First Contact

ft  Bobby Sands

Jacob Freeman

L'Arena puait le sang, la sueur et l'argent sale. L'odeur typique d'un coupe-gorge mélangé à celui d'une pointe de magie. Je n'aimais pas l'endroit. Pourtant, au lieu de repartir, mes pas s’enfoncèrent un peu plus dans cette masse de gens qui vociféraient à s'en décrocher la mâchoire, comme si leurs insultes avaient un quelconque pouvoir sur l'issue du combat se déroulant dans la cage d'acier.

Mon regard scanna bientôt chaque recoin de cet entrepôt aménagé. Je repérai les agents de sécurité, le barman, occupé à servir des clients, mais aussi une table où les dollars semblaient voyager de main en main. Quant à l'arène, deux adversaires se confrontaient. J’eus un rictus moqueur en les observant. Leur technique de combat était déplorable, enfin, s'il y avait bien une technique dans leurs embrouillaminis de gestes. Il n'y avait que les chiens enragés pour se battre ainsi. Aucun intérêt.

En revanche, ma présence ne passa pas inaperçu. Mon costume noir trois pièces détonait dans cette foule aux allures négligées. Sans oublier, bien sûr, mes origines orientales qui attirèrent les regards curieux. Je les ignorai dans une expression neutre.

Il n'y avait nulle trace de l'objet de ma mission ici. Peut-être n'y était-il pas. Possible. Si c'était le cas, eh bien, je me renseignerais et reviendrai une autrefois.

Mon attention fut alors attirée par un tableau de score. Les mains dans les poches, je m'approchai. Tout en haut, le nom d'Howard Rose était affiché. Nouveau rictus. Alors, comme ça, cette crapule savait se battre ? Enfin, « se battre », un bien grand mot quand on voyait le niveau des combattants.

Cela me démangeait de leur faire une petite démonstration.

Alors, je me dirigeai vers la table des inscriptions. Il y avait apparemment un peu d'attente, mais j'avais tout mon temps. Et puis, malgré le manque de technique, je pouvais toujours observer comment se déroulait un combat.

L'inscription faite, je m'adossai à un mur attendant mon heure, tout en écoutant la conversation de mes voisins. Avec un peu de chance, des informations intéressantes en ressortiraient. Mais, je fus vite déçu lorsqu'il parlèrent des Lucheses et d'une nouvelle fille qu'ils auraient récemment engagée. À part que c'était une blonde bien foutue et peu commode, je n'appris pas grand-chose.

En attendant, j'échauffais tranquillement mes poignets et mon cou, mon regard rivé sur la cage d'acier.

First Contact

Jacob Freeman

J’avais l’impression que chaque cigarette que je fumais était autant de temps que je grillais sans Scarlet. J’avais bien été voir l’ange Sandy la nuit précédente afin d’essayer de prouver à Scarlet ce que j’étais prêt à faire pour elle. Même aller jusqu’à faire le premier pas d’une réconciliation entre elle et un foutu putain d’agent du SPN. Si ce n’était pas de l’amour, ça ! Alors ça ne pouvait être que de la stupidité !

Et comme la frontière entre les deux me semblait extrêmement mince…

Et bien j’attendais toujours que Scarlet vienne me dire ce qu’il en était : preuve d’amour ou d’imbécillité ? Mais j’imaginais bien que tout ça ne pouvait pas se faire en 24 heures. Alors j’attendais, tout simplement. Je ruminais, pensant à d’autres plans qui pourraient me la ramener. Ou juste faire en sorte qu’elle m’accorde un signe ! Un seul signe ! Juste pour être sûr que tout n’était pas fini entre nous.

Du coup, Graydon et Juliana m’avaient emmené avec eux à l’Arena pour que j’arrête de ronchonner, pour que j’arrête de tourner en rond, pour que j’arrête d’être agressif avec tout le monde… Et pour que je me « sociabilise » un peu… Manquait plus que ça. Je ne savais même pas la différence entre se « sociabiliser » et faire de la propagande.

Mais puisque j’étais là et que je maîtrisais la propagande, allons-y gaiement…

Ouais… Non, en fait… Même pour ça, une fois à l’Arena, je n’avais pas vraiment de motivation. Alors je m’étais installé au bar, pour continuer de ruminer en paix, pendant que Juliana et Graydon, eux, inscrits pour les combats, montaient lentement mais sûrement et étaient pratiquement déjà en demi-finale.

S’ils finissaient par arriver en finale l’un contre l’autre, je savais d’avance qui allait gagner, mais je n’avais même pas pensé à parier (pas de motivation pour ça non plus), ce qui était un peu con. Parce qu’aucun doute que Graydon ne ferait pas le poids contre Juliana. Pourquoi ? Parce que le loup-garou allait très probablement retenir ses coups contre elle. Alors qu’à l’inverse, meilleurs amis ou non, la jeune elfe ne lui ferait pas de cadeau.

Bref… Tout ça pour dire que d’autres concurrents étaient en train de se mettre sur la gueule dans la cage comme des bourrins… Et qu’autour de moi, il y avait juste un type appuyé contre le mur, debout, comme s’il avait pas le droit de s’asseoir, les yeux rivés sur le combat plutôt merdique qui s’y déroulaient (ouais, même moi qui m’étais fait dégommé par Rose, j’avais l’impression de m’être quand même battu un peu mieux que ça. Puis à un tabouret de moi, au bar, deux surnaturels chuchotaient à propos des Lucchese et de l’humaine qu’ils avaient engagée… Blonde, bien foutu et pas commode.

La dénommée Thunder, sans aucun doute.

Et, écrasant ma clope dans le cendrier, je ne pus m’empêcher de m’incruster dans la conversation de ces deux-là.

-« Peu commode » est un putain d’euphémisme.

Je m’installai plus près d’eux, sur le tabouret qui, jusque-là, distinguait bien que je ne faisais pas partie de leur petite bande à la base. Non, je me tapais juste l’incruste. Ce qui me valut un regard en biais de la part des deux surnaturels.  

-Cette gonzesse est une chasseuse. Elle tient les Lucchese par les couilles. Elle éloigne les autres chasseurs, mais a le droit de virer les chieurs et les trouble-fête… Mais si votre tête est mise à prix par ceux pour qui elle bosse, je serais vous, je traînerais pas ici.

L’un d’eux me regarda de haut en bas.

-Bah alors, tu ferais mieux de filer, mec… Parce que si ton histoire est vraie, je vais te livrer sur un plateau à cette gonzesse en échange d’une petite commission… S’ils me payent, je veux même bien te livrer moi-même au putain de SPN.

Je pris le temps de rallumer une clope, acceptant la critique… Acceptant les menaces aussi. Parce que je savais que ces types allaient parler de moi, des « conneries » que je leur avais débitées… Et peut-être que parmi les gens à qui ils relateraient cette histoire, certains ne seraient pas d’accord avec eux.

Une propagande de bouche à oreille peut très bien partir de ce genre de critique qui tenait même plus du « dégage » que de la critique, d’ailleurs.

-Je vous passe l’info. Vous en faites ce que vous voulez. La gonzesse est pas prête de revenir, t’façon. Bonne soirée.

Je me levai tout en crachant la fumée de ma cigarette, à la recherche d’autres personnes à convaincre, d’autres conversations intéressantes dans lesquelles semer les graines de la révolution. Mais je devais admettre quand même que les temps étaient mauvais.

Ou alors, c’était juste psychologique, cette impression… Juste parce que Scarlet n’était plus là.

Je passai devant l’homme tiré à quatre épingles dans son costume trois pièces, appuyé contre le mur. Je le regardai penchai la tête et souris.

-Tu t’entraîne pour un casting ? Ils ont besoin d’un beau ténébreux aux yeux bridés dans un film ou quoi ?

