Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

♫

Non non non non non…

-Non non non non non…

Je chuchotais en fermant les yeux très fort, fronçant les sourcils, plissant mon front… J’étais assis en tailleur face à la vitre de ma cellule. De l’autre côté, ça faisait une heure que je parlais et faisais des jeux avec le Dr. Wood.

…SORTEZ-MOI DE LA !...

Jusqu’à maintenant…

…j’ai des louveteaux à nourrir…

Je plaquai mes mains sur mes oreilles et rouvris les yeux pour les braquer sur le Dr. Wood.

…c’est Sands qui a raison…

Pour que ça s’arrête.

…j’ai mal…

-Respire… David… Qu’est-ce qui se passe ?

Je répondis dans un grondement sourd, mes yeux bleus brillant à la lumière crue de ma cellule.

-J-J’entends… Tout.

…SPIN DE MERDE !...

…je vais buter tout le monde !...

Je refermai les yeux et gémis.

-C’est de la télépathie… Ce que tu entends, ce sont les pensées des autres.

Je secouai la tête.

-C’est… beaucoup trop…

Oh non… Je recommence à baver…

Je suis…

-Désolé…

Le Dr. Wood se leva.

-J’ai besoin que tu restes calme, David. Je voudrais faire un scanner pendant que ta télépathie est en fonction.

Je secouai la tête.

Trop dangereux.

Je vais… faire mal à quelqu’un…

-Pourquoi ?

Le Dr. Wood posa ses mains sur la vitre.

-Parce que je veux te comprendre pour pouvoir t’aider.

Je relevai les yeux sur elle.

-Vous voulez me rendre normal…

Non… Non, c’est Marius qui veut te rendre normal.

-JE veux être normal !

Le Dr. Wood écarquilla les yeux et sa bouche s’ouvrit… Elle murmura…

-David… Tu… lévites.

Je sursautai, baissai les yeux et constatai que je lévitais à un mètre du sol.

Oh-oh…

Je tombai à terre brutalement et regardai le Dr. Wood avec des yeux effrayés.

-Faites ce que vous voulez… Mais faites-le vite !

Je ne veux blesser personne…

-Je veux pas vous faire du mal…

Le Dr. Wood tapa le code de ma cellule sur l’écran tactile et la porte s’ouvrit. Elle vint s’agenouiller près de moi et m’aida à me lever en vitesse.

… le taré fait encore sa crise…

Je regardai le Dr. Wood.

-Je suis une bonne personne… Je veux pas… faire du mal…

Le Dr. Wood hocha la tête avec un sourire.

-Je sais, David. On y va…

On sortit de la cellule, passant devant les autres détenus du bloc 4 qui n’étaient pas en isolement. Je titubais un peu et…

… faut être attardé pour tirer son coup avec le Dr. W….

-AAAAAAAAAHHWWW !!!!...

-DAVID ! Arrête ! Arrête ! Lâche-le !

Je lâchai mon emprise sur le loup garou…

-Il avait… de mauvaises pensées…

Le Dr. Wood me tira vers l’avant pour me sortir du bloc et je suivis sans broncher.

-Ok… mais ne fait pas ça… S’il te plait.

Le brouhaha ambiant devint un bruit de fond au fil des couloirs qu’on traversa… Ma respiration devint plus calme, seule la lumière du bâtiment avait comme des chutes et des hausses de tension sur notre passage.

Mais tu es cinglé ou quoi ?!

Mon regard balaya l’espace alors que je cherchais après celui qui avait dit ça.

Je ricanai.

-C’est ce qu’on m’a dit…

Le Dr. Wood me regarda…

-Quoi ?

Je souris.

-Que je suis cinglé…

On entra dans la salle de scanner où attendait le Dr. Marius.

-Bonjour, David.

Je le regardai en fronçant les sourcils.

Je vous aime pas…

-Ce n’est pas un scoop.

Le Dr. Marius sortit pour aller dans la salle d’où on contrôlait les machines. Le Dr. Wood m’indiqua de m’allonger sur la table de l’IRM et se pencha sur moi, prenant ma main…

-Je… n’aime pas trop… cette machine-là… Des petits espaces… Si je reste coincé…

Elle passa sa main dans mes cheveux et eu un sourire rassurant auquel je répondis. Ça faisait du bien.

-Tu ne resteras pas coincé… Je ne laisserai pas ça arriver. Tu vas fermer les yeux et penser à quelque chose d’agréable… Un endroit agréable où tu voudrais aller par exemple… Quelque chose pour te détendre…

Je passai ma langue sur mes lèvres…

-Comme vous c’est la villa Stark…

Ma respiration se calmait et mes yeux se révulsèrent légèrement alors que je visualisais l’intérieur de la villa Stark, voyant à travers les yeux du Dr. Wood qui rougissait plein tube.

Mes yeux revinrent et j’eus un air perplexe…

-C’était pas comme ça… avant…

-Dr. Wood, quand vous aurez fini de le materner, on pourra commencer…

Je fis la moue.

-Je ne l’aime pas…

Le Dr. Wood sourit.

-Moi non plus… Ferme les yeux…

Je fermai les yeux et… il ne se passa rien… jusqu’à ce que la table se mettre à bouger. Ma respiration s’emballa.

…il est terrifié…

David ! Daaaaaaavid !

La ferme !

Laisse-moi tranquille !

Tout ça pour jouer les putains en Enfer ! Pourtant, elle le fait déjà très bien sur Terre !

-Haaaan nan !

Maîtrise-toi !

David !

Dors…

Tu me laisse faire ?...

Et il jouera avec moi…

And What Exactly Is A Dream… And What Exactly Is A Joke…

J’ouvris les yeux…

Où je suis ?!

Je tournai sur moi-même, regardant partout.

Je n’étais plus dans le scanner.

C’est… David, c’est dans ta tête, hein ?

C’est réel ?

Ça ne l’est pas ?

-Peut-être un rêve… Sûrement un rêve.

Tu dors ?

Non, tu ne dors pas !

Ça sent bon…

Il y avait plein de couleurs, des tapis au sol, sous mes baskets…

J’ai des baskets ?

Je tirai sur mon pull, je n’avais plus l’uniforme du SPIN mais un t-shirt rouge et une veste verte.

T’es… vraiment habillé n’importe comment…

-Regarde ça…

Mes yeux brillèrent et je souris, voyant tous les bibelots colorés  qui décoraient l’endroit…

Oriental…

Oriental ?

Ouais… heu… laisse tomber…

Je désignai un portrait accroché dans la pièce. Un portrait d’une belle femme que je regardai de mes grands yeux bleus en penchant la tête d’un côté.

