Mastermind

Tony Mordoh

David… ?

Mmm ?

Qu’est-ce que tu fais ?

Bon sang…

Je range…

Ça ressemble pas à du rangement…

Ah non ?

Ça ressemble à du shopping…

Je pinçai les lèvres.

Haussai les sourcils.

C’est ça, fait l’innocent.

C’est aux artistes…

Tous ces vêtements, David.

-Woody m’a dit…

DAAAAAAAAAAAAAAAAAAAVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIID…

Je fermai les yeux.

Secouai la tête.

Grommelai.

-Woody m’a dit de ranger les vêtements…

Stupide…

DIVAD

Ah oui ?

Ouais…

Et comment ça se fait…

Que je ne m’en rappelle pas ?

Je haussai les épaules.

Pris une chemise…

Sur un cintre.

Une chemise orange.

Tu étais trop occupé…

Occupé à quoi, David ?

Bouder.



Pas vrai.

Vrai.

Je ne boudais pas !

Je méditais.

J’enlevai mon t-shirt.

Méditais ?

Oui…

Sur les erreurs que j’ai commises…

L’autre nuit…

Ah… et ?

Je n’en ai pas fait…

Je pouffai de rire.

-San blague…

Qu’est-ce que tu fais torse nu ?

J’essaye…

J’enfilai la chemise orange.

J’avais déjà…

Des Doc Martens vertes.

Un pantalon ligné coloré.

Je m’approchai du miroir.

Souris.

Davey… ?

Mmm ?

Tu as conscience que…

Rien de TOUT ÇA ne va ensemble ?

Je fis la moue.

-J’aime b-bien moi…

Tu aimes bien les vêtements ?

Ou tu t’aimes bien toi-même ?

Je m’aime moi…

Dans ces vêtements.



Où est Syragane ?

Partie faire les courses.

Ce n’est pas moi qui…

Qui suis pas aujourd’hui.

C’est un mauvais jour, Manakel ?

Nan.

C’est un…

C’est un « nan » de mauvais jour.

Haaan laisse-moi.

Laisse-moi prem’s.

Je me tournai vers tous les…

Les étalages avec les vêtements.

Et souris.

On va prendre ça aussi.

Qui « on » ?

…

Je pris un collier.

Plein de couleurs.

Le mis autour de mon cou.

Puis une écharpe…

Avec des coutures brillantes.

Puis à nouveau.

Devant le miroir puis…

Je clignai des yeux.

Il y a quelqu’un.

J’entendais quelqu’un.

C’est qui ?

C’est quoi ?

Je tournai sur moi-même.

Qui est là ? [Télépathie 15]

Pour voir que…

Quelqu’un était là…

-Salut.

Je souris.

-Je suis David.

Je penchai la tête.

-Vous avez… perdu votre chemin ?

Mastermind

ft. David

Soudain, je me redressai, les yeux grands ouverts au milieu des ténèbres, la respiration saccadée. Un instant, la panique me submergea alors que je n'avais aucune idée d'où je me trouvais. Mes mains tâtonnèrent autour de moi à la recherche d'indices. Une douleur remonta le long de mon bras.

Et puis cela me revînt.

J'étais sur un canapé, la couette rejetée au sol à cause de mes mauvais rêves. Cela me revenait petit à petit. Tout allait bien. J'étais chez Mike et Cass. Je pris une longue inspiration, puis une seconde. Mon cœur reprit son rythme normal. Ce n'était qu'un cauchemar, rien de plus. Alors, je me redressai complètement jusqu'à m'asseoir.

Où avais-je mis mon téléphone portable déjà ?

Mes yeux clignèrent plusieurs fois avant que mon cerveau me rappelle, enfin, que l’appareil était sur la table basse, à un mètre de là où je me tenais. Je n'avais même pas besoin de me lever ! Alors, le bras gauche tendu, je me penchai en avant afin d'atteindre la fameuse table. Bientôt, mes doigts pianotèrent sur une surface plane jusqu'à tomber sur mon téléphone.

La seconde suivante, une lumière artificielle chassa mollement l’obscurité aux alentours. Il était 17 h 32. C'était encore l'après-midi. Les deux vampires devaient encore dormir. En tout cas, Mike, parce que Cass, je ne l'avais pas encore croisé. Et moi, ma foi, je m'étais simplement adaptée à leur rythme biologique. Le soleil n'avait, de toute façon, jamais eu ma préférence.  

Finalement, je m'extirpai complètement du canapé. Ma gorge asséchée, un verre d'eau me semblait être une bonne idée. Ainsi, toujours guidée par le fin halo lumineux de mon téléphone, je me dirigeai vers la cuisine. Allumer la lumière aurait certainement été plus judicieux, mais je préférais ne pas perdre mon temps à actionner plusieurs interrupteurs avant de trouver le bon. Et puis, je m'étais déjà battue la veille avec, cette fois, je passais mon tour. La guerre, ce n'était pas fait pour moi.

Cependant, à peine avais-je parcouru la moitié du chemin que j'entendis un bruit. La torche de mon portable balaya les lieux jusqu'à un placard. Mes sourcils se froncèrent.

Silence...

Je m'immobilisais. Était-ce mon imagination ? L'armoire était fermée et je ne voyais pas pourquoi il y aurait eu un bruit provenant de l'intérieur. Oui. Ça devait être mon esprit encore sous l'influence de mon sommeil agité. Voilà tout.

Mais alors que j'allais reprendre la direction de la cuisine, un nouveau bruit retentit. Et cela venait bien du placard.

- Qu'est-ce que c'est ?

Je penchai la tête. Cela n'avait pas été violent. En fait, c'était comme si quelqu'un défroissait des vêtements. Alors je m'avançai, l'oreille tendue. C'était discret, mais je pouvais toujours entendre ce léger bruit.

- Cass, c'est toi ?

Après tout, Mike m'avait prévenu des excentricités de son colocataire. Moui, peut-être. Autant jeter un œil pour s'en assurer. Et puis, l'appartement était sûr, ça ne pouvait pas être quelque  chose de dangereux. Au pire, c'était un rat.

Sous mes pas, le parquet grinça et bientôt, j'ouvris l'immense meuble devant moi. À l'intérieur se trouvaient, suspendus à des cintres, des vestes et autres vêtements. Néanmoins, il y avait toujours ce bruissement. C'était au fond. J'écartai les vêtements pour déboucher sur... D'autres vestes.

Bah ça alors ! Qui aurait cru que ce placard était aussi profond ?

- Cass ?

Je continuai à écarter les pans de tissus et finis par totalement m'immerger à l'intérieur. Et si je n'arrivai pas à voir le fond, en revanche, le froissement se fit de plus en plus proche. La curiosité me poussa à avancer.

