La Vierge Isthar

ft David Edwards

Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis cet étrange….rêve ? Encore à présent, elle n’était pas sûre d’avoir seulement rêvé. Tout avait eu l’air si …..réel ! Les vêtements, le décor….même les monstres…..c’était totalement déconcertant.

Et Syragane en était à ne plus savoir se concentrer sur autre chose, parce que forcément pour l’élue d’Ishtar, elle cherchait un sens à tout ça ! Mais comment pouvait-on trouver un sens à tout ce qu’elle avait « vécu » ?  Elle avait donc songé à une mise à l’épreuve d’Ishtar qui cherchait à savoir si Syragane était toujours aussi dévouée aux autres qu’avant,…..avant à Babylone. Ou si sa vocation avait changé alors que ses activités d’aujourd’hui n’avaient plus rien à voir avec ce qu’elle faisait avant. Ce qui était quand même particulièrement tordu comme mise à l’épreuve.

Pourtant….même si Syragane était devenue une artiste de cirque, même si ses activités présentes étaient bien loin de ce qu’elle faisait autrefois, elle n’avait pas changé pour autant. Et elle pensait beaucoup à David, cet étrange jeune homme qui avait eu l’air si terrifié……s’en était-il sorti ? Avait-il réussi lui aussi à se réveiller et à échapper à ces monstres ? Et puis était-il seulement réel ? Ou  était-il juste un fruit de son imagination ? Une chose était sûre, elle aurait aimé savoir comment il allait….

Alors quand à cet instant, elle se retrouva projetée au milieu du désert, c’est lui qu’elle pensait trouver….
Quand était-ce exactement ? Il lui semblait avoir préparé de l’eau à bouillir pour son thé, puis…………..elle se retrouvait à nouveau ici dans ce désert, et face au temple désensablé cette fois, à regarder la haute porte peinte en bleue avec son soleil, sa lune et ses étoiles s’ouvrir pour……laisser le passage à ce mystérieux David.

Sauf que non, il n’y avait personne… Un peu désappointée, Syragane fixa l’ouverture sans voir quoique ce soit changer. Ok,….. à quoi allait-on jouer cette fois ? Elle regarda la haute porte, et serra ses poings, résignée à affronter ses peurs, sans personne pour la rassurer cette fois, et entrer encore une fois dans ce fichu temple ! oui enfin non, c’était chez elle aussi…..et le temple dédié à Ishtar, elle ne devait pas l’oublier.

Syragane avança, pieds nus, vêtue de ses vêtements habituels cette fois, une jupe ample verte et bleue à la bohémienne et un top beige noué au cou et laissant son dos entièrement nu. En marchant, elle apprécia sentir le sable chaud sous ses pieds et les rayons de Shammash sur sa peau, ainsi que le souffle d’Enlil dans ses cheveux.

Puis elle gravit les marches menant jusqu’au sommet, et après avoir inspiré profondément pénétra dans le temple. Elle avança dans cet endroit qu’elle connaissait par cœur et qui heureusement ne portait plus aucune marque du massacre d’autrefois comme s’il n’avait jamais eu lieu. Dans la fraîcheur des lieux et sa semi-pénombre, elle poursuivit jusqu’aux marches menant à l’autel, derrière lequel trônait la statue représentant Ishtar dans toute sa splendeur.

Une fois aux pieds de la statue, Syragane se courba jusqu’à toucher le sol de son front, se redressa  et ouvrit ses mains en prière, fermant les yeux avant de brusquement entendre sa voix. ….

- Bonjour Syragane

Le visage sous ses yeux s’anima, mais au lieu d’être parée de sa couronne portant la lune et le soleil entrecroisé, et de sa toge d’un blanc éblouissant, elle portait un vêtement différent. Une robe blanche, toujours, mais par-dessus laquelle, elle portait un châle d’un bleu le plus pur, entourant son visage qui était auréolé d’une brillante lumière, éclairant soudain tout le vaste temple. Syragane ne l’avait jamais vu sous une telle apparence, resta un instant saisie.

- Je sais, lui dit Ishtar. Tu dois avoir du mal à me reconnaître ainsi, mais c’est l’apparence sous laquelle me connaissent les hommes de ce Khan, et c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour pouvoir te parler à nouveau. Les gens ici ont hélas oublié qui je suis, dit-elle d’un ton triste. Mais ils sont encore nombreux à  croire en la vierge Marie…..

Il lui fallut un moment pour retrouver la voix, mais elle finit par ouvrir la bouche.

- Déesse Ishtar ! j’ai cru que plus jamais je ne vous reverrai !

Syragane se pencha pour s’agenouiller de nouveau mais Ishtar s’était approchée et la releva.

- Je sais mon enfant, et je suis tellement désolée. Il m’a fallu comprendre ce qui s’était passé. Puis je t’ai appelée ici mais…… quand je suis venue, tu étais avec cet homme… David.

Syragane redressa la tête pour dévisager la déesse.

- Oui, je croyais que….. c’était vous qui me l’aviez envoyé !

Ishtar secoua la tête.

- Non……j’ignore qui il est…et….

Elle allait ajouter quelque chose, mais soudain elle releva les yeux pour regarder au-delà de Syragane, et sans même ajouter un mot, se volatilisa si brusquement qu’elle laissa Syragane la bouche ouverte, avec ses questions qu’elle n’eut même pas le temps de lui poser.

Alors mue par son instinct, Syragane se retourna pour regarder derrière elle et découvrit David…. Le regard de Syragane s’éclaira et malgré la confusion de cette situation, s’approcha pour lui prendre la main.

- David ! Je suis contente de te revoir. Je m’inquiétais pour toi !

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

♫

Bon… Tu la mets, cette pièce au bon endroit ou pas ?

Je l’aime bien, mais il est lent…

Concentration, David, concentration…

Y a quelqu’un… ?

Foutue Clozapine de mes deux…

Je posai la pièce du puzzle mais elle voulut pas rentrer malgré mes efforts un peu mou… je sentais plus trop… plus trop rien du tout en fait.

-Ça veut pas…

Normal…

Pourquoi… ?

Ben parce que c’est pas la bonne place, mon petit vieux.

Décale un rien sur la gauche… l’autre gauche…

Vooilà… magnifique.

Plus que 451 pièces…

Puuuuuutain…

-Heureusement qu’on a l’éternité devant nous…

On voit déjà un peu le désert quand même…

Moui… Y avait plus simple comme puzzle aussi.

Bah tu m’aides alors ça va.

Je vais devenir cinglé.

Rigolai, tout seul dans ma cellule.

-Mais on l’est déjà, cinglé.

Bon tu passes à la pièce suiv…

Le décor avait vacillé. Le SPIN avait vacillé. Ooooh, ça devait pas être trop grave. Moi, j’étais en mode Clozapine On alors… C’était que ça devait être normal, et réel… Parce que…

C’était quoi ça ?!

…je pouvais pas avoir d’hallucinations avec la Clozapine. Puis j’avais pas envie de me pendre.

C’est toi qui a fait ça ?

-N-Non… Ça doit être réel…

Je frottai mes yeux puis posai ma joue contre le sol froid…

Non ça ne peut pas être réel ! David ! Le décor ne peut pas sauter comme une chaîne qu’on capte mal !

Mais c’est pas… une hallucination.

David, le SPIN ne peut pas faire ça.

Ouais… non… Ben c’est pas moi.

-Je suis télépathe, pas télécommande.

Mes réflexions s’arrêtèrent là et mes yeux se fermèrent comme pour dormir. Ça arrivait souvent, sous Clozapine, que je m’endorme en faisant un truc…

Et je me retrouvai dans un grand bâtiment…

Oriental…

Ouais, voilà, oriental…

Avec… Syragane ?!

Marie ?!

J’avais les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte et mon regard croisa celui de la Vierge Marie.

Je savais que c’était elle parce que chez Maman, on avait une petite statue d’elle au-dessus de la porte d’entrée de la maison.

Et puis il y avait la même au Brooklyn Mental Health Center…

J’avais toujours pensé qu’elle m’avait suivi, mais j’hésitais encore à savoir si c’était du harcèlement ou si c’était pour me protéger.

-Là ça se rapproche du harcèlement…

Quoi ?! Mais ?! Ferme-la, David !

Marie ! C’est moi !

A l’intérieur de cet espèce de… type habillé n’importe comment !

Tu pourrais faire au moins semblant de me reconnaître, non ?!

Mais la Vierge Marie disparut comme si je lui avais fait peur et puis mon regard se baissa vers Syragane. Elle au moins, elle m’avait reconnu.

Mais qui es-tu, toi ? Hein ? Son nouveau fantasme ?

C’est fini, avec le Dr. Wood ou quoi ?

Mon Dieu sortez-moi de là, j’ai été suffisamment puni, non ?

Syragane avait pris ma main et je la regardais faire. C’était plus facile de regarder ses mains que ses yeux.

-Je suis content aussi. Je suis désolé pour les monstres.

Je secouai la tête.

-Je… je suis pas censé être ici… Je… Je suis sous Clozapine et SV… Je… peux pas…

Et avec les médicaments, il me fallait plus de concentration encore.

Je regardai autour de nous avant de tenter timidement un regard dans les yeux de Syragane. Mais pas longtemps.

-C’est toi qui fais ça ? Ma télépathie est éteinte.

Je passai ma langue sur mes lèvres un peu trop humide à cause aussi de la Clozapine.

-J’ai vu la Vierge… Je suis pas censé avoir des hallucinations maintenant.

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Il avait d’abord dit quelque chose qu’elle n’avait pas entendu, ou pas vraiment compris…. Puis elle s’était rapprochée pour lui prendre la main, soulagée de voir qu’il avait l’air….d’aller plutôt bien non ? Elle le dévisagea guettant des signes que quelque chose n’allait pas mais, non….même si le discours qu’il lui tint était plutôt étrange…enfin pas plus que la dernière fois.

Syragane n’en cessa pas pour autant de lui sourire et lui rendit sa main doucement.

- Les monstres…pourquoi être désolé ? …. Le doute s’afficha sur son visage. Tu penses que c’est toi qui les as créés ? Je veux dire dans ton illusion, ou ton rêve ? ou…. Je ne suis plus très sûre de ce que c’était finalement.  

Il expliqua qu’il n’était pas sensé être ici et Syrgane eut l’air toujours aussi hésitante.

- Je ne crois pas non plus et je ne sais pas comment tu as fait. J’aurai voulu demander à Ishtar mais…elle est partie. Son attention dériva un instant derrière elle, vers la statue, mais celle-ci avait retrouvé son apparence tout à fait normale.

Syragane se tourna à nouveau vers David.

- De la Clozépine ? Qu’est-ce que c’est ?

