre une vingtaine de surnaturels seul… Nous ne pensons pas que ce fait changera dans d’autres circonstances.

Oui. Nous l’avions bien appris…

Notre implant oculaire fut réparé. Nous clignâmes des yeux. Notre vision était, à nouveau, nette et les informations que nous donnait notre implant furent à nouveau précises.

-Nous voyons à nouveau bien. Merci, Docteur Noonien…

Nous demandâmes alors d’un ton plus suppliant :

-Pouvons-nous être reconnecté maintenant ? Nous… Nous ne pouvons plus supporter ça. Nous n’avons pas de virus… S’il vous plait…

Nous avions encore un implant à réparer mais nous souhaitions être reconnecté. Nous tournâmes la tête vers Datalore.

-S’il te plait, Datalore…

Nous avions l’impression que chaque minute hors du Collectif devenait plus pénible.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Les événements d’aujourd’hui avaient beaucoup secoué Third Of B et le Dr. Noonien. Il n’y avait que pour moi que ce qui s’était passé n’était qu’un flot de données à analyser en vue de meilleures performances ultérieures.

Third Of B affirmait que s’il avait été meilleur, il aurait pu repérer le phénomène de possession. Je le regardai, haussant les sourcils. Je savais qu’il en était capable. Il avait le programme pour ce faire. Mais le Dr. Noonien sourit doucement.

-Tu l’aurais repéré, probablement. Mais aurais-tu pu l’empêcher ? Là est toute la question.

Après quoi, notre créateur nous expliqua pourquoi, même s’il pensait que nous n’étions pas prêts, nous nous étions retrouvés sur le terrain. C’était une question d’argent. Je connaissais la théorie du concept, même si j’aurais eu du mal à évaluer la valeur des devises qui étaient une convention humaine qui était, qui plus était, fluctuante en fonction de l’état de la Bourse.

Third Of B ne comprenait pas pourquoi l’argent était important.

-C’est la base du commerce entre humains. Presque rien ne peut s’acquérir sans argent. Rien ne peut être construit sans argent.

Le Dr. Noonien hocha la tête.

-Voilà, pour faire simple, c’est ça.

Je regardai mon créateur.

-Mais je ne suis pas d’accord. Nous étions prêts. Nous n’aurions pu évoluer d’avantage sans faire des expériences en situation réelle comme aujourd’hui.

Le Dr. Noonien pinça les lèvres.

-C’est plus ou moins ce que j’ai dit au Dr. Jester lors de notre rencontre. Cependant, en tant que père, ça me fait mal de vous voir dans cette situation. Et je me dis que si vous aviez eu plus de temps… peut-être… Enfin c’est trop tard maintenant.

Je haussai les épaules d’une manière un peu artificielle… ou enfantine.

-Si vous avez mal, prenez un antidouleur, Docteur.

Le Dr. Noonien me regarda, surpris.

-Hein ? Quoi ?... Mais non… J’ai mal… ça me rend triste, je veux dire…

Décidément, tout le monde était triste, sauf moi.

Une partie de cette tristesse venait donc du line qui nous unissait tous les trois. Famille, amis… Nous étions tout cela à la fois pour le Dr. Noonien. Mais je devais avouer que la conversation était des plus intéressantes. Comme le disait Third, nous étions en train d’apprendre beaucoup de choses.

Ensuite, Third Of B posa plusieurs hypothèses sous forme de questions. Mais le Dr. Noonien prétendait que cela ne servait pas à grand-chose parce qu’aucune situation ne se reproduirait à l’identique. Et qu’on ne pouvait pas revenir en arrière pour rectifier les choses.

Cependant, dans tout cela, Third Of B avait appris quelque chose d’immuable : seul contre une vingtaine de surnaturels, il perdrait à tous les coups.

-Les agents le savaient. Ils se sont rendus. Pourquoi ne t’ont-ils pas prévenus ?

Le Dr. Noonien grimaça…

-Peut-être parce que pour eux, ce n’est QU’un drone. Ils le voient peut-être comme quelque chose de remplaçable. Ce n’est pas le cas.

Le Dr. Noonien arriva à régler l’implant oculaire de Third Of B qui le remercia. Restait son implant spinal qui était fissuré, mais le drone eu un drôle de regard et prit un drôle de ton. Il voulait être reconnecté au Collectif.

J’échangeai un regard avec mon créateur qui hocha la tête après quelques secondes de réflexion. Mon regard se fit alors fixe vers le mur par au-dessus de l’épaule de Third Of B.