-C’est qui ?

Qu’est-ce que j’en sais ?

Je voulus toucher une lampe, l’allumer… Ma main passa à travers.

Je fis la moue…

T’y arriveras pas, te fatigue pas…

Les interrupteurs ne fonctionnent pas dans les rêves.

Je réessayai quand même…

Et allumai la lampe. L’éteignis, l’allumai, l’éteignis, l’allumai en riant.

-Je peux le faire !

Alors c’est pas un rêve…

Amen…

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

Syragane s’était endormie dans son lit, dans son mobil-home, au milieu des draps aux motifs colorés, n’ayant rien vu venir, le sommeil la gagnant si rapidement qu’elle n’avait pas pris le temps de se déshabiller. Ces derniers temps, les spectacles, leur préparation, les cours qu’elle suivait à côté, lui prenaient beaucoup de temps et l’épuisaient, ou peut-être que c’était la nostalgie du pays qui la laissait souvent, somnolente et rêveuse quand il n’y avait rien d’autre à faire…..

Comme ce moment…
Comme maintenant…..

C’est cette légère et douce brise sur son visage qui la tira de ses songes en premier, lui faisant ouvrir les yeux alors qu’une lumière dorée pénétrait à flot par la porte d’entrée du mobil home restée ouverte. Intriguée, Syragane se redressa dans son lit.  La porte n’était pas verrouillée quand elle était revenue dans son refuge, mais de là à la laisser complètement ouverte ?

Et puis quelle était cette étrange et magnifique lumière ?  Syragane se leva, se retrouvant à pied nus et en robe de grande prêtresse, cette toge de soie blanche qui tombait dans une coupe droite sur son corps, fendue sur la cuisse et laissant ses bras nus ornés de ses nombreux bracelets d’ors et celui qui lui ceignait le haut du bras avec l’étoile d’Ishtar. Elle portait en outre le collier en plastron des grands jours, en or massif, incrusté de lapis lazuli et de turquoise, un cadeau de Nabodinos.

Spoiler:

Quelque chose l’interpella dans ces menus détails. Les bracelets dont la plupart dormaient désormais en sécurité dans un coffre, excepté celui d’Ishtar et elle n’avait plus mis sa tenue de prêtresse depuis très longtemps, sans parler du collier qu’elle ne se souvenait pas porter le jour où……. Le jour ou tout avait basculé.

Seuls ses cheveux demeuraient libres sans sa coiffe, tombant librement jusqu’à la chute de ses reins. Alors loin de se formaliser pour ces étrangetés, Syragane s’approcha de la porte, pour voir ce qui se passait dehors. Elle s’attendait à voir comme à chaque fois, le paysage lumineux et son ciel hérissé des attractions et autres montagnes russes du parc.

Mais elle ne vit rien, rien d’autre que du sable à perte de vue ou presque. Au-delà des dunes, il lui sembla apercevoir les dômes du palais du roi. Elle rêvait sans doute. Ou alors, c’est tout le reste qui n’avait été qu’un étrange et très complexe rêve. Et elle était enfin de retour. Syragane descendit les deux marches de l’escalier menant à sa roulette, et plongea un premier pied dans le sable chaud et doré de son pays d’origine.

Le cœur plein d’allégresse, elle allait prendre la direction de cette dune tout là-bas au-delà de laquelle se dressait le palais, quand elle entendit une voix,  une voix qui venait de l’intérieur de son mobil home. Alors elle renonça à regarder devant elle et se retourna pour voir un homme sortir de….du temple d’Ishtar qui lui était presque complètement enseveli dans le sable. C’était à ne plus rien y comprendre.

Syragane regarda autour d’elle, sans plus apercevoir quelconque caravane. Il y avait juste la pointe émergeante du temple, et cet homme. Le vent souffla un peu plus fort, soulevant ses cheveux, et elle fut un instant aveuglée avant de les écarter pour regarder l’inconnu.

- Qui êtes-vous ?Demdanda-t-elle plus intriguée qu'effrayée.

Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

-Je peux le faire !

Ouais, je vois ça…

Comment ça se fait.

Je n’en ai foutrement aucune idée…

Je me redressai abandonnant la lampe que je faisais clignoter, regardant autour de moi. Il régnait ici une forme de douce chaleur ambiante… Une vague lueur multicolore venait de l’extérieur. Je m’approchai d’une minuscule fenêtre et vis des montagnes russes un peu plus loin, et toutes les lueurs d’un parc d’attraction.

-Je suis déjà venu…

N’importe quoi…

-Si… Je mens pas.

Avec les éducateurs du Brooklyn Mental Health Center…

Oh…

Je regardai encore l’intérieur de la roulotte, caressant les tapis, les tissus, d’une main… C’était plus doux que le béton des murs de la cellule du SPIN.

-Il faut que je rentre au SPIN.

Tu… Tu déconnes, là ??

-Les policiers vont me ramener, t’façon…

Mouais… On est pas vraiment là, David.

Je peux toucher la lampe.

Je peux toucher les tapis.

Ouais… Et quand tu délires bien, tu dis que tu peux aussi toucher la couleur et la lumière !

Je peux.

Il y avait une porte qui devait mener à une autre pièce. Par la serrure, une lumière dorée passait, faisant passer la poussière pour des paillettes d’or. Je posai ma main sur la poignée.

Je veux voir.

J’ai peur.

David ! On frappe avant d’entr… !!

J’ouvris la porte… Et mes Doc Martens avec des lacets multicolores se posèrent dans le sable d’un désert immense.

-CLAC !

Je sursautai et me retournai. La porte s’était refermée derrière moi. Une porte immense, d’un bâtiment immense enfoui dans une dune de sable. Je la regardai bouche bée.

Le vent jouait dans mes cheveux en bataille, doux et chaud.

On est loin du SPIN ?

Oh ouais, j’en ai bien peur, mon petit père…

Je fis la moue et me tournai vers le désert immense… Puis penchai la tête et fronçai les sourcils avec un regard curieux en apercevant une silhouette plus loin.

Une femme avec une longue robe blanche et le soleil jouait avec les nombreux bijoux qu’elle portait pendant que le vent, lui, faisait du grand n’importe quoi avec ses très longs cheveux.

Es-tu un rêve ?

Un mirage ?

-Un mirage. C’est un rêve du désert.

La femme parla. La femme posa une question.

Elle était belle.

Je clignai des yeux et elle ne fut plus au loin, mais tout près. Je la dominais d’une tête, mon torse était presque contre ses…

…enfin sa poitrine quoi.