Ouais parce qu’il n’y avait rien de plus théâtral que son non verbal à l’instant. Le type qui est là et qui attend que le scénario lui tombe dessus, et avec des vêtements pas du tout adaptés à l’endroit, juste histoire qu’on puisse pas le rater.

Je secouai la tête, moqueur et écartai les bras.

-Le voilà, ton scénario. Je m’appelle Bobby. Et toi ?

First Contact

ft  Bobby Sands

Je patientais tranquillement, le regard fixé sur l'arène, tout en écoutant une conversation voisine. Il n'y avait rien de très captivant, tant au niveau des combats que l'échange entre les deux hommes non loin de moi. Et si le sujet ne me parut pas des plus pertinents, un troisième luron ne sembla pas du même avis en se joignant à la conversation afin de donner sa version.

Immobile, je me fis plus attentif. Bientôt, un tabouret racla le sol. Apparemment, le nouvel arrivant avait des choses à dire sur cette « blonde bien foutue et peu commode ». Le simple ton de sa voix suffisait à comprendre le mépris qu'il éprouvait pour cette dernière. Et d'après lui, la jolie blonde avait un moyen de pression sur la famille Luchese, en plus d'être une espèce de mercenaire de surnaturels. En conclusion : une ennemie.

Malheureusement, le langage rude de l'inopportun ne parut pas convaincre les deux autres interlocuteurs. En revanche, la suite fut un peu plus intéressante.

Si son histoire était vraie ?

Je me retins de tourner la tête pour dévisager les trois types. L'homme avait, visiblement, une sacrée réputation. Et la menace de le balancer au SPN le laissa de marbre. L'Arèna était composée d'un véritable ramassis de surnaturels hypocrites. Un lieu pourri pour des gens pourris. Rien de vraiment surprenant.

Autant dire que ma place n'était pas ici. Malgré tout, Alvin avait tenu à ce que je mène cette mission, arguant qu'elle était bien trop importante pour être confiée à n'importe qui. Ça ne m'enchantait guère, mais j'étais là. Parce que les ordres étaient les ordres.

Du coin de l’œil, l'un des surnaturels s'approcha. La fumée de cigarette me chatouilla le nez, et bientôt, un homme se plaça juste en face de moi, un sourire narquois plaqué aux lèvres. J'ignorai la pique, mon regard se plantant dans celui du fumeur. Aussitôt, je le reconnus.

Bobby Sands.

Je n'avais pas besoin qu'il se présente pour le savoir. Après tout, n'était-il pas l'objet de ma présence ici ?

Et de ce que je pouvais constater, l'homme aimait les manières théâtrales. Oui, enfin, rien d'étonnant lorsqu'on savait où il se terrait. Faire des grands gestes, déclamer des paroles provocatrices. Un fin diplomate, pour sûr. Mais contrairement à lui,  je détestais devoir communiquer par geste, alors je me concentrais pour lui parler directement dans sa tête. C'était beaucoup plus simple.

*Jacob.

Puis, d'un geste de la tête, je désignai le ring.

*Je viens pour me défouler, mais je ne suis pas sûr d'être au bon endroit pour cela. Et toi ? Tu viens te battre ou parier ?

Ou bien, recruter des surnaturels ? Si c'était le cas, l'Irlandais s'y prenait plutôt mal au vu de ses performances. Encore que sa réputation devait, assurément, attirer plus d'un curieux. Mais j'étais nouveau, non ? Alors, autant faire l'ignorant. Je pouvais être un bon public quand je le voulais. À défaut d'être le personnage d'un film.

First Contact

Jacob Freeman

Je m’étais approché du type immobile et qui détonait complètement dans le décor de l’Arena. Qui sait. Peut-être trouverais-je en lui une oreille attentive et/ou intéressée. Ou simplement quelqu’un pour passer le temps. C’était pour ça que Graydon et Juliana m’avaient emmené ici, après tout, non ? Ouais viens, Bobby, on va se marrer.

Ouais… Ils allaient s’amuser. Graydon et elles allaient se battre peut-être même l’un contre l’autre en final du tournoi de ce soir. Et en cas de défaite comme en cas de victoire, ils allaient se saouler la gueule. Sauf que moi, je n’arrivais plus à boire autre chose que du sang, le reste me répugnait, et ici, le sang était en poche et donc dégueulasse aussi. Là-dessus, j’étais d’accord avec Rose.

Et puis l’homme m’intriguait, rien que par sa posture. Gens je me la joue discret mais je veux qu’on me regarde. Et c’était le genre que je n’aimais pas. Moi, j’étais là, je voulais qu’on m’écoute et je le revendiquais. Je ne jouais pas les ténébreux mystérieux.

Non. Les faits sont là, platement. Nous sommes en guerre. Et il est temps de se réveiller. Point.

L’homme-mystère se présenta donc, mais directement dans ma tête. Je souris en coin pas moqueur, mais plus intrigué et intéressé encore. Merde.

Si j’avais eu mon casque, il aurait été bien emmerdé. Et moi aussi, d’ailleurs.

-Tu es télépathe…

Les télépathes me fascinaient. Si ça se trouvait, alors qu’il se présentait à moi sous le nom de Jacob, il savait déjà tout sur moi, en un clin d’œil, en un quart de secondes… Qui j’étais. Où j’allais. Ce que je voulais. Ce que j’avais vécu. Qui je fréquentais. Qui j’aimais ?

Peut-être même que Jacob en savais plus sur moi que moi-même. Peut-être qu’il pouvait fouiller dans mon inconscient. C’était à voir.

Y avait-il encore une conversation à avoir ? J’avais rencontré David Edwards il y avait peu de temps de ça. Et ça m’avait laissé tout retourné, surtout qu’en plus, c’était depuis ce soir-là que je n’avais plus revu ma fiancée.

Pourtant, s’il savait tout ça, ce Jacob ne le montra pas. Ou alors, je surestimais largement son pouvoir. Il me désigna le ring d’un signe de tête mais je gardai les yeux rivés sur lui, ma cigarette luisant dans la pénombre de l’Arena alors que je tirais dessus, l’écoutant m’expliquer qu’il était là pour se défouler et qu’il n’était pas sûr d’être au bon endroit pour ça.

Je haussai les sourcils.

-Mieux que ça, je ne sais pas où tu vas trouver… C’est le seul endroit que je connaisse où on peut se mettre sur la gueule entre surnaturels…

S’il me parlait en pensée, je ne faisais pas de même, parlant tout haut, ce qui pouvait sembler perturbant vu de l’extérieur. Jacob se demandait si j’étais là pour me battre ou parier.

-Ni l’un ni l’autre. Le peu d’argent que mes amis et moi arrivont à glaner, nous ne le gaspillons pas au jeu… Sauf si…

Je lui désignai le tableau du tournois actuel.

-Sauf si les noms Graydon et Juliana se retrouve en finale. Là, peut-être que je miserai.

Sur Juliana. Pas par délit d’initié, pas parce que c’était prévu que Graydon laisse gagner la jeune elfe… Mais parce que je les connaissais bien. Bon, d’accord, c’est un peu du délit d’initié quand même.

Je ne lui dis pas sur qui pour ne pas faire descendre la cote… Mais face à un télépathe, je ne savais pas si c’était vraiment nécessaire de faire attention à ce genre de détails.

Je secouai la tête.

-Mais uniquement dans ce cas-là et je ne combattrai pas pour le fun… Parce que j’ai fait une promesse à quelqu’un.

A Scarlet… J’avais promis à Scarlet que je ferais attention à ne pas me mettre en danger pour rien. Je laissai tomber mon mégot à terre.

-Et toi qui dit ne pas être au bon endroit… Pourquoi tu restes là, alors, si tu trouves l’endroit si ennuyeux ? Pourquoi ne vas-tu pas t’amuser dans le « Plan Astral », il parait que vous, les télépathe, y avez une plaine de jeu rien qu’à vous…

First Contact

ft  Bobby Sands

C'était affligeant le nombre de personnes qui se sentait obligé d'énoncer tout haut un fait évident. Et Bobby Sands était de ce nombre. Parler pour ne rien dire, si ça, ce n'était pas paradoxal quand on se referait à la biographie du vampire en question.

