Remember

solo

Le temps est une boucle infinie, éternelle qui parfois semble s’étirer, encore et encore, jusqu’à se figer, complètement, dans un silence mortel.

Seule l’odeur vient témoigner des minutes qui s’égrainent, des heures, puis des jours. L’odeur du sang qu’elle perçoit aussi vivement qu’elle perçoit leur présence, malgré la complète et noire obscurité, et de son absolue immobilité. Seule la poitrine se soulève doucement, lentement, économisant son air, économisant ses capacités de survie. Mais jusqu’à quand ?

Car celles-ci s’amenuisent dans le lent sablier de la vie, entrecoupées de bribes vibrantes de violence, souvenirs des hurlements, des bruits de luttes, des tissus déchirés, des gorges tranchées, et le sang, encore, partout, le sang qui a imprégné sa robe désormais sec et puant.

Son corps est engourdi, endolori, après avoir frappé, hurlé toute cette douleur physique et morale, dans de vaines tentatives de fuite, d’appel à l’aide que personne n’a entendu, car toute la ville est en état de siège. Et dans son tombeau nul ne viendra la chercher, car Babylone est à présent aux mains des Perses.

Nul ne viendra plus la visiter en son temple d’Ishtar, et encore moins dans cette partie sous la dalle principale devenue son tombeau, condamnée à voir le souffle de vie l’abandonner peu à peu.

*tu ne mourras pas aujourd’hui, Syragane Dendera*

Un léger souffle d’air s’est glissé à travers les interstices des dalles pourtant solidement ancrées au sol, un souffle d’air qui lui murmure des paroles réconfortantes. Isthar est venue la chercher. Le temps de la délivrance est arrivé.

Mais pas celui auquel elle songeait.

Elle flotte au dessus des cadavres, lueur étrange dans ces ténèbres, frôle les corps à jamais étendus sans vie, les bras frêles plus ou moins jeunes de ses sœurs et de ses filles qui se sont serrés dans un dernier souffle de vie.

Attirée par la lumière, Syragane se laisse guider sans chercher à comprendre, ni à raisonner, laissant son cœur faire, obéissant à Ishtar, déesse d’amour et de bienveillance.

L’air virevolte autour d’elle, l’air et le soleil rouge d’un ciel couchant, grisant son esprit d’une chaleur éphémère.
*retrouve le général* lui souffle le vent *retrouve-le, et empêche le de franchir la porte de Nanûr*

La porte de Nanur ?
Syragane se concentre sur cette idée et se retrouve bientôt au pied de cette dernière surgie des sables même du désert. Une porte invisible, une énigme, un mystère, légende parmi les prêtresses.

Alors elle existe ?
*le général ! il ne doit pas traverser la porte*

Syragane voit étinceler une arme à son bras, se retrouve les pieds dans le sable, toujours devant la porte de Nanur. Elle est en vie ? Ou n’est-ce qu’un rêve ?
*Vite !*

Son sang se met à bouillir de colère en voyant l’infâme traître, se diriger vers la porte à son sommet. Syragane vole vers lui, en un instant, se retrouve à lutter contre le géant des armées du roi, le vil traître. La lutte est folle, le combat sans merci. Les armes se croisent mais si elle est rapide et leste, lui est fort et puissant.

Syragane soudain sent la main du traître sur son cou. Il l’a saisie et désormais serre, avec un sourire féroce. Il ne l’épargnera pas une seconde fois. C’est alors qu’une lumière intense éclaire la porte, puissante, éblouissante. Syragane frappe son adversaire qui la projette en avant.

Elle ne sent aucune chute, redevenue air et sable, reprend la charge alors que Kufus passe la porte, silhouette devenue noire dans la lumière qui l’avale. Elle frappe sa jambe au talon, le sang souille le sable, mais le général est solide. Il la saisit encore une fois à la gorge, la frappe et la balance loin de lui.

Elle sent le choc, mais le reste sombre définitivement dans le néant de l’oubli. Il ne reste plus que la sensation de froid.

Syragane se redresse en sursaut, le coeur battant à tout rompre, inspirant une grande goulée d'air, comme si on l'en avait privée. Et dans un réflexe, porte les mains à son cou, mais.. ce n'était qu'un cauchemar, le même encore et toujours, la même sensation, la même terreur insoutenable !

Mais elle est bien dans sa chambre à Staten Parc, avec toutes les lumières allumées autour d'elle, la sueur gouttant sur ses tempes, la peur encore dans ses yeux, des yeux collés des larmes salées versées la veille.