Mes yeux étaient rivés dans les seins… siens.

Je suis toi.

Je suis moi.

Je suis Manakel.

JE SUIS CINGLE !

Je suis Lui.

Je suis tout le monde.

-Je suis… David ?...

Je suis personne.

Car Jésus lui disait: Sors de cet homme, esprit impur!
Et, il lui demanda: Quel est ton nom?
Légion est mon nom, lui répondit-il…
Car nous sommes plusieurs.

J’ouvris la bouche, hésitant.

-Es-tu mon rêve ?

Spoiler:

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

A peine cet homme était-il apparu, vêtu de vêtements qui n’avaient rien à voir avec ceux qu’on portait à Babylone et ses yeux d’un bleu intense qui dénotaient grandement dans ce paysage – que Syragane perçut d’infinis chuchotements, comme si Enlil s’était mis à lui parler, sauf qu’elle n’en voyait pas la raison, le dieu du vent jusque là jamais ne s’était adressé à elle, excepté Ishtar.

Et pourtant elle les entendait bel et bien ces chuchotement, glissant dans le vent, des mots qui firent échos à ceux prononcés par cet homme… mirage, rêve….était-elle un mirage ? Elle eut soudain elle-même un doute à ce sujet.

Et tandis que le vent doucement continuait de souffler, si chaud sur sa peau, l’homme se déplaça en une fraction de seconde, se retrouvant soudain bien trop proche d’elle, assez pour voir les éclats de lumière dans son regard plus bleu encore, vu d’aussi prêt. Beaucoup trop près. Prudente, elle fit un pas d’écart sauf que c’est son corps qui se désintégra pour s’éloigner un peu et se réintégrer un pas plus loin en un million de grains de poussière, agités un bref instant par le vent avant de se stabiliser….

Alors Syragane chercha son regard pour comprendre, un regard qui s’égara non pas dans ses yeux à elle, mais dans le décolleté de sa toge. Un fait quelque part rassurant, comme pour mieux s’aligner sur les choses normales de ce monde, un homme normal face à une femme….ok, tout ici était loin d’être normal.

A commencer par le décor, puis ces chuchotements qui ne cessaient de perturber le silence, comme un bruit de fond. Un chuchotement qui se fit écho pour répondre à sa question. Comme si le vent lui-même se moquait de cet homme mais Syragane était très loin de la vérité. Du reste où était la vérité ici ? Le chuchotement semblait osciller entre plusieurs personnalités, du moi à toi, d’un nom à un autre, et finalement ce fut lui qui parla pour dire son nom….. David.

Les chuchotements produisirent un nouvel écho, distrayant à nouveau Syragane, pour reporter son attention finalement sur David. David qui lui posa une question encore plus troublante. Syragane afficha une expression étonnée, puis un peu ennuyée.

- un rêve ? …….Je ne sais même pas qui tu es, enfin si David…. David ou Manakel, ….et  je ne suis pas très certaine de savoir où je me trouve. Par contre je suis sûre de qui je suis…. Syragane… je m’appelle Syrgane Dendérah. Dit-elle mais plus pour se persuader elle-même qu’elle n’était pas en train de devenir folle, comme pour mettre un peu de réalité dans cet endroit.

C’était la première fois qu’une telle chose lui arrivait. Mais peut-être que ce n’était qu’un rêve comme disait David ? Elle avança alors la main pour toucher le bras de l’homme face à elle. Sa main passa à travers.

- Qui es-tu toi ? Un esprit du vent ? Est-ce que c’est Ishtar qui t’envoie ?

Elle regarda autour d’elle, puis derrière lui, la porte du temple.

- J’ai cru que j’étais revenue à Babylone, mais le temple…. Il est….. il n’est plus comme autrefois. …. Oui finalement, ça doit être juste un rêve.

Mais dans ce cas, qu’y faisait cet inconnu ? Elle l’observa à nouveau, intriguée.  

Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

La femme se dématérialisa en poussière et je passai ma main dedans, mais ne provoquai pas autre chose que des petits tourbillons brillants.

Tu lui as fait peur !

J’ai rien fait !

Ne… la regarde pas comme ça, tu veux ?

Mais elle se matérialisa à nouveau aussi vite devant mes yeux grands ouverts, juste un pas plus loin en arrière.

Comme dans l’histoire.

Quelle histoire ?

Celle des roseaux…

Ma tête se pencha encore sur le côté avant que mes yeux se… perdent un peu.

David…

Je relevai le regard brusquement, un regard totalement innocent.

Son regard à elle voyageait un peu partout.

Moi, le bruit de fond, j’ai l’habitude.

Je ne peux pas le baisser.

Je dois vivre avec.

Depuis un bail…

Le bruit m’a fait oublier le numéro de l’ambulance.

C’est le monstre qui fait du bruit…

Non.

Ils sont plusieurs.

Car nous sommes plusieurs.

Es-tu mon rêve ?

Elle n’était pas sûre d’être un rêve. Ni de savoir où elle se trouvait. Qu’elle ne me connaissait pas… On ne pouvait pas rêver de gens qu’on ne connaissait pas ?

Moi, je fais que ça.

Je suis dans les rêves des gens.

Les gens rêvent de moi.

Non…

Je… rêve… de…

Je secouai la tête, clignai vite des yeux et le décor cilla, comme une vieille télé qui a des ratés. Avant de se stabiliser à nouveau.

-Je n’ai plus de troubles de l’attention…

Syragane… Elle s’appelait Syragane Dendera…

Je lui souris. Et je mis mes mains dans mes poches en regardant autour de nous puis haussai les épaules.

-Et… nous sommes dans le désert.

Elle posa la même question encore. Qui es-tu ?

Qui es-tu David ?

Car nous sommes plusieurs.

Elle voulut me toucher mais passa à travers moi. Je regardai ma main.

-Je… suis un fantôme ? Non.

Je portai ma main à mon front, fermant les yeux pour chercher ma concentration.

-Je suis 4267… Je suis 4267 du SPIN.

Je regardai à nouveau Syragane, dans les yeux, cette fois.

Oui, c’est mieux, David.

-Personne ne m’envoie, je… pense à des choses agréables.

La jeune femme regarda quelque part derrière moi et je me retournai brusquement, pris de peur de me retrouver nez à nez avec le monstre. Mais il n’y avait que le temple couvert de sable.

-Oh…

Je penchai la tête, regardant le temple, penchant la tête…

Puis je souris…

Qu’est-ce que… ?

A quoi tu penses ?

Sourire idée de merde en vue !