Je ne fis aucune remarque face à son affirmation.

En revanche, ce qui m’intéressait, c'était ce qu'il faisait, lui, ici. J'avais déjà une petite idée en tête, mais il était préférable de jouer celui qui n'en avait pas la moindre idée. Et puis, étant donné que j'étais une nouvelle tête, cela ne serait pas surprenant. C'était ce que mon costume criait au milieu de cette masse désordonnée. Un point rouge au milieu d'une mer noire. Difficile de m'ignorer et c'était bien là l'objectif. Objectif amplement atteint.

J'expliquai alors à Bobby que j'étais venu pour me battre. Enfin, on ne pouvait pas dire que l'Aréna offrait un spectacle très reluisant quand on observait le niveau des « combattants ». Mais d'après le vampire, il n'y avait pas d'autres endroits pour se défouler comme ici.

Je fis la moue, histoire de marquer une expression sur mes traits.

*Ne manque plus qu'à espérer que les participants ne soient pas tous du même acabit que ceux sur le ring en ce moment...

Sinon, ça allait être d'un ennui. Quoique la foule toujours criarde ne semblât pas de cet avis. S'ils n'avaient besoin que de ça pour les distraire, pas étonnant qu'Howard Rose soit à la tête du tableau.

Mais Bobby n'était là ni pour se battre, ni pour parier. Je haussai un sourcil. Graydon et Juliana ? Je gardais en tête ces deux prénoms. Cela pouvait être une information intéressante. Surtout s'ils faisaient, eux aussi, partis de la Confrérie. Du reste, le vampire ne se battait pas à cause d'une promesse.

*Qu'est-ce que tu fais là alors ? Tu es venu soutenir tes potes ?

Le type écrasa sa cigarette par terre. Bien sûr, il me renvoya ma question, toujours avec ce même ton moqueur.

*Le plan Astral, mais oui, où avais-je la tête ?

Un sourire narquois fendit mes lèvres. Peut-être que je devrais fouiller dans la sienne ? Ça serait bien moins compliqué que de discuter avec un type qui ne savait pas vraiment de quoi il parlait.

*Même si je me suis déjà fait une idée sur l'arène, je me dis qu'il y a peut-être quelques adversaires qui valent le coup de rester. Et d'après ce que tu viens de me dire, j'en déduis que Graydon et Juliana ne doivent pas être mauvais.

Avec un peu de chance, je pourrai véritablement me défouler. Les mains dans les poches, mon regard dévia alors vers le ring. Le match allait bientôt se terminer, et alors, ça serait à mon tour de rentrer dans la cage.

Je revins vers mon interlocuteur.

*Tu viens souvent ici ? Les gens n'ont pas l'air de t'apprécier d'après ce que j'ai pu entendre tout à l'heure.

Ouai, parce que balancer un surnaturel au SPN, le gars devait vraiment l'avoir mauvaise, même s'il pensait gagner une belle récompense. Il fallait vraiment être stupide pour y songer.

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Jacob Freeman

L’homme que je venais de rencontrer, et qui me parlait directement dans ma tête sans jamais ouvrir les lèvres, était là pour se battre. Ok, j’estimais qu’il devait être au bon endroit alors. Mais il n’était pas de cet avis, trouvant le niveau des deux combattants actuels dans l’arène plutôt minable. Je haussai les épaules…

-Si t’es pas content, t’as qu’à aller voir ailleurs… Dans n’importe quel bar et provoquer une bagarre…

Y avait rien de plus facile que ça. S’il était en manque d’adrénaline. Mais rester là à ronchonner allait pas aider son affaire, à ce type. Nan nan nan… Il y avait un truc pas clair ! Ce gars-là n’était pas planté ici au milieu du décor, dans une tenue aussi clinquante que s’il était un putain de sapin de noël, juste pour la frime.

Alors quand il me demanda pourquoi j’étais là, si c’était juste pour soutenir mes potes, je lui répondis du tac au tac.

-Ouais…

Je soufflai une bouffée de fumée par mes narines.

-Et je suis là aussi pour la même raison que toi : je veux être vu. C’est tout.

Rappeler que j’existais. Que ça se sache dans le monde des surnaturels que je trainais dans le coin de temps en temps. Qu’on puisse venir me trouver ici. Cela me permettait de créer des contacts sans mettre à jour le théâtre d’entrée de jeu.

Je jetai mon mégot à terre en l’écrasant du bout de ma chaussure, et en lui parlant du Plan Astral. Il parait que les télépathes s’y amusaient pas trop mal, et se faisaient des petits combats là-dedans. Et sur le tableau du Plan Astral, Howard Rose ne figurait pas en tête de liste.

Mais apparemment, soit il n’avait aucune idée de ce qu’était le Plan Astral, soit il… je ne savais pas… Peut-être que David Edwards lui avait aussi mis une dérouillée là-bas et que ça ne le bottait plus trop d’aller se battre là-bas.

Mais non, il n’avait pas perdu tout espoir dans l’Arena apparemment. Et il mentionna alors Graydon et Juliana. Je rallumai une cigarette avant de répondre.

-Ils sont très bons et ont de l’entraînement. Venir se défouler ici est une autre forme d’entraînement… En vue d’une guerre qui elle, n’a rien d’un jeu.

Je soufflai une bonne bouffée de fumée par mes narines.

-Une guerre qui a déjà commencé.

Mais c’était surtout sur moi que ce type était centré. Et je n’allais pas nier que ça me faisait plaisir.

-Ouais, je viens assez souvent.

Mais jamais les mêmes jours, jamais les mêmes heures. Une fois, je me fais prendre en embuscade, pas deux.

-Et je me fous que les gens m’apprécient ou pas. Les critiques, c’est de la pub aussi. Je suis là pour qu’on parle de la Confrérie, que ce soit en bien ou en mal. Parce que ça atteindra toujours les oreilles de ceux que nous pourrions aider, protéger ou entraîner, selon ce qu’ils cherchent.

Et plus ça fait polémique, plus ça fait de la pub.

A mon tour de poser une question maintenant.

-Tu sais que tu peux me parler tout haut ?

Je fis un geste du doigt pour désigner mon oreille droite.

-J’ai le sens accrus. Même avec la musique je sais t’entendre si tu parles normalement…

Je fis la moue…

-Ou tu préfères rester dans ma tête ? Ne t’aventure pas trop loin alors. Le dernier télépathe qui a fait ça a eu l’air de prendre un bad trip.

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ft  Bobby Sands

Provoquer une bagarre ? Non, assurément, ce n'était pas mon genre. Enfin, à quoi pouvais-je m'attendre de la part d'un Irlandais ? Se battre dans un bar devait être monnaie courante pour lui, ou en tout cas, à une époque.

*me défouler sur des gens bourrés a encore moins d'intérêt...

Si je devais massacrer un adversaire, je souhaitais qu'il ait suffisamment d'esprit pour comprendre ce qui allait lui arriver. Encore qu'il m'était déjà arrivé de m'en prendre à des personnes qui avaient perdu toute lucidité, mais cela avait toujours été dans le cadre de l'organisation. Ce n'était donc pas un loisir, ni un plaisir d'ailleurs. Juste des missions. Quoique, exception faite pour Howard Rose, il était toujours agréable de voir sa tête de misérable se tordre de douleur.

Bref, j'étais là pour me battre, enfin, c'était ce que je racontais. Mais Bobby, lui, n'était pas venu pour cette raison. En fait, il était là pour soutenir des amis qui participaient au tournoi. Mouai, quelque chose me disait que ce n'était pas ça. On ne soutenait pas ses potes en allant au bar pour cracher sur une fille auprès d'inconnus. Ou alors, il avait une drôle de définition des mots « amis » et « soutenir ».