Elle se lève, s'en va se servir un verre d'eau et s'installe au coeur de la nuit, à la petite table de la cuisine, sur le banc d'angle, le regard cherchant à travers la fenêtre, et au delà de la nuit, le visage qu'elle n'a plus revu depuis  trop longtemps déjà.
Elle ne retrouvera plus le sommeil cette nuit.

Remember

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La sylphe dans son lit, s’agite, se débat contre les limbes d’un cauchemar, encore, le même. Cauchemar ou relent de ses souvenirs qui la hantent sans cesse, comme s’ils cherchaient à s’échapper, marque apposée au fer rouge dans sa mémoire et qui chaque nuit vient la tirailler.

Le cœur bat la cadence de sa peur, les doigts agrippent les draps, mais le réveil ne viendra pas l’épargner cette fois. Il lui faut aller jusqu’au bout de ce cauchemar.

Jusque tout au bout !

Elle revit encore et encore ses derniers instants, avant qu’Ishtar ne la laisse renaître sous la forme du vent, sable d’or et souffle d’air, la vie, le soleil, sa ville qu’elle survole trop brièvement. Le flot d’image est rapide.

Kufus encore, le combat, les coups, sa colère, l’urgence. Il ne doit pas passer la porte !
Il l’étrangle, la balance à plusieurs mètres devant lui. Syragane s’est heurtée la tête contre une colonne d’un mystérieux temple.

Le temple d’Anûr ?

Et toujours pas de réveil.

Dans son dos, elle voit la lumière intense, et Kufus projeté de l’autre côté.

Et soudain, face à lui de l’autre côté de la porte dont la lumière vire au vert,  un autre corps est projeté en arrière. Il chute à quelques mètres d’elle, tenant fermement dans ses mains, un étrange objet, un œil paré d’or qui brille du même éclat vert que la lueur qui traverse la porte.

*Anuu~~ur, le talisman d’Anu~~uur !!! * murmure le vent.

Le regard de la sylphe abandonne l’éclat étrange de l’œil d’or, pour glisser sur la main qui le tient et vers le visage de celui auquel appartient la main.

Syragane se redresse brusquement dans son lit, à bout de souffle, le corps couvert de sueur comme si elle venait de faire un effort immense, les cheveux plaqués sur ses tempes, elle murmure le nom de celui qu’elle a reconnu.
- Victor !

Elle constate que dehors le jour se lève.
La sylphe bondit hors de son lit.

*Il était temps* murmure Ishtar.

Remember

solo

Une douche, des vêtements frais, un manteau enfilé à la va vite, ses bottes, et Syragane quitta son mobile-homme qu’elle ne quittait presque plus depuis son retour du monde des rêves. Elle ne l’avait fait qu’à deux reprises, une fois pour aller parler à Jane, et une seconde pour se rendre à la bibliothèque. Elle y avait mené des recherches sur un artefact sensé permettre d’ouvrir une porte sur le temps. Des recherches qui n’avaient strictement rien donné.

A présent elle avait sa réponse, et plus encore, elle touchait au but. Marchant d’un pas déterminé, elle ignora les appels et les regards surpris de ses amis. Tous s’inquiétaient pour elle, mais peu osaient franchir sa porte, de peur d’être maladroit, de peur plus encore de remuer le couteau dans la plaie. Et là encore, alors qu’elle regardait droit devant elle, ils n’osèrent s’interposer.

Pourtant, tous se posaient la même question : Où allait-elle ainsi déterminée ?

Ils ne tardèrent pas à le comprendre quand ils la virent bifurquer pour traverser le jardin entourant le mobil-home de Victor.

Syragane ne marqua qu’une hésitation face à la porte du directeur du parc. Et finalement se décida à frapper. L’instant d’après, c’est Wong, l’assistant personnel de Victor et éternel ami qui ouvrait la porte et qui très vite s’écarta pour la laisser passer, alors qu’elle n’avait encore rien dit.

Elle trouva rapidement celui qu’elle était venue voir, installé devant un four à bois, dans son ample fauteuil de cuir, lui tournant le dos d’un quart. Il tenait sa canne dans une main, alors que l’autre était immobile toujours, posée sur l’accoudoir du fauteuil.

Elle ignorait s’il l’avait vu, alors plutôt que de faire remarquer sa présence ou de s’avancer jusqu’à lui, Syragane prit le temps d’observer chaque objet de ce salon, un peu plus grand que les autres mobil-homes, et richement décoré. Mais elle eut beau regarder, elle ne vit aucune trace du talisman.

Certes beaucoup de choses s’étaient envolées en fumée lors de l’incendie, mais assurément le talisman n’avait pu en faire partie.
- Que cherches-tu ?