Pourquoi, je n’entends pas ce que tu penses ?!

Je regardai Syragane.

Tu peux le réparer, toi ?

-Je peux le réparer.

Je plaçai ma main à plat devant ma bouche et soufflai en direction du temple… Et tout le sable s’envola en grand tourbillon, presque une tempête, pour laisser ensuite le temple propre et net comme un sous-neuf.

Comment tu fais ça ?... Seigneur…

Je pris la main de Syragane.

Et elle ne passa pas au travers.

-Tu veux voir dedans ?

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

Les chuchotements se poursuivaient, parfois par vague plus fortes dans un vent trop agité, s’emmêlant et se superposant, ce qui faisait qu’elle ne pouvait en percevoir véritablement le sens. Et parfois ils s’éloignaient devenant vague de fond, juste un son diffus laissant le calme revenir un peu. Et puis quand elle comprenait ce qu’ils disaient, les mots n’avaient pas de sens pour elle…..

Elle finit par occulter le bruit de fond pour se concentrer sur cet homme, David.  David dont les mots n’avaient pas vraiment plus de sens que les chuchotements. Elle le dévisagea sans comprendre quand il lui dit qu’il n’avait plus de troubles de l’attention.
Pour le désert par contre, elle sourit et acquiesça.

- Oui je connais cet endroit……enfin je crois, le désert est mon … Elle hésita, cherchant le mot, berceau. Endroit qui a vu grandir moi.

Oui elle faisait encore des erreurs parfois, surtout quand elle était soumise à d’autres éléments de distractions, comme les chuchotements et cet homme singulier qui se tenait face à elle. Syragane ouvrit de grands yeux surpris à sa question quand elle tenta de vérifier s’il faisait seulement partie de son rêve.

- Un fantôme ??

Non, il lui dit que non, et récita un numéro. Voilà ce qu’il était, lui disant un autre nom qui pour elle, n’évoquait rien, ou pas vraiment. Il y avait quelque chose de familier mais pas assez pour qu’elle fisse le lien. Et puis elle était trop perturbée par cette sorte de code qu’il lui avait donné. Syragane se dit que si c’était un rêve, qu’il était vraiment étrange et qu’elle n’y comprenait rien. En tout cas il n’était pas l’envoyé d’Enlil, pas plus d’Ishtar.

Il pensait juste à des choses agréables. Le regard de Syragane se fit plus perplexe encore. Comment pouvait-il connaître cet endroit ? Comment avait-il fait pour arriver ici ? Et Ishtar,…..pourquoi la laissait-elle tomber ? Elle ne s’était plus manifestée depuis son arrivée dans ce Kan et….Oh c’était peut-être une sorte de mise à l’épreuve ? Cet homme à ses côtés,  elle devait comprendre ce qu’il voulait. Peut-être que c’était ce que désirait aussi Ishtar ? Oui tout ça était sujet à tout un tas de possibilités d’interprétation.

L’homme sembla alors seulement repérer le temple à moitié enseveli, ce que Syragane avait interprété comme le temps qui s’était écoulé depuis son départ de Babylone. Aujourd’hui…. Il ne restait plus que ça….. non il y avait aussi le palais. Et les jardins suspendus ? Elle brûlait soudain d’envie de les revoir. Mais ses pensées furent interrompues par David. Il pouvait réparer.

- Réparer ? oui elle avait un peu l’impression de s’être transformée en un perroquet qui répétait bêtement tout ce qu’on lui disait mais…… elle avait vraiment du mal à comprendre.

De toute façon sans lui laisser le temps d’analyser, David souffla dans sa main et à la stupéfaction le temple fut entièrement dégagé du sable.

- Tu as….. les pouvoirs d’Enlil, toi aussi !

Oui sauf qu’il les maîtrisait bien mieux qu’elle. Est-ce que c’était ça le signe qu’elle devait retenir de ce…. Rêve ? Était-il une aide qu’on lui envoyait ? … et le temple… Est-ce que ça voulait dire qu’on pouvait encore sauver Babylone ?

Elle sentit soudain la main chaude de David prendre la sienne. Le regard surpris de Syragane croisa le sien. C’était un nouveau signe ! Et il lui proposa de retourner au temple.  Alors dans un premier élan, elle lui emboîta le pas, non sans lui offrir un magnifique sourire, parce que oui elle avait envie de revoir cet endroit, comme tout ce qui concernait Babylone. Puis soudain elle se figea, arrêtant l’élan de David.

- Attends !......

La peur avait soudain remplacé son sourire. Et Syragane alternait des regards vers la haute entrée du temple, et David.

- Je….je ne suis pas très sûre……Cet endroit, il a été mon tombeau avant qu’Ishtar m’aide à me libérer. Des hommes m’y ont enterrée vivante avec mes sœurs. Elles ont toutes … été massacrées.

Elle le regarda à nouveau hésitante, peut-être qu’elle voulait juste être rassurée ? Il semblait avoir beaucoup de pouvoir. Et elle avait vraiment envie de voir son temple. Syragane se retourna pour regarder en direction des tours dont les toits coniques brillaient au soleil. Elle hésitait, partir plus loin au cœur de cette….illusion ? un rêve ? Ou revenir sur ses pas, revenir à son point de départ…. ?

Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

Après que le décor ait… un peu sauté comme un programme télé capté par une vieille antenne, le désert s’était stabilisé.

Tu perds… le contrôle, David.

Non… non ça va maintenant.

Je n’ai plus de troubles de l’attention.

Je souris à Syragane. Elle connaissait le désert, c’était ici qu’elle avait grandi…

-J’ai grandi à Brooklyn…

Maintenant, je sais plus où je suis.

Au SPIN.

Où est le SPIN ?

Je sais pas…

Le monde se limite au SPIN, t’façon.

Elle était passée à travers moi quand elle avait essayé de me toucher et j’avais regardé ma main.

Oh… Non… je n’étais pas un fantôme…

Mais elle peut pas décider…

Elle peut pas le faire.

Comme moi avec la lampe…

Elle avait regardé plus loin et je m’étais retrouvé, effrayé d’abord, intrigué ensuite. Le temple un peu plus loin était couvert de sable. C’était par là que j’étais entré…

C’était par là que je pouvais aussi sortir…

Je pouvais le réparer, le temple.

Le nettoyer.

Parce que je savais comment il devait être avant.

Je le savais parce que Syragane le savait.

J’avais soufflé et le sable s’était envolé.

Je la regardai, sourcils levé, les yeux grands ouverts d’incompréhension quand elle dit que j’avasi les pouvoir d’Enlil.