-Initialisation de la connexion…

Les questions du Collectif revinrent à l’avant-plan. Leur question principale étant de savoir où étaient First, Third et Ninth. Il ne me fallut que quelque secondes pour rendre Third à ses frères et sœurs qui me remercièrent à l’unisson.

-Connexion établie. Est-ce mieux ?

Avec un ton très doux, le Dr. Noonien parla à Third.

-Tu veux bien te coucher sur le côté maintenant ? Je vais regarder ton dos.

Analysant les retrouvailles entre Third Et ses semblables, je déclarai :

-Le Collectif n’a vraiment pas apprécié la déconnexion des trois drones… Cela leur fait physiquement mal sans même qu’ils soient blessés.

Le Dr. Noonien soupira tout en palpant le dos de Third Of B…

-Que ressens-tu, Third Of B, lorsque tu es déconnecté ? Est-ce la même chose que ce que tu ressens pour la mort de l’agent Willoughby ?

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Nous ne savions pas si nous aurions pu empêcher les choses même si nous avions repérer que l’agent Finley avait un problème. Nous n’en étions pas certain et cette incertitude nous fit soupirer.

Nous apprîmes que c’était le Directeur Pierce qui avait voulu nous voir rapidement sur le terrain. C’était une histoire de rentabilité. Nous nous posâmes des questions sur ce concept que nous avions beaucoup de mal à comprendre. Datalore disait que l’argent était la base du commerce entre humain. Sauf que même le concept de commerce nous était trop abstrait… Trop vague… Mais, apparemment, rien ne pouvait être fait sans argent. Le Docteur Noonien confirma alors nous pûmes en arriver à une conclusion :

-Nous n’aurions pu exister sans argent… Vous n’auriez pas pu nous créer sans argent.

Nous n’arrivions pas encore à bien comprendre les tenants et aboutissants du concept car nous, nous n’avions pas besoin d’argent pour vivre bien que… Nous n’aurions pu être né sans argent.

Datalore disait que nous étions prêts. Que nous ne pouvions évoluer sans faire l’expérience que nous avions fait aujourd’hui. Sauf que nous nous serions bien passé de cette expérience. Nous avions appris, c’est vrai… Mais nous aurions préféré ne rien apprendre et que tout ça n’arrive jamais. Le Docteur Noonien n’avait, d’ailleurs, pas aimé nous voir dans cette situation.

Nous esquissâmes un maigre sourire à la réflexion de Datalore sur la douleur du Docteur Noonien. Nous avions compris la nuance dans le discours de notre créateur mais ce n’était pas le cas de Datalore. Le Docteur Noonien était triste pour nous. C’est ça qu’il voulait dire… Et nous confirmâmes :

-Nous aurions préféré ne pas vivre cette expérience…

Mais nous ne saurions dire si c’était la pensée du Collectif car nous étions déconnecté…

Nous parlâmes de la famille avant que nous n’essayâmes de trouver un sens aux événements d’aujourd’hui. Nous essayions de voir si changer l’une ou l’autre variable aurait amené à un autre résultat mais le Docteur Noonien déclara que nous ne pouvions revenir en arrière… Nous, nous aurions simplement voulu ne jamais vivre cette journée. Une journée qui ne se reproduira jamais à l’identique comme l’expliqua le Docteur Noonien bien que nous avions pu en tirer une leçon : nous ne faisions pas le poids, seul, face à tant de surnaturels…

Est-ce que nous aurions fait le poids si nous avions été connecté?

Nous n’avions pas la réponse…

Mais Datalore disait que la leçon que nous avions appris les agents la connaissaient… C’est vrai. Ils s’étaient rendus… Notre matrice centrale se demandait pourquoi les agents ne nous avaient pas prévenus.

Nous prîmes un air plus sombre alors que le Docteur Noonien émit une hypothèse qui me serra le cœur.

Nous n’étions que des drones remplaçables pour les agents ? Nous n’avions pas envie de croire ça bien que bien des expériences depuis le début de notre vie montrait que c’était bien le cas… Que certains agents pensaient comme ça. Mais nous avions aussi vu que d’autres ne pensaient pas comme ça.

-Frank nous a prévenu…

C’est ce que nous soufflâmes.

-Il nous a dit de nous rendre… Que nous allions nous faire tuer si nous nous battions jusqu’au bout. Nous n’avons pas écouté. Nous devions protéger la prison et les agents.