Mais il m'avoua aussi être ici pour qu'on le voie. Tout comme moi. Sa réflexion m'amusa. Le vampire n'était pas complètement idiot, à défaut d'être impulsif. Et d'avoir d'étranges idées comme le plan Astral dont il fit référence. Peut-être parlait-il des réalités virtuelles que pouvaient se créer certains télépathes. Ce n'était pas mon cas. Il fallait une capacité hors du commun, en plus d'un esprit suffisamment stable pour ne pas se perdre entre le réel et le non-réel. Alors, pour son plan Astral, je passai mon tour.

Et puis, après ce qui m'avait déclaré, peut-être que les combats ne seraient pas tous aussi ennuyeux grâce à ses deux amis. Le surnaturel me le confirma, sa cigarette pratiquement rongée par ses aspirations. Pour eux, l'Arèna était une sorte d'entraînement en vue d'une guerre.

Enfin, on y venait. Je haussai les sourcils comme surpris.

*Une guerre ? Carrément. Enfin, contre le SPN, tu veux dire ? Si c'est le cas, trois surnaturels ne suffiront pas, il te faudrait une armée. Ces salauds sont nombreux, en plus d'être sacrément armés.

Ce n'était pas peu dire. Surtout quand leur fournisseur n'était autre que Stark Tech.

Cependant, je savais déjà que Bobby avait d'autres ambitions, comme, par exemple, révéler notre existence au reste du monde.

Je lui fis alors remarquer qu'il n'était pas très apprécié dans les parages. Si c'était sa façon de recruter, il s'y prenait bien mal. Même en venant souvent, l'effet d'exposition ne serait pas très efficace. Ou bien, il s'en foutait et voulait juste qu'on parle de lui...

C'était le cas. D'après lui, la publicité restait de la publicité.

Enfin, ce fut surtout le mot « Confrérie » qui attira mon attention. Je penchai la tête d'un côté comme pour l'évaluer.

*Je vois, c'est pour ça que tu es venu me parler. Une guerre, ce n'est pas rien. J'ai connu ça à une époque, et on ne peut pas dire que ce soit très joli, crois-moi. Il est préférable d'y réfléchir à deux fois avant de s'y engager.

Des guerres, oui, j'en avais vu, j'y avais même participé. C'était sale et misérable. Et il fallait être naïf pour croire qu'il y avait un gentil et un méchant. La guerre, ce n'était pas un beau combat épique. Il n'y avait pas de gloire, ni de victoire scintillante, juste les avatars qu'étaient Famine, Peste et Mort. Pas besoin de l'apocalypse pour les connaître. San Francisco me l'avait bien fait comprendre.

C'était se mentir à soi-même que de penser pouvoir protéger et aider en déclarant une guerre ouvertement. Cependant, à cet instant, il était préférable de garder mon opinion pour moi.

Toutefois, mon silence constant finit par le rendre curieux. Ou dubitatif. Toujours est-il qu'il précisa pouvoir m'entendre, même avec la musique. Ses sens sur-développés lui donnaient une bonne acuité.

Je secouai légèrement la tête.

*Je suis muet.

Au même moment, le type qui s'occupait des inscriptions me fit signe à quelques mètres de là. Je souris. C'était mon tour. Je m'arrachai alors de mon mur pour me diriger vers la cage. Mais avant, je lançai une dernière pensée.

*Je serais ravi d'en entendre davantage sur cette Confrérie, même si je ne suis pas sûr d'adhérer à cette « guerre ».

Sur ce, je me creusai un passage à travers la foule excitée. Et ce fut sous les hurlements et les crissements métalliques que j'entrai dans la cage. À l'intérieur, mon adversaire m'attendait déjà. Un certain « Colossus » d'après l'animateur. Pourtant, l'homme en face de moi n'avait rien d'un géant. Certes, il était plus grand que moi, mais il ne dépassait pas non plus les deux mètres. Bien sûr, on en rajouta une couche, louant ses fabuleux exploits dont sa victoire écrasante face à un soi-disant golem.

De quoi échauffer la foule et les paris en somme.

Lorsque ce fut mon tour, en revanche, le présentateur n'avait pas grand-chose à déclarer, si ce n'était mon prénom. De fait, mon arrivée ne provoqua pas autant d’excitation que celle du « Colossus ».

J'ignorai cet état de fait pour me défaire de ma veste, tranquillement. Le géant qui n'était pas un géant me fixait du regard, attendant tout comme moi le signal. Il était fébrile. Je pouvais voir le muscle de sa joue gauche tressauter tandis que ces pieds ne semblaient pas vouloir s'ancrer au sol. Un mouvement incessant de va-et-vient. Une perte d'énergie.

Debout, les jambes légèrement fléchies, je restais immobile. Mon esprit gomma bientôt les bruits ambiants autour de moi afin de me concentrer.

Nous nous jaugeâmes comme deux lions en cage.

Le signal retentit.

Aussitôt, mon adversaire s'esquinta les poumons pour se jeter sur moi. L'attaque était bien trop prévisible et je n'eus qu'à me décaler d'un pas pour l'esquiver. Son flanc se retrouva alors sans défense. Je souris. Ma main vint alors frapper à cet endroit. Un coup simple et sans fioritures. Mais quelque chose clochait, la peau de ce dernier était anormalement dure.

Je reculai. Le Colossus grogna, frustré, mais pas de douleur.

- Je vais t'écraser, sale morveux !

Je haussai les épaules pour, finalement, le provoquer avec un sourire moqueur. Ce dernier n'en demanda pas plus pour foncer de nouveau dans le tas. Excepté que cette fois, il fit attention à ne pas exposer ses côtes. Oui, mais baissant les bras ainsi, c'était sa tête qui se retrouvait sans protection. Il me suffit d'un pas sur le côté. Ma main partit brusquement à la rencontre de son faciès. Je profitai aussitôt de son léger déséquilibre pour balayer ses jambes.

Le sol trembla sous son poids. En revanche, son visage était toujours intact.

Okay, la force brute n'était peut-être pas la solution. Sa peau était bien trop dure. Cependant, je ne le laissai pas se relever, poignardant à plusieurs reprises son cou de mon pied. Si ça ne le blessa nullement, néanmoins, cela le surpris suffisamment pour me laisser le temps de plaquer mes deux mains sur son visage.

L’électricité se propagea. Une odeur de brûlée flotta bientôt dans l'air. Mon adversaire cria une dernière fois avant de tomber une bonne fois pour tout inconscient. C'était terminé. L'animateur laissa, cependant, quelques secondes pour laisser une chance au Colossus de se relever, mais il n'en fit rien.

Je me redressai. Cela n'avait duré que vingt secondes. Je n'étais même pas essoufflé. Quoique cela ne plût guère au public. Ouai, on ne pouvait pas dire qu'il y avait eu beaucoup de résistance.

L'animateur acclama tout de même ma victoire. J'étais devenu « Jacob, le foudroyeur ».

Tu parles d'un nom de scène.

Je récupérai ma veste et descendis de la cage pour laisser la place aux autres participants. Je me dirigeai alors vers mon coin de mur. Peut-être que Bobby y était toujours.

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Jacob Freeman

J’annonçai à mon étrange interlocuteur que ces combats dans l’arène, pour nous, n’étaient que des entraînements un peu plus poussés que ceux qu’on se permettait au théâtre dans lequel nous vivions. En effet, on en faisait un maximum pour ne pas nous blesser les uns les autres. Bien que personnellement, et même si Scarlet n’aimait pas ça, je disais toujours aux autres de ne pas se retenir avec moi.  