C’est qui Enlil ?

J’en… sais rien. T’en as encore beaucoup, des questions ?

Non. Et toi ?

Oui. Une. Comment on sort d’ici ? Comment on est arrivé ici, déjà ?

-Ça fait deux questions.

Le test est pas fini.

J’entends encore la machine…

Je dois penser à des choses agréables.

Je pris la main de Syragane et souris quand son regard croisa le mien.

Elle avait les yeux bruns, comme le Dr.Wood.

On avança pour aller voir le temple…

Mais Syragane s’arrêta, tirant sur ma main. Elle avait peur… Elle avait peur du temple mais elle l’aimait aussi.

Je fronçai les sourcils, l’écoutant… Elle avait été dans un tombeau… Ses sœurs avaient été massacrées.

Je fermai fort les yeux parce que je pouvais entendre leurs cris.

-Stop.

Les cris s’éteignirent. C’était plus facile ici qu’au SPIN.

Syragane me regardait et je la pris doucement par les épaules, me penchant un peu vers elle et lui souriant en la regardant dans les yeux.

-Tu ne dois pas avoir peur…

Tu ne dois…

-Parce que je…

Pas avoir peur…

Parce que je décide…

-Parce que je décide…

Ce qui est réel…

Je clignai des yeux. Orange. Bleu.

-Ce qui est réel…

Parce que je décide ce qui est réel…

-Et ce qui ne l’est pas.

Et ce qui ne l’est pas.

Orange. Bleu.

David !

Je secouai la tête et lâchai les épaules de Syragane pour fermer les yeux et porter une main à mon front en respirant profondément.

-Je suis… une bonne personne…

Je veux de mal à personne.

Quand je rouvris mes yeux, ils étaient de nouveau bleus et stables.

Je lui tendis la main pour qu’elle la reprenne et me suive.

-Je dois y retourner…

Quand on entra dans le temple… J’étais à la maison…

Au Brooklyn Mental Health Center.

Et tu nous fais un vrai défilé de mode, dis donc !

Et Syragane portait la même tenue que moi… Celle que tout le monde avait… Un sweat orange et un pantalon bleu marine et des pantoufles bleu marine aussi.

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

Lui venait de Brooklyn.

- Ah…. Tu viens d’ici, enfin je veux dire…..de ce kan, celui où j’ai été envoyée.  Pas ici dans ce…euh cet endroit.

Moui ce n’était pas très clair ce qu’elle racontait. Mais lui non plus il ne l’était pas vraiment, ou c’était cet endroit qui faisait qu’elle avait du mal à comprendre ? A un moment il avait protesté. Elle ne devait lui poser qu’une seule question à la fois. Syragane resta décontenancée. Elle avait seulement fait référence à Enlil…. Ou alors….ces chuchotements, c’était à eux qu’il répondait ?

Elle ne savait plus, perdant soudain tous ses repères mais pas ses souvenirs. Et ceux du jour où tout avait basculé se rappelèrent vivement à elle. Les cris, les hurlements de douleurs, l’horreur de ces corps violés, mutilés…et stop …. Stop ?

Syragane dévisagea David, sa main toujours dans la sienne. Il lui dit qu’elle ne devait pas avoir peur…. Parce que c’était lui qui décidait. …. Qui décidait ce qui était réel et ce qui ne l’était pas.

- Mais…..je croyais que c’était moi qui…..cet endroit, c’est chez moi….enfin c’était, je n’sais plus !!

Elle soupira et fit un geste d’impuissance, tout ça la dépassait. Et plus encore cet étrange personnage à ses côtés avec sa tenue colorée. Il affirma être une bonne personne. Elle hésita sur la question de si elle devait le croire sur parole ou non mais ne voulant pas le blesser elle garda ses commentaires pour elle…. Mais était-ce vraiment important s’ils étaient dans un rêve ? Et était-ce bien un rêve si c’était lui qui décidait de tout ?

Et il décida soudain qu’il devait y retourner.

- Mais…retourner où ?

Comme il tenait toujours sa main, il ne lui laissa pas vraiment le temps de réagir et Syragane se retrouva entraînée à l’intérieur du temple. Sauf que…..ils n’étaient pas du tout dans son temple, mais dans un endroit absolument inconnu pour elle. Instinctivement, Syragane se rapprocha de David, se tenant légèrement en retrait de lui.

- Où est-ce qu’on est ?

Syragane constata alors qu’elle portait une bien étrange tenue.

- Par tous les dieux, qu’est-ce que ces vêtements ??

Elle vit un homme s’approcher, il avait de la salive qui dégoulinait sur son vêtement, le même que le leur. Syragane s’écarta aussitôt, se calant encore plus derrière David.

- Est-ce qu'on est....chez toi ?

Elle regarda alors les autres patients, et remarqua seulement  leurs expressions et attitudes étranges, certains portaient les mêmes marques physiques de cette maladie qu’elle avait déjà vu dans son monde. Des gens qui tous étaient mis à l’écart de leurs familles, comme si les dieux eux-mêmes les avaient maudits. Ces gens venaient régulièrement chercher des soins au temple, et surtout à manger parce que le reste de la population refusait de les approcher au même titre que les lépreux.

Syragane comprit brusquement et cessa de se cacher, avant de se tourner vers David. Certaines choses lui paraissaient soudain plus claires.

Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

Je fronçai les sourcils, perplexe.

C’est quoi un « kan » ?

Quand ?

Arrête de me prendre pour une encyclopédie.

-Je viens de… maintenant.

Je crois.

« Maintenant » n’a pas le temps d’exister.

Le temps de réaliser « maintenant » on est déjà à la seconde d’après.

J’avais pris la main de Syragane et avait voulu l’emmener voir son temple.

Mais elle s’était arrêtée, puis il y avait eu les cris, les hurlements.

Dans un plan je lui tenais toujours la main.

Dans un autre je me tenais la tête parce que ça faisait horriblement mal.

Et horriblement peur.

Stop.

Et ça s’était arrêté.

Je ne dois pas avoir peur.

Tu n’as pas peur. Tu t’éclates, David.

J’ai un peu peur quand même.

Tu aimes ça.

Non.

… un peu.

Je secouai la tête, pris Syragane par les épaules pour la regarder dans les yeux.

Tu ne dois pas avoir peur.

Je ne dois pas avoir peur.

Je décide…

-…ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

Autre plan… De nouveau main dans la main. Comme si on changeait de chaîne à chaque fois, mais juste pour voir sous un autre angle, avec quelques détails qui changeaient. J’emmenai Syragane à l’intérieur du temple.