Peut-être que je rêvais ?

C'était aussi une possibilité. Parce qu'il était improbable que ce meuble soit aussi vaste. Sans compter, que j'avais du mal à croire que les deux vampires aient besoin d'autant de manteaux. Enfin, c'était tout de même mieux que les mauvais rêves qui hantaient mon esprit un peu plus tôt.

Il y eut une voix.

Je cillai. La lumière était soudain devenue plus vive. Et ce fut pieds nus, que j’atterrissais... Dans un chapiteau ? Mes sourcils se froncèrent un peu plus. Au milieu d'une pile de vêtements, devant moi, un homme me faisait face, le sourire aux lèvres. Dans un réflexe, je reculai.

- Salut ?

Mon regard vagabonda vers les alentours avant de se poser sur l'individu en costume. C'était un costume, n'est-ce pas ?

- Euh... Enchantée David... Je... Suis où ? bafouillai-je. Parce que, oui, j'ai dû me perdre dans une armoire...

Ou alors, j'étais dans un rêve et Narnia se rappelait à moi. Mais David n'avait rien d'un lion. Oui, cela devait être un rêve. Excepté que, normalement, dans mes rêves, je ne portais pas de pyjama. J'avais l'air bien dans mon tee-shirt trop large et mon short. Quoique, en regardant plus attentivement le David, il ne devait pas être trop jugeant vis-à-vis de ma propre tenue. Et, de façon étrange, ce dernier me rappelait quelqu'un. Pourtant, sa voix m'était inconnue.

- ... Je suis Tony...

Je passai ma main gauche dans mes cheveux en bataille. Me retournai pour m'apercevoir qu'il n'y avait plus de placard.

Ah.

- Je suis entrain de rêver, c'est ça ?

Mastermind

Tony Mordoh

J’avais fait un tour.

Sur moi-même.

Moui…

Tu me donnes le tournis, Davey…

Pour me retrouver.

Face à l’armoire.

Face à Tony.

Tony qui était perdue.

Tony !

Tony qui disait être Tony.

Non…

Tony qui demandait où elle était…

C’est la fille du Lust, David !

Je regardai autour de moi.

-Mmm… Staten Park… ouais… ouais, on est définitivement à St-staten Park…

Elle disait…

Elle dit n’importe quoi… !!

Elle s’était perdue dans une armoire.

Je souris.

Dans mon armoire.

Ce n’est pas ton armoire, David.

Je décide.

Mon armoire.

Je haussai les épaules.

-Oh… ça arrive…

NON, DAVID !

Non, ça n’arrive pas…

Moi ça m’arrive.

Oui mais…

NON !

Oui ou non ?

Je roulai des yeux.

Soupirai brièvement.

En revins à Tony.

Tony qui disait être Tony.

On a déjà dit ça.

Non…

On a anticipé ça.

Je regardai encore tout autour.

Quand elle demanda…

Si elle rêvait.

-Heu… Et b-bien… je ne sais pas…

Je la pointai du..

ON NE POINTE PAS DU DOIGT, DAVID !

…du doigt…

-Tu rêves…

Puis me pointai du pouce.

-Ou je rêve…

Puis alternativement…

Tous les deux…

-On rêve ?

Je souris.

-Un seul de nous rêve…

Penchai la tête.

-…l’autre est réveillé…

Haussai les épaules.

-Ou on ne rêve pas du tout.

Je passai ma langue sur mes lèvres.

-Ou plus du tout.

Je pinçai mes lèvres.

Ça y est.

J’ai le tournis.

La nausée.

Et je fais une crise d’angoisse, David.

Bien joué !

Comment est-ce que tu vis avec ça ?

Clozapine.

Ah… Oui…

-Mais je vais bien… Et toi, tu vas bien ? J’aime bien ton p-pyjamas… Et merci p-pour ton aide… L’autre nuit… Au L-L-L…

Je fermai les yeux…

Secouai la tête.

Soupirai.

-Tu sais bien où…

Mastermind

ft. David

Staten Park ? Comment ça, Staten Park ?!

Mais... Mais...

Bon. Quelque chose clochait, assurément. On ne rentrait pas dans une armoire en plein Bronx, pour ressortir de l'autre côté dans un... Chapiteau à Staten Park ! C'était insensé, non ? Non. En tout cas, pas d'après David.

L'armoire, elle, s'était volatilisée pour ne laisser derrière elles que des étalages de vêtements bariolés.

D'accord... Je devais rêver. Malgré tout, cela me paraissait bien trop réaliste. Le parfum de la piste, la chaleur de l'été, la musique provenant d'un carrousel. Et puis, je ne savais pas que je pouvais rêver d'autant de couleurs.

Face à ma réflexion, David me pointa du doigt, pour ensuite se pointer du doigt à son tour. Mes sourcils se froncèrent. Je n'étais pas sûre de là où il voulait en venir. En fait, cela m'embrouillait plus qu'autre chose. Parce que si l'un rêvait, l'autre ne pouvait tout simplement pas exister.

Je secouai la tête. Cela allait finir par me prendre la tête.

- Tant que ce n'est pas un cauchemar, murmurai-je finalement.

Mon dernier songe me laissait encore un arrière-goût de terreurs et de frissons. Mais ici, de l'autre côté de l'armoire, le monde semblait plus calme. Plus serein. Alors, peut-être que la question du rêve n'avait, pour l'instant, pas d'importance.

Toutefois, il y avait quelque chose chez ce David qui ne m'était pas inconnu. Malheureusement, je n'arrivais pas à cerner la raison de ce sentiment. Je le vis alors pincer les lèvres, comme si quelque chose le dérangeait.

Mais, apparemment, il allait bien. Sa voix se fit plus hésitante. Il me demanda comment j'allais, ajoutant qu'il aimait bien mon pyjama. Et...

Me remercier pour mon aide ?

J'étais perplexe. Bien plus perplexe. Mes yeux se plissèrent tandis que les siens se fermèrent sous la réflexion.

Si je sais ? Euh... Clairement, je ne savais pas.

- Je vous connais ?

David, David, David, David, David, David, David, David, David... Personne dans mon entourage ne s'appelait ainsi. D'ailleurs, c'était assez facile de s'en souvenir puisque, en fait, je ne connaissais pas grand monde à New-York. Pourtant, mon interlocuteur avait parlé d'une nuit où je l'avais aidé... Et puis, avec un tel accoutrement, il m'aurait été difficile d'oublier l'individu.

Je me penchai pour mieux le détailler. Les yeux bleus saisissants, une chevelure blonde en bataille. Un air un peu perdu aussi, mais dont le sourire semblait fleurir régulièrement.