Elle essayait d’accrocher son regard mais le sien se faisait fuyant. Comme s’il craignait quelque chose ? Mais quoi ? Ce n’est pas elle qui lui aurait fait le moindre mal. Pourquoi une telle assurance ? Elle l’ignorait….son instinct lui soufflait juste qu’il n’était pas mauvais. Au contraire, c’était juste un de ces êtres perdus qu’elle avait déjà rencontrés par le passé. Une personne fragile qui avait besoin de l’attention des autres et surtout de beaucoup de patience. Ce qui éloignait à chaque fois un peu plus le hasard de leur rencontre.

Non, seuls les dieux avaient pu le placer sur son chemin. Ishtar ? Elle n’avait pas eu le temps de le lui demander et puis la réaction de la déesse à l’arrivée de David avait été des plus surprenantes. C’était à n’y rien comprendre.  David lui fit alors une nouvelle remarque qui laissa un instant Syragane saisie. Alors lui aussi il l'avait vue ? Elle qui croyait qu'Ishtar ne lui apparaissait qu'à elle ! Il lui fallut quelques secondes pour assimiler tout ça.

- Euh non, ce n'était pas une hallucination, David, c’était elle, Ishtar, c’est elle que tu as... vue, habillée en vierge. Si elle avait bien compris. La vierge Marie. ….qui était la mère de Jésus, si Syragane se rappelait bien de ce que Jane lui avait dit. C’est elle qui m’a fait venir ici et……je ne comprends pas pourquoi toi aussi….Enfin je ne comprends surtout pas pourquoi elle est partie aussi vite.

Elle soupira, avant de regarder la lumière intense qui éclairait l’entrée restée ouverte. Alors elle proposa.

- Tu viens ? on sera mieux au soleil pour parler….

Oui parce qu’elle pensait rester encore un peu, du moins elle en avait envie, histoire d’y voir un peu plus clair. Syrgane attendit qu’il lui emboîta le pas, lui tendant sa main et se dirigea vers l’extérieur pour ensuite s’asseoir au bord des marches d’escalier. Depuis là, ils avaient une jolie vue sur le désert environnant.

- Ta télépathie… tu dis qu’elle est éteinte ? …c’est grâce à elle que tu m’as trouvé la dernière fois ? Moi je n’ai pas ce pouvoir là…..mais je possède ceux d’Enlil, le vent….Et ceux d’Ishtar…la déesse que je sers.

Syragane inclina la tête vers lui, faisant un léger geste de la main sans bouger son bras, et le vent vint doucement caresser le visage de David. Puis elle se tourna vers le désert et là où la dernière fois, elle avait aperçu, le palais, elle le fit apparaître de nouveau sans rien bouger cette fois de ses doigts ou de ses mains, juste en fixant les dunes de sable là-bas, au-delà d’ondes de chaleurs qui donnèrent à l'apparition un étrange effet miroitant.

- C’est le palais du roi Nabodinos qui régnait sur Babylone quand j’y étais encore, jusqu’à ce qu’il soit tué….

Elle soupira puis laissa le mirage se dissoudre comme de la poussière dans le vent.

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Syragane avait un beau sourire.

Ah ah…

Je me rappelais pas l’avoir vu la dernière fois… Mais la dernière fois…

Ça faisait juste peur.

Oui… Mais t’as aimé les pouvoirs, hein ? Souffler sur le sable…

Je secouai la tête, rougissant un peu.

-N-Non…

Oh si et ça m’inquiète.

Syragane lâcha ma main. Elle avait la peau très chaude, moi j’avais l’impression d’être tout froid à côté d’elle…

Je portai mon poing fermé au niveau de ma poitrine, comme pour essayer de garder la chaleur le plus longtemps possible.

J’étais désolé pour les monstres…

-N-Non…

Arrête… de bégayer.

J’y arrive pas… il faut que je me concentre.

Je n’ai pas créé les monstres.

-Non… Les monstres sont là juste parce que… je suis malade. C’est… je suis pas très sûr non plus.

Jamais mon regard ne restait fixe.

Mes yeux allaient un peu partout sans se fixer… ou je clignai vite des yeux… ou parfois le contraire et ils restaient grands ouverts longtemps sans cligner. Puis j’avais des mouvements qui, sans être brusques ou quoi pouvaient paraître maladroits parce qu’incontrôlés.

Il faut te calmer.

A ira mieux.

Je soufflai un peu en fermant les yeux, mon poing toujours serré contre mon torse.

Je regardai la statue quand elle parla d’Ishtar.

C’est qui Ishtar ?

Je n’en saaaaaaaais rien. Moi, c’est Marie que j’ai vu.

Et elle m’a royalement nié.

-Je... sais pas comment je fais non plus. Je ne sais pas…

Je ne sais pas toujours…

-Ce qui est réel ou ce qui ne l’est pas.

Je désignai la statue.

-Je… est-ce que… j’espère que j’ai pas fait peur à Ishtar…

Je pinçai les lèvres.

-Parfois les gens ont peur de moi. Mais pas là maintenant parce que j’ai pris ce qu’il faut.

La Clozapine…

Mais elle savait pas ce que c’était…

Je clignai des yeux plusieurs fois très vite et puis la regardai.

-C’est juste des médicaments... Ça éloigne les monstres… Puis les voix aussi…

Ouais, même moi ça me rassure parfois…

Je portai une main à mon front mais souris en la regardant en coin.

-Enfin presque toutes les voix…

Parler c’est la seule chose que je peux encore faire.

Alors je vais me gêner, peut-être ?

Puis mon regard se remit à voyager partout.

Parce que j’étais pas censé avoir des hallucinations.

Mais Syragane disait que c’était pas une hallucination.

C’était Ishtar habillée en Vierge.

Heu… C’est Carnaval au pays de mille et une nuits ?

-Je comprends rien non plus…

Syragane me tendit la main…

Et je tendis la mienne, parce que j’aimais la sensation de chaleur, pour la suivre et on s’assit sur les escaliers.

-Ouais, je veux bien voir le soleil.

Je la suivis docilement et m’assis à côté d’elle sur les escaliers pour regarder le désert.

-C’est le même que dans le puzzle que je fais…

Et t’as de l’eau dans les caves, David, c’est atroce. Pourquoi t’as des chaussettes jaunes et mauves, déjà ?

Je les aime bien.

Ça se défend…

Je tournai la tête vers Syragane quand elle demanda pour ma télépathie et pour lui répondre, je croisai mes bras sur mes genoux en regardant l’horizon.

-Ouais, je prends des médicaments pour ça aussi. Je sais pas…

Je tiquai et déglutis parce que la Clozapine me faisait saliver.

-Je sais pas ce qui s’est passé la dernière fois. Je… devais penser à des choses agréables.

Et ça a bien merdé…

Syragane avait des pouvoirs aussi… Elle me montra en caressant ma joue avec du vent.

Je me raidis avant de trouver ça agréable et de me détendre.

Quand la sensation disparut j’effleurai ma joue du bout de mes doigts en la regardant. Mais jamais trop longtemps dans les yeux.

-Oh…

Puis, je suivis son regarda et fronçai les sourcils pour voir un château qui finit par disparaître en même temps que la jeune femme soupirait.

-Tu n’as plus de maison alors ?… Si tu veux, au SPIN, là où je vis, ils…

C’est une prison, David !

-…raaah… Shh… Je disais quoi ? Ah… Ils soignent les pouvoirs. Si tu sais pas les contrôler…

Je reposai mon menton sur mes bras croisés sur mes genoux, regardant au loin là où quelques secondes plus tôt, il y avait le palais.

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Syragane avait conscience que parler de ces monstres, de ce qui l’avait tant effrayé, devait être difficile pour lui, aussi ne fut-elle pas surprise d’entendre sa réponse hésitante. Et si elle fut un peu étonnée tout de même de l’entendre dire que c’était parce qu’il était malade,  elle se contenta d’acquiescer, sans juger. Du reste, il n’en était pas très sûr lui-même.

- Je comprends…..ce qui s’est passé et….. même ce qui se passe encore maintenant, c’est plutôt très étrange. Moi-même j’avais une vie sans toute….cette magie avant. Ce fut une sacrée découverte.

Bon elle, elle savait qu’elle n’était pas malade et lui… Elle le regarda. Il n’avait pas l’air vraiment malade non plus, même s’il semblait très nerveux. Cependant si ce à quoi elle avait assisté la dernière fois, était du fait de son esprit à lui, ce devait être une maladie terrible. Syragane se souvenait encore de la peur de David quand ça avait commencé à cogner contre la porte.

Quant à son retour ici, et à ce qui s’était passé avec Ishtar, il n’était pas plus au courant qu’elle. Il hésitait même encore sur ce qui était réel, ce qui était plus que compréhensible. Mais Syragane savait qu’Ishtar elle, était réelle, même si elle avait choisi d’apparaitre dans cet endroit qui peut-être lui non plus n’existait plus…. même si tout avait l’air très réel. Euh moui bref, ni l’un ni l’autre ne semblait plus avancé.

David s’inquiéta d’avoir fait peur à la déesse. Syragane lui sourit.

- Je ne pense pas non, je crois…..je crois juste qu’elle ne s’attendait pas à te voir tout simplement. Et moi aussi je ne m’y attendais pas. Mais une chose est sûre, je n’ai pas peur de toi, David, et son sourire s’épanouit davantage.

Même si elle savait combien la maladie pouvait effrayer les gens, elle avait côtoyé tant de malades rejetés par leurs propres familles, alors elle savait ce qu’il devait ressentir.

Et donc la Clozapine, c’était un médicament qu’il prenait, ça lui servait disait-il pour faire taire les voix et pour éloigner les monstres. C’est vrai que depuis qu’il était ici, elle n’avait entendu aucun de ces chuchotements qu’elle avait perçus la première fois. C’était donc lui qui était à l’origine des murmures dans le vent…..Son pouvoir était étrange et impressionnant à la fois.

Syragane lui proposa enfin de sortir, histoire de profiter du soleil. Il faisait plutôt frais ici. Et elle apprécia sentir à nouveau la chaleur de Shamash sur sa peau, lui offrant un instant son visage avant de s’asseoir avec David. David qui lui expliqua que le paysage était le même que sur son puzzle. Syragane fronça légèrement les sourcils.

- Qu’est-ce que c’est un …puzzle ? demanda-t-elle en hésitant sur la prononciation.

Puis ils évoquèrent sa télépathie et les médicaments qu’il prenait aussi pour ça, Syragane lui fit une démonstration de ses propres pouvoirs qu’elle commençait seulement à maîtriser et encore…il y avait parfois des ratés. David aussi apparemment avait des « ratés ». Il ne s’expliquait pas ce qui s’était passé la dernière fois, alors Syragane n’insista pas.

Elle lui parla un peu d’elle, du palais qu’elle avait fait apparaître, celui du roi Nabodinos qui avait été tué……ce à quoi David répondit par une offre, non sans s’irriter soudain contre lui-même. Inquiète Syragane le dévisagea, mais ce n’était pas contre elle qu’il s’était impatienté.