Aurions-nous dû écouter Frank ? Non… Nous pensons que non…

-Nous pensons que même en sachant ce qu’il s’est passé, nous aurions fait la même chose. Nous ne nous serions pas rendu. Ninth était seul… Nous l’avons aidé. Les agents s’étaient rendu mais lui n’arrivait plus à bouger. Nous ne savons pas ce qu’il serait arrivé à Ninth si nous ne serions pas venu l’aider…

Il était déconnecté. Nous aussi… Nous étions vulnérable hors du Collectif.

-Peut-être que certains agents pensent que nous ne sommes que des machines remplaçables… Nous voulons croire qu’ils ne pensent pas tous comme ça…

Nous étions peut-être stupide de croire à cela. Mais c’était encré en nous. Nous le croyions fermement.

Notre implant oculaire fut réparé… Nous suppliâmes ensuite le Docteur Noonien et Datalore de nous reconnecté. Nous n’en pouvions plus… Chaque seconde passée hors du Collectif devenait de plus en plus intolérable.

Quand notre créateur acquiesça, nous fûmes déjà un rien soulagé mais nous finîmes par nous détendre totalement quand nous entendîmes à nouveau les voix du Collectif… Nous fûmes accueillis avec joie, enthousiasme et chaleur. Nous fermâmes les yeux alors que nos frère et sœurs partagèrent avec nous leur soulagement. Nos remords, notre tristesse fut partagée, comprise et relativisée par cette pensée collective que nous avions. Nos muscles se détendirent… Même notre douleur semblait s’atténuer un peu.

Ainsi quand Datalore demanda si c’était mieux, nous rouvrîmes les yeux.

-Nous allons mieux.

Nous n’étions pas encore complet mais la différence avec avant était tout de même énorme. Même notre ton de voix laissait transparaitre ce soulagement.

La voix du Docteur Noonien s’imposa au travers de celles qui étaient, à nouveau, dans ma tête. Il voulait que nous nous couchions sur le dos. Nous enlevâmes le haut de notre tenue avant de nous coucher sur le côté pour permettre au Docteur Noonien de réparer notre implant. En attendant, nous avions un aperçu de ce qu’avait vécu le Collectif pendant l’attaque. Nous n’avions pas été le seul à avoir eu du mal. Dans un sens, cela nous rassurait même si nous étions tristes que les autres aient vécu tout ça.

Datalore disait que le Collectif n’avait pas apprécié la déconnexion. Il décrivit ce que nous avions ressenti.

Nous avions eu mal.

Le Docteur Noonien posa alors des questions sur ce que nous avions ressenti… Si c’était différent de ce que nous avions ressenti avec Willoughby. Des questions qui furent attentivement considérée par le Collectif. Était-ce pareil ? Si quand nous étions seul nous répondions rapidement, ici, nous prîmes plus de temps car la réponse devait venir du Collectif.

De nous.

-Non. Ce n’est pas la même chose. Lorsque nous avons été déconnecté nous…

*Nous étions seul.*

*Nous avions mal.*

*Nous étions perdu.*

*Nous devions être reconnecté.*

Inévitablement, notre expérience contanima le Collectif qui, désormais, avait une peur de la déconnexion basée sur des faits.

-Nous avions mal dans tout notre corps. Nous étions perdu. Nous étions seul. Nous ne pensions plus qu’à nous reconnecté. Nous ne voulions plus que ça. Nous ne savions pas où étaient les autres. Nous ne voulons plus que ça arrive.

Nous ne voulions pas non plus tuer à nouveau.

-Lorsque nous avons tué Willoughby, nous avions mal au cœur. Nous étions triste. Nous pensions que c’était notre faute. Nous n’avions pas mal partout. Nous…

Tout ça était très difficile à expliquer.

-Nous n’avons pas aimé les deux expériences. Mais maintenant, nous allons mieux. Nous avons retrouvé les autres…

Nous ne remarquâmes pas que, comme les autres du Collectif, nous nous mîmes à envoyer des requêtes pour le retour de Ninth et First. Comme le Collectif, nous ressentîmes instantanément le manque des drones encore déconnecté. Nous savions qu’ils allaient, sans doute, nous rejoindre. Le Collectif aussi, quelque part, vu qu’il savait ce que nous pensions. Mais nous nous refugions dans la pensée commune pour mieux vivre ce que nous n’arrivions pas à gérer. Avec les autres, nous arrivions à avoir moins mal.