Et puis, la mélopée s'intensifia.



Oh.

Mes yeux s'agrandirent sous la surprise. Mr Pink Floyd ! Mais ce n'était pas du tout sa voix. Ses voix ? Cependant, Joon m'avait bien parlé d'un David ! Alors qui était Manakel ? Ou Légion ?

- Vous parlez du Lust, c'est ça ?

Si ce n'était pas ça, eh bien, autant dire qu'il m'avait complètement perdue.

- Votre voix n'est pas la même, pourtant, j'ai une bonne mémoire en ce qui concerne la tonalité des... Voix... Et ma foi, oui, on peut dire que ça va...

Si, bien sûr, on omettait ma blessure à la main. En revanche, si c'était bien de cette nuit dont nous parlions, je n'avais pas accompli cela toute seule. Au contraire.

- Eh donc... Merci à vous aussi, et à Manakel... Et à Légion, enfin, si vous les connaissez ? J'avoue ne pas avoir tout saisi...

Ah ! C'était peu de le dire !

Mastermind

Tony Mordoh

David…

Comment tu fais ça ?!

Mmm….

Peut-être que…

Que ce n’est pas moi.

Peut-être que c’est toi.

Peut-être que c’est elle.

Tu joues, David ?

Ou tu ne sais vraiment pas ?!

Je haussai les épaules.

Souris.

Tout va… Tout va bien se passer…

Je n’en doute pas.

Surtout si tu restes…

Si tu restes dans la Blue Room…

Pardon ?!

Ouais…

Tu fâches les gens.

Mais non !

Ce sont les gens qui ne veulent pas…

Qu’on leur dise les choses comme elles sont.

Je sais.

Ben alors.

Moi, ils m’en veulent pas.

PARCE QUE TU ES MALADE !

Et que ça ne se fait pas d’en vouloir.

A un malade, David.

Han…

Pourquoi ?

Parce que.

Tant que ce n'est pas un cauchemar.

Je secouai la tête.

Doucement.

Avant de vérifier…

Quand même autour de nous.

-Nn-non… Non, je ne crois pas… Je…

Je pinçai les lèvres.

Portai la main à mon ventre.

-Je le sentirais sinon…

Je pris un collier coloré.

Et m’approchai doucement.

De Tony.

Je vous connais ?

Je lui passai le collier.

Autour du cou.

Hochai la tête.

-Un peu… Je suis David…

Je tiquai.

♫

Clignai des yeux.

Et mes souvenirs.

Ses souvenirs.

Shall we set out across this sea of faces
In search of more and more applause

Nos souvenirs…

Se répercutèrent en écho… [Télépathie 14]

Dans le chapiteau.

-Je suis moi.

-Je suis toi.

-Je suis lui.

Je suis nous.

-Je suis eux.

-Je suis tout ce que je veux être.

-Je suis un Roi.

-Je suis malade.

-Je suis un amant.

-Je suis le sauveur.

Shall we get into fights
Leave the lights on
Drop bombs

-Je suis Nergal.

-Je suis Manakel.

-Mon nom est Légion, car nous sommes plusieurs.

Je secouai la tête encore.

Break up homes

Portai la main à mon front.

Vous parlez du Lust, c'est ça ?

Go to shrinks

Je hochai la tête.

Grimaçai.

Envahi par la musique.

Par les voix.

Qui tournaient…

Rarely sleep

Tout autour de moi.

De nous.

David…

Concentre-toi…

-Mouais… Le L-lust… C’est ça. On était là.

But never relax at all
With our backs to the wall

Votre voix n'est pas la même…

Change la musique, David.

-J’en ai plusieurs… On a plusieurs voix.

Change si ça te fait peur.

J’ai toujours eu peur.

De cette chanson-là.

Change.

Je pris une grande inspiration.

Fermai les yeux.

Détends-toi…

Ok…

La musique agressive.

Sauta.

Changea.

♫

Je soufflai.

Rouvris les yeux.

Merci à vous aussi, et à Manakel...

Ah !

Ben ça fait du bien tiens !

Pour une fois.

Je rigolai doucement.

-Il… Manakel est content…

Et à Légion, enfin, si vous les connaissez ? J'avoue ne pas avoir tout saisi...

Je passai ma langue sur mes lèvres.

-Ouais… ouais je… je connais Légion.

Je suis Légion.

Je regardai Tony.

Perplexe.

Un peu triste.

Et tendis la main.

Pour qu’elle me donne la sienne.

-Tu t’es… Tu t’es fait mal ?

Mastermind

ft. David

J'étais déroutée, tant par l'attitude de ce David, que par ce drôle de songe jonché de couleurs. Ou peut-être n'était-ce pas un rêve. Et qu'importaient, finalement, les dires de cet homme, ce qui comptait, c'était de ne pas replonger dans mes cauchemars.

Mon regard suivit celui de David qui balaya le décor autour de nous avant de secouer la tête. Ses mots se firent trébuchants, comme si lui-même était perdu quelque part. Cependant, il finit par m'affirmer que ce n'était pas un cauchemar, dans le cas contraire, il l'aurait senti. Tant mieux donc.

Toutefois, quelque chose me chiffonnait et je n'arrivais pas à saisir les raisons de ce sentiment. Ce n'était pas de l'inquiétude, ni un mauvais pressentiment, juste quelque chose dont je devais me remémorer.

L'inconnu s'approcha. Je reculai, ma main crispée sur mon téléphone. Un simple réflexe. Le souvenir de la main du démon autour de mon cou se rappela à moi. Un flash, avant de voir, enfin, le collier que tenait David. Il n'y avait aucune arme, aucune menace dans son geste. Je me détendis. Juste un bijou fantaisie. Et des remerciements.

Le connaissais-je ?

Oui.

Non.

Je n'en étais pas sûre. Cette fois, alors qu'il tendait le collier, je le laissai faire. L'instant suivant, mes yeux se baissèrent vers ces nouvelles nuances autour de mon cou. Toutefois, mon attention fut bien vite ramenée à David qui acquiesça à ma question.

Soudain, des voix résonnèrent partout, entrecoupées d'une musique lourde. Cela ne dura que quelques secondes, et mon cerveau fit enfin le lien. C'était lui, c'était eux, dans ma tête ce soir-là. Au Lust.

À ce constat, le calme revint pour me laisser quelque peu désorienté. Je clignai plusieurs fois des yeux. La musique était toujours présente. Était-ce dans ma tête ? La sienne ? Une grimace tordit ses traits. Entendait-il la mélodie ?

- Si vous vous sentez mal, vous devriez vous asseoir, marmonnai-je.