Puis surprise quand elle comprit ce qu’il lui proposait, elle sourit à nouveau en reprenant sa main dans la sienne.

- Oh c’est gentil David merci ! Mais j’ai déjà une nouvelle maison…. J’habite à Staten Park désormais, tu connais ?

Puis d’une voix douce, elle ajouta :

- Peut-être que je pourrai t’aider à mieux gérer tes pouvoirs ? Tu sais à présent je ne me débrouille pas trop mal avec les miens et j’ai des amis qui m’ont beaucoup aidé… Par contre, je ne suis pas sûre que les médicaments t’aident vraiment à savoir les utiliser,….Est-ce que c’est ce qu’ils t’ont dit là-bas au SPIN  qu’ils t’aideraient à mieux utiliser tes pouvoirs ?

Parce que pour elle, le SPIN était cet endroit dans lequel il l’avait emmenée. Il avait dit que c’était chez lui, ou c’est ce qu’elle avait compris. Une maison pour gens « malades », différents et inadaptés à la société. Elle en avait parlé avec Jane qui lui avait parlé du principe des asiles psychiatriques, lui recommandant de se méfier de ce type, de ce David dont Syragane lui avait parlé. Recommandation que Syragane avait rejetée en bloc. David n’était pas méchant, elle savait qu’elle ne risquait rien avec lui enfin…..sauf subir ses illusions de créatures venues d’un autre monde….ou d’un esprit malade. De fait on ne pouvait pas lui demander de le laisser tomber. Ca ne faisait pas partie de son caractère.

Enfin, se tournant vers lui et plongeant son regard dans le sien même si celui de David se faisait fuyant, elle lui posa la question qui la taraudait depuis qu’elle avait vu ses démonstrations de pouvoir, dont cette étonnante télépathie.

- À propos de tes pouvoirs, David….sais-tu d’où ils te viennent ? La première fois, j’ai cru que tu étais un Djinn, un esprit du désert… mais un bon Djinn…. Moi j’ai reçu les miens de la déesse Ishtar. Il parait que cela fait de moi une sylphe, un esprit de l’air, c’est ce que Jane m’a dit mais toi….. qu’est-ce que tu es ?

Elle avait posé la question doucement, pour ne pas le brusquer. Mais elle devait le lui demander en espérant qu’il avait suffisamment confiance en elle pour lui en parler.

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Je suis désolé pour ce qui s’est passé.

Je suis désolé pour les monstres.

J’étais désolé pour la balle.

Je ne le contrôle pas.

Et j’avais aucune idée de ce qui s’était passé la dernière fois.

Syragane parlait de… magie…

-Magie ?...

Moi, je parlais de télépathie, de schizophrénie.

Je frottai mon bras d’une main, essayant de sourire, mais le souvenir de la porte du Snoezelen me filait encore des frissons.

Je déglutis.

-Une sacrée découverte… Ouais…

J’avais surtout eu une sacrée frousse.

Moui… Qu’est-ce qui ne te fait pas peur, David ?

Le SPIN.

T’as essayé de te pendre l’autre jour.

J’avais pas la Clozapine…

Hum… ouais… La Clozapine. Tu veux que je fasse une demande de canonisation ?

Sainte Clozapine ?

Ouais.

C’était une blague.

Han…

Je clignai des yeux.

Je gardai la chaleur de Syragane, mon poing fermé à hauteur de mon torse.

Je ne voulais pas lui faire peur… A Ishtar… Et non plus à Syragane.

Je répondis au sourire de Syragane qui disait qu’elle n’avait pas peur de moi et qu’Ishtar avait juste été surprise.

Syragane avait un beau sourire.

J’avais compris la première fois, David…

-Cool ! Parce que… je ne veux pas te faire peur. Tu as un beau sourire…

C’est quoi le rapport ?

Il n’y en a pas.

T’es pas si innocent que ça, en fait…

…

Je lui expliquai pour la Clozapine.

C’est ça… ignore-moi, toi aussi…

Puis elle me proposa d’aller dehors et je pris sa main pour la suivre jusqu’aux escaliers où on s’assit et où je pus me recroqueviller un peu sur moi-même, sans totalement me renfermer puisque je continuais à parler avec Syragane.

Le désert était presque le même que dans mon puzzle.

Et je rigolai un peu quand Syragane essaya de dire « puzzle ». Puis, je lui expliquai en faisant tomber des petites pierres sur la marche en dessous du bout de ma Doc Martens.

-C’est juste une image… une photo… Découpée en petites pièces et qu’il faut… reconstituer.

Je pinçai les lèvres.

-Ça m’aide à me concentrer…

Quand tu baves pas dessus quoi…

Je déglutis. Association d’idée.

Syragane était comme moi.

Pas télépathe. Elle dirigeait le vent.

Comme Sands le métal, j’avais vu ça quand il était sorti de l’isolement.

Le pouvoir de Syragane faisait moins peur. Elle pouvait caresser avec le vent…

J’aimais bien les caresses…

Oui… tant que c’est que du vent, à ton aise, mon pote.

Et moi je vais essayer de ne pas me rappeler des années 60 et du sexe tantrique.

Et puisqu’elle avait des pouvoirs et plus de maison, je lui dis qu’au SPIN, ils avaient la solution… Ils l’avaient pour moi alors peut-être qu’ils pourraient l’aider aussi.

Sa main vint tout doucement rechercher la mienne et je la laissai faire, hésitant entre sourire et rougir.

Pour finalement faire les deux en même temps.

Je regardai ses yeux une seconde avant de détourner le regard en clignant des yeux.

Elle vivait à Staten park.

Tu connais ?

-Je connais… Je suis…

…déjà allé au parc d’attraction de Staten Park…

-…avec les éducateurs du Brooklyn Mental Health Center.

Mais je pouvais pas…

-…aller sur toutes tes attractions…

David ?

Je portai ma main à mon front et fermai les yeux…

La Clozapine avait pas des effets infinis.

Il m’en fallait beaucoup pour que ça tienne.

J’arrivai à me stabiliser et soufflai avant de regarder Syragane :

-Tu vis au parc d’attraction ? Avec les clowns ? Je pouvais pas…

….

-…aller dans la salle des miroirs.

Je secouai la tête…

-Je suis désolé… je… Je perds le fil, parfois…

Quand elle parlait, c’était plus facile et elle proposa doucement, d’une voix tendre et chantante avec son drôle d’accent, de m’aider à contrôler mes pouvoirs.

Et que les médicaments aidaient pas forcément.

Je fis la moue.

Ils aident.

Non.

Ils n’aident pas.

C’est pire.

C’est un chewing gum sur une fuite d’eau.

Un jour… ça va merder.

David… Non, ça ne va pas merder.

Oh si…

Je portai mes deux mains à mon front sauf que dans une de mes mains, il y avait celle de Syragane et que ce fut le dos de sa main qui toucha mon front.

-Heu… Je… ils… Non… je…

Les pouvoirs ne sont pas réels.

Non. Si.

Le Dr. Daniels disait que non.

Le Dr. Wood dit que oui.

Je décide ce qui est réel…

-Et ce qui ne l’est pas… je décide…Je… Non..

Heu…

Doucement dans l’air, les voix refaisaient doucement leur apparition, mais encore très ténues.

Je soufflai en fermant les yeux, comme on m’avait appris au Brooklyn Mental Health Center et les voix se calmèrent.

Je rouvris les yeux et regardai Syragane, ramenant sa main, toujours dans la mienne, entre nous.

-Je veux bien de l’aide… Mais je ne choisis pas… je ne sais pas comment venir ici… C’est même pas… réel… C’est juste… je sais pas… Et heu..

Je fis « non » de la tête.

-Non au SPIN, ils ne veulent pas m’aider à utiliser mes pouvoirs…

Mes yeux se remplirent de larmes, même si je le voulais pas vraiment… mais je me rappelais des agents qui étaient à moitié incrustés dans le sol…

-Mais ils vont me soigner… ils vont me soigner pour que j’aie plus de pouvoirs…

Oh ben je leur souhaite bonne chance pour ça.

J’EN VEUX PAS !

Tu aimes ça.

Non ! Toi, tu aimes ça !

Je frottai mes yeux, essuyant mes larmes sur le revers de ma manche.

Syragane avait beaucoup de questions et ça me demandait beaucoup de concentration. Trop pour pleurer en même temps.

Tes pouvoirs, sais-tu d’où ils te viennent ?

-Non…

Sans blague… C’est moi, abruti ! Non ! TU te sers de mes pouvoirs à moi…

Enfin « te servir » est un bien grand mot…

C’est deux mots.

Emmerdeur…

Je souris…

-Une Sylphe…

Qu’est-ce que tu es ?

-Moi je suis… Un surnaturel… C’est ce qu’ils disent au SPIN. Au Brooklyn Mental Health Center, j’étais schizophrène…

Je fis la moue en haussant les épaules avant de rigoler.

-Un jour, j’ai passé un niveau… Et je suis passé de schizophrène à surnaturel…

Et ça te fait rire ?

Bah ouais…

Je tentai un regard dans les yeux de Syragane.

-Je veux bien que tu m’aides… tant que ça implique pas des aiguilles…

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Il paraissait surpris. Elle lui répondit avec un sourire, parce que tout cela pour elle, était une bonne chose et plus encore, un cadeau des dieux.

- Oui… ta télépathie, mon pouvoir du vent, celui d’Ishtar, tout ça, c’est de la magie !

Elle lui dit alors qu’elle, elle n’avait pas peur de lui, ce qui parut lui faire plaisir. Et il lui assura que lui ne voulait pas lui faire peur, avant d’ajouter qu’elle avait un beau sourire. Ce qui de fait la fit sourire plus encore, sans se formaliser du changement de sujet.

- Merci ! c’est gentil.

Puis il lui expliqua ce qu’était un puzzle et elle comprit de quoi il parlait, avant d’ajouter que ça l’aidait à se concentrer. Quant à Staten Park, il connaissait…. Il y était déjà allé, mais Syragane cilla, clignant des yeux. Il ne lui avait pas dit ça de vive voix mais en pensée. Ou elle avait rêvé ? Non….non il le refit encore, expliquant qu’il ne pouvait pas aller sur toutes les attractions.

C’était plutôt perturbant, mais ça faisait partie de son pouvoir et elle allait finir par s’y habituer. En même temps, les chuchotements revinrent, d’abord de vagues mots se perdant dans le vent et puis certains se faisant plus clairement entendre. Quelqu’un l’appelait, mais Syragane s’efforça de rester concentrée sur lui.