Victor l’observait désormais, et Syragane croisa son regard, direct, interrogatif, .. accusateur ?
- Des réponses, dit-elle sans détour.

Toujours figée à l’entrée, elle ignora le geste de Victor qui l’invitait à prendre place. Celui-ci l’observa alors plus attentivement encore.
- Tu savais depuis le début. Tu savais d’où je venais. Tu savais pour la porte de Nanûr.
- As-tu des questions, ou seulement des affirmations ? Mais permets-moi de te reprendre sur un détail. J’ignorai d’où tu venais, avant que tu ne puisses toi-même l’exprimer.

Il insista.
- Assieds-toi je te prie.

Elle resta très droite un instant, le jaugeant en silence, puis finit par aller s’assoir sur le canapé, restant toutefois tendue, les mains croisées sur ses genoux.
- Je pensais que tu serais venue me parler plus tôt. Même si j’étais moi-même mal en point, j’étais sûr que tu viendrais me parler de cette nuit bien avant aujourd’hui. Ca fait cinq ans que j’attendais d’avoir cette conversation. Cinq ans que tu es arrivée par cette porte, cinq ans que j’attends moi-même des réponses à mes questions. Certaines en ont trouvée, mais pas toutes.

Il soutint le regard de la sylphe.
- J’ai compris finalement que tu ne te souvenais pas de l’instant où tu es arrivé dans ce Khan. Parce que tu n’as pas choisi de le faire n’est-ce pas ?

Syragane secoua la tête, perplexe. Victor soupira :
- Cette nuit là, j’ai entendu le talisman qui m’appelait. J’ai cet objet en ma possession depuis très longtemps, mais j’ignorai comment le faire fonctionner. Je connais milles sortilèges, milles magies et tellement de choses que j’ai apprises à travers mes nombreux voyages, mais le secret d’Anûr ne m’a jamais été révélé. Puis il s’est mis à chuchoter, des sons que je perçois parfois venus d’autres mondes et quand je l’ai pris, sa lumière s’est réveillée.

- Il m’a guidé alors jusque sous le grand chapiteau et c’est là que j’ai vu la porte s’ouvrir. J’étais tellement interloqué qu’il m’a fallu un moment pour comprendre ce qui se passait. Quelqu’un allait la traverser mais il n’était pas seul. Quelqu’un l’accompagnait, ou plutôt luttait avec lui.

Je vous ai vu vous affronter dans un combat sans merci, puis tu as surgie ici, dans ce khan. Quand le guerrier s’est montré à son tour, et qu’il a exigé le talisman, j’ai compris. J’ai alors usé de ma magie pour le renvoyer dans son monde, mais le talisman a sa propre force et j’ignore ce qui s’est passé, mais la magie du talisman s’est retournée contre moi et je suis depuis dans cet état de semi-paralysie.

Il prit une inspiration avant de conclure.
- C’est Wong qui m’a trouvé. Il m’a ramené ici, et c’est lui qui t’a déposée sur le tapis de réception en attendant de savoir si j’allais m’en sortir. Le reste, les autres s’en sont chargés et ils t’ont accepté dans notre famille comme l’une des nôtres. Mais à présent Syragane, tu vas devoir m’expliquer ce qui s’est passé, et pourquoi ce guerrier s’intéresse à mon talisman.

Remember

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Ainsi, non seulement Victor était LA pièce manquante de sa quête, mais il était aussi celui qui détenait le talisman ! Et il s’était écoulé cinq ans pour réaliser que l’objet de sa quête était juste à côté d’elle !

Bon certes, elle avait pris une autre voie depuis sa rencontre avec David, imaginant que garder Nergal sous contrôle de Légion, serait suffisant pour réduire à néant les desseins du dieu infernal. Mais ça n’était pas suffisant. Non ! Pour Ishtar, elle se devait de récupérer le talisman de Nanûr, parce que c’était grâce à ce dernier que Nergal saurait retourner aux origines du temps.  

Encore fallait-il qu’il sache s’évader de sa prison céleste..

Mais Syragane se devait de parer à toute éventualité surtout au vu de ce qui s’était passé avec Alberich. Et si elle et David n’étaient plus ensemble, il lui fallait désormais s’assurer que jamais Nergal ou ses nergalii ne s’emparent de l’artefact et pour ça, il n’y avait qu’une seule chose à faire.

Et donc Victor était là quand elle s’était retrouvée projetée à travers la porte, car c’était ce qui s’était passé. Ce qu’elle lui expliqua. Oui Syragane lui donna le détail de cette terrible journée de l’an -570 avant Jésus Christ, cet homme qui définissait le calendrier des hommes aujourd’hui.