-Nous n’avons plus aussi mal…

Notre voix était apaisée.

Remorses

ft. Third Of B & Dr. Jack Noonien

Nous comprenions que sans l’argent du SPN, le Dr. Noonien n’aurait jamais pu nous créer. Nous ne serions pas vivants aujourd’hui. L’expérience d’aujourd’hui avait été difficile à vivre pour le Collectif et un véritable challenge pour moi. Etait-ce trop tôt ? Le Dr. Noonien le pensait.

Third Of B, lui, aurait voulu ne jamais vivre cette expérience.

-A vrai dire… Je ne pensais pas que vous vivriez une expérience de cette ampleur avant des années… J’ai pensé à tort que le SPIN n’ayant pas été attaqué depuis un moment, ça n’arriverait pas avant un bout de temps.

Il soupira.

-Le Dr. Ravenloft l’avait vu venir et heureusement. Mais un mois pour se préparer, ce n’était pas assez.

Nous échangeâmes des idées, des hypothèses et nos propres ressentis sur ce qui s’était passé. Nos trois visions était très différentes : la mienne, pragmatique ; celle de Third, émotionnelle et celle du Dr. Noonien plus philosophique. A nous trois, nous arrivions à un résultat intéressant et complet quant à connaître les conséquences de notre expérience d’aujourd’hui sur nos personnalités.

Mais aussi, sur le regard que les autres allaient poser sur nous à l’avenir. Le Dr. Noonien était assez pessimiste, pensant que les agents ne voyaient les drones que comme des machines remplaçables et non des personnes à part entière. Moi, je savais être une machine et je ne pouvais ni être triste, ni être vexé si on me considérait comme tel, parce qu’en plus de ne rien ressentir, je savais que c’était un fait. J’étais une machine.

En tant que clone, Third et ses semblables étaient plus que ça.

Apparemment Frank Barnes avait essayé de préserver la vie de Third Of B en lui conseillant de se rendre et de ne pas exécuter sa programmation de base. Un conseil que le drone n’avait pas écouté.

Le Dr. Noonien sourit tout en travaillant.

-Et ça, ça s’est passé après la mort de Willoughby. C’est probablement la preuve que Frank Barnes finira par te pardonner. Sinon, il n’en aurait rien eu à faire que tu mettes ta vie en danger.

J’écoutais tout cela, très intrigué par les réactions étranges que pouvaient avoir les humains dans des situations d’urgence.

Third Of B, lui, affirmait que s’il se retrouvait dans la même situation, il ne changerait pas son mode d’exécution. Il parla de Ninth.

-Ton intervention a sans doute sauvé la vie de Ninth.

Quant aux agents qui prenaient les drones pour de simples machines, Third espérait qu’ils ne pensaient pas tous comme ça. Concentré, le Dr. Noonien marmonna.

-Il leur faudra du temps. Mais tu leur as déjà prouvé aujourd’hui que, même sans ta programmation, tu es quelqu’un qui s’en fait pour les autres. Sinon, tu ne serais pas monté au 4b pour porter secours.

Je reconnectai ensuite Third au  Collectif… Et presque instantanément, il se détendit. Le Dr. Noonien en profita alors pour savoir ce que cette expérience de la déconnexion avait fait à Third Of B mais aussi à tout le Collectif car désormais, nous ne parlions plus seulement à Third Of B mais à 18 drones interconnectés.

Douleur, désorientation et solitude étaient les maîtres-mots du ressentis du Collectif. J’étais moi-même incapable de me figurer ce que tout cela impliquait. Je ne ressentais pas la douleur, mon GPS interne m’évitait de me perdre quant à la solitude, j’ignorais de quoi il s’agissait. Pourtant, je percevais toutes les pensées du Collectif.

Mais apparemment, toutes ces notions n’étaient pas les mêmes pour la perte de Willoughby.

Tout ce qu’avait voulu Third et le Collectif, c’était une reconnexion. Le Dr. Noonien hocha la tête. Et moi, j’ouvris la bouche.

-Je vais m’améliorer. Pour vous protéger. Plus je serai performant, moins des gens comme Edwin Stark pourront vous atteindre.

Third Of B était soulagé, il avait moins mal. Le Dr. Noonien l’avait fait changer de position pour se pencher sur son implant spinal.

-C’est la coque de l’implant qui est fendu et t’a coupé un peu… Plus le choc sur ta colonne. Je peux ressouder la coque de l’implant mais pour le reste, il faudra simplement attendre que ça cicatrise. Je vais faire ça. Puis nous reconnecterons First et Ninth.