- Le Brooklyn Mental Health Center….Tu veux dire le SPIN, l’endroit où tu m’as emmenée la dernière fois ? Elle se garda par contre de reparler des monstres.
- La salle des miroirs ? Pourquoi tu n’aimes pas ça, les miroirs ? demanda-t-elle gentiment.

Puis il sembla distrait un instant avant de s’excuser.

- Ce n’est pas grave tu sais, on a le temps après tout !

Bien qu’elle se demandât si le temps s’écoulait quand même dans ce drôle d’endroit. Elle sentit alors David plus agité et se garda bien de l’interrompre. Elle lui avait proposé son aide et elle sentait bien qu’au lieu de l’apaiser, ça semblait l’inquiéter plus encore. Ok, il disait qu’il ne savait pas comment venir. Elle fit une moue, parce qu’elle non plus n’était pas sûre de savoir comment faire, ni même si cet endroit existait vraiment.

- Oui, c’est un peu compliqué….peut-être que si tu penses à moi et que je fais pareil de mon côté, on pourra se retrouver ici ?….encore. Si tu le veux. Ou sinon, tu peux venir me voir à Staten Park, tu y seras le bienvenu.

Elle le lui assura d’un sourire sincère. Après aucun des deux ne pouvait offrir de garantie à l’autre sur la possibilité de pouvoir revenir ici. Cette fois c’était Ishtar qui l’avait appelée. Syragane doutait de pouvoir faire ça de son côté…..Moui voilà qui était bien compliqué.

David lui expliqua encore que le SPIN ne voulait pas l’aider à utiliser ses pouvoirs. Oui c’est bien ce qu’elle craignait, comme Jane, comme Samuel et tous les autres le lui avaient expliqué. Ce Kan n’aimait pas les gens dotés de pouvoirs , les surnaturels comme eux. Ca leur faisait peur. Est-ce que c’était pareil pour David ?

C’est là qu’elle réalisa qu’il pleurait et Syragane se pencha aussitôt vers lui pour passer un bras sur ses épaules.

- Hey, ne t’inquiète pas….on trouvera un moyen de t’aider. Que ce soit ici ou ailleurs… Ne sois pas triste, David. J’essayerai de t’aider à te sentir mieux, d’accord ?

Sa peine sembla s’estomper et Syragane, retira son bras, lui demandant finalement s’il savait ce qu’il était, lui disant qu’elle-même était une sorte de Sylphe. Mais tout ce qu’il put lui dire c’était qu’il était passé du statut de Schizophrène à surnaturel, ce mot que tous ici utilisaient pour définir ceux qui avaient des pouvoirs. Un groupe de gens que la société rejetait, comme ceux qui étaient malades. Par contre Syragane ignorait absolument tout de la schizophrénie, mais elle ne manquerait pas de se renseigner quand elle serait…. « de retour » ? …

En attendant elle lui promit volontiers qu’elle n’utiliserait pas d’aiguille, même si elle ne comprit pas pourquoi il y faisait référence. Elle n’avait pas l’intention de lui faire du mal de toute manière.

Puis après un temps de silence, lui laissant le temps d’assimiler tout ça, elle lui demanda :

- Et si tu pouvais choisir toi, l’endroit où on pourrait se retrouver, quel serait-il ? Comment l’imaginerait-tu ? Un endroit agréable et calme…..un jardin ? Il y avait de merveilleux jardins à Babylone. J’aurais aimé te les montrer, avec des plantes incroyables et des animaux et des oiseaux magnifiques. C’était un endroit très paisible où j’aimais bien me rendre autrefois. Mais peut-être que tu préfèrerais un endroit différent ?

Elle l’invita du regard à lui décrire cet endroit. Un lieu où il se sentirait en sécurité et qu’il aimerait retrouver.


(HRP: SPIN ne fait pas partie des réponses acceptables !)

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Vivacia disait que c’était un don…

Syragane disait que c’était de la magie.

Elles vivaient aucune des deux dans ma tête.

Oh ça c’est sûr !

Elles pouvaient pas savoir…

Et je ne leur souhaite pas, David…

Je regardai Syragane avec des yeux très perplexes.

Moi je disais que c’était une malédiction.

Le Dr. Marius disait que c’était un problème.

Le Dr. Wood disait… qu’il fallait faire des tests.

Le Brooklyn Mental Health Center disait que c’était une maladie.

Non.

Non… C’était la schizophrénie la maladie…

-Je… Je vois pas la différence…

C’était la même merde.

Mais elle avait un beau sourire, Syragane. Un sourire qui me mit suffisamment en confiance pour que je la suive jusque dehors où on s’assit sur l’escalier.

Je lui parlai de puzzle…

Elle parla de Staten Park.

Puis du Brooklyn mental Health Center… je la regardai, fronçai les sourcils et puis secouai négativement la tête.

-Non, je… Je suis sûr que le SPIN et le Brooklyn Mental Health Center c’est deux endroits différents… heu… Le brooklyn Mental Health Center est venu me chercher chez ma mère. Et le SPIN est venu me chercher au Brooklyn Mental Health Center…

Parce que tu as tué, David !

Parce que tu es un monstre.

Ils ne sont pas dans ta tête.

TU ES LE MONSTRE.

Non… Non.

Combien ils étaient, hein, David ?

David, qu’est-ce qui se passe ?

Je… ne sais…11.

A qui tu parles ?!

Je perds le fil… Parfois, je perds le fil et mes yeux balayent le vide.

-Je suis…

Parce que ton nom est…

SORS DE CET HOMME ESPRIT IMPUR !

Je fis de mon mieux pour me concentrer sur Syragane. Syragane qui demandait pourquoi je n’aimais pas les miroirs.

Mon regard s’accrocha soudain à elle comme à une bouée de sauvetage.

-Car nous sommes plusieurs…

Dans la salle des miroirs, je pouvais voir des choses.

Je pouvais voir tous les autres.

Tous les autres David.

Tu es Schizophrène, David. Tu n’as pas un trouble de la personnalité multiple…

Car nous sommes plusieurs…

Je m’excusai d’être distrait mais avec les voix, c’était pas facile tout le temps.

Surtout quand elles étaient méchantes.

Mais Syragane disait que c’était pas grave, qu’on avait le temps…

Moui, moi aussi, j’ai même toute l’éternité, ma jolie… mais ça n’empêche que ça devient long vu d’ici.

Je veux bien que Syragane m’aide.

A la bonne heure ! Au point où on en est…

J’étais le bienvenu à Staten Park…

Ou ici… Sauf qu’on savait pas très bien comment faire…

Je hochai la tête et souris.

-Ok. On essayera comme ça. Je penserai à toi…

Moui, te connaissant ça devrait pas être trop compliqué…

Parce qu’au SPIN, ils voulaient me soigner mais ça fonctionnait pas très fort.

…

…

…

David ? C’est quoi ça ? Qu’est-ce qui se passe ?

Non, non. Je ne suis pas un monstre…

Je suis une bonne personne.

Qui a tué 11 types…

Ce souvenir me faisait mal au point que les larmes me montèrent aux yeux sans vraiment couler.

C’est pour ça que tu es en cage, sale attardé. Qu’est-ce que tu crois ?

JE VOULAIS PAS CA !

Ils m’ont fait peur !

Ah ouais ?... T’avais pas l’air d’avoir peur quand tu les as fait partir en fumée.

LA FERME !

Nom de… David, mais qui a dit que tu étais un monstre ?

Tu… es… le monstre… Daaaaaaavid…

Je me mis à pleurer vraiment et cachai mon visage dans mes genoux. Mais ça ne dura pas longtemps. Syragane s’était rapprochée, avait passé un bras autour de mes épaules.

Personne ne m’avait touché comme ça depuis longtemps.

Oui… Oui, ok, t’as droit à un peu de réconfort… J’admets…

Alors je me calmai doucement… Et essuyai mes larmes du revers de ma manche…

Elle voulait m’aider à me sentir mieux.

-D’accord. Le Dr. Wood du SPIN dit ça aussi…

Mais à coup de piqûres qu’elle le faisait… J’aimais pas ça mais j’en avais besoin pour ne pas…

Désintégrer les gens….

Je voulais bien essayer ce qu’ils appelaient au Brooklyn Mental Health Center une…

-…méthode alternative.

Syragane était une Sylphe… C’était un beau mot qui tourbillonnait comme le vent…

Elle retira son bras… Dommage…

Et moi, j’étais quoi ?

Schizophrène… Surnaturel… Schizophrène puis surnaturel…

Un surnaturel schizophrène.

Une bonne personne.

David.

Tout le monde.

Personne.

Lui…

Toi.

Moi.

Légion.

Mes yeux partaient dans tous les sens, mon attention s’était de nouveau fait la malle et ma bouche était entrouverte comme pour protester sans pouvoir trouver un créneau pour le faire.

Je sais pas combien de temps dura le silence.

4 secondes 25 centièmes.

-Oh…

Et je me tournai vers Syragane à nouveau et plissai les yeux en regardant sa bouche.

Ohla doucement… Il ne va jamais comprendre ce que tu lui racontes à ce rythme-là…

-Un jardin… ouais…

On rassemble ses neurones et on y va….

-Heu… Je voudrais rentrer chez moi à Brooklyn. Il y avait un jardin aussi.

I wanna run away…

Je secouai la tête.

-Pas d’animaux. Les animaux ne m’aiment pas et je les aime pas non plus.

And never say goodbye…

J’ai peur.

Je souris.

-Mais il y avait une balançoire. Ma mère… mettait les baffles du tourne-disque sur le pas de la porte arrière de la maison comme ça je pouvais écouter la musique.

Je rougis, un peu gêné.

-Je me balançais et des portes s’ouvraient dans le jardin sur d’autres mondes où je pouvais m’enfuir pour ne pas penser à l’école.

I wanna run away…

Je fuis le regard de Syragane.

-J’avais juste trop d’imagination.

Tu… ok…

-Je… ok… quoi ?

Laisse tomber.

-Je disais quoi ? Ah ouais… C’est pas une bonne idée d’essayer d’utiliser mes pouvoirs. Je saurais pas de toute façon… Il y a un sérum au SPIN qu’il m’injectent pour supprimer mes pouvoirs.

J’étais encore plus gêné et je cachai mon visage dans mes genoux à nouveau avant de dire d’une voix étouffée.

-C’est mieux comme ça. Je ne veux pas être dangereux.

Je regardai Syragane l’air inquiet.

-Tu es dangereuse, toi ?

And open up my mind…

♫

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Il ne voyait pas la différence et Syragane lui sourit.

- La différence c’est que tes dons, tes capacités, ta magie, appelle-ça comme tu veux, c’est un cadeau. Ce n’est pas une mauvaise chose !  C’est ce qui te rend spécial tu comprends ? Ne laisse pas les autres te faire croire le contraire. Après, il faut juste que tu apprennes à bien t’en servir…..et pour ça je t’aiderai.