Et si l’homme avait semblé perplexe, il avait certainement déjà entendu parler de nous, de la Confrérie ou tout du moins, d’un conflit avec le SPN puisqu’il me demanda ce qu’il en était tout en disant qu’à trois, on irait pas bien loin.

-Tu n’as pas idée de ce qu’on peut faire, à trois et avec de l’imagination… Je ne veux pas monter une armée. Je veux créer un refuge, mais ceux qui voudront se battre à mes côtés seront les bienvenus.  

Combien avait-il fallu d’hommes, pour faire tomber les deux tours fièrement érigées au milieu de New-York il y avait 18 ans de ça ?

Ouais, parce que si ce type s’imaginait deux armées se rentrant dedans au milieu d’un immense champ de vide, il se tromperait. La guerre, elle avait déjà commencé, dans l’ombre et elle avait commencé, pour moi, le 20 décembre 1989 quand j’avais écrasé le crâne d’Edwin Stark dans ma main et tué sa femme que je croyais être son acolyte. Pour d’autres de nos semblables, cela faisait des siècles qu’elle durait.

J’étais seul alors, nous étions déjà beaucoup plus aujourd’hui à faire partie de la Confrérie. Et le genre de guerre que je voulais mener, c’était une guerre civile semblable à celle que j’avais connue au sein de l’IRA. Mais je ne devais pas oublier Légion et sa prophétie, non plus. Et ça, c’était encore un autre type de guerre. Et je voulais en être aussi.

Il ajouta qu’une guerre ce n’était pas rien, pour l’avoir vécu à une époque. Qu’il valait mieux y réfléchir à deux fois.

-La guerre a déjà commencé. Elle a commencé avant même ma naissance, avant même la tienne. Et, entre nous, ne pense pas que tu sois le seul à avoir vécu une guerre. Je me suis battu pour mes droits avant de connaître l’existence même du surnaturel. Je sais à quoi ressemble une guerre.

Et je sais comment la faire.

Ça, je sais comment le faire. Je sais bien le faire. Mieux que je n’arrive à aimer Scarlet, apparemment.

Je ricanai.

-Et je suis venu te parler parce que tu portais quasiment un écriteau autour du coup avec marqué dessus « Parlez-moi ». Rien de plus. Mais comme je t’ai dit… Toute publicité, bonne ou mauvaise, est bonne à prendre.

Mais j’en vins tout de même à me demander pourquoi l’homme s’obstinait à me parler par télépathie alors qu’il semblait avoir une bouche, comme tout le monde. Et il me servit la réponse la plus évidente du monde.

-Ah ouais… Ok…

Je balançai ma clope au sol et l’écrasai du pied.

On appela ce type, Jacob qu’il s’appelait. Parce que c’était son heure d’aller combattre. Moi, j’allumai une nouvelle clope. Il voulait en entendre plus sur la Confrérie, mais n’était pas sûr d’adhérer à la guerre que nous menions. Je haussai les épaules.

-Je serai toujours là après ton combat, si tu veux en savoir plus. Et je ne demande à personne d’adhérer.

Je veux juste qu’on me laisse faire.

Le combat se passa plutôt vite, le pouvoir de notre ami Jacob étant apparemment de pouvoir foudroyer ses adversaires. Ou plutôt, de leur envoyer des décharges électriques. Intéressants, comme pouvoir. Et il semblait plutôt doué en combat…

Quand il revint, je le gratifiai d’un :

-Bien joué…

Une nouvelle clope au bec.

-T’as appris où à te battre comme ça ? Et pourquoi ?

First Contact

ft  Bobby Sands

Bien sûr que le nombre n'allait pas faire reculer un ancien terroriste de l'IRA face au SPN. J'aurais dû m'en douter. Et trois surnaturels, en effet, ça pouvait faire quelques dégâts. Pas besoin de beaucoup d'imagination pour cela. Mais lorsqu'on affrontait une armée en face, il ne fallait pas s'attendre à gagner sur tous les fronts. Ou même la guerre. En fait, surtout la guerre.

Toutefois, le vampire me certifia vouloir en priorité proposer un refuge pour les surnaturels. Du reste, ceux qui désiraient rejoindre son combat étaient les bienvenus. Et ces derniers n'étaient pas encore très nombreux. Une dizaine, tout au plus, d'après les dires d'Howard. Ce n'était rien. Mais à entendre mon interlocuteur, c'était tout.

Était-ce l'IRA qui l'avait rendu fou ? Ou bien étaient-ce les cigarettes qui avaient fini par griller son cerveau ? Qu'on parlât en bien ou en mal de lui et de sa Confrérie, il s'en fichait, tout ce qui lui importait, c'était qu'on en parlât afin de propager ses opinions, de parler de cette guerre qui avait soi-disant déjà commencé.

Quant à ma réflexion, il la balaya, argumentant que le conflit avait commencé bien avant notre existence. Mes sourcils se froncèrent. Parlait-il de guerre ou d'injustice ? Parce qu'en suivant le fils de ses pensées, ce n'était pas le SPN le problème, puisque, après tout, ce n'était qu'une organisation plutôt récente. Alors quoi ? Qui était l'ennemi?

*Et de quelle guerre parles-tu précisément ? Quel adversaire ? Je n'ai nullement la prétention d'être le seul à avoir vécu la guerre, en revanche, il me paraît évident que « refuge » ne rime pas avec « conflit ».

Pour l'instant, son discours manquait de précision.

Ce fut alors à mon tour de hausser des épaules lorsqu'il mentionna l' « écriteau » que je portais autour du cou. Il pouvait bien ricaner, je n'allais pas réfuter cet état de fait. C'était toujours mieux que d'aborder les gens par télépathie, ça ne les mettait généralement pas dans de bonnes dispositions pour continuer une discussion avec moi. Ce que Bobby dut comprendre quand je lui déclarai, tout de go, être muet.

Cependant, le combat dans la cage m'appelait. Et tandis que je me dirigeai vers l'arène, le vampire m'assura qu'il m'attendrait toujours à la même place. J'opinai du chef.

Autant dire que le duel fut éphémère. Le Colossus n'avait d'impressionnant que son nom. Quelques secondes, et l'histoire était déjà réglée. Une véritable déception. Même le public ne se gêna pas pour exprimer sa propre contrariété en huant et insultant.

Ainsi, je délaissai le ring pour rejoindre le vampire. Il était curieux de savoir où est-ce que j'avais appris à me battre.

*Dans les rues de San Francisco.

Les mains dans les poches, je m'adossai à nouveau au mur. Habillé comme je l'étais, cela pouvait paraître surprenant, mais c'était vrai. J'avais connu la pauvreté, la faim, et le sentiment d'être un moins-que-rien. Et me battre avait aussi été le seul moyen de m'exprimer.

*Quand j'étais gamin, j'étais incapable de parler avec les autres gosses, alors, je compensais, je suppose, avec les poings. Et il s'est trouvé que j'étais bon à ça.

À cette époque, je n'étais qu'un Chinois de plus venant envahir l'Amérique. Un Chinetoque, handicapé, de surcroît. J'avais eu beaucoup de chance d'avoir croisé la route d'Alvin. Sans cela, j'aurais très certainement continué à vivre une vie misérable.

*Mais dis-moi, qu'est-ce que tu as fait pour que le gars de tout à l'heure aille jusqu'à déclarer vouloir te balancer au SPN ? Tu t'en es pris à un gros bonnet, c'est ça ?

First Contact

Jacob Freeman

L’homme voulait que je lui dise de quelle guerre je parlais précisément. Etais-je donc le seul à être aveugle, ou le seul à ne pas fermer les yeux sur comment les choses fonctionnaient en ce bas-monde ?

Je le regardai, fronçant les sourcils comme s’il niait l’évidence.

-La guerre contre tous ceux qui cherchent à nous exterminer. Que cela porte des noms tels que SPN ou que sais-je encore. Qu’il s’agisse de chasseurs isolés ou de mercenaire à la solde de je-ne-sais-qui ayant une haine suffisamment grande envers nous pour nous voir disparaître, je parle de LA Guerre.