Il avait beau m'avoir dit qu'il se porter bien, moi, je le sentais un peu... Étourdi. Malheureusement, je ne sus si cela était à cause de la musique ou de cette hallucination. J'attendis alors encore un peu avant de lui demander s'il parlait bien du Lust. Ce dernier hocha la tête et m'expliqua qu'il possédait plusieurs voix. Qu'ILS possédaient plusieurs voix.

Le pli sur mon front se creusa. Donc, si je comprenais bien... Derrière les yeux bleus de David, une myriade d'esprits se cachait. Je penchai la tête. Rien que d'imaginer, cela ne devait pas être simple.

La musique oscilla, comme la fréquence d'une radio qu'on modifiait.

Encore du Pink Floyd. Je souris et le/les remerciai. Sans eux, je n'aurais très certainement pas survécu.

David rigola. Manakel était, apparemment, content. Il était étrange d'observer les réactions de l'homme en face de moi. Il appréhendait des choses que je ne pouvais ni entendre ni voir. Peut-être était-ce pour cela qu'il me donnait l'impression d'être ailleurs. Comme moi avec ma musique.

- Ça ne doit pas être facile de cohabiter, non ? Mais tant mieux s'il est content, après tout, il a raison, nous avons sauvé Joon.

Et, effectivement, David connaissait Légion.

Quant à moi, j'aurais dû me montrer plus méfiante envers le propriétaire du club. À quoi m'attendais-je de la part d'un démon, hein ? J'avais été idiote. Et de mon inconscience, j'en avais récolté une blessure. Ce qui n'échappa pas à David qui me tendit alors la main. Mon sourire s'évanouit.

- Oui, soufflai-je tout bas à sa question.

Mais je ne fis aucun mouvement vers lui. La culpabilité, elle, marmonna une moquerie à mon oreille.

De quoi as-tu peur ? Tu as déjà accompli le pire...

Je secouai la tête, envoyant au loin ces pensées dérangeantes. Il n'y avait pas de raison pour me montrer aussi prudente. David n'était pas quelqu'un de mauvais...

… Alors que toi...

Finalement, après un instant d'hésitation, je répondis à son geste. Juste pour La faire taire.

- Des morceaux de verre qui se sont plantés dans la paume de ma main.

Quatre mois de rémission. Quatre mois sans pouvoir jouer du violon. Voilà ce qui était le plus dur.

- Mais le docteur a dit que ça guérirait avec le temps et les soins adéquats...

Mastermind

Tony Mordoh

Entend-il la mélodie ?

J’entends tout.

Tous les petits bruits.

Les petits bruits m’ennuient.

Les gros bruits me font peur.

Les gens hurlent tout le temps.

David…

Les voix m’agacent.

J’entends tout.

-La musique aide.

Je fermai les yeux.

Changeai la musique.

Pour une plus calme.

Plus douce.

Pas celles que…

Celles que je ne savais pas.

Plus écouter quand j’étais enfant.

Pardon ?

De quoi tu parles, David ?

Tu aimes Pink Floyd.

Ouais.

Les monstres aussi…

Ont leurs chansons préférées.

Han…

C’est encore pire que je ne croyais.

Ouais…

Mais je sais…

Je sais à nouveau tout écouter maintenant.

Waw…

Quel progrès, Davey…

Si vous vous sentez mal, vous devriez vous asseoir.

Mon attention…

Se reporta sur Tony.

Je secouai la tête.

Souris.

Sourire-réflexe.

-Je vais bien.

Elle demanda…

Tony…

Tony demanda…

Qui on était.

Je suis David.

Mais pas que…

Sans blague…

Et les voix…

Les voix voulurent se présenter.

Elles aussi.

Je suivis le son des yeux.

Avant de revenir sur Tony.

Tony qui avait un beau collier.

Tony qui nous avait aidés.

Qui avait aidé Joon.

Tony qui remerciait Manakel.

Moui, je l’aime beaucoup, cette demoiselle.

Sans dec’…

ON NE PARLE PAS COMME BARNES, DAVID !

SPN04250576…

A pas inventé « sans dec’ »…

Bon, d’accord…

Un point pour toi.

Ça ne doit pas être facile de cohabiter, non ?

Je soupirai.

Souris.

Haussai les épaules.

-C’est… un peu fatiguant… Mais j’ai de la Clozapine…

Je sortis le flacon…

De ma poche.

Le secouai près de mon oreille.

Un son rassurant.

Moui…

Tant qui a de la Clozapine…

Y a de l’espoir, Davey…

Et la remis dans ma poche.

Nous avons sauvé Joon.

Je souris plus largement.

Même si…

Je ne la regardais presque jamais.

Ou pas longtemps.

Dans les yeux.

J'ai été idiote.

Je fronçai les sourcils.

Clignai des yeux.

Et dis à Tony…

Parce que ce qu’elle pensait.

N’était pas vrai.

-Non… Non… Tu n’es pas…

Idiote…

Et à sa voix intérieure.

Les miennes.

Firent écho.

Stupide…

Tu es stupide, David !

Moins que rien !

Je vis le démon du Lust.

Les bris de verres.

Comme ceux que Syragane.

Avait utilisé pour blesser aussi.

Je fermai les yeux.

Augmentai ma musique.

Qui passa à la chanson suivante.

♫

Tony s’était fait mal.

Non…

Oui

Non, David.

On lui a fait mal.

Je pinçai les lèvres.

Très triste.

Et c’est ma faute.

Je tendis la main.

Pour voir à quel point.

Ce qu’on lui avait demandé de faire.

L’avait blessée.

De quoi as-tu peur ? Tu as déjà accompli le pire...

Je clignai des yeux.

Je n’ai rien fait…

Je n’ai rien fait de mal.

Tu as fait mal à Tony.

Non.

David…

Concentre-toi sur moi.

Sur moi, Manakel.

Ce ne sont pas tes voix.

Ce sont ses pensées à elle.

Ah…

Et où est-ce que Tony finit ?

Et où est-ce que David commence ?

Heu…

Là où la Clozapine fait le tri, David…

David n'est pas quelqu'un de mauvais...

Je regardai Tony.

Haussai les sourcils.

-Je suis une bonne personne…

… Alors que toi...

Elle me donna sa main.

Je la pris dans la mienne.

Je souris en coin.

La regardai dans les yeux.

Et m’adressai…

A ses voix à elle.

Hey les voix…

Laissez Tony tranquille. [Télépathie 14]

Je clignai des yeux.

Le docteur a dit que ça guérirait avec le temps et les soins adéquats...

Je caressai doucement…

Sa main.

En évitant la blessure.

-Oh ouais… ça… ça d-devrait guérir ça… Qu… Quand ce sera guéri je voudrais… Je pourrai t’entendre jouer du violon ? J’aime la musique… la musique aide…

Je grimaçai…

-Mais…

Je roulai des yeux.