Et Kufus en était le responsable, même si aujourd’hui il n’était plus. Oui elle lui raconta tout ça, comment Ishtar l’avait choisie pour être son élue, lui sauvant ainsi la vie mais pour lui donner une mission bien précise : empêcher Kufus de traverser la porte de Nanûr.

Mais il était parvenu à l’ouvrir avant même qu’elle n’arrive.
- Mais comment ? l’interrompit Victor.

Syragane secoua la tête.
- Nergal lui a confié de grands pouvoirs, bien avant son retour dans ce khan, il y a deux ans.
Le regard de la sylphe étincela :
- Seuls les élus de Nanur peuvent manipuler son talisman. Nergal a dû trouver un moyen de détourner le talisman afin d’ouvrir la porte. Et ta magie s’est confrontée à celle de Nanûr. Ce qui s’est passé cette nuit aurait dû te tuer.

Elle soutint le regard surpris du sorcier avant d’ajouter.
- Mais ta magie est grande, c’est ce qui t’a sauvé. Et qui a permis de refermer la porte après avoir renvoyé le grand prêtre nergalii dans son khan. Mais ce n’est pas suffisant.

Syragane inspira avant de conclure :
- Lors de mon combat avec Kufus, il m’a projetée dans ce khan. Je doute que c’était volontaire de sa part, mais peut-être que cela fait partie de mon destin, car aujourd’hui je sais pourquoi je suis ici.

Victor plissa les yeux pour l’observer :
- Et pourquoi ?
- Pour détruire le talisman.

Ils s’affrontèrent un instant du regard avant que soudain Victor n’éclate de rire.
- Et tu t’imagines que je vais te laisser faire ??
- Tu n’as pas le choix. Si nous ne le faisons pas, un jour ou l’autre, Nergal ou ses nergalii mettront la main dessus et ils auront alors la clef du temps qui leur permettra de revenir dans le tout premier khan, aux origines, pour ensuite remodeler le monde à son image.

Et elle insista :
- Nous devons détruire ce talisman ! Il en va de notre avenir à tous !

Remember

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Oui c’était pour ça qu’elle était là, pour détruire ce talisman !
Sauf que son affirmation déclencha soudain le rire de Victor. Un rire ironique qui contraria la sylphe.
- Ah oui ? De notre avenir à tous ? Et pourquoi devrais-je te croire sur parole, Syragane hm ? Tu es restée cinq ans ici dans notre famille, on t’a accueillie à bras ouverts, pas seulement toi mais aussi ton petit ami David. Et à présent qu’il s’est séparé de toi, tout à coup tu t’es mise en tête de détruire ce talisman, après tout ce temps ?

Syragane se crispa mais resta maîtresse de ses émotions, malgré la blessure encore à vif.
- Ça n’a rien à voir avec David et jusqu’à aujourd’hui, j’ignorai comment Kufus avait ouvert la porte, jusqu’à ce que soudain la vérité me soit révélée.
- Et c’est arrivé comme ça ? d’un claquement de doigt ?
- Non, c’est Ishtar qui a aidé ma mémoire à se souvenir. J’avais oublié ces instants après avoir traversé la porte, sans doute un effet de la magie de Nanûr. Tout comme toi, elle t’a laissé grièvement blessé. Mais aujourd’hui que je connais enfin la vérité, il est temps d’en finir.
- NON, répondit brusquement Victor. Il n’est pas question de le détruire. Et puis tu as vu ce qu’il m’a fait, si c’est lui qui est responsable de mon état. Alors imagine ce qui pourrait t’arriver si tu le détruisais ?
- Peu importe les risques, gronda-t-elle, il faut le faire. Si nul n’agit, le monde est voué au chaos !

Victor la dévisagea, perplexe.
- Tu serais prête à sacrifier ta vie pour ce talisman ?
- Si c’est le prix à payer, murmura-t-elle d’une voix sombre.

Victor émit un nouveau rire.
- C’est ridicule. Non seulement et tu le sais, le parc est désormais sûr. Nul ne pourrait venir nos créer des problèmes, mais .. si tu souhaites détruire ce talisman pour ce qu’il permet de faire, retourner dans ton khan ou d’autres plus anciens, il y a d’autres moyens de voyager dans le temps. Et tu le sais, demande à ton amie la morrigane !