Celle qui a commencé Dieu seul savait quand et qui ne prendrait jamais fin. Sans compter qu’il y avait aussi cette prophétie qui concernait le Bien et le Mal. Mais je n’avais pas encore été rappelé par Légion pour y participer, restant simplement alerte pour y répondre quand le moment serait venu.

Je ricanai.

-Et si tu trouves que « refuge » ne rime pas avec « conflit » tu te fous le doigt dans l’œil jusqu’au trou de balle, mon vieux. Parce qu’il n’y a pas de « réfugiés » et donc de « refuge » sans « conflit ». Il n’y a pas de rime plus riche que celle-là. Si tu as un doute, lis les journaux, l’actualité humaine actuelle. Même entre eux, ils ne peuvent pas se piffer. Et tu y découvriras que le mot « réfugié » n’est jamais très loin de « conflit ».

S’il voulait jouer sur les mots, il était mal tombé.

Mais le meneur des festivités de l’Arena fit appel à lui et il y répondit, gagnant son match sans même s’essouffler. Et nous pûmes reprendre notre conversation là où nous l’avions laissée. Je l’interrogeai donc sur le pourquoi du comment il avait appris à se battre comme il venait d’en faire la démonstration. Il m’apprit donc qu’il avait appris dans les rues de San Francisco… Parce qu’il ne savais pas parler avec les autres, alors, il s’exprimait avec ses poings.

-Ah ouais, je vois.

L’histoire classique pour tout gosse un peu différent. Mais lui s’était trouvé une véritable vocation. Et il aimait ça et en plus, il jugeait les autres nuls… Ouais, jusqu’à ce qu’il tombe sur plus fort que lui.

-Faudra que tu viennes un jour où Rose sera là.

J’avais désigné le tableau des scores d’un signe de tête. Et dans l’arène, les combats reprirent. Quant à nous, nous en revîmes à notre conversation. Et à ses questions… Il se demandait pourquoi le type de tout à l’heure avait menacé de me dénoncer au SPN.

-Parce qu’il a une grande gueule, c’est tout. Personne ne sait où se trouve le QG du SPN et admettons qu’il tombe sur un agent, il pourra bien me dénoncer, mais étant surnaturel lui aussi, il sera le premier de nous deux à finir au SPIN.

Je penchai légèrement la tête, soufflant une bouffée de fumée dans la pénombre de l’Aréna.

-Mais si ton « pourquoi » est plutôt un : « pourquoi ce type en a après toi, Sands ? »… Je te répondrai qu’il fait partie de ceux qui ont peur que combattre pour de vrai, comme le fait la Confrérie, fasse éclater l’anonymat des surnaturels.

Je regardai le muet dans les yeux.

-Il fait partie de ceux qui ont la trouille que leur petit confort soit mis à mal par une guerre ouverte.

Je souris.

-Pourquoi toutes ces questions ? La Confrérie t’intéresse ?

First Contact

ft  Bobby Sands

Ce type tenait vraiment à cette guerre. Et ses ennemis n'étaient pas uniquement le SPN, mais bien toutes personnes ayant un grief envers les surnaturels. Autant dire que sa vision des choses ne laissait aucune place à une potentielle paix à l'horizon. Lui-même devait en avoir conscience, car, c'était un fait, il y aura toujours des gens pour nous haïr à tort ou à raison. La vie n'était pas juste et ça, le vampire avait du mal à l'accepter.

Alors, il pouvait bien ricaner tant qu'il voulait, mais il ne me fera pas croire que guerre et refuge étaient deux termes qui s'alliaient parfaitement. Si le premier provoquait le second, ça ne voulait pas dire que le second appréciait le premier. Que du contraire. Les réfugiés fuyaient la guerre. Et je pouvais bien chercher dans les journaux, comme il disait, ce n'était que du papier avec un peu d'encre. Lui, en revanche, qu'il aille interroger directement des putains de réfugiés afin de comprendre que si ces derniers avaient pu éviter le conflit, ils ne se seraient pas gênés.

Mais soit. Je n'étais pas vraiment là pour débattre. Bobby avait ses convictions. Moi, je devais juste récolter des informations.

Ce ne fut qu'après mon combat dans l'arène, que nous reprîmes la conversation. Bien sûr, il m'avait  demandé où j'avais appris à me battre. Je ne voyais pas de raison de lui mentir sur ce sujet. Un mensonge enrobé de vérité était toujours plus facile à faire avaler. Enfin, pour l'instant, on ne pouvait pas dire que je l'avais tant baratiné.

*Rose ? Ouai, j'ai vu son nom en haut du tableau des scores tout à l'heure, il est si bon que ça ?

Je retins un rictus méprisant. Ce n'était pas aujourd'hui que j'allais me montrer admiratif envers un tel escroc. Mais il était préférable de se montrer intéressé, après tout, j'étais là pour me « défouler ». Donc je jouais l'ignorant quant à l'identité de ce Rose. De toute manière, j'étais nouveau, cela n'étonnerait pas le vampire en face de moi.

*Il vient à des jours précis ?

Ça, ça m'intéressait réellement. Howard Rose n'avait peut-être pas entièrement vu mon visage, mais l'éviter diminuerait les risques qu'il me croise.

Toutefois, j'en revins bien vite au surnaturel de tout à l'heure, celui qui avait menacé Bobby Sands de le dénoncer auprès du SPN.

Le front plissé, je pris un air perplexe à sa réponse, tandis que mon regard le détaillait.

*Sands ? Bobby Sands ?

Je penchai la tête, comme si je comprenais enfin quelque chose sur mon interlocuteur. Je n'en faisais ni trop ni peu pour ne pas le rendre soupçonneux à mon égard.

Finalement, je haussai les épaules.

*Ah, mais je peux comprendre que ce trouillard n'ait pas envie d'une guerre ouverte. Le confort est une chose que peu de gens sont prêts à abandonner, même lorsque la cause est juste. Et on peut dire que dévoiler notre existence au reste du monde ne fera que chambouler la vie de tout le monde. Mais je suppose que tu as dû déjà y réfléchir à cet après. Ça ne fera que grossir les rangs des adversaires, et là, je peux te dire que même avec un peu d'imagination, à trois, vous n'arriverez pas à grand-chose.

Si ce n'était se faire battre à plate couture. Enfin, Bobby Sands devait y croire lui et il n'était pas prêt de changer d'avis. En revanche, il était indubitable qu'il aurait besoin d'une armée s'il voulait mener à bien son projet quoiqu'il en dise.

*Mais ouai, il faut être un sacré con pour balancer un des nôtres auprès du SPN.

Nous étions d'accord sur ce point.

Suite à quoi, Bobby me demanda les raisons qui me poussaient à m’intéresser à la Confrérie. Je lui renvoyai son sourire avant de faire un geste autour de mon cou.

*Parce que j'ai un putain d'écriteau autour du cou qui dit « Parlez-moi ! ».

J'aurais bien ricané.

*Puis tu as commencé à me parler de cette Confrérie et d'une guerre qui englobe les surnaturels, je ne vais pas faire semblant de ne pas me sentir concerné. Surtout quand c'est Bobby Sands qui me le dit. Bref, est-ce que la Confrérie m'intéresse ? Je ne sais pas, pour l'instant, je n'ai pas besoin de refuge.

Ce n'était pas compliqué à deviner avec ma tenue. On ne portait pas de trois pièces lorsqu'on était en cavale. Et puis, si j'avais déclaré le contraire, ce qui aurait été une occasion rêvée pour s'immiscer dans cette communauté, cela aurait pu le rendre plus méfiant.

*Enfin, je t'avoue être curieux sur ce que vous comptez faire, tout comme de voir le niveau de tes deux acolytes au combat.