Elle avait après tout une autre capacité dont elle ne lui avait pas encore parlé, pas vraiment, celle qui intéressait au fond le plus Samuel Houdini, sa capacité à envoûter les gens à les charmer, à leur faire oublier tout ce qu’ils faisaient du moment qu’ils la regardaient. Sauf qu’à présent, elle avait le contrôle sur ça. Et ça ne partait plus dans tous les sens, heureusement.

Puis David éclaircit la situation sur le SPIN, il n’avait donc rien à avoir avec son hôpital….c’était deux lieux différents. Syragane le dévisagea, le regard grave, comprenant en l’écoutant quelque chose d’important. D’autres personnes semblaient avoir toujours décidé à sa place de ce qui était bon pour lui. Peut-être parce qu’il était malade justement, qu’il avait cette Schizophrénie, c’était elle sans doute qui le rendait si agité, si nerveux….

Les chuchotements se firent soudain plus intenses, plus forts et en même temps se fondant les uns dans les autres, rendant difficile leur compréhension, excepté le mot monstre qui dépassa tous les autres. Était-ce ainsi qu’il se voyait ? Comme un monstre ? C’était un peu ce qu’on lui avait expliqué chez les Houdinis….. des bêtes de foires, ils étaient souvent considérés comme tels….

David la ramena à la conversation, lui expliquant pourquoi il ne pouvait pas aller dans le palais des miroirs, parce qu’ils étaient plusieurs. Alors elle ne sut qu’ajouter à ça, se contentant de le regarder gravement. Il lui fallait en apprendre plus sur sa maladie pour pouvoir mieux l’aider ensuite. Et elle ignorait au devant de quoi elle allait !

Elle lui proposa enfin une idée pour qu’ils puissent se revoir parce qu’elle n’allait pas le laisser tomber pour autant, sentant qu’il avait besoin d’aide plus qu’elle-même en avait eu besoin à son arrivée dans ce kan, une sorte de retour d’ascenseur ? Non c’était plus encore que ça, c’était son rôle….Et même si ce n’était pas une épreuve envoyée par Ishtar, ça n’y changerait rien.

Quand l’agitation de David le mena jusqu’aux larmes, sensible à sa peine, Syragane tenta de le réconforter du mieux qu’elle put, même si elle avait peu d’informations en main pour l’aider. Elle se débrouillerait pour en savoir plus la prochaine fois qu’ils se verraient, parce qu’il y aurait une prochaine fois, c’était certain.

C’est pour ça qu’elle lui demanda quel endroit il aimait par-dessus tout, où il se sentait en paix, en sécurité. Et David lui parla du jardin de son enfance, non sans lui expliquer que les animaux ne l’aimaient pas. Hum oui, ça elle pouvait bien le comprendre. Les animaux étaient des créatures sensibles aux émotions, mais aussi à ces capacités qui faisaient d’elle et de David des créatures surnaturelles. Quoiqu’elle-même n’avait pas remarqué de réaction négative en approchant les animaux du parc. Mais vu les pouvoirs de David, les choses devaient être différentes pour lui.

Bref, pour le moment elle essayait de trouver un endroit où elle pourrait le retrouver la prochaine fois, un endroit créé dans son imagination, comme le temple devait être une illusion créée par Ishtar, ou peut-être un rêve…..Et si David savait fabriquer un rêve, comme il avait créé cette illusion de l’hôpital où il s’était retrouvé autrefois, elle saurait où chercher, même si le lien était des plus ténus.

Sauf que David mit fin à ses espoirs. Il lui expliqua qu’au Spin, ils lui injectaient un produit qui l’empêchait d’utiliser ses pouvoirs. Non…. Il avait dit : pour les supprimer. Et Syragane afficha un air choqué, plus encore quand il dit qu’il préférait ça… parce qu’il ne voulait pas être dangereux.

- Tu penses que tu es dangereux ? lui demanda-t-elle doucement…. Pourquoi ? Tu me parais plutôt quelqu’un de gentil….. et si c’est à cause de tes pouvoirs, ça veut dire que c’est très important d’apprendre à les maîtriser, mais les supprimer, je doute que ça soit la solution. Je n’sais pas, c’est un peu comme si on essayait de m’enlever mes pouvoirs à moi, alors que c’est un cadeau d’Ishtar…… Tout a une raison d’être et si tu as ces pouvoirs, c’est j’en suis sûre pour une bonne raison.

Elle eut un sourire désolé.

- Désolée, je dois te paraitre un peu …bizarre avec mes explications. Ishtar a dit que j’étais son élue et que c’est pour ça qu’elle m’a offert ces pouvoirs. Alors je me dis que pour toi, il doit y avoir une raison qui fait que tu les as, tu comprends ? dit-elle en lui prenant à nouveau gentiment sa main qu’elle posa sur son genou, cherchant son regard.

Et elle conclut.

- Non, je ne suis pas dangereuse, enfin ça dépend pour qui. Il y a des gens mal intentionnés dans ce monde, des gens qui font le mal…. Pour eux, oui, je pourrai être dangereuse. Mais toi, tu n’es pas comme eux.

Et ce n’était pas une question mais une certitude.

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Les pouvoirs sont un cadeau.

Pas une mauvaise chose.

C’est vrai.

Non. C’est pas vrai. Je sais ce que ça fait !

C’était… David… C’est compliqué.

C’était mal !

C’était un accident !

Je passai ma langue sur mes lèvres… Déglutis… Et hochai la tête.

-Ouais… Je sais que je suis « spécial ».

C’était pour ça que j’avais dû changer d’école… Pour aller en enseignement « spécialisé ».

C’est juste pour pas dire « attardé » ou « cinglé »…

Mais ça revient au même.

Moui, je suis pas sûr que c’est ce que la demoiselle veut te dire, David.

Peu importe.

Je veux bien de l’aide.

Je souris.

-Tu es gentille de m’aider…

Je regardai autour de nous.

-Les gens essayent toujours de m’aider mais… Je suis pas…

Je pinçai les lèvres et haussai les épaules.

-Je fais des efforts mais ça paye pas toujours…

A cause de moi… parce que…

Il n’y a que la Clozapine qui aide.

Mais non, dis pas ça…

Suivre une conversation, c’était pas facile. Je me perdais, il y avait parfois trois ou quatre conversations en même temps qui s’ajoutaient. Je pouvais pas me concentrer sur tout à la fois.

Les voix me disaient des trucs pour me faire mal.

Puis les émotions n’étaient pas facile à gérer.

Je sais que j’ai des problèmes avec ça.

Je pleure vite.

Je rigole pour que dalle.

Ou parfois, il n’y a juste plus rien.

Et je veux juste dormir.

Mais je voulais suivre Syragane.

Elle était belle.

Oooh ça y est c’est reparti.

C’est pas… mal. C’est juste vrai.

Moui, admettons.

J’essayais de répondre à ses questions, du coup, pour l’aider à m’aider. Parler du jardin m’avait fait du bien parce que je revoyais le jardin dans ma tête… J’entendais la musique aussi. Celle que maman mettait dans le tourne-disque.

♫

Là-bas, on pourrait se retrouver.

Ah mais non… Parce que j’avais pas de pouvoirs sous sérum SV.

J’avais oublié.

Mais c’est mieux comme ça.

Pour pas que je sois dangereux.

Je levai les sourcils en voyant l’expression de Syragane et puis je rougis.

-J’ai dit quelque chose de mal ?

Elle posa alors d’autres questions, elle disait que j’avais l’air gentil… Et je souris… Pas plus sûr que ça.

Je clignai vite plusieurs fois des yeux.

-Je veux pas être dangereux.

Mais je le suis.

Non !

Oh si un peu quand même.

Elle demandait pourquoi je croyais que j’étais dangereux et mon regard se perdit à l’horizon.

-Il y a eu un accident… Des gens sont morts.

Tu les as tués en claquant des doigts et en dansant.

Tu es le monstre !

-Non ! Hey ! Laisse-moi penser !

Je secouai la tête.

-Beuh…

Je regardai Syragane dans les yeux, affirmant, déterminé.

-Je suis une bonne personne.

Syragane trouvait pas normal qu’on cherche à supprimer mes pouvoirs et je l’écoutai aussi attentivement que je pouvais même si mes yeux regardaient parfois dans des directions où je croyais voir des choses.

Il va me falloir de la Clozapine.

Je sais pas quelle heure il est.

Syragane continua en disant que ses pouvoirs lui venaient d’Ishtar et que comme c’était un cadeau, ça n’aurait pas été bien de lui retirer. Et que s’il y avait une raison pour qu’elle ait des pouvoirs, il devait y avoir une raison pour moi aussi.

Je rigolai et secouai la tête quand elle dit qu’elle devait avoir l’air bizarre.

-Le bizarre, je connais… j’ai vu pire que toi.

Je levai une main, voulus toucher ses cheveux, puis avortai mon mouvement… Sans trop savoir pourquoi.

Oh-oh c’est pas passé loin…

-Je…

Je clignai des yeux…

-Raaaah… Concentre-toi, David.

Je portai ma main à mon front et continuai.

-Je comprends.

Je fis la moue.

-Le gars qui m’a donné ces pouvoirs… Il était aussi malade, je crois…

Oh comme je ne te le fais pas dire !

Et donc, notez bien : c’est pas moi qui l’ai dit.

Je voulus savoir si Syragane était dangereuse et mon regard suivit sa main qui vint rechercher la mienne… mais je fuyais son regard…

Elle posa ma main sur son genou tout doux, tout chaud…

Je pinçai les lèvres…

Oh non non non non…

Et le chapitre : « ne nous soumets pas à la tentation » ? On en fait quoi ?!

J’aime bien moi…

Ouais c’est bien ce qui… Bouge ta main de là !

Non.

Syragane n’était pas dangereuse et… elle avait les yeux bruns…Un brun tout chaud… comme le sable.

David…

Je laissai mon pouce, juste un peu, glisser sur le genou de Syragane…

Mais Syragane pourrait être dangereuse face au Mal.

-Ouais le Mal c’est…

Mes deux mains se retrouvèrent brutalement en l’air, comme si quelqu’un me pointait avec une arme. Mes yeux se firent ronds. Parce que c’était pas un mouvement que je voulais faire.

-Hughff !

Je venais de recevoir comme un grand coup invisible dans le ventre qui me projeta à trois mètres de Syragane pour atterrir dans une butte de sable, les yeux écarquillés, à tousser parce que j’avais avalé un peu de sable en m’écrasant. Je fronçai les sourcils, la voix rauque, m’adressant à… au ciel parce que je pouvais pas me voir moi-même.

-Ça va pas, non ?!

Petit rappel à l’ordre. Sans rancune.

J’ai… rien fait de mal !