Dans un plan, je lui laissais le choix, lui tendant la main.

Dans un autre, je la tirais vers le bâtiment débarrassé du sable.

Qu’est-ce qui est réel ?

Qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Je décide.

Que tu crois.

Nous entrâmes au Brooklyn Mental Health Center et je sentis Syragane se rapprocher de moi, sa main liée à la mienne dans le bas de mon dos, alors qu’elle demandait où on était.

-Tu ne dois pas avoir peur.

Autour de nous, les autres avançaient lentement, bavant ou non selon les cas. Certains me souriaient au passage, passant à côté de nous sans nous accorder plus d’attention que ça.

Tout le monde avait des troubles de l’attention ici.

Pas moi.

Et moi, je suis la reine d’Angleterre.

Je tournai la tête vers Syragane qui s’inquiétait de ses vêtements.

-C’est ton uniforme.

Je penchai la tête et souris.

-Et il n’y a qu’un seul Dieu.

Et tous les autres patients, l’un après l’autre, lancèrent un « Moi » plus ou moins mou, endormi, effrayé, colérique… faisant un effet d’écho partant dans tous les sens.

-Car nous sommes plusieurs.

Syragane se plaça face à moi, demandant si nous étions chez moi et je hochai la tête.

Le plan tourna en même temps et tout le monde, y compris Syragane et moi, on se retrouva dans une autre pièce du Brooklyn Mental Health Center chacun assis sur une chaise, en rond…

Thérapie de groupe…

Oh c’est pas vrai…

Le Dr. Daniels se pencha vers Syragane.

Dans un coin de la pièce, il y avait une porte avec plein d’autocollants dessus. Des autocollants « danger », « sens interdit », « keep out ! », « poison », tête de mort, etc.

C’est… je suis sûr qu’il y avait pas ça dans ton asile, David.

J’ai mis les autocollants. Pour me rappeler.

Le Dr. Daniels se pencha vers Syragane assise sur sa chaise, la regardant à travers ses grosses lunettes rondes qui lui faisaient des yeux énormes.

-Et si on rationalisait tout ça ?

Qu’est-ce qu’il y a derrière la porte, David ?

Je peux pas y aller !

C’est pas bon pour ce que j’ai.

-Je vais t’expliquer ce qu’il se passe, Syragane.

Dis-moi ce qu’il y a derrière cette foutue porte !

Le Snoezelen.

C’est quoi un Snoezelen ?

Arrête de me prendre pour une encyclopédie.

Je fermai les yeux, détournant le regard de la porte. Le Dr. Daniels, lui, continuai de fixer Syragane, assise juste à côté de moi… Et ma main était toujours dans la sienne je la serrai.

-Il se passe que tu viens d’un pays en guerre, Syragane. Les bombes sont tombées sur ta maison et tu y es restée ensevelie plusieurs jours avant l’arrivée des secours.

Je serrai plus fort.

-Tu es la seule survivante. Tes sœurs sont mortes dans d’atroces souffrances, sous les décombres.

La clinche de la porte du Snoezelen se mit à bouger frénétiquement, comme si quelque chose essayait d’en sortir.

Je ne peux pas aller dans le Snoezelen. C’est pas bon pour ce que j’ai.

-Il n’y a pas de temple, pas d’Ishtar…

Mais j’y suis déjà allé. Une fois.

David… Qu’est-ce qui s’est passé dans le Snoezelen ?

-Tout ça fait partie d’un mécanisme de défense psychologique, Syragane. Tu ne peux pas contrôler le vent.

Il s’agite, Dr. Wood !

La clinche s’arrêta brusquement de bouger et je laissai échapper un long grondement sourd, serrant les dents.

David… Qu’est-ce qui s’est passé dans le Snoezelen ?

Il y eut un grand silence, profond. Sauf pour le long gémissement de terreur qui venait de moi.

Les yeux du Dr. Daniels, déformés par ses lunettes, devinrent orange.

-Tu romances l’horreur.

Un grand coup fut donné, de l’intérieur, contre la porte qui vacilla sur ses gonds une première fois.

David… Qu’est-ce qui vit dans le Snoezelen ?!

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

Peur ? Non… plus maintenant. Elle avait compris, pas vraiment le décor mais à quoi cet endroit servait et surtout que ce n’était pas de son fait à elle qu’ils se retrouvaient ici, mais celui de David. David qui avait donc habité ici avec ces gens malades. Et Syragane n’avait jamais eu peur de la maladie, parce qu’Ishtar la protégeait. Et en échange, elle offrait son temps et ses attentions à ces pauvres hères sans plus de famille et de maison.

Quoiqu’ici c’était différent, dans la forme surtout mais pas dans le fond finalement. Ces pauvres âmes avaient elles aussi été isolées du reste de la population dans cet endroit. Mais ce qui l’avait plus étonnée encore, c’était ces vêtements dont elle s’était retrouvée elle-même affublée. Et si elle s’était d’abord inquiétée de faire partie de tous ces malades et d’être habillée comme eux, Syragane finit par se raisonner et se calmer…. peut-être que c’était David qui voulait lui faire passer un message à travers…. Cette vision ? Ce rêve ? Elle ne voyait pas de quoi il pouvait s’agir autrement….

Alors elle s’abstint de critiquer, acceptant ce rôle qu’il voulait lui faire jouer, en espérant comprendre ce qu’ils faisaient là finalement. Comment elle avait pu passer du désert de Babylone à ….ça ?! Comment s’était-elle débrouillée pour se retrouver désormais à tenir la main de ce David dont elle ignorait tout et dont pourtant elle sentait qu’elle ne pouvait pas s’en détourner… une mise à l’épreuve de la part d’Ishtar ? De toute façon elle n’aurait su lui tourner le dos.

Quant à cette histoire de Dieu unique, encore une fois, elle s’abstint de lui faire remarquer que dans sa religion, il y en avait plein. Mais elle ne voulait pas le bousculer pas plus quand il ajouta qu’ils étaient plusieurs. Plusieurs qui ? Patients ? oui c’était évident. Et David confirma. Ils étaient « chez lui »…..

Le décor soudain changea et Syragane leva les mains, luttant contre cette étrange sensation de perdre l’équilibre, mais c’était juste sa perception visuelle qui changeait, le reste n’était pas différent. Elle ne s’était pas déplacée. Presque pas, elle était juste assise désormais. Syragane qui n’avait bien sûr, jamais assisté à ce genre de séance, regarda tous ces gens d’un air perplexe. Que faisaient-ils là, assis en rond à se regarder les uns les autres ? Elle se tourna vers David espérant qu’il lui expliquerait la situation.