First Contact

Jacob Freeman

Le muet savait donc se battre. Il trouvait même que les combats ici étaient d’un niveau affligeant. Alors je lui dis qu’il n’avait qu’à venir un jour où Howard Rose serait présent. Parce que Rose était tout en haut du tableau des scores et même celui ou celle qui gagnera le tournoi d’aujourd’hui ne gagnerait pas suffisamment de point pour détrôner le vampire. Alors, Jacob s’intéressa à Rose.

Je soufflai tranquillement une bouffée de fumée, le regard maintenant tourné vers d’Arène. C’était au tour de Juliana de se mesurer à un surnaturel répondant au nom de Narcisse et qui avait un pouvoir assez déroutant d’effet miroir. Si elle gagnait, elle serait la prochaine adversaire de Jacob. Si elle perdait, J’espérais que Graydon gagne son tour et se retrouve en finale contre Jacob. Qu’on lui montre un peu de quel bois on se chauffait.

Tout en regardant, je répondis à mon interlocuteur.

-Ouais… Rose est doué. Il a surtout les pouvoirs les plus vicieux qui soient. Un télépathe doué de télékinésie en plus. Je ne connais qu’un seul type pouvant rivaliser avec lui.

Légion… David… qui lui avait donné une bonne correction dans le plan astral. David, dont j’attendais l’appel pour participer à la guerre que nous mènerons contre les démons. Le plus grand combat qui soit depuis l’Apocalypse elle-même, si j’avais bien compris.

Intéressé, Jacob me demanda s’il venait à des jours précis.

-J’en sais rien, je peux pas le piffer.

Il me demanda ensuite pourquoi le gars de tout à l’heure m’avait menacé de me dénoncer au SPN. Je le lui avais expliqué et il avoua comprendre que tout le monde n’ait pas envie d’une guerre ouverte. Il n’était pas le seul à me tenir ce discours comme quoi cela allait chambouler la vie de tout le monde. Et il répéta qu’à trois, nous n’arriverions pas à grand-chose.

-En étant sceptique, certainement pas. En croyant à ce qu’on fait, par contre, nos chances seront décuplées. Et nous ne sommes pas que trois. Nous sommes seulement trois à avoir voulu sortir un peu.

Je souris.

-Et vu ton costume, je doute que tu fasses partie de ceux qui ont besoin de se battre pour survivre. Ou en tout cas, plus depuis un bon moment. Mais ouais, je sais que si la guerre éclate à un niveau supérieur, parce que la guerre est bel et bien déjà là, cela grossira les rangs de nos adversaires, mais les nôtres aussi. Et alors, à tous ceux qui ne m’ont pas écoutés aujourd’hui, je pourrai dire : je vous l’avait dit.

Je quittai Jacob des yeux.

-De toute façon, ce ne sera pas le seul conflit et peut-être que ce ne sera pas moi qui mettrait à mal votre précieux anonymat. Mais les anges et les démons eux-mêmes. Car ils ont choisi la Terre comme champ de bataille à nouveau.

Mais je me demandai alors pourquoi il s’intéressait tant à la Confrérie et sa réponse me satisfis grandement.

-Ok… Ce qu’on compte faire ? Des attaques ciblées, s’attaquer aux symboles et… Merde !

Pendant que nous parlions, Juliana venait d’être projetée contre la grille de la cage dans laquelle elle se battait. Je me précipitais vers la grille et gueulai :

-Arrêtez le combat !

Je jetai l’éponge pour elle, parce qu’elle n’était plus en état de le faire. J’entrai dans la cage pour aller la récupérer, inconsciente et l’allongeai là aux pieds de Jacob, soulevant ses jambes et lui mettant une bonne claque pour la réveiller… Elle ouvrit les yeux et se réveilla avec un spasme.

-Merde ! Où est-ce que je suis… ?

Je la repoussai en position allongée quand elle essaya de se redresser.

-Tu as perdu. Tu es à terre et on est à l’Arena… je te présente Jacob.

Juliana porta la main à son front.

-Quel combat de merde !

Graydon accourut vers nous pratiquement au même moment que le speaker annonçait la finale : Graydon lui-même contre Jacob.

Je levai les yeux vers les deux adversaires et Graydon qui l’avait tellement mauvaise qu’il n’arrivait qu’à grogner, ses propres griffes blessant les paumes de ses poings serrés.

-Allez-y, je reste avec elle. Jacob, bonne merde. Graydon… défoule-toi.

Spoiler:

First Contact

ft  Bobby Sands

D'après Bobby, seul un certain type pouvait rivaliser avec Rose. C'était faux. Par deux fois, nous avions réussi à maîtriser le vampire et sans aucune difficulté. Sa télékinésie et sa télépathie n'avaient nullement suffi à le protéger. Quoique, ce n'était pas tant ses capacités qui laissaient à désirer, mais plutôt son manque affligeant d'esprit. Mais de ça, je me gardais bien de le dire.

*Et c'est qui ce type ? Je suppose que si Rose est en haut du classement, c'est qu'il ne participe pas aux combats ici.

Cependant, je voulais surtout connaître les nuits où l'escroc venait ici. Ainsi, si je devais venir régulièrement à l'Arena, je ne prendrais pas le risque de le croiser. Mais mon interlocuteur n'en avait pas la moindre idée. Apparemment, il ne pouvait pas l'encadrer. En même temps, qui pouvait supporter ce gars ? Rien que son sourire vous donnait envie de lui faire ravaler ses dents.

Bref, je changeai de sujet pour en revenir au surnaturel qui avait menacé Bobby de le dénoncer au SPN. C'était idiot à l'évidence. Ce qui mena le vampire à m'expliquer son projet de réduire en poussière l’anonymat des surnaturels. Et cette fois, il me révéla son nom en entier. Je fis semblant d'être surpris avant de me reprendre pour lui faire remarquer que sa guerre, à trois, c'était très ambitieux, si ce n'était pas tout simplement suicidaire.

Sa réponse me fit hausser un sourcil. De son avis, j'étais bien trop pessimiste. Mais bien vite, il me déclara qu'ils n'étaient pas que trois. D'autres surnaturels avaient rejoint sa Confrérie. De ça, j'en étais déjà informé. Selon nos informations, ils étaient même une dizaine à se planquer dans un vieux théâtre abandonné. Malgré tout, le nombre restait assez ridicule face aux adversaires qu'il avait choisi d'affronter.

Enfin, « choisi », non, visiblement, ses ennemis avaient toujours existé, tout comme la guerre qu'il avait à cœur de mener. Sa voix ne laissait aucune place aux doutes. Il était convaincu de ce qu'il avançait, et ma foi, je reconnaissais là quelqu'un capable de rallier des troupes. Autant ma première impression de lui n'était pas des plus avenantes, autant là, je pouvais enfin percevoir le leader qu'il était.

« Je vous l'avais dit ».

*Je suppose qu'à ce moment-là, je viendrais très certainement vous rejoindre pour te l'entendre dire.

Je souris. Bien entendu, ce n'était pas du tout le cas. L'Organisation PhéniX ferait en sorte de calmer les ardeurs du terroriste. Mais la Confrérie n'était pas la seule menace d'après lui. Mes sourcils se froncèrent.

*Des anges et des démons ? Ça fait bien longtemps que leur grief existe, pourquoi est-ce que cela serait différent aujourd'hui ? Y a une prophétie avec une date, c'est ça ?

Ces créatures adoraient tout ce qui était prédiction. Ajouter un messie pour délivrer leur message, et c'était encore mieux pour eux. Malheureusement, ce n'était pas mon domaine de prédilection. S'il y avait vraiment un danger à ce niveau-là, Alvin serait plus à même de le savoir.

En attendant, il me fallait creuser.