Fis un mouvement de ma main libre.

A hauteur de ma tempe.

-Et ces blessures-là ?... C’est… C’est moins facile… je sais ça.

Je souris.

Fuis son regard…

-De quoi as-tu peur ? Moi je…

Je regardai tout autour.

-J’ai peur de b-beaucoup de choses…

Mastermind

ft. David

Tout cela n'avait pas l'air simple. Il suffisait d'observer l'air presque constamment perdu qu'arborait David pour le comprendre. À la manière d'Atlas, il semblait porter tout un monde sur ses épaules. Dans son esprit. Pourtant, il souriait, haussait les épaules.

- De la Clozapine ?

Ça sonnait comme une drogue. Et lorsqu'il sortit le flacon pour le secouer prés de son oreille, je plissai les yeux. D'accord. Mes connaissances en médecine étaient faibles, voire inexistantes, mais j'imaginais qu'il ne devait pas y avoir des milliers de solutions à sa situation. Moi, je n'avais rien trouvé pour ma musique personnelle.

L'unique fois où elle s'était éteinte remontait à cette nuit, lorsque les vagues m'avaient complètement engloutie. Un instant de silence.

Enfin, l'important, c'était que nous avions aidé Joon à échapper aux démons. Bien sûr, je m'en voulais de ne pas avoir pris conscience plus tôt des machinations de Mr Weaver. Savoir que, peut-être, Joon n'était pas la potentielle première victime me hantait. Et d'autres étaient sûrement morts à cause de ma stupidité.

Non ?

Je levai la tête, ne comprenant pas la brusque réflexion de David.

- Non ? répétai-je, perplexe.

De nouveau, David cligna des yeux comme pris d'un mal de tête. Bientôt, il désigna ma main pour me demander si je m'étais blessée. C'était le cas, mais je ne fis aucun geste. Ma vieille compagne, elle, décida de refaire surface. De cracher son poison à mon oreille. Un poison qui sonnait si vrai. Ça faisait mal, mais je ne la contredisais pas. Quelque part, je le méritais, non ? David avait sa Clozapine, moi j'avais ma culpabilité.

Je secouai la tête pour chasser mes idées noires.

Il n'y avait aucune raison de se montrer méfiante envers David. David qui fit écho à mes pensées. Je me pinçai les lèvres.

… Tu crois qu'il a entendu ? Tu crois qu'il sait ? Ce que tu as fait ?...

Un frisson me traversa l'échine, la frayeur creusant son petit nid au fond de mon estomac. Suivait-il mes pensées ? Il en était capable, je le savais.

La musique l'aide, peut-être devrais-tu le mettre en garde, non ?... Après tout, qui mieux que toi sais que la musique détruit ?

Alors, je tendis ma main dans l'espoir de La faire taire. La réduire en silence.

Les iris clairs de David accrochèrent les miens. Mon souffle se suspendit. J'avais soudain l'impression d'être un livre ouvert. Une sensation désagréable qui alimentait ma propre peur.

Aussitôt, une autre voix s'immisça dans mon esprit. Autoritaire. Un instant, je me figeai, puis tendis l'oreille. Rien. Juste la mélopée. Mes muscles se détendirent. Elle était partie. Pour le moment. Elle reviendrait bien assez tôt. Elle revenait toujours.

Lisait-il tout le temps mes pensées ?

Lisez-vous tout le temps mes pensées ?

Mon regard se posa sur ma main. J'expliquai, cette fois, à voix haute, ce que m'avait déclaré le docteur avant de me faire mes points de suture. La blessure n'était pas irréversible. Il fallait simplement prodiguer les bons soins. Les doigts du surnaturel parcoururent ma main, évitant de toucher où cela pouvait être douloureux. Je récupérai ma main, gênée par son geste.

Toutefois, à la mention du violon, je levai la tête. Une information que je n'avais pas révélée, j'en étais sûre. Seulement en pensée. Pourtant, il n'y avait aucune accusation dans ses mots. Juste cette simple question.

- Peut-être, oui, marmonnai-je.

Si d'ici là, il avait toujours envie de m'écouter.

Bientôt, sa main fit un mouvement. Je lui offris un pauvre sourire face à sa remarque. Oui, ces blessures-là étaient les plus difficiles à guérir. Enfin, si elles pouvaient guérir un jour. La douleur à ma main, elle, n'était qu'un grain de sable insignifiant. Mais ça, David semblait le comprendre, alors, j’acquiesçai.

Son regard m'échappa, encore, pour vagabonder autour de nous. Il disait avoir peur de beaucoup de choses. La voix tremblante, je trouvais sa confession courageuse. Beaucoup préféraient ne pas admettre ce qui les effrayaient. Moi, je n'échappais pas vraiment à la règle.

- J'ai peur...

Du regard des autres.

De l'odeur du sang sur le sable.

De la détonation.

Parfois, de la musique.

De la vie aussi.

Des yeux du démon.

De vos pouvoirs.

De blesser quelqu'un.

De ce monde sans lui.

Des secrets. De la vérité qui se cache derrière.

De brûler en enfer.

De ma voix.

- … De moi. Contrairement à vous, David, je ne pense pas être une bonne personne.

Sauver une ange ne faisait pas de moi une bonne personne. Ça ne rachetait pas une bonne conscience. Ni une âme. Mr Weaver, non, Jameson Arthur Kelen, pensait que j'avais aidé Joon par compassion. C'était faux. Le démon ne voulait comprendre que ce qu'il pouvait comprendre. Et ses menaces sur ma propre vie le prouvaient encore une fois. La vérité était que j'étais suicidaire. Ma mort me faisait beaucoup moins peur que celles des autres.

Mais j'avais promis à Mike d'essayer.

- Alors, je fais de mon mieux.

Je me baissai, m'emparai d'un vêtement, un tissu coloré.

- Vous allez faire un spectacle ? demandai-je afin de changer de sujet.

Mastermind

Tony Mordoh

De la Clozapine ?

J’ai besoin de Clozapine.

On sait, David…

J’ai besoin de Clozapine.

Qui « on » ?

C’est une façon de parler, David…

Non.

Jamais.

J’ai besoin de Clozapine.

Pour les voix.

Pour les flashes.

Pour ne pas…

Tony n’est pas idiote.

Daaaaaaaaaaaaaaaaviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid !

T’as raison.

Idiot.

Stupide.

Pathétique.

Tous ces mots.

On été inventé pour toi, Davey.

J’ai besoin de Clozapine.

Non ?

Non.

Si.

On disait quoi ?

Tu disais qu’elle n’était pas idiote.