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Elle lui adressa un sourire en coin. Il était spécial mais si lui semblait voir ça comme un défaut, ce n’était pas le cas de Syragane.
Quand il la remercia de vouloir l’aider, elle sourit de plus bel.

- Mais de rien ! Pour moi c’est normal, tu sais.

Même si elle n’était pas la première à essayer si elle comprenait bien ce qu’il lui disait. Défaitiste, il expliqua que les efforts de ceux qui avaient essayé n’étaient pas toujours payant…. Et que lui aussi pourtant faisait des efforts.

- Je suis sûre que tu fais de ton mieux, et même si on n’avance que de quelques petits pas, ça sera toujours ça de gagné. J’aimerai seulement que tu puisses…. Te sentir un peu mieux, même si je ne connais rien de ta maladie, je vais essayer quand même.

Alors elle réfléchit au moyen de pouvoir se retrouver la prochaine fois, de façon certaine, pas juste une rencontre au hasard des interventions d’Ishtar qui du reste n’était plus intervenue depuis un moment mais… David lui expliqua que quand il était sous traitement, il ne pouvait  utiliser ses pouvoirs. Ca ne leur faciliterait pas la tâche. Il aurait du mal à venir de lui-même vers elle, et elle ce n’était pas bien mieux. Devaient-ils donc laisser leur avenir entre les mains des dieux ? En même temps, elle leur faisait confiance…..alors elle n’était pas vraiment inquiète.

Ce qui l’inquiétait davantage par contre, c’était l’idée que ce traitement puisse supprimer les pouvoirs de David. N’était-ce pas ce qu’il venait de lui dire ? Alors vu son expression, il craignit d’avoir dit quelque chose qu’il ne fallait pas. Syragane le rassura aussitôt.

- Oh non, non ce n’est pas toi, mais l’idée qu’on puisse vouloir supprimer tes dons, ce n’est pas bien… c’est… ce serait aller contre ta nature.

Mais David se pensait dangereux, alors elle lui demanda pourquoi il disait une telle chose. Il lui avoua qu’il y avait eu un accident et qu’il y avait eu des morts. Puis il s’agita de nouveau s’irritant contre lui-même, avant d’assurer qu’il était une bonne personne. Syragane l’observa sans perdre son calme, non sans lui tenir la main.

- Et je te crois ! Tu l’as dit toi-même David…..c’était un accident. Tu ne leur voulais pas de mal à ces personnes, n’est-ce pas ?

Bien sûr, Syragane essaya d’imaginer ce qui avait pu se passer, peut-être le même genre de chose qu’il s’était passé la dernière fois ? L’image des monstres déboulant dans la pièce où ils se trouvaient elle et David lui revint à l’esprit…..David avait, semblait-il de grands pouvoirs mais il ne les maîtrisait pas, et les gens, les docteurs dont il lui avait brièvement parlé, étudiaient apparemment plus une solution pour éradiquer ses pouvoirs que pour l’aider à les gérer.

Et Syragane avait tenté de lui faire comprendre son point de vue sur les pouvoirs, s’excusant finalement de lui tenir autant de théories dont elle n’était pas certaine qu’il comprît toute la teneur.  Ce à quoi il répliqua qu’il avait vu des gens plus bizarres qu’elle. Syragane rit de bon cœur. S’il semblait s’embrouiller parfois dans ses idées et dans ses mots, sur ce sujet, il fut on ne peut plus clair.

Elle le vit ensuite amorcer un geste, lui valant un regard curieux de la part de Syragane mais ensuite il s’agita de nouveau, devenant confus, avant de dire que celui qui lui avait donné ses pouvoirs devait être malade. L’idée même la surprit.

- Tu crois ? ….et bien quoiqu’il en soit, il va falloir que tu apprennes à les utiliser sans que cela ne te fasse peur. En douceur….sans brusquer les choses. Lui dit-elle toujours sur ce ton patient et doux.

Même si ça n’allait sans doute pas être aussi simple à faire qu’à dire. Elle lui assura ensuite qu’elle-même n’était pas dangereuse, mais alors David eut une nouvelle réaction des plus surprenantes. Il leva soudain les mains comme si elle avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas ou qu’elle l’avait menacé.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

Peut-être devait-elle éviter de trop le toucher. Elle était très tactile et Jane s’était déjà moquée d’elle à ce sujet. Ici, les gens respectaient une distance vis-à-vis des autres, et évitaient des gestes qui pour elle étaient naturels, comme de prendre la main de David qu’elle souhaitait ainsi rassurer…..Mais elle n’eut pas le temps de se poser plus de questions que David vola littéralement jusqu’au bas des marches, atterrissant lourdement dans le sable.

Elle poussa un cri stupéfait tout en bondissant pour se précipiter auprès de David. Elle glissa sans le moindre effort jusqu’au bas des escalier, portée par le vent, pour se pencher aussitôt au dessus du malheureux. Ce dernier s’emporta ensuite en regardant le ciel, laissant Syragane un peu plus confuse. Elle l’aida à se redresser sur son séant.

- Ça va aller ?

Elle essuya le sable qui maculait ses épaules, s’assura qu’il n’était pas blessé mais ….ici il ne pouvait pas être blessé n’est-ce pas ? C’était un réflexe. Puis elle le dévisagea.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui…..on aurait dit que quelqu’un…..quelque chose t’a frappé ! Qui t’a fait ça ??

De fait, Syragane regarda autour d’elle avec méfiance, mais aussi prête à en découdre si nécessaire.

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Syragane voulait bien m’aider.

Et je voulais bien qu’on m’aide.

Tout seul, j’y arriverai pas.

Je suis jamais tout seul.

Il… y a… toujours les voix.

Non. La Clozapine aide.

Elle éteint les voix.

Ouais… Et tout le reste avec.

Je veux bien de l’aide quand même.

-Je… j’aime bien… parler avec toi…

Ça demandait beaucoup d’efforts de concentration, mais j’aimais bien.

Comme j’aimais bien parler avec le Dr. Wood mais c’était différent.

En quoi c’est différent, David ?

Il y a pas de vitre dans le désert.

Elle voulait qu’on y aille à petits pas et je hochai la tête. Même si j’avais déjà entendu le même discours ou à peu près des centaines de fois.

Mais moi je savais.

Je sais ce que « incurable » veut dire.

Mais tout le monde voulait que je me sente mieux.

Et chacun avait sa technique.

Et moi, comme je voulais me sentir mieux, je me laissais faire.

J’avais rien à perdre, de toute façon.

Là où Syragane différait des autres, c’était que ce n’était pas tellement sur la schizophrénie qu’elle voulait agir mais sur mes pouvoirs.

Un truc que je comprenais moins bien que la maladie, même si je considérais ça aussi comme une maladie, parce que j’étais schizophrène depuis bien plus longtemps que je n’étais surnaturel.

Lors assis sur la marche de l’escalier, à côté d’elle, je l’écoutais.

J’aimais bien son accent.

Tu l’as déjà dit.

Non. J’avais dit qu’elle avait un drôle d’accent.

Un point pour toi.

C’était comme une thérapie mais en mieux.

Elle était pas d’accord avec le SPIN.

Elle disait que vouloir supprimer mes pouvoirs, c’était mal.

Mais… mes pouvoirs faisaient du mal aussi.

Alors qu’est-ce qui était le mieux ? J’avais été obligé de lui dire pour l’accident.

Je baissai les yeux quand elle me demanda si je ne voulais pas de mal à ces gens.

Non.

Si.

Je fis « non » de la tête.

-Je ne crois pas.

Je ne me rappelle pas.

Syragane essayait de m’expliquer que mes pouvoirs étaient là pour une raison.

Ben c’était sûrement une raison douteuse…

Mais quand elle dit qu’elle devait paraître bizarre, je lui dis quand même que niveau bizarre, j’en connaissais un rayon…

C’est le moins qu’on puisse dire.

J’ai jamais vu autant de trucs bizarres que depuis que je suis là.

Syragane rit et j’eus un beau sourire. Je ne voyais pas souvent les gens rire autour de moi.

Maman riait beaucoup.

Même quand ça n’allait vraiment pas.

Et j’étais content de pouvoir la faire rire. Tout son visage changeait quand elle riait.

Elle avait posé ma main sur son genou. Je l’avais laissé là.

C’était bizarre et agréable de pouvoir toucher quelqu’un.

Surtout une femme et aussi belle que Syragane.

Elle était très patiente aussi.

Je la regardai dans les yeux, mordant ma lèvre… Puis regardant les siennes et..

Non !

On s’arrête là, David.

Il y avait eu comme un blocage, au point que j’avais pas su répondre à Syragane avant de me retrouver projeté au bas des escaliers. Chute amortie par une butte de sable.

Je veux pas faire des bosses à mon véhicule.

Syragane… je la vis comme glisser sur un toboggan de vent plutôt que de dévaler les escaliers et je roulai des yeux, laissant retomber ma tête en arrière dans le sable et reprenant une inspiration parce que le coup m’avait coupé le souffle avant de rager.

Je pris la main de Syragane qui m’aida à m’asseoir dans le sable.

-Ouais… je…

Je secouai ma tête portai ma main à mon front.

Hey ! Ça fait mal !

T’as qu’à garder tes mains en poche.

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Je relevai les yeux sur Syragane qui époussetait mes épaules…

-Heu… Je… C’était…

Je secouai la tête et fis la moue.

-C’est la première fois que… Non. Heu… Je lévite parfois…

La jeune femme regardait autour d’elle…

-Non… Il n’y a personne, c’était juste…

Je fis la moue et un moulinet nonchalant de la main à hauteur de ma tempe.

-Moi…

Comment c’est possible ?

Je peux pas utiliser mes pouvoirs maintenant.

Ici, si.

Non.

Si. Tu n’es limité ni par le sérum, ni par la Clozapine ici.

Je déglutis. Comme pour vérifier que j’étais toujours bien à deux doigts de baver.

C’est de l’auto persuasion.

Non.

Si.

Arrête ça.

Je laissai retomber mollement mes deux mains entre mes genoux et relevai les yeux vers Syragane.

-Je… on disait quoi ? Une Sylphe… Le vent… Ah ouais. Et donc… Tu sers à quoi, encore ? Ta… mission d’Ishtar ? C’est quoi ?

Je haussai les épaules et regardai autour de nous…

Puis soupirai.

-Je ne sais même pas si… c’est réel… Si tu es réelle. Peut-être que c’est juste un rêve.

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Elle lui répondit aussitôt dans un nouveau sourire.

- Moi aussi, j’aime bien parler avec toi.

Même si la conversation n’était pas simple, parce qu’il butait sur les mots, s’interrompait souvent pour regarder ailleurs, se perdait dans ses pensées, et s’adressait parfois aux dieux seuls savaient qui, mais il devait semblait-il fournir de gros efforts pour cette conversation. Alors finalement si ça lui plaisait, c’était une bonne nouvelle. Et comme elle était d’une grande patience….