Syragane cilla, devant le nom de la sorcière.
- Oui, je sais quels sont ses pouvoirs, alors si tu veux empêcher ces nergalii et Nergal comme tu dis de retourner dans le passé pour tout changer, ça signifie que tu vas devoir détruire non seulement le talisman, mais la sorcière aussi. Et qui sait quels autres moyens il existe encore pour remonter « aux origines » hm ?

La sylphe changea d’expression.
- Ou alors renchérit Victor, tu peux choisir de me faire confiance. Le talisman est bien caché. Nul ne pourra jamais mettre la main dessus. En revanche concernant la morrigane, je ne peux rien promettre. Alors avant de songer à détruire un objet aussi puissant, ou .. si tu souhaites te débarrasser de ton amie, je te conseillerai d’y réfléchir à deux fois.


Désarçonnée devant les arguments du sorcier, Syragane déjà pâle, avait pâli plus encore et soudain elle se précipita à l’extérieur, traversa très vite l’allée au milieu de nouveaux regards stupéfaits, pour bousculer violemment la porte de chez elle et se diriger aux toilettes. Tombée à genou, elle vomît alors dans de violents spasmes, entre deux sanglots qui la secouèrent de part en part, la laissant après de longues minutes de torture, sans plus de force, effondrée sur le sol de la petite salle-de-bain.

Remember

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22.03.2023

Les phrases, les regards, les instants partagés lors de ce mois de janvier, dans ce théâtre, face à Bobby Sands qui avait tout fait pour instiller son vent de révolte.. Les mots qui claquaient de Manakel comme une gifle au visage, l’attitude soudain froide de David, le dédain, l’ironie de Bobby , tout cela venaient tourbillonner encore et encore dans ses pensées, sans jamais trouver de repos, sans jamais comprendre pourquoi tout à coup tout avait basculé.

Et depuis, c’était la chute sans fin.

La Sylphe avait appris le combat, la détermination, à se battre griffes et ongles, à ne rien laisser passer, à exiger, en l’étant plus encore avec elle-même.

Mais soudain, tout s’était disloqué. Un écrou s’était enrayé, et dès cet instant quand elle avait compris qu’il n’était pas juste en train de bouder, non. .. il était parti, alors tout avait perdu son sens..

Ce combat qu’elle menait au nom de sa déesse, était devenu un chemin sans issue puisque c’était David désormais le gardien de Nergal et que David clairement lui montrait qu’il n’avait plus besoin d’elle.

David qui était parfaitement heureux sans elle. Ainsi donc, même s’il n’avait pas besoin de son aide, il n’avait de toute évidence pas non plus besoin de sa présence, et encore moins de son amour.

N’avait-elle aimé qu’un mirage ? Tout cela n’avait-il été qu’une illusion ? Elle revoyait encore le jeune homme, doux, aimant et attentionné, mais tout ça s’était envolé en poussière . . .

ET c’est en le voyant si épanoui, comme jamais il ne l’avait été avec elle, que le monde de Syragane s’écroula. Il était devenu toute sa vie. Grâce à lui, Syragane avait peu à peu établi ses racines sur cette terre moderne d’un khan qui n’était pas le sien, grâce à elle, il avait trouvé une nouvelle famille.

Et à présent tout le monde continuait de vivre et d’être heureux alors que son monde à elle s’écroulait.
La douleur effaça tout le reste, lui rappelant trop intensément celle ressentie lors de ce jour maudit, pour d’autres morts, d’autres pertes encore, sa famille, son roi, son monde. . .

Alors . . .
Que restait-il ?

Une mission ?
Victor lui avait fait comprendre qu’elle n’avait plus de sens. Il y ait d’autres clefs du temps, et la sienne était bien cachée.

Ishtar ?
Sa voix faiblissait devant la détresse grandissante d’un esprit qui ne trouvait plus aucun sens à ce qu’elle faisait.

Tant et si bien que l’esprit l’emporta sur le corps.

Quand bientôt son corps commença à se dématérialiser à tout va, à n’importe quel instant et qu’elle peinait de plus en plus à retrouver ses repères, Syragane comprit qu’elle devait s’en aller, laisser les houdinis qui trouveraient une nouvelle artiste pour la remplacer, comme tant d’autres avant elle.

Comme David avait su retomber sur ses pieds. Ils sauraient tous.. mais pas elle, pas cette fois.
Elle ne pouvait pas,..


Un vent doux et sec souffla, soulevant une dernière fois ses longs cheveux d’or, le même or qui ne brillait plus dans ses yeux et Syragane se volatilisa dans un dernier souffle, traînée de sable tourbillonnant, étincelant un instant sous le soleil d’hiver, sur cette plage qui lui rappelait tant son pays..