Concentre-toi sur moi.

Sur Manakel.

Pas sur les autres.

Je suis la voix qui aide.

Les autres sont des enf…

DAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIID !!!

J’étais crispé.

Mes yeux balayèrent…

L’espace.

Tu crois qu'il a entendu ?

Gauche.

Idiot.

Droite.

Tu crois qu'il sait ?

Stupide.

En bas.

Pathétique.

En haut.

Ce que tu as fait ?...

Je sais.

Je sais tout.

J’entends tout.

Je ressens tout.

Ne les écoute pas.

J’ai besoin de Clozapine.

Elle tendit sa main.

Je pris sa main.

Et fis taire les voix.

Les siennes.

A défaut des miennes.

Je préfère la musique.

Je préfère le violon.

Je voudrais l’entendre.

Peut-être, oui.

Lisez-vous tout le temps mes pensées ?

Je suis télépathe. [Télépathie +13]

Moui…

D’ailleurs j’ai dit quoi avec ça ?

LA FERME !

Je souris à Tony.

-Et Schizophrène.

J’ai besoin de Clozapine.

Je levai deux doigts en l’air.

-Je l-lis tes pensées deux fois.

Et peut-être plus.

J’ai besoin de Clozapine.

Faut que je sonne au médecin…

Tu racontes n’importe quoi, Davey.

Ne parle pas de moi.

Ne parlons pas de nous.

Parlons d’elle.

Courage, fuyons…

J'ai peur...

Du regard des autres.

De l'odeur du sang sur le sable.

De la détonation.

Parfois, de la musique.

De la vie aussi.

Des yeux du démon.

De vos pouvoirs.

De blesser quelqu'un.

De ce monde sans lui.

Des secrets. De la vérité qui se cache derrière.

De brûler en enfer.

De ma voix.

… De moi. Contrairement à vous, David, je ne pense pas être une bonne personne.

Alors, je fais de mon mieux.

Je lâchai sa main.

Doucement.

Souriant toujours.

Pour jouer avec le billes colorées.

De son collier.

-Je pense être une bonne personne.

Je sais ce que tu penses avoir fait. [Télépathie 15]

Je tiquai.

Baissai les yeux.

-Mais c’est ce qu’on p-pense.

Je pinçai les lèvres.

-Et je s-sais que parfois… on pense de travers.

Et si…

Et si je n’étais pas une bonne personne ?

J’ai besoin de Clozapine.

Et si Tony n’avait rien fait de mal ?

-Et on y pense tellement f-fort.

Je serrai les mâchoires.

-Qu’on croit que c’est vrai.  

Alors que….

Je suis juste…

Stupide.

Idiot.

Pathétique.

Je soupirai.

-Alors je fais de mon mieux.

Et j’ai besoin de cette PUTAIN de Clozapine !

C’est quoi cette obsession, David ?

Ce n’est pas l’heure.

On ne sait même pas si on est éveillé.

Ou pas.

Si c’est réel…

Ou pas.

Je décide.

Tony se baissa…

Pris un bout de tissu.

De toutes les couleurs.

Et les couleurs bougeaient.

Comme dans un stroboscope.

Qu’est-ce que qui est réel ?

Qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Vous allez faire un spectacle ?

Je souris en coin.

-Le spectacle a c-commencé… le soir de la bataille du Lust.

Je penchai la tête.

Lui tendis la main à nouveau.

-Nous rejoindras-tu?

Tu as besoin de Clozapine.

Mastermind

ft. David

Je ne saisissais pas tout. Souvent, David esquivait mon regard, parfois, il répétait simplement mes propres mots, ou encore, il commençait une phrase pour ne pas la finir. C'était perturbant. Je n'arrivais pas à déterminer si tout cela était normal pour lui, ou si je devais sérieusement m'inquiéter malgré ses propres dires.

Seulement, la crainte ne tarda pas à me tordre les entrailles lorsqu'il me vint à l'esprit que David suivait toutes mes pensées. Il m'était impossible de sceller le flux de mes réflexions. C'était comme faire face à un torrent : plus on se débattait, plus le courant semblait s'amplifier, jusqu'à ce que les secrets débordent de toute part. Et je détestais cette sensation.

Un instant, je fermai les yeux pour les rouvrir aussitôt sur David. David qui avait chassé mon empoisonneuse. Je me détendis.

Jusqu'à ce qu'il parle du violon. Et cette fois, j'en avais la certitude, je n'avais jamais dit à voix haute que j'étais musicienne. Alors, je lui posai directement la question. Je voulais savoir s'il lisait le fils de mes pensées.

La réponse fut... Simple ? Pour lui, en tout cas, elle paraissait évidente, après tout, il était télépathe. Et Schizophrène. D'accord. Je ne sus pas vraiment quoi répondre à ça. La simple sonorité de cette maladie faisait peur. Mais comme pour la Clozapine, mes connaissances en psychologie étaient plus que minces.

Puis, David leva deux doigts pour me préciser, qu'en fait, il lisait deux fois dans mes pensées.

Autant dire que tout cela me laissa confus.

- Et pouvez-vous ne pas utiliser votre télépathie ?

Savoir que quelqu'un pouvait rentrer dans mon esprit pour m'espionner me donnait l'impression d'être dépouillée de toutes protections. D'être à nu. Même si... Même si, je supposai, que David ne le faisait pas avec de mauvaises intentions.

Alors, pourquoi le faisait-il ?

Était-ce à cause d'une blessure, le genre de blessure qui vous marquait l'âme, qui le conduisait à agir ainsi, comme il venait de le dire ?

Encore une fois, ses iris fuirent les miennes. Ce faisant, il déclara craindre beaucoup de choses. Et moi ? C'était simple, j'avais peur de ce que j'étais. Ce que j'avais fait par le passé. Je baissai alors la tête. Il me lâcha la main, mon regard, lui, resta cloué au sol. Parce que ce n'était pas si facile de dire ne pas être une bonne personne.

Bientôt, ses doigts vinrent s'enrouler autour des perles autour de mon cou. Lui, il savait être une bonne personne. Mais ce n'étaient pas ses mots qui me firent me redresser. Non, c'étaient les mots qui résonnèrent dans ma tête.

Il savait.

Je me crispai.

Non. Il avait tout faux. Mes pensées ne pouvaient pas être erronées. Il était mort. Ce n'était pas une croyance. Si seulement cela avait été une croyance.

IL EST MORT, CETTE VÉRITÉ-LÀ EST IMMUABLE !

Les dents serrées, une larme s'échappa pour parcourir ma joue. Aussitôt, je la fit disparaître d'un coup de poignet. Ravaler mon chagrin.

Mais David aussi faisait de son mieux.