Ainsi poursuivirent-ils bon gré mal gré la conversation, Syragane essayant d’en découvrir plus sur cet étrange personnage qui un jour avait débarqué dans un de ses rêves, si rêve il y avait ! Ce dont elle était toujours aussi peu sûre. C’était quand même drôlement réel et David lui, ne pouvait pas, absolument pas venir de son imagination. De ce point, elle en était absolument certaine.

Elle lui avait donc demandé pourquoi il craignait de devenir dangereux et la réponse la laissa pensive. Elle essaya toutefois de relativiser parce qu’il avait l’air d’en porter le poids de la culpabilité. Et puis il avait parlé d’accident…..il n’avait donc pas voulu leur faire du mal, n’est-ce pas ?

Mais il parut toutefois drôlement hésitant sur la réponse. Quoique Syragane ne pouvait pas le juger pour autant, n’avait-elle pas envoyé un homme voir deux à la mort ? Même si elle ignorait si l’homme qui l’avait poursuivie et l’autre s’en étaient sortis ou non. Sur le moment, elle avait juste songé à se défendre….. Alors peut-être que David était dans le même cas…. Elle devait lui laisser le bénéfice du doute.

Et brusquement la conversation tourna court. David fut tout bonnement éjecté au bas des escaliers et Syragane se précipita aussitôt auprès de lui. Mais il n’avait pas l’air trop mal. Sauf qu’il semblait accuser une personne invisible, alors au vu de ce qui s’était passé, Syragane lui demanda de qui il s’agissait. Mais la réponse qu’il lui donna, la laissa une fois de plus perplexe.
Syragane se laissa tomber à côté de lui dans le sable et le dévisagea.

- J’ai parfois l’impression que tu t’adresses à quelqu’un d’autre….. comme si on n’était pas seuls ici. Mais….je dois me tromper.

Elle soupira puis afficha un nouveau sourire pour répondre à sa question :

- Je….je sers à quoi ?  Elle rit doucement. C’est une bonne question. Autrefois, je jouais un rôle important dans ma ville, j’étais la grande prêtresse d’Ishtar, mais aujourd’hui mon rôle se limite à amuser les gens, j’ai un travail au parc de Staten Island. Je suis danseuse et lanceuse de couteau. C’est mon nouveau rôle… Quant à Ishtar, elle m’a donné ses pouvoirs parce qu’elle dit que je suis son élue, elle m’a confié la mission d’empêcher un homme, un homme dangereux de traverser la porte de Namur…c’est… la porte du temps. Mais quand j’ai essayé, c’est moi qui l’ai traversée accidentellement et je me suis retrouvée ici à New York. Depuis je ne sais plus trop ce qu’Ishtar attend de moi. Mais il faut que je garde confiance. Elle reviendra me voir et me dira ce que je peux faire pour mieux la servir.

Et puis elle eut une soudaine inspiration, en songeant à ce qu’il venait de lui dire… si elle-même était réelle ou pas.

- Je t’assure que je suis bien réelle, même si mon histoire est plutôt incroyable je te l’accorde. Je ne dis pas combien il a été difficile pour moi d’apprendre à vivre dans ce kan….Mais…. ça me donne une idée.

Son regard brilla un peu plus tandis qu’elle ajouta :

- tu es de Brooklyn, tu m’as dit ? Est-ce que tu pourrais venir me voir à Staten Island ? Au parc ? Je veux dire... pour de vrai ?

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Non, il n’y avait personne.

Juste moi, Syragane, une bute de sable.

Moi.

Moi.

Moi.

Moi…

Les voix…

Puis la boule à facette…

Comme dans une salle des miroirs sauf que je pouvais pas les voir… Juste les entendre…

Parfois je les vois…

Les autres moi.

Juste les voix déguisées en moi…

Ou en monstre.

C’est pareil.

Tu es le monstre.

Syragane aussi avait l’impression qu’il y avait quelqu’un d’autre.

-Ouais… Enfin non… Heu…

Je clignai des yeux avant de tourner la tête vers elle quand elle se laissa tomber dans le sable à côté de moi.

-C’est… Les médecins disent que j’ai des hallucinations. Mais le Dr. Wood… dit…

Haaan je suis lent même pour moi-même.

Je soupirai, mon regard quittant Syragane pour regarder devant moi alors que je faisais ce que je pouvais pour faire un effort de concentration.

-Le Dr. Wood dit qu’il y a la télépathie. Je prends des médicaments pour les deux. Mais je ne sais pas…

Ce qui est réel…

Ou ce qui ne l’est pas…

-… Je ne sais pas… faire la différence entre les deux.

Je ne sais pas…

Je désignai son front sans la toucher…

-… si les voix viennent de toi…

Puis je désignai mon front à moi.

… Ou si les voix viennent…

-… de ma tête.

Et ça, c’était la version simplifiée.

Je secouai la tête d’un côté puis de l’autre avec une moue de réflexion.

-Mmm sauf les méchantes voix. Elles, je suis sûr qu’elles viennent pas de toi.

Et comme j’aimais les histoires, je demandai à quoi elle servait. Peut-être que Syragane avait une belle histoire…

Une belle mission…

Aider les gens… comme moi.

Pour que je puisse aider les gens après.

Je l’écoutai encore une fois le plus attentivement possible. Me concentrer sur la voix de Vivacia avait été plus facile parce que j’avais comme été projeté dans un rêve. Mais je pensais que c’était sûrement Vivacia qui faisait ça.

Je jouai dans le sable du bout de ma chaussure aux lacets multicolores.

-Amuser les gens… C’est bien… Mais les couteaux c’est dangereux… je…

Je me coupe.

Je me coupe avec ça.

Un couteau m’a coupé aussi quand tout a volé dans la cuisine.

C’était pas fait exprès.

Si… je me suis juste raté.

Même ça, t’es pas foutu de le faire, David…

Pourtant, t’es qu’un poids pour l’humanité.

Je repris brusquement la main de Syragane dans la mienne.

-Non. Non je suis pas un poids.

C’est une excuse pour reprendre sa main, ça, David ?

Ou tu délires vraiment ?

…

Ta gueule.

Ok, je t’accorde le bénéfice du doute.

-Alors… Alors tu viens comme du passé. Je suis pas sûr d’avoir tout compris. Ils… Ils ne me foutent jamais la paix.

Je veux mourir.

Ohlà… On se calme…

Parfois, je veux mourir.

Ouais ben… Pas aujourd’hui.

TU ES LE MONSTRE, DAAAAAAVID MOUAHAHAHAH !!!

Concentre-toi…

Je ne sais pas… Ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

-Mais toi… Syragane, tu es réelle. C’est ça que tu dis.

Je posai sa main sur ma joue.

Tu m’éjectes encore… Je me tue.

Oooh David… Tu ne peux PAS te tuer.

J’essayerai quand même.

Non… Ok… Mais pas plus de contact que ça.

Deal.

Va être l’heure de ta Clozapine, si les idées suicidaires reviennent…

-Je voudrais rester ici…

On… ne peut pas David…

Syragane capta à nouveau mon attention son regard brillait, comme lumineux malgré ses yeux sombres et elle demanda si je pourrai aller la voir en vrai. Je lâchai sa main et la regardai avec des yeux tristes.

-Heu… Non… je crois pas… en vrai ?

En vrai, tu es en prison, mon pauvre vieux.

-Je peux pas sortir du SPIN en vrai…

Parce que tu es dangereux.

Parce que tu es un monstre.

Parce que tu as tué.

-Enfin des fois je peux sortir de ma cellule pour… me promener dans le couloir avec le Dr. Wood… ou pour aller dans la salle de tests.

… et que tu recommenceras.

-Mais je crois pas que le Dr. Wood et les agents du SPN m’emmèneront au parc d’attraction comme les éducateurs du Brooklyn Mental Health Center.

Je pinçai mes lèvres, les yeux à nouveau humides.

DIS-LE.

David…

-C’est une prison… le SPIN.

La Vierge Isthar

ft David Edwards

Des hallucinations ? Syragane interrogea David du regard.

- Dans ce cas, ça veut dire que j’en ai aussi, tout ça, ce palais, cet endroit, ce sable ! dit-elle en en prenant une poignée qu’elle laissa ensuite s’échapper dans un souffle de vent.

Elle joua à créer un léger tourbillon de vent qui emporta avec lui un fin filet de sable qui s’enroula autour d’eux avant de s’éparpiller dans l’air.

- Dans ce cas, ça aussi  ça n’existe pas ! Tu sais ce que je crois David ? C’est que tes docteurs ne veulent pas y croire, comme ceci…..Mais toi et moi on y croit…. C’est peut-être au fond qu’une question de foi. Et ceux qui n’y croient pas te disent que c’est seulement dans ta tête… parce que c’est plus facile pour eux.

Elle plongea ses yeux dans les siens, appuyant son visage sur ses bras posés sur ses genoux relevés.

- Tu me dis que c’est le docteur Wood qui te dit tout ça….mais toi David, qu’est-ce que tu penses ? C’est quoi ces chuchotements qu’on entend parfois, ces voix ? Est-ce que tu les entends toujours ainsi ? parce que là moi aussi je les entends, enfin beaucoup moins aujourd’hui.

Mais le pauvre, elle l’embêtait sans doute avec ses questions, puisque lui-même ne savait plus faire la différence. Elle soupira.

- Je comprends…. Ça doit être très compliqué. si tu as toujours connu ces voix, tu ne dois plus savoir qui elles sont et à qui elles appartiennent. Mais elles ne viennent pas de moi, même les gentilles assura-t-elle en souriant.

Elle le regarda lui laissant le temps de digérer l’information, se disant encore une fois que ce qu’il vivait devait être très difficile.

- Ce que je sais en revanche, c’est que tu es réel car je ne pourrais pas avoir inventé quelqu’un d’aussi spécial que toi, dit-elle comme si elle lui avait dit un compliment. Et moi aussi, je suis réelle, parce que tu ne peux pas avoir inventé tout ça, le fait que je travaille à Staten parc.

Et lui, où se trouvait-il en fait ? Elle ne lui avait pas encore demandé. Mais avant, elle lui parla un peu d’elle, parce qu’il le lui demandait. Elle lui expliqua son rôle désormais et sa remarque sur les couteaux la fit sourire. Il s’exprimait parfois comme un enfant à qui on dit qu’il ne doit pas jouer avec des objets dangereux.

- En effet, les couteaux sont dangereux et il faut les manier avec une grande précaution. Ou beaucoup de savoir faire…..je te promets que je fais toujours très attention en tout cas, lui assura-t-elle avec un nouveau sourire.

Mais David répliqua qu’il n’était pas un poids… Elle hésita, ..c’était encore une de ses réparties qui ne s’adressaient peut-être pas à elle. Difficile à dire. Elle confirma toutefois.