Bien sûr, il s'interrogea sur mon intérêt envers la Confrérie. Les raisons étaient plutôt simples. Enfin, je lui servis les plus évidentes. Et alors qu'on allait venir à ses plans, il s'interrompit pour s'exclamer avant de se précipiter vers l'arène.

Mes iris se levèrent pour apercevoir une jeune femme mal en point. J'emboîtai alors le pas du vampire qui paraissait concerné par l'état de cette dernière. Il me fallut une demi-seconde pour comprendre que j'avais devant moi la fameuse Juliana. Il était clair que le combat était terminé pour elle. Et Bobby ne se gêna pas pour tout arrêter à sa place afin de la faire sortir.

Une fois hors du ring, je pris un instant pour la détailler. Une couleur de cheveux assez atypique, une peau pâle, elle paraissait plutôt jeune. Il fallut une bonne claque pour l'extirper de son inconscience. Désorientée, celle-ci tenta de se redresser, mais très vite Bobby l'obligea à s'allonger de nouveau.

Je me tenais derrière, à l'écoute. Ce ne fut que lorsqu'on me présenta que je fis un geste de la main dans sa direction.

Ouai, comme elle disait, un combat de merde. Un de plus...

Mais maintenant, c'était de nouveau mon tour de rentrer dans la cage d'acier. J'avais eu le temps d’apercevoir mon futur adversaire du coin de l'oeil : Graydon, l'autre coéquipier de Bobby. Et d'après les griffes qui déchiraient ses paumes et sa carrure, je devinais le loup-garous sous-jacent.

Parfait.

Bientôt, j'abandonnai Bobby et Juliana pour me retrouver au centre de l'attention, le fameux Graydon face à moi. Ma veste retirée, je me positionnai, évaluant mon adversaire d'un regard inquisiteur. Ce dernier ne fit pas l'erreur du Colossus, et resta figé comme moi. La tension était nettement plus palpable. Mon instinct me disait que celui-ci était loin d'être un amateur.

Les présentations faites, le signal de départ fut aussitôt donné.

Il y eut d'abord un grognement. L'homme était massif, et ses respirations rageuses ne faisaient que souligner ce trait.

Était-ce Juliana qui le mettait dans cet état-là ?

Je n’eus pas le temps m'interroger plus en avant que ce dernier, dans un geste impossible à suivre, s'arc-bouta pour mieux me sauter à la gorge. Machinalement, je plongeai au sol pour me relever quelques mètres plus loin. Les griffes réussirent, toutefois, à déchirer le tissu de mon dos. Je serrai les dents.

Le loup avait l'avantage de la vitesse et de la puissance. À moi d'anticiper ses mouvements. Ou de le surprendre. Et les feintes, je connaissais plutôt bien. Les yeux toujours accrochés aux siens pour suivre ses intentions, je m'approchai d'un pas rapide. L’électricité crépita le long de mon bras et mon poing vint se fracasser directement sur le visage de l'ennemi. Ce  dernier encaissa le coup sans broncher. Sans tarder, j'enchaînai, écrasant cette fois son pied à coup de talon. La douleur attira immédiatement ses iris vers le bas.

Erreur.

La paume de ma main cueillit dès lors sa mâchoire. L'os crissa. Néanmoins, je ne vis que trop tard les griffes qui enserrèrent mon autre bras pour me projeter avec force contre la grille. J'accusai le coup. Des sillons de sang vinrent bientôt dégouliner le long de mon bras tandis que je me redressai. Je canalisai la douleur.

Mais pire que ça, ce dernier venait de me déboîter l'épaule ! Et ces satanées griffes étaient une véritable plaie. Je me penchai un peu plus en avant, mon autre main agrippant la grille comme si cette dernière était une bouée de sauvetage. Ma respiration se fit plus profonde, plus saccadée aussi.

En vérité, tout cela n'était qu'un leurre. Je n'étais pas autant blessé.

La seconde suivante, les pas du loup martelèrent le sol, fonçant en ligne droite vers moi, boulet de canon. Encore une fois, ce dernier fit montre d'une vitesse ahurissante. Heureusement, je l'avais vu venir. Je me décalai. Suite à quoi, mon coude se planta dans sa colonne vertébrale. Grognement. La réponse vint aussitôt. Et tout ne fut qu'un jeu d'esquives, de parades, de feintes et d'éclats.

Je le blessais plusieurs fois. Lui aussi.

La minute s'allongea. Aucun de nous ne semblait vouloir abandonner. L'air autour de nous vibrait.

Je souris. Crachai une gerbe de sang.

Voilà un combat bien plus satisfaisant. Les coups se succédèrent. La douleur s'accumulait des deux côtés. Gauche. Droite. Plusieurs fois, je crus mon assaillant tomber. Mollets, plexus solaire, côtes, tempes. Ça craquait. Ça claquait. Ça tirait. Mais le loup se relevait toujours. Toujours plus en rogne.

La fatigue, elle, faisait petit à petit son chemin. Je m’essoufflais. Cinq minutes que nous nous échangions nos violences.

Soudain, les lumières clignotèrent. Ou était-ce dans ma tête ? Je n'en étais pas sûr. Cela me déconcentra.

Un instant. Un simple instant.

Mon crâne valsa en arrière. Douleur vive. Je tentai de m'accrocher à la lumière. En vain.

Merde.

Les ténèbres furent plus lourdes.

First Contact

Jacob Freeman

Jacob demanda à qui je pensais quand je disais qu’il y avait un type qui pouvait vaincre Rose et le faire tomber au classement. Ça l’étonnait qu’il ne vienne pas se battre ici, du coup.

-Cet homme n’est pas taillé pour ce genre de chose.

Il était surtout malade et surprotégé par les siens. De plus, malgré que mon casque ait pu passer à lui seul pour une décélération de guerre, jamais il n’avait à aucun moment fait preuve de violence. L’antithèse du télépathe que j’avais maintenant face à moi… Un télépathe qui semblait ne pas arriver à la cheville de Légion.

Je lui parlai de la Confrérie, de comment nous fonctionnions, de nos principes, de nos combats. Jacob m’écouta attentivement et sans porter de jugement, notant simplement ce que je lui disais. Je n’hésitai pas non plus à dire que j’étais en train de prévenir tout le monde d’une menace que tous voulaient nier. Mais que le jour arriverait où je pourrais leur dire que je les avais prévenus.

Je souris quand Jacob admis que ce jour-là, il nous rejoindrait et accepterais la remarque.

Mais mon combat n’était pas le seul qui existait. Il y en avait un autre qui étonna plus fort mon interlocuteur.

-Ouais, les anges et les démons doivent se mettre sur la gueule depuis des millénaires. Mais maintenant, il y a quelque chose de concret en jeu : deux néphilims, l’un angélique, l’autre démoniaque. Il faut les protéger jusqu’au jour où ils sauront se battre eux-mêmes… Ou qu’on change la donne.

Nous fûmes interrompus par le combat perdu de Juliana. Puis ce fut au tour de Graydon et de Jacob de se battre l’un contre l’autre. Le combat fut plus long, plus technique et très certainement douloureux pour les deux combattants. Au moins Jacob aura-t-il enfin trouvé un adversaire à sa taille ?

Moi, je m’occupais toujours de Juliana, jusqu’à ce qu’elle sache tenir sur ses jambes. Mais même à terre, elle gueulait des encouragements à Graydon. Ces deux-là étaient vraiment comme cul et chemise.

Ce fut Graydon l’heureux vainqueur de cette finale et il s’arrêta une fois que l’autre ait perdu connaissance comme Juliana un peu plus tôt. Le loup garou sortit de la cage je le laissai soutenir Juliana alors que j’allais ramasser ce qui restait de Jacob, le tirant en le traînant hors de la cage.

Quand on fut sur le côté et que plus personne ne fit attention à nous, je lui mis une claque pour le faire revenir à lui. Puis lui dit avec un sourire espiègle :

-Hey… ça va ? Il t’a plu, ce combat ?