- Je vous demande de m'excuser, je ne voulais pas...

Crier. Dans ma tête. Il était difficile de contrôler ce qu'on pensait. Alors, je tentai de changer de sujet. Parce que si nous continuons ainsi, je savais que nous nous dirigions vers une pente glissante. Et cette dernière s'enfonçait tout droit dans mes cauchemars.

À ma question, David sourit pour me parler de la bataille du Lust, avant de se pencher et de me tendre de nouveau la main comme une invitation. J'arquai un sourcil, silencieuse.

N'avait-il pas deviné ? La réponse à son interrogation ?

J'aurais aimé lui offrir un sourire. Au lieu de quoi, je posai ma main sur la sienne. Cette fois, mes pensées se concentrèrent sur la soirée à la villa. Sur ma conversation avec William Stark. Ce qu'il m'avait révélé. Les expériences des démons, le sérum et son antidote. Tout ce que je savais.

Ma décision avait déjà été prise. Le rocher de Sisyphe resterait, cette fois, au pied de la montagne.

Mon regard sonda alors celui de David, comme pour m'assurer qu'il avait tout suivi.

- Je suis avec vous.

Je n'étais pas une grande télépathe et, certainement, qu'il y avait beaucoup de choses encore que j'ignorais, mais il pouvait compter sur moi.

- Je n'ai peut-être pas la puissance de vos capacités, mais je vous aiderai à mon niveau.

Mastermind

Tony Mordoh

Tony se détendit.

Je souris.

Moui, je dois avouer.

Que c’était bien joué, David.

Tony rouvris les yeux.

Tout le monde a peur de Légion.

Les voix ont peur de Légion.

Les voix sont Légion, David…

Légion…

C’est le contraire de « on ».

Ce n’est pas tout le monde sauf toi.

C’est toi sauf tout le monde.

Je grimaçai.

Je ne veux pas être moi.

Pourquoi ?

Je ne sais pas.

Je ne suis pas sûr de savoir.

Où je suis…

Dans tout ça ?

Les monstres ont l’air…

Beaucoup plus réels.

Que moi.

Et tout le monde continue à dire…

DAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIID

David !

Daaaavid !

Divad.

Détenu 4267.

Et mon propre nom…

Est bizarre à mes propres oreilles.

Comme si on parlait…

De quelqu’un d’autre.

Moui…

Et quand on t’appelle Légion ?

Je suis Légion.

Je vois…

Tony parla de jouer du violon.

Qu’elle ne pouvait plus le faire.

A cause de sa main blessée.

A cause de moi.

A cause de nous.

Hey !

Je n’y suis pour rien, David.

Et toi non plus, d’ailleurs.

Tony voulait savoir.

Si je lisais ses pensées.

Ouais…

Ouais…

Deux fois.

J’entends tout ce qu’elle dit.

Je ressens tout ce qu’elle ne dit pas.

Et pouvez-vous ne pas utiliser votre télépathie ?

Je pinçai les lèvres.

Fermai les yeux.

Balançai la tête…

Hésitant…

-Je ne… Je ne contrôle pas tout.

Tu mens, David !

Ok ! Ok !

Je soupirai.

-Je… Je préfère lire les pensées… Je ne…

Continue…

Alors, pourquoi le fait-il ?

-Les gens mmme mmentent tout le temps alors…

Je fis un moulinet de la main…

Près de ma tempe.

Les gens te mentent ?

-Je ne… leur fait pas confiance.

C’est ce que les voix disent…

Les voix ne sont pas réelles, Davey…

Alors tu n’es pas réel ?  



Laisse tomber.

J’avais peur de Tony.

Tony avait peur de moi.

Je ne voyais pas beaucoup de monde.

Elle ne devait pas…

Pas chercher à en voir beaucoup non plus.

Mais elle avait peur.

De beaucoup d’autre chose aussi.

Du sang sur le sable.

De la détonation.

De quelque chose qui est arrivé.

Et qui la fait penser.

Qu’elle n’est pas une bonne personne.

IL EST MORT, CETTE VÉRITÉ-LÀ EST IMMUABLE !

Je sursautai.

Bouchai mes oreilles.

Pas de crise, David…

Respire.

C’est elle qui hurle.

Pas toi.

On se détend.

Je fermai les yeux.

-Ok…

Je vous demande de m'excuser, je ne voulais pas... crier.

Je rouvris les yeux.

Souris.

Malgré la douleur.

Et la larme qui coula sur ma joue.

-Ce… Ce n’est rien.

Je repris un peu contenance.

Pour autant que tu en aies, Davey…

Je inspirai un bon coup.

-Je ne… je ne dis pas que ce qui s’est p-passé sur la plage nnn’est pas réel. C’est réel puisque tu l’as d-décidé mais… Tu as dis… Tu as dit que tu ne penses pas être une bonne personne…

Je passai ma langue sur mes lèvres.

Concentre-toi.

C’est pas mal, David.

Ce que tu fais-là.

-Mais c’est à t-toi de choisir si tu…. Si tu décides d’être une bonne personne… Ou pas.

On allait bientôt…

On va bientôt savoir.

Qui est bon.

Et qui est mauvais.

Thiriel nous mmmontera la voie.

Je tendis la main à Tony.

Lui souris à nouveau.

Et l’invitai à entrer dans la danse.

Belle métaphore, David…

J’applaudirais si j’étais sûr…

Que ce n’est pas la maladie qui cause.

Allait-elle nous rejoindre ?

Elle était perplexe.

N'a-t-il pas deviné ? La réponse à son interrogation ?

-Parait que je dois frapper avant d’entr…d’entrer…

Je veux l’entendre dire.

Je veux la voir faire le geste.

Elle fit le geste.

Posa sa main dans la mienne.

Et tout déferla dans ma tête.

Tout ce qu’elle savait.

Une grande maison.

Je suis loin d’être un fan de Weaver et des démons. Ce sont des créatures ignobles.

William Stark.

Très grande maison.

Si mon père a réussi à rendre le sérum bien plus efficace qu’à l’époque alors les démons disposent d’une arme de choix…

Ils ont reproduit le SV, David !

On peut en acheter ?

NON !

Han…

Les démons vont forcément passer à l'attaque, non ?

Seigneur…

Edwin était le seul à pouvoir le faire… Et il est dans le cas des démons.

S’ils disposent du sérum…

S’ils le distribuent en douce.

Alors ce sont eux…

Qui vont exterminer les surnaturels.

Les faire disparaître !

Tu ne la boucles jamais, hein ?

Edwin est peut-être dans le camp des démons, mais vous, vous n’y êtes pas.

William Stark est une bonne personne.

Je sais, David.