Mais David semblait complètement distrait, fixant une porte de l’autre côté de la pièce. Elle allait lui demander ce qu’ils faisaient là mais quelqu’un d’autre lui parla soudain. Une personne avec des lunettes qui semblait très insistante, et un peu trop intéressée par Syragane. Elle connaissait son nom ? Ok, c’était sans doute l’esprit de David qui le lui avait soufflé. David avait de grands pouvoirs d’illusions ou…. Peut-être était-il un marcheur de rêve lui aussi, comme Alan ou encore…. Un Djinn, un magicien des rêves, un créateur de mondes parallèles, pour mieux réaliser les désirs et aspirations de chacun.

Enfin pas facile de se concentrer quand ce type, avec ses lunettes n’arrêtait pas de la harceler. Et puis il se tenait beaucoup trop proche d’elle. Syragane se recula sur sa chaise, lui lançant des regards tour à tour à lui puis à David qui fixait toujours la porte. Cet homme voulait lui expliquer ce qui se passait…. Ok, il capta son entière attention. David essayait-il de lui parler à travers cet homme ?

Mais alors il lui tint un drôle de discours, un discours qui n’était pas sans lui rappeler celui qu’Alan puis que Jane lui avaient tenu, sur le terrorisme, la guerre en Irak et ailleurs dans le monde, particulièrement dans les pays de l’Orient, là d’où elle venait. Il parla de bombes et Syragane l’interrompit.

- Non, ce n’est pas ça….la guerre, c’était les Nergalii qui l’ont provoquée, profitant de l’arrivée des perses pour envahir la ville. Et il n’y a jamais eu de bombes !

Mais l’autre continuait son discours sans même paraître l’écouter. Jusqu’à cet instant où il lui dit qu’il n’y avait ni temple, ni Ishtar. L’expression de Syragane se transforma, se renfrogna et son regard lança des éclairs.

- Ta réalité n’est pas nécessairement la mienne !

Puis elle se tourna vers David et c’est à lui qu’elle s’adressa.

- Isthar existe, et ce temple a existé à un moment donné……c’est elle qui m’a envoyée ici.

L’autre à côté d’elle, continuait de lui parler. Syragane s’impatienta et se tourna vers ce type parce qu’il ne la laissait pas se concentrer sur David.

- Essaie de me traiter de terroriste et je vais te montrer ce qu’une grande prêtresse d’Ishtar sait faire ! Vous verrez, ce sera encore pire que votre « terrorisme ».

Et elle se retint d’y ajouter un « ferme-la » dans sa langue. A vrai dire elle perdait patience avec tout ce bruit, ces gens qui chuchotaient en la regardant et qui murmuraient des trucs sur elle, avec cet air qu’elle détestait. Syragane se tourna vers David qui avait l’air complètement affolé.

- Est-ce que tu sais comment me ramener chez moi ? A Staten Park ? Je ne sais pas ce que tu veux me montrer, mais moi si tu veux, je pourrai te montrer comment je contrôle le vent, et alors tu pourras me croire, comme moi je te croirai.

Et l’autre à côté en rajouta une couche. Syragane se tourna une dernière fois vers lui et quand elle vit ses yeux oranges, elle écarquilla les siens, avant de saisir la main et même le bras de David.

- Il faut que nous partions d’ici! viens allons dans un endroit plus agréable. Et plus calme….David ? Viens s’il te plait, allons-nous en d’ici !

Mais il n’avait pas l’air d’aller très bien. Syragane posa sur lui ses yeux mordorés brillants d’inquiétude.

- Tu as su nous amener dans cet endroit, tu dois savoir nous en faire repartir ? D’accord ?

Et Syragane adressa une prière silencieuse à Ishtar. Elle ne savait pas à quoi jouait la déesse, mais là ça devenait vraiment effrayant.

Who’s Real ? Who’s Not ?

ft. Syragane Dendera

David… Qu’est-ce qui vit dans le Snoezelen ?!

Laisse-moi me concentrer !

Il s’agite, Dr. Wood !

Les yeux du Dr. Daniels devinrent orange.

BAM !

Le nouveau coup sur la porte du Snoezelen me fit sursauter puis je me tournai vers Syragane qui affirmait que c’était Ishtar qui l’avait amené ici.

BAM !

Je gémis et ce fut le Dr. Daniels qui répondit à Syragane.

-Ce n’est pas Ishtar qui t’as amenée ici !

Il pointa un doigt sale dans ma direction, me regardant comme un pestiféré.

-C’est lui. Vous savez ce que vous êtes ?... Un poids pour l’humanité… Des parasites à éliminer, comme tous les autres.

BAM !

David !

Je peux pas…

…le contrôler.

Est-ce que tu sais comment me ramener chez moi ?

Est-ce que tu sais comment me ramener chez moi ?

BAM !

Est-ce que tu sais comment me ramener chez moi ?

Syragane serra mon bras… La lumière changea, devint rouge et crue, et de la musique s’ajouta à tout le bruit qu’il y avait déjà, entre les rires des autres patients, les provocations basses du Dr. Daniels…

♫

It's awfully considerate of you to think of me here
And I'm much obliged to you for making it clear
That I'm not here

Il faut que nous partions d’ici! Viens allons dans un endroit plus agréable. Et plus calme….David ? Viens s’il te plait, allons-nous en d’ici !

David ! Laisse-moi faire !

L’IRM surchauffe !

J’ai mal…

BAM !

Il faut le sortir de là !

Je me levai brusquement, faisant tomber ma chaise et entraînant Syragane avec moi pour reculer… Mais on se retrouva bloqués par un mur.

Mes yeux étaient toujours rivés sur la porte, complètement paniqués. Je hurlai, lâchant la main de Syragane pour prendre ma tête entre mes deux mains.

BAM ! BAM ! BAM ! BAM !

Laisse-moi faire !

David ! Réveille-toi !

La porte explosa et une myriade de créatures dégoûtantes, difformes, ailées ou non, en sortirent se dirigeant vers Syragane et moi coincés contre le mur.

Injectez-lui le sérum !

DAVID ! LAISSE-MOI FAIRE !

Je… han… ils… oh… merde…

Il faut la libérer ! Tu dois la lâcher !

Laisse-moi faire !

On a plus le temps !

Les créatures étaient tout près et leur odeur fétide parvenait à nos narines.

Réveille-toi !