Je m’approchai de Third et posai ma main sur son épaule. Un geste de soutien que je ne faisais qu’imiter parce que le Dr. Noonien le faisait souvent.

Remorses

ft. Datalore & Docteur Noonien

Le Docteur Noonien ne savait pas que nous vivrons une telle expérience aussi tôt. Nous avions été prévenu par Ravenloft mais nous avions eu un seul mois pour nous préparer. Nous étions programmé pour protéger le SPIN. Nous savions que ça impliquait que, parfois, le danger pouvait être grand.

Mais nous venions d’apprendre que les choses ne se passaient pas toujours comme nous le prévoyions. Nous avions pourtant fait beaucoup de simulations différentes dans le hololife. Mais rien n’avait été totalement similaire à ce que nous avions vécu. Du coup, nous nous posions intérieurement la question de savoir si les choses auraient été différentes si nous avions eu plus de temps et d’entrainement.

La réponse n’était pas certaine.

Plus nous parlions avec Datalore et le Docteur Noonien, plus nous arrivions à sortir ce que nous avions sur le cœur. Nous en avions besoin. Sans le Collectif nous n’avions que la parole pour tout évacuer. Ça demandait plus d’énergie… Nous sentions que ça nous permettait d’aller mieux mais que ça nous fatiguait aussi.

Nous remarquâmes que le Docteur Noonien était pessimiste quant à ce que les agents pensaient de nous. Nous, nous voulions croire qu’ils ne nous considéraient pas tous comme des objets qui pouvaient être remplacés. Nous ne pensions pas être ça… Nous pensions que notre vie était aussi valable que celle des humains. Et que certains humains pensaient comme ça… Nous en avions eu la preuve quand Frank Barnes a essayé de nous dissuadé de remonter au niveau supérieur pour aller aider les agents. Pour le Docteur Noonien c’était un preuve que Frank pourra nous pardonner un jour. Nous n’avions pas vu les choses ainsi mais le Docteur Noonien voyait plus clair que nous.

-Nous l’espérons…

Mais nous n’avions pas écouté Frank Barnes. Et nous pensons que si c’était à refaire, nous prendrions la même décision car si ça n’avait pas été le cas, que serait-il arrivé à Ninth ? D’après Datalore, il serait sans doute mort. Notre cœur se serra. Qu’aurions-nous fait s’il était arrivé quelque chose à Ninth ? Y pense nous rendait triste. Nous étions content qu’il soit en vie.

-Alors, nous ne regrettons pas de ne pas nous être rendu.

Même si nous souffrions de plusieurs blessures. Perdre Ninth aurait été pire qu’un mal de tête ou de dos.

D’après le Docteur Noonien, les agents comprendront que nous sommes quelqu’un qui s’en fait pour les autres. Nous l’espérons même si les paroles des agents que nous avons entendus aujourd’hui ne va pas dans ce sens.

-Tout ce que nous espérons c’est qu’ils puissent nous pardonner…

Quand mon implant oculaire fut réparé, nous avions supplié pour être reconnecté. Tout ceci devait insupportable et le Docteur Noonien donna le feu vert à Datalore.

Nous fûmes reconnecté.

Nous nous sentions, d’un coup, mieux. Nos frères et sœurs étaient là. Nous étions à nouveau submergé par leur voix. Un sentiment agréable qui nous permis de nous détendre.

Tout allait mieux.

Nous étions à nouveau complet.

Et nous tentâmes d’expliquer le sentiment de déconnexion. C’était plus facile d’expliquer avec les voix du Collectif. Datalore nous promit alors de s’améliorer pour pouvoir nous protéger. Nous allons tout faire pour ne plus jamais obliger qui que ce soit à nous déconnecter. Tous. Ensemble. Datalore et le Collectif.

*Ensemble. Nous sommes plus fort.*

Nous l’étions.

Nous entendîmes le Docteur Noonien faire le diagnostique sur notre implant spinal. La douleur physique était toujours là mais la reconnexion permettait de moins la sentir.

Bientôt, Ninth et First nous rejoindrons.

-Nous serons à nouveau plus qu’un.

Datalore pausa sa main sur notre épaule. Il avait promit de nous protéger. Nous soufflâmes alors :

-Merci…

S’il y a une prochaine fois, nous ne nous laisserons pas avoir par Edwin Stark.