C’était un petit garçon très intelligent.

Un ado en manque d’attention.

Et sa mère était magnifique.

J’aurais pu faire mieux...

Je croisai le regard de Tony.

Je suis avec vous.

Je hochai la tête.

Souris.

Et serrai doucement sa main.

Pour ne pas faire mal.

Je n'ai peut-être pas la puissance de vos capacités, mais je vous aiderai à mon niveau.

Peut-être que…

Tout haut, c’est mieux, David.

Ah ouais.

-Peut-être que tu n’as pas… de gr… grands pouvoirs mais…

Je soupirai.

Je désignant de ma main libre.

-Les grands pouvoirs sont… un peu lourds des fois…

Je pris l’autre main de Tony.

Et les joignis.

Entre les miennes.

-Tu penses peut-être… Que tu n’es pas une bonne… une bonne personne… que tu ne mérites pas l’amour… Mais…

Je souris plus largement.

Plantai vraiment mon regard…

Sur elle.

-Tu as dit que tu étais avec nous. Tu as dit que tu voulais aider.

Et…

-Je suis celui qui décide.

Et je décide…

Ce qui est réel.

Et ce qui ne l’est pas.

Et je décide…

Que Tony est une bonne personne.

Je posai mon front contre le sien.

Fermai les yeux.

-J’ai été… enchanté de te connaître… Et merci encore p-pour l’ange Joon.

ET JE NE SUIS PAS UN HIPPIE !!!

-Et l’ange s’appelle Manakel…

Je soufflai longuement.

Tony disparut…

Puis les murs…

Puis le sol.

Ce fut le noir total.

Et je me réveillai en sursaut.

Wow, David !

Sans savoir où j’étais.

Je me tournais.

Me retournais.

Assis dans le lit.

Le soleil filtrait par la fenêtre minuscule.

On est au mobilhome, David.

Mon GSM sonnait l’alarme.

J’ai besoin de Clozapine.

Et bien lève-toi et marche…

Je me levai.

Et marchai.

Pour trouver Syragane.

Dans la cuisine.

Ça sentait bon.

J’avais les cheveux tout ébouriffés.

Et juste un short.

Je vins près d’elle.

Me collai contre elle.

Dans son dos.

J’embrassai sa nuque.

Après avoir bougé ses cheveux.

Puis embrassai sa bouche.

En la serrant contre moi.

Avant de baisser la tête.

Pour cacher mon visage.

Dans le creux de son cou.

Et marmonnai.

-J’ai juste… fait un drôle de rêve.

And What Exactly Is A Dream ? And What Exactly Is A Joke ?

Mastermind

ft. David

Les gens mentent.

C'était vrai. J'avais menti. Tant de fois. Pour de bonnes et, certainement aussi, des mauvaises raisons. Mais David, lui, avait perdu toute confiance envers les autres. Au contraire de moi, qui avais perdu toute confiance en moi.  

La confiance.

Elle était toujours dure à donner ou à acquérir. Et elle s’effritait si facilement. Alors que la peur, elle, s'insinuait en vous avec tant de facilité. Elle érigeait alors un palais, s'installait dans un coin de votre esprit jusqu'à vous souffler des mots pour faire disparaître cette confiance durement gagnée.

Et là, tout de suite, ce furent les mots de David qui m'effrayèrent. La tristesse surgit, ma vieille compagne.

Mes pensées. C'étaient mes pensées. Elles n'étaient pas de travers. Il était mort. MORT. Je hurlai dans ma tête parce que je n'y arrivais plus dans la réalité. Parce que tout cela était intolérable.

Ma mâchoire se crispa comme pour retenir mes pleurs. J’effaçais l'unique perle salée qui avait réussi à s'échapper. Et peut-être fut-ce la vue de David se prenant la tête comme si on l'avait blessé à son tour, qui me permit de me reprendre.

Ma respiration se calma petit à petit. Je m'excusai.

Ce n'était rien.

Mon regard capta alors la lueur d'une larme sur sa propre joue.

Non, ce n'était pas rien. Ces émotions n'étaient pas les siennes. Il n'avait pas à les ressentir. À avoir mal comme moi. Et là, tout de suite, je voulais faire disparaître le chagrin qui se dessinait sur sa joue. Je le voulais, mais je ne fis aucun geste.

- Décider ? chuchotai-je. Je ne crois pas...

Était-ce vraiment à moi de décider si j'étais une bonne personne ? Après ce que j'avais fait ? Le mal que j'avais infligé aux autres. À Lui. C'était inimaginable. Impossible.

David me demanda alors si je voulais le rejoindre dans cette guerre qui s'annonçait contre les démons. La réponse était pour moi évidente, mais il s'était retenu d'aller la chercher par lui-même.

- Oui, il faut toujours frapper avant d'entrer.

Je posai ma main sur la sienne, abandonnant le tissu bariolé sur le sol, et ouvris la porte de mes souvenirs. Cela ne dura qu'une demi-seconde. Tout ce que je savais, il le savait maintenant. Nous nous observâmes. Bientôt, un nouveau sourire fleurit sur ses lèvres.

Il pouvait compter sur mon aide, aussi faible soit-elle. Mais, si mes pouvoirs étaient minimes, l'ange me rappela que l'ampleur de ses propres capacités pouvait parfois être lourde à supporter. Lui avait un univers dans sa tête. Moi, il n'y avait que ma musique.

Silencieuse, je l'écoutais sans rien ajouter. Il prit mes deux mains pour les joindre avec les siennes. La culpabilité n'était plus là pour réfuter ses paroles. Ce furent mes yeux humides qui demandèrent si j'avais vraiment le droit à ce qu'il disait. Parfois, non, souvent, j'avais l'impression de ne mériter que la solitude. De ne ressentir que chagrin et culpabilité. Mon petit cercle vicieux personnel.

Le regard de David se fit plus perçant. Il y avait toujours ce sillon humide sur son visage, mais plus aucune larme.

Son front vint alors à la rencontre du mien. Mes yeux clignèrent face au geste. Et tandis que ses paupières étaient closes, je souris. La gentillesse de ses paroles me toucha.

- Enchantée David.

Tout cela sonnait comme un au revoir.

Et puis, le chapiteau s'évanouit, emportant avec lui les odeurs si particulières du cirque, cette mer de couleurs chatoyantes et aussi David.

Je me retrouvai seule, devant mon ordinateur portable, à parcourir des sites afin de trouver un nouvel appartement. Mon regard s'arracha de l'écran et balaya l'espace autour de moi. Tout était si calme. L'armoire, à quelques mètres devant moi, était fermée. Aucun bruit n'en provenait.

Avais-je rêvé ?

Étais-je une bonne personne ?