Mes yeux devinrent soudain brusquement lucides, mes mouvements plus sûrs et tous mes tics disparurent. Je me tournai vers Syragane et la pris dans mes bras, tournant les dos aux créatures dont l’élan se trouva brusquement ralenti.

Mes yeux bleus se plongèrent calmement dans ceux de Syragane que je tenais contre moi d’un bras enroulé autour d’elle et d’une main dans son dos. Mon corps placé entre elle et les créatures. Je posai la paume de mon autre main contre son front et me penchai pour lui murmurer à l’oreille.

-Réveille-toi.

Et Syragane disparut en créant une petite tempête de sable doré et chaud.

Je me tournai vers les créatures ralenties et souris.

-Trop tard, enfoirés.

J’écartai légèrement les bras, renversai ma tête en arrière et une lumière blanche aveuglante engloutit le monde.

-Réveille-toi, David !

J’ouvris les yeux, mon regard bleu perdu balayant l’espace. J’étais toujours couché sur la table, mais hors de l’IRM. Le Dr. Wood soupira de soulagement et passa une main dans mes cheveux.

Je saisis brusquement sa main et vins placer mon autre poing fermé au-dessus de celle-ci.

Et une poignée de sable doré, chaud, comme encore gorgé sur soleil de Babylone, coula de mon poing dans la paume du Dr. Wood.

Juste avant le blackout.

And What Exactly Is A Dream ?
And What  Exactly Is A Joke ?

Who's real ? Who's Not ?

ft David Edwards

Syragane ne savait plus vraiment où donner de la tête. Ces chuchotements incessants étaient très perturbants. Comme si ce décor plus qu’étrange n’était pas suffisant pour la troubler, ou était-ce le fait que David assis à côté d’elle et qui pressait sa main toujours plus fort, semblait lui aussi complètement….perturbé ? non…..non, ce n’était pas ça, c’était autre chose….. la peur, oui c’était la peur qui déformait ses traits, et son regard fixait toujours cette porte.

Ce n’est qu’au dernier coup qu’elle comprit que le son qu’elle entendait venait de là, ce coup frappé de plus en plus fort. Cette fois, elle l’avait bien entendu, distinct des autres voix. Et c’était ce qu’il y avait de l’autre côté de la porte qui effrayant tant David.

Alors Syragane ne fut plus aussi persuadée que c’était David qui créait tout ça…..qu’il voulait juste lui faire visiter son monde….non, c’était autre chose. Car quel être aurait transformé un tel endroit en repère aussi effrayant ? En véritable cauchemar ?

- David ?

Elle serra sa main à son tour, voulant le rassurer. Mais il ne semblait pas vraiment l’écouter, tant son attention était concentrée sur la porte. Et il y avait ce chuchotement qui revenait sans cesse, effrayant, un mot qui ne voulait rien dire, un mot qui sonnait bizarrement….Snoezelen.

Il y avait aussi cet homme avec ses lunettes et ses yeux oranges qui assura d’un ton qui hérissa Syragane que ce n’était pas Ishtar mais David qui l’avait emmenée ici. Enfin ce n’est pas ce qui l’hérissa le plus, non, ce fut ce qu’il dit ensuite et qui lui valut un regard foudroyant de Syragane qui en oublia alors sa peur de ce type avec ses yeux beaucoup trop oranges, effrayants mais la colère fut plus forte.

- Je vous interdits ! Je vous interdits de dire ça. C’est vous le parasite !!!

Elle voulut utiliser cette capacité que lui avait offerte Ishtar, celle d’utiliser le vent pour le chasser de là mais ses pouvoirs semblaient totalement inexistants, ou alors …..peut-être qu’elle n’était pas dans la réalité ? Mais qu’est-ce qui était réel ? Syragane oublia l’homme au regard cruel à ses côtés, et se tourna vers David, essayant à nouveau de capter son attention.

Il devenait urgent de partir d’ici, pas seulement parce qu’elle avait désormais peur assurément, mais parce qu’elle s’inquiétait pour cet homme, David qui lui avait l’air encore plus terrorisé qu’elle. Pour son bien à lui autant que pour le sien, ils devaient abandonner ce cauchemar.

Syragane essaya d’ignorer la lumière changeante, et les attaques incessantes de cet homme aux yeux oranges, s’accrochant de plus en plus à David. Il fallait qu’il les ramène, tout de suite. Les coups se firent plus puissant, plus violents. Elle avait beau essayer de se persuader que ce n’était qu’une illusion créée par David ou … pour par un mauvais Djinn peut-être, elle n’en subissait pas moins les effets, la peur qui s’insinuait doucement en elle.

Puis brusquement David se redressa pour s’éloigner du centre de la pièce, et de la porte surtout, se tenant désormais la tête à deux mains, lâchant du coup celle de Syragane. Mais elle, ne le lâcha pas, tenant son bras relevé.

- David ??? mais qu’est-ce qui se passe ???

Bon cette fois elle était autant effrayée que lui, surtout quand la porte explosa et qu’elle vit d’un regard sidéré toutes ces créatures hideuses surgir de nulle part.

- Par Ishtar, souffla-t-elle, le cœur cognant à tout rompre.

Elle n’avait jamais rien vu d’aussi laid et de terrifiant de sa vie. Et ces créatures avançaient désormais vers eux.

- David supplia-t-elle, se plaquant contre le mur, sachant qu’elle ne détenait pas la clef pour sortir de cet endroit.

Et c’est là que David changea brusquement d’attitude. Son regard cessa de fixer la porte et c’était comme si soudain il n’avait plus peur. Syragane se retrouva dans ses bras, son regard capté par le sien, incroyablement bleu, occultant tous les monstres et toute cette ambiance terrifiante….comme s’il faisait un mur entre eux et elle. Complètement figée, elle n’eut aucun mouvement de recul quand il posa sa main sur son front, son regard à elle noyés d’interrogations qui se perdit dans ses yeux, jusqu’au moment où il se pencha pour lui dire de se réveiller.



Son corps tout entier frémit et Syragane ferma les yeux, comme pour retomber dans le sommeil…….pour les ouvrir l’instant d’après, plongée dans un silence presque brutal après tout ce tintamarre horrible et ce défilé d’images terrifiantes. Son cœur battait encore beaucoup trop fort dans sa poitrine. Et elle était de retour dans son mobil-homme… au parc de Staten Island….

Syragane se redressa, vérifia par la fenêtre qu’elle était bel et bien de retour, ne parvenant toutefois pas à calmer les battements de son cœur, avec la sensation que tout ça n’avait pas été qu’un rêve. Elle regarda sa main dans laquelle elle avait encore la sensation de celle de David……