- Non, tu n’es pas un poids. Ceux qui disent ça ont tord. On a tous notre rôle à jouer sur cette terre. Chacun d’entre nous David, on a tous une place à prendre….

Puis il revint à son histoire et Syragane acquiesça.

- Oui, d’un temps qui n’est plus…..parce que j’ai traversé la porte du temps. Et j’ignore si un jour je pourrai la traverser à nouveau. Ma ville s’appelle….s’appelait Babylone. Aujourd’hui mon pays a changé de nom, tu dois le connaître.. il s’appelle Irak.

Enfin quand elle eut finit de lui raconter plus ou moins pour son saut dans le temps, Syragane lui posa la question qui la titillait et surtout qui leur permettrait de se voir autrement que dans cet « endroit »….. sauf qu’elle ne s’attendait pas à cette réponse.

Le mot cellule la fit d’abord tiquer, et puis enfin il le lui dit….clairement, sans oser toutefois la regarder. SPIN… il lui avait déjà parlé de ça, mais elle avait cru d’abord qu’il parlait de cet hôpital surtout qu’il lui avait aussi parlé de ce docteur Wood….. mais en fait le SPIN n’était pas un hôpital pour des gens qui ne trouvaient pas leur place dans la société parce que différents…………..mais c’était une prison.

Syragane le dévisagea, ouvrant de grands yeux surpris, puis vit les larmes dans ses yeux et se souvint de tout ce que ses nouveaux amis lui avaient dit au sujet du spn…..et elle fit enfin le lien !

- Oh David, je suis navrée !

Elle le prit spontanément dans ses bras, puis au bout de quelques instants, s’écarta pour lui caresser la joue.

- Je ne sais pas qui tu es, je veux dire……on ne se connait pas, pas vraiment, mais je n’aime pas te savoir enfermé dans ce SPIN. Je suis sûre que ce n’est pas là-bas qu’est ta place.

Elle garda ensuite seulement sa main dans la sienne, avec encore plus l’envie de l’aider et très loin assurément de songer qu’il pouvait être un criminel. Il n’y avait qu’à le regarder pour se dire que ce n’était pas possible. Sauf que cette société ci avait ses propres lois, des lois qu’elle ignorait encore. A Babylone, certes les assassins étaient punis de mort mais….quand le palais avait été attaqué, elle s’était battue pour sa survie avant tout…… tout dépendait du contexte finalement, nul ne pouvait être considéré comme coupable s’il ne cherchait seulement qu’à survivre !

En fin de compte, ils allaient donc devoir se contenter de ces instants hors du temps ?...Hors du monde réel ? pour pouvoir communiquer et elle, pour pouvoir l’aider.

Syragane sentit soudain sa peau frémir, de cette même façon annonciatrice d’une prochaine dématérialisation. Elle était rappelée vers un autre endroit par une force qu’elle ne contrôlait pas encore. Alors elle se dépêcha de lui dire.

- SPIN ou pas….on se reverra ! Je ne te laisse pas tomber David…mais là je sens que …..je suis rappelée dans l’autre monde, dit-elle de mots hésitants….

Avant de fondre comme du sable dans le vent, ce dernier emportant jusqu’au dernier grain brillant comme de l’or dans la lumière du soleil……….. Syragane se retrouva l’instant d’après, allongée sur son lit, la tasse de thé qu’elle avait préparée, déjà refroidie…. Alors le temps s’était donc écoulé ? Elle se redressa, avec l’image du regard d’un bleu perçant appartenant à David, prisonnier du SPIN.
Il fallait qu’elle parle à Jane, et ça ne pouvait pas attendre.

La Vierge Ishtar

ft. Syragane Dendera

Dans ce cas, ça veut dire que j’en ai aussi…

Je la regardai avec un air un peu triste.

Ouais. Je suis pas le seul cinglé après tout.

On était même plein au Brooklyn Mental Health Center.

Peut-être que Syragane et moi, on était juste tous les deux schizophrènes.

Je regardai le sable qui s’envolait en tourbillonnant de la main de Syragane.

Ça avait l’air réel.

-C’est le principe, si j’ai bien compris… De… la schizophrénie… Je veux dire. Qu’on sache plus quoi…

Mais Syragane, elle voulait pas y croire.

Non.

Elle voulait y croire.

Que tout ça était réel.

Que c’était les docteurs qui avaient tort.

-Alors ils ont tort depuis longtemps.

Et y croire, c’était le piège.

Croire aux hallucinations.

Se croire sain quand on l’était pas.

Mais toi, David, qu’est-ce que tu penses ?

Je soupirai, secouai la tête et fuyais son regard alors qu’elle posait ses yeux dans les miens.

-Je… pense…

Je frottai mon visage à deux mains.

-Raaah… Je sais pas ! Je peux… sentir le sable… La chaleur…

Mais je peux…

-Je peux sentir les monstres aussi… Alors eux aussi sont… réels ? Je préfère croire que non… Comme je préfère croire que tu es réelle.

Parce que je décide…

Je plaquai mes mains sur mes oreilles et fermai les yeux.

-La ferme…

Ça sembla s’arrêter et je pus reprendre la conversation…

Je hochai la tête quand elle demanda si j’entendais toujours les voix comme ça…

-Je sais pas ce que c’est. Les docteurs disent… que c’est des hallucinations… Que c’est dans ma tête…

J’eus un pauvre sourire.

-Mais tu es la première à les entendre aussi…

C’est pas elle, David.

C’est… cet endroit bizarre.

Comment tu fais ça ?

-Je sais pas.

Je croyais que c’était Ishtar.

Je croyais que c’était toi.

-La Clozapine aide… J’entends moins les voix… je ne vois pas de… choses…

Je ne peux pas penser.

Les médicaments m’empêchent de penser.

Je sais plus la différence…

Alors je décide.

Ce qui est réel.

Et ce qui ne l’est pas.

Syragane était sûre que j’étais réel.

C’est cool ça !

Parce que moi j’en suis pas toujours sûr.

Tu es réel, David…

Je fis une moue sceptique quand elle affirma que je n’aurais pas pu l’avoir inventée.

-J’aurais pu.

J’ai beaucoup d’imagination.

Trop.

Je peux imaginer quelqu’un qui contrôle le vent et qui lance des couteaux au parc d’attraction.

Je peux créer.

Parce que je décide ce qui est réel.

-Et ce qui ne l’est pas.

Comme je pouvais imaginer plein d’autres choses.

Tu es un monstre, David.

Non.

Un poids.

NON !

J’avais repris la main de Syragane pour me rassurer.

Syragane était d’accord.

Et Syragane venait de l’Irak du passé.

De Babylone.

-Je connais les deux noms…

Et moi…

Et moi je venais du SPIN.

D’une prison.

Parce que je suis dangereux.

Syragane me prit dans ses bras, surpris, je me raidis complètement, le souffle presque coupé.

STOP ! Ne fais pas la même chose !

Interdit.

Pas touche.

Tu m’éjectes, je me tue.

Je t’éjecte pas. Tu ne touches pas.

Deal.

Je voudrais pas que tu te mettes à aimer ça.

Trop tard.

Syragane desserra son étreinte et je fuis son regard à nouveau.

T’es tout rouge, David !

Shhhh !!!

Elle garda ma main dans la sienne et à un moment, je la sentis comme…

Trembler ?

Vibrer ?

Je regardai Syragane avec un regard de détresse.

-Qu’est-ce qui se passe ?!

Elle était en train de disparaître… en disant qu’on se reverrait.

-Non non non !

J’essayai de la rattraper, mais dans mes bras, il n’y eut que du vent.

J’écartai les bras, regardant les manches de mes vêtements couverts de sable, puis mes mains, puis le désert autour.

-Et je rentre… je rentre comment au SPIN ?

Ohlà, bonne question…

Je me laissai retomber en arrière, couché dans ma bute de sable en soupirant.

Heu… on fait bronzette ?

Oh ouais…

C’est pas bon pour toi… T’es blond et au SPIN depuis deux ans…

Han… Ben tu sais quoi ? Je m’en fous…

De quoi ?

De ce qui est bon ou pas pour moi.

T’as vraiment besoin de Clozapine, surtout.

Les voix volaient dans l’air… Comme si plutôt que d’être confinées dans mon crâne, elles pouvaient s’amuser dans un espace plus grand.

Il est quelle heure ?

Je sais pas.

Tu ferais pas quelque chose pour nous sortir d’ici ?

Et le SV, alors ?

On est arrivés ici, David, et c’est pas ma faute !

Donc c’est la mienne alors ?!

Je fis la moue, mes yeux voyageaient selon là où les voix se faisaient entendre le plus fort.

Gauche.

Droite.

Haut.

Bas.

En triangle.

En triangle ?

Fais quelque chose, David.

Je me redressai, assis et forçai pour me concentrer.

-Téléportation ! Téléportation !

Je serrai les dents et fronçai les sourcils.

-SPIN !

Sans grand succès.

Je posai mes doigts d’une main sur une de mes tempes et tendis la main en fermant les yeux et en me concentrant.

-Portail !

Pour me laisser retomber dans le sable…

-Ça fonctionne pas de trop…

Bon ok : « Notre Père qui êtes aux cieux, que ton nom soit sanctifié… On aimerait bien rentrer… »

-Je sais !

Je fermai les yeux…

Oh non ! Non ! David ! Mauvaise idée !

Demander l’aide de la concurrence, c’est très mal !

Ne fais pas ça !

-Déesse Ishtar… Vierge Ishtar… Merci pour Syragane… Merci pour le désert… Mais il faut que je rentre prendre ma Clozapine… S’il vous plait ?

Mauvaise idée… J’avais dit…

***

SPIN, 00 :00, pendant que les agents dorment ou regardent des films :

Je me redressai en position assise, après être brutalement retombé sur mon lit dur du SPIN, mes yeux se révulsèrent et des mots sortirent tout seul de ma bouche, sans jamais buter… Mais je bavais fort par contre :

-Après cela, je vis un autre ange descendre du ciel. Il avait un grand pouvoir et la terre fut illuminée de sa gloire. Il cria d'une voix forte: «Elle est tombée, Babylone la grande! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire pour tout esprit impur, un repaire pour tout oiseau impur et détestable. »

SORS DE CET HOMME, ESPRIT IMPUR !

Un repère pour tout esprit impur.

J’écartai les bras et mes yeux bleus redevinrent fixes sur le mur devant moi, dans ma cellule du SPIN.

Un repaire pour tout esprit impur.

QUEL EST TON NOM ?!

Un repère pour tout esprit impur.

Un sourire se dessina sur mon visage.

Mon nom est Folie.

-Légion est mon nom.

Car nous sommes plusieurs.

Babylone.

Mes yeux se révulsèrent encore atteignant mes dernières limites.

Staten Park

